Cela faisait maintenant plus de 3 ans que Naisen habitait Kumo. Il y avait pris ses petites habitudes. La vie y était différente que celle qu’il avait à Agamuno. Il se trouvait désormais seul. Il avait bien fait quelques connaissances à Kumo, mais il n’avait pas une personne qui pouvait s’apparenter comme un véritable ami, seulement quelques connaissances. Naisen ne s’en plaignait pas, il préférait rester seul. Il n’était pas vraiment de nature solitaire, mais cela lui suffisait. Il ne voulait pas que quelqu’un tienne à lui ou inversement. Naisen remplissait donc ses journées entre mission et entraînement. Cela lui avait plutôt réussi jusqu’à présent, arrivant à un grade de classe moyenne dans l’armée de Kumo. Il s’y était engagé dans le souhait de protéger le village avant tout. Seulement, il s’était bien rendu compte que le meilleur moyen de protection était de frapper en premier. Une sorte de système de prévention qu’il avait assimilé, bien malgré lui. Cependant, il évitait la vie rituelle du clan, c’était ce qu’il recherchait à sa venue.

Ces derniers jours, le village s’était subitement agité, suite à l’organisation d’un tournoi. D’après ce qu’on lui avait dit il venait de terminer. Le jeune homme en voyant pas un grand intérêt en s’inscrivant, avait préféré partir. Quelques temps avant, on avait donné à son équipe, une mission. Elle n’était pas de la plus haute importance, mais elle permettait de vérifier les talents qui l’avaient permis de passer au grade supérieur. Naisen favorisa donc cette mission en accord avec ses coéquipiers. Peut-être avait il fait une erreur, mais c’était son choix.

Le jeune Chuunin venait donc de rentrer de mission, il y avait un ou deux jours. Après un repos mérité, il allait passer à une nouvelle session d’entraînement et devait d’abord faire une remise en forme. Il savait qu’avant d’espérer protéger quelque chose, il devait se renforcer et se protéger soi-même. Il commença par une mise en forme des muscles, avec une série d’abdos, pompes, et compagnie. Il enchaînait sans pause par une série de katas au sabre de bois. Il appréciait plus particulièrement ce moyen de se battre que le Kyuudo. Kyuudo, un nom qu’il le faisait grimacer, rien qu’en pensant à ses entraînements avec Kanza, bien que le personnage n’était pas en tord de ce dégoût. A chaque tir, il voyait le potentiel de cette arme qu’avait utilisée sa sœur pendant les contrats effectués ensemble. Cela semblait si loin désormais.

Il s’était formé aussi à un autre art, celui du Taijutsu, pour éviter d’être dépendant d’une arme. Naisen termina d’entourer ses poignets de bandages. Le tissu blanc recouvrait dès à présent une partie de ses bras, du coude jusqu’à la base de son pouce, où il venait terminer sa course. Il fit de même autour de ses jambes, à l’aide d’autres bandages partant du milieu du tibia et allait jusqu’au bout ses pieds. Enfin presque, ses orteils étaient laissés libres. Une fois en tenue d’entraînement, le jeune homme mit ses chaussures et alla s’échauffer plus intensément, en commençant une course par petites foulées. Ainsi sa course commença.

Son regard balança des allers retours de droite à gauche. Il n’y avait encore personne. A vrai Naisen se levait avant l’aube pour ses entrainements. Et en sortant de chez lui, le disque d’or était encore en parti caché par les sommets de la chaîne de montagne. En regardant un peu mieux le ciel, on pouvait observer de géants nuages noirs arrivant sur le village. Le vent menaçant montait en puissance, aidant ces nuages à avaler les kilomètres qui les séparaient de Kumo. Naisen accéléra le pas en voyant ceci. Il voulait à tout prix éviter de finir trempé, et tenait quand même à son entraînement. Pourtant, dix minutes plus tard, il s’arrêta avant même d’avoir quitté le quartier résidentiel. Quelque chose l’avait intrigué. Il venait d’apercevoir une jeune fille avec ce qui lui semblait être un instrument. En tant normal, il ne serait pas attardé plus que ça, pour un simple troubadour, mais il y avait un détail troublant. Elle semblait être aussi être une Kunoichi. Du moins, c’était ce que laissait penser le bandeau du village qu’elle détenait. Ce bandeau était délivré à ceux qui appartenait à l’armée et qui avait un grade. Donc pas une simple aspirante.

Le jeune homme aux cheveux noirs de jais s’approcha de la jeune fille. Il passa nonchalamment la main dans les cheveux avant de l’aborder. Il n’était jamais à l’aise dans ce genre de situation, mais sa curiosité qu’il ne pensait pas détenir, avait pris le dessus. Tant pis pour son entraînement, il pouvait encore attendre quelques heures de plus.

Naisen – Un instrument d’une telle envergure et un bandeau ninja semblent assez contradictoires, non ?

*A moins qu’elle s’en serve comme une matraque et qu’elle l’utilise sur les gens qui l’importunent. Dans ce cas je suis mal barré.*

Il marqua une pause, le temps qu’elle détourna son regard vers lui. Elle ne semblait pas réellement sur la défensive. C’était déjà une bonne première chose. Il n’allait pas finir avec un morceau de bois encastré dans sa tête.

Naisen – Désolé de t’importuner, j’en oublie même les bonnes manières. Je me présente, Naisen Toshiya.

 A bien y réfléchir, Lei Lei demeurait une inconnue dans le village des Nuages. En une semaine de séjour, ses journées s’étaient résumées à une flânerie diurne perpétuelle près du lac ou des allées fleuries, ponctuée d’effluves nocturnes de saké en compagnie de Takuan. Le village n’avait pas encore requis ses services. Elle ne s’en plaignait pas pour le moment, au contraire. Après plus d’une dizaine d’années passées à écumer les routes du pays de la Foudre, Lei Lei découvrait avec enthousiasme l’hédonisme béat, la fainéantise chronique, l’insouciante contemplation de la vie fourmillante autour d’elle, le plaisir de se rendre compte qu’elle n’avait aucune emprise sur elle.

Dès le second jour pourtant, Lei Lei avait été nommée Juunin de Kumo, une posiiton à laquelle elle avait acquiescé sans se poser de question. De toute manière, elle ne savait même pas ce que signifiait être Juunin. Elle gardait d’ailleurs un souvenir plutôt troublant de son entrée dans les forces de Kumo. En haut des milles marches du terrain d’entraînement, elle avait rencontré un des instructeurs, proche apparemment du Raikage. Il ne la testa pas. Son regard sévère lui posa simplement quelques questions. Son nom de famille lui suffit à recevoir les honneurs les plus inattendus. Elle découvrit que bien peu d’Isatsu avaient embrassé une carrière dans les forces shinobi, ce qui dérangeait les plans du village. Cela ne la surprit pas pour autant. Sa famille comptait bien plus de troubadours et de voyageurs que de personnes prêtes à devenir sédentaires, à agir parfois contre la volonté de Shiun pour le bien du village, à troquer leur flûte contre un kunaï. En plus, la rumeur courrait que le nouveau Raikage faisait bien peu de cas du culte de Shiun.  Bref, Kumo n’attirait que trop peu d’Isatsus, et bénéficier d’une Juunin semblait un mouvement stratégique intéressant, d’autant que la demoiselle en question maîtrisait au moins quelles bases martiales.

La jeune femme ne resta pas dupe très longtemps. Le grade de Juunin lui demanderait bien plus que ce qu’elle était capable de donner pour le moment. Le temps des effluves éthyliques au bord du lac serait bientôt révolu, et il fallait qu’elle soit prête.

Ce matin, Lei Lei troqua ses sandales de soie pour ses getas d’osier, ses vêtements multicolores d’Amagumo pour un vieux kimono effilé, mais ne put s’empêcher d’emporter Saikai. Elle se sentait terriblement seule sans sa guitare. Elle lui rappelait tant de bons moments, à commencer par son père adoptif resté à la capitale, et auquel elle pensait si souvent. Bien plus que sa vraie famille, repartie sur les routes sans elle. Elle gardait en elle cet espoir puéril qu’à tout moment elle pourrait les retrouver, et s’était convaincue qu’il faudrait qu’ils écoutent Saikai pour que son père la pardonne…

Dans la ruelle encore embrumée par la fraîcheur matinale, le temps laissait présager une pluie prochaine. Lei Lei avait bien fait de confectionner l’étui de cuir qui protégeait sa guitare des intempéries. Elle considéra le terrain des milles marches afin d’y trouver des partenaires d’entraînement lorsqu’une vox l’interrompit.

Naisen – Un instrument d’une telle envergure et un bandeau ninja semblent assez contradictoires, non ?

Elle tourna légèrement la tête pour apercevoir un jeune homme au visage inconnu qui s’approchait.

Naisen – Désolé de t’importuner, j’en oublie même les bonnes manières. Je me présente, Naisen Toshiya


L’Isatsu acquiesça poliment de la tête. Il n’avait pas tort, qu’est-ce qu’une guitare pourrait bien faire sur un champ de bataille ? Elle avait entendu des histoires sur sa famille, comme quoi les meilleurs de sa lignée pouvaient lancer de terribles altérations à leurs ennemis, mais elle doutait en être capable elle-même. Du moins, elle n’avait encore jamais essayé.

Lei Lei –  Lei Lei, enchantée.

Incapable de concilier l’impasse logique dans laquelle la remarque du jeune homme l’avait placée, elle préféra botter en touche. Elle agrippa le bandeau qu’elle avait fixé autour de son bras.

Lei Lei – Quitte à choisir un objet contradictoire, je crois qu’il s’agit de ce bandeau plutôt que de Saikai.

A cet instant précis, le dilemme n’avait même pas lieu d’être. Ce bandeau ne représentait qu’une vague idée, un idéal à laquelle elle paraissait imperméable. Saikai symbolisait une partie de son âme, et l’espoir de se lier à nouveau à cette famille qui l’avait fuie.

Lei Lei – Que fais-tu dehors de si beau matin ?

Naisen écouta attentivement la jeune fille, dénommée Lei Lei. Elle n’avait pas donné son nom de famille. A moins qu’il soit Lei ? C’était bizarre en tout cas. Elle n’avait dit que son nom, et déjà le mystère planait sur ses réponses. Le jeune la regarda brièvement, pendant qu’elle lui répondait d’un ton neutre à sa question. Il fut étonné par la tournure de celle-ci. Elle préféra nommer son bandeau comme anomalie, plutôt que ce qu’elle appelait Saikai. Elle serait donc un ninja qui rechignerait de l’être. Soit, elle se moquait de lui, soit elle ne savait pas réellement ce qu’elle avait accepté avec ce bandeau. Vu ses yeux qui baignaient dans une lueur innocente, il pencha pour la seconde solution.

Naisen la regarda mieux pour essayer de comprendre la situation. Elle semblait terriblement jeune. Son visage insouciant rendait le décor un peu plus chaotique qu’était Kumo. Une jeune enfant naïve dans un village militaire, on n’a pas idée. Naisen comprit qu’il était embué par toutes ses pensées, quand il se sentit extirpé de celles-ci quand Lei Lei questionna à son tour. Cela n’avait pas réellement de sens, plus un apport fait par politesse. Naisen se promit d’y repenser ultérieurement à son cas, car désormais, il devait discuter avec elle, avant de se faire des idées alambiquées.

Naisen – Je cours.

Que cela lui semblait banal comme réponse. Il se dépêcha de détailler, d’un air désolé.

Naisen – Plus exactement, je m’échauffe avant de partir au terrain d’entrainement. Je te retourne la question, il est rare que je croise quelqu’un à cette heure-ci.

Lei Lei – Je ne sais pas trop. Je pensais m’entraîner mais vu que le temps n’est pas au beau fixe.

Naisen remarqua que le ton avait changé. Il était moins enjoué, plus indolent. Plus que le temps, il pensa sûrement à une raison de ce manque de dynamisme. Cela devait être difficile pour elle de s’entraîner, vu son opinion sur son bandeau. Elle n’était simplement pas motivée. Le Chuunin ne jugea pas. Ce n’était pas du tout son genre. Chacun avait ses raisons et il les respectait. Il n’allait surtout pas commencer à faire une leçon de morale. De plus, il était de loin le moins bien placé pour le faire de toute façon. Il tenait quand même à rebondir là-dessus. Il se demandait juste par simple curiosité, ce qu’elle faisait là, malgré toutes les expressions de réticence qu’elle lui fournissait, même celles dont elle n’en avait pas conscience. Elle devait bien avoir une raison d’être rentrée dans l’armée de Kumo. Peut-être qu’il ne les comprendrait pas, mais il ne les contesterait pas non plus.

Naisen – Dis-moi, pardon si je suis indiscret, mais comment une fille comme toi s’est retrouvée à Kumo ? Cela n’a pas l’air d’être la grande passion.

Lei Lei baissa la tête timidement. Il avait dit quelque chose de mal ? Il l’ignorait. Le jeune homme allait s’excuser mais examina plus attentivement son visage. Elle n’était pas réellement vexée, plus gênée. Comme si, il avait mis le doigt sur un endroit particulier et avait éclaté le secret de Polichinelle. Elle prit un moment avant de répondre à Naisen. Il devait être trop invasif. Naisen ne voulait pas vraiment le dire ainsi, mais les mots étaient déjà sortis. Il se maudit d’être si incapable à l’art oratoire. Finalement, la Kunoichi le regarda à nouveau, prête à ouvrir les lèvres.

Lei Lei – Kumo est en quelque sorte, un nouveau point de départ pour moi, pour mes projets. Le meilleur au possible.

Elle prit à nouveau une pause. Naisen ne pouvait que la comprendre sur ce point. Il se trouvait exactement dans la même situation. Cela faisait quelques années qu’il était arrivé ici, dans un seul et unique but : une nouvelle vie. Celle qu’il avait à Agamuno n’était pas si terrible que ça, néanmoins il ne se sentait pas lui-même en y habitant. Kumo lui semblait être également le meilleur endroit. Naisen par son manque d’interaction avec le village, ne s’était jamais posé la question si c’était pour tous les autres la même chose. Kumo représentait non plus seulement qu’à lui, une idée de liberté, de nouveauté. Là-bas, je pourrais changer, mon rêve se réaliserait. Toutes ces notions optimistes de l’inconnu. Cependant, Naisen avait appris le revers de cet inconnu. Des contraintes qui pouvaient être tachées de sang.

Lei Lei – En fait, j’ai choisi ce village, car je n’ai pas vraiment d’autre endroit où aller. J’ai déjà vu le reste du pays.

Une nomade, comme la plupart des gens habitant dans ce Pays. Naisen avait oublié qu’il en était une exception, ayant vécu la plupart du temps à la capitale, en sédentaire. Les seules fois où il a pu quitter la ville, c’était dans le cadre de missions ou si on remontait à plus loin lors de contrats. Et on pouvait dire que dans ces moments là, on n’avait guère de temps pour visiter, la découverte des paysage était plus que minoritaire. S’il le faisait ce n’était que furtivement, à la recherche d’un cache pour se camoufler du regard des autres. Rien d’autre. Cependant, Naisen fut étonné par la jeune fille. Elle avait déjà visité le pays en entier à son âge ? Ce pays qui lui semblait si grand avec ses parties inaccessibles parfois.

De plus, vu son grade, elle devait être ici depuis un bon moment normalement. Mais, bien que Naisen ne soit pas physionomiste, il savait qu’il ne l’avait jamais vu depuis son arrivée à Kumo. C’est dire. Le jeune homme songea alors qu’elle était peut-être nouvelle. Dans ce cas, pourquoi elle avait déjà un grade. La plupart restait un moment, en tant qu’aspirant, essayant au mieux de s’intégrer, et d’assimiler les règles. Naisen était de plus en plus intrigué par cette Lei Lei. Il devait mettre fin à son doute en lui posant la question.

Naisen – Mais, cela fait un moment que tu es ici ? Car je ne t’ai jamais vu, et tu as déjà un grade.

Lei Lei – Je suis arrivée, il y a une semaine environ. On m’a promu Jounin. C’est un grade élevé Jounin ?

Naisen s’estomaqua, mais prit la peine de le cacher. Jounin en une semaine ? Soit elle cachait bien son jeu de fille remplie d’innocence et de naïveté, soit il y avait une bonne raison. Mais laquelle ? Même pas sûr qu’elle le savait elle-même. Le Toshiya arrêta de chercher à comprendre pour le moment, et lui répondit sur un ton plus haut que d’habitude, n’arrivant pas à cacher son étonnement

Naisen – Plutôt oui. C’est un des plus hauts grades qu’on peut obtenir. Moi, en trois ans, je suis devenu un Chuunin, un grade inférieur.

Naisen soupira longuement. Il en avait bavé pour atteindre ce grade. Il pensait que ça se passerait plus facilement. Mais, le village était encore à ses balbutiements, le Kage était débordé pour mener à bien toutes les fonctions qu’on lui demandait. Alors, parfois, le passage de grade était relayé au stade secondaire.

Lei Lei – Tu es là depuis longtemps donc. Tu sais comment se passe une mission donc ?

Plutôt une drôle de question. A se demander si elle savait vraiment ce qu’impliquait d’être Jounin. C’était quand même eux, qui se frottaient aux missions les plus périlleuses. Vu sa nature, elle risquerait d’être choqué, en voyant cette réalité. Comme lui, quand il avait découvert à ses dépends. Mais c’était dans une moindre mesure. Ce n’était pas un choc, mais plus une déception. Contrat, mission, le but pouvait être le même. C’est ce qu’il regretta le plus.

Naisen – Oui… J’en reviens d’une, même. J’ai loupé la cérémonie organisée pour elle. Les missions sont plutôt diverses dans leurs objectif et dans leur dangerosité. On choisit l’équipe en fonction de sa difficulté d’ailleurs...

Lei Lei – L’orage va commencer, on dirait. Ca te dit d’aller manger un bout ? Je connais une auberge pas loin.

La Kunoichi pointa du menton le ciel devenant de plus en plus noir. D’énormes gouttes d’eau commençaient à s’y échapper. Le spectacle son et lumière allait bientôt commencer. Naisen ne refusa pas l’offre qu’on lui a faite. S’abriter, le plus vite possible semblait être la seule motivation. Et prendre un deuxième petit déjeuner en compagnie ne pouvait pas faire du mal. Naisen emboita le pas de la jeune fille vers la fameuse auberge.