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Salut tous !
Je postule pour le poste de Raikage. C'est un rôle qui me fait envie depuis très longtemps ! Je ne savais pas par quel bout prendre ma présentation, j'espère que le résultat conviendra ! Je n'ai pas "tout révélé" sur Kuroa. Faut garder un peu de suspence !
Lorsque que l’écume de l’océan atteignait le sommet des montagnes de Fubuki, Kuroa Nishida savait qu’elle dormait. Ce rêve-là était réglé avec minutie, et répété chaque nuit avec autant de régularité que le cycle des saisons. C’était d’abord un grondement qui la tirait de son lit en pleine nuit et la conduisait à se précipiter vers la fenêtre. Sous ses yeux s’offrait alors le paysage qui la rendait chaque jour de plus en plus fière : les lumières de Kumo, et le scintillement des rayons de la lune sur les neiges. Et puis, au loin, les sommets de Fubuki luisant dans la nuit claire. Le grondement augmentait alors, de plus en plus fort, de plus en plus proche. Et soudain, ce n’était plus la roche et la montagne. L’océan était là. Les vagues étaient alors plus hautes que les montagnes, et l’écume salée plus blanche que les neiges éternelles. Le raz-de-marée dévalait les versants accidentés, emportant tout, arbres, bêtes, structures et hommes, dans sa course folle vers la vallée. Chaque fois, Kuroa contemplait cette furie déchainée balayer sa terre sans bouger. Immobile. Osant à peine respirer. Puis, la mer était là. Et lorsque la vague était si proche de la jeune femme qu’elle pouvant en sentir l’haleine humide lui caresser le visage, elle se réveillait, trempée de sueur.
Kuroa se redressa d’un bond, projetée dans la réalité au moment où la vague la happait. Haletante, elle tenta de reprendre son calme. Les rayons du soleil éclairaient doucement le bureau où la Raikage avait établi ses quartiers.
Kuroa – Foutu rêve…Sa voix était presque un murmure, mais dans le silence épais de cette matinée de printemps, c’était presque un cri. Avec un soupir, elle se leva. Elle avait encore travailler tard la veille, et s’était endormie à son bureau, comme à son habitude. Elle marcha jusqu’à sa fenêtre, et, s’appuyant à la rambarde, contempla la paysage qu’elle avait une fois de plus vu dévasté par l’océan. Elle s’alluma une cigarette et se perdit dans ses pensées. Elle n’aurait pas su dire depuis quand ce rêve la hantait. Toute petite, déjà, elle rêvait souvent que la mer quittait sa demeure et venait la chercher jusque dans le maison du clan Nishida. Ce qui était sûr, c’est que depuis qu’elle avait été nommée Raikage, elle faisait ce rêve chaque soir.
L’eau avait toujours été sa hantise. La nature avait toujours été sa hantise. Kuroa s’était toujours représenté les hommes comme de minuscules jouets dérisoires dans la main d’un géant cruel et bon, qui leur offrait la chaleur du soleil et la brise réconfortante des soirs d’été, pour mieux les broyer sous le froid glacial et les blizzards coupants. Ce n’était pas une idée très rare parmi les habitants du Pays de la Foudre. Tous avaient connus des hivers terribles, et tous savaient que la nature était le premier et le plus grand adversaire des hommes. Mais les hommes se ne laissaient pas faire. Ils construisaient, civilisaient, s’adaptaient, et, de ces efforts, étaient né les civilisations et les royaumes les plus puissants. Kumo n’en était pas encore là, mais le village se taillerait lui aussi une place dans les légendes de ce monde. Kuroa y veillerait.
On frappa trois coups secs sur la porte de bois, et Kalisia ouvrit la porte. Kuro se retourna, et lui sourit.
Kuroa – Déjà là ? Décidément, tu prends ton travail à cœur !Kalisia – Vous aussi, visiblement… Vous avez encore dormi ici ?
Kuroa – Je n’avais pas vu le temps passer.Kalisia – Je vous ai pris de quoi manger. J’imagine que vous devez avoir faim.
Kuroa acquiesça. Maintenant qu’elle y pensait, elle était véritablement affamée. Elle sourit en regardant la jeune fille déballer les fruits secs et le pain qu’elle avait apporté. Kalisia était une jeune aspirante du clan Isatsu qui s’était assez vite fait remarquer par son incompétence martiale. Elle ne progressait que peu, et excessivement lentement, au point que beaucoup commençait à remettre en cause la légitimité de son enrôlement. Kuroa avait longuement hésité à son sujet. D’un côté, la maintenir à son poste équivalait à risquer de la voir vaincue par l’immensité des dangers extérieurs. De l’autre, lui retirer son grade aurait été un affront difficilement acceptable et pour une jeune fille de quinze ans, et pour le clan majeur dont elle était issue. Finalement, Kurao l’avait affecté à son service personnel. Kalisia s’était vite adapté au travail administratif et abattait plus de travail qui quiconque. Et tout le monde y était gagnant. Secrétaire personnelle de la Raikage n’était pas si déshonorant !
Kalisia – Vous ne voulez pas rentrer un peu vous reposer ?
Kuroa – Je me suis reposée toute la nuit…Kalisia – Quand même… Ca vous ferait du bien !
Kuroa – On a un peu trop de travail pour ça, et tu le sais bien… Allez ! On s’y met vite, et on pourra peut-être s’accorder une pause confortable à midi ! Les deux kunoichis s’attablèrent, et Kalisia déposa une énorme liasse de papier sur le bureau.
Kalisia – On commence par quoi ?
Le soleil était haut dans le ciel lorsque Kuroa repoussa un énième dossier sur la table et déclarant :
Kuroa – J’ai faim !Kalisia – On fait une pause ?
Kuroa – Oui, il est temps… Tu fais quoi toi ? Kalisia – Je dois rentrer chez mes parents. J’ai promis d’aider ma mère ce midi…
Kuroa – D’accord. Prends ton après-midi si tu veux. Kalisia – Oh, non, je serais de retour d’ici deux heures grand maximum !
Kuroa – Comme tu le sens… Je vais marcher un peu moi. Elle se leva et se dirigea vers la sortie. Au moment où elle passait la porte, elle lança :
Kuroa – Tu fermeras le bureau ! Laisse la clef en bas…
Puis elle se laissa guider par ses pas dans les rues du village. C’était d’ailleurs l’un de ses principales occupations. Dès qu’elle avait un peu de temps à elle, elle filait dans les rues, et elle écoutait. Elle allait voir le boulanger et l’écoutait parler. Elle allait voir le vieux tenancier de l’entrepôt et l’écoutait parler. C’était, à son avis, aussi important pour le village de pouvoir croiser et parler à sa Raikage, que de s’occuper de tous ses dossiers administratifs. Elle déboursa une poignée de Ryos pour acheter de quoi manger, et se dirigea ensuite vers le terrain d’entraînement. Elle aimait assister, de loin, à l’entraînement des jeunes aspirants. Elle n’aurait pas su dire pourquoi, mais cela calmait son esprit, et lui donnait une foi solide dans la génération suivante.
La Raikage monta en petites foulées l’escalier aux larges marches qui menait au terrain d’entraînement – il s’agissait plutôt d’une simple pré vaguement aménagé. Chaque fois qu’elle y passait, elle ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle devait absolument faire quelque chose pour améliorer les conditions d’entraînements des shinobis kuméens. Mais les finances du village n’étaient pas à leur apogée, et il était difficile d’entreprendre pour le moment des travaux d’envergure. Pourtant, quelle fierté elle ressentirait lorsque la première académie shinobi serait enfin bâtie !
Elle était arrivée en haut et, tournant immédiatement à droite, elle alla s’installer sur un petit talus qui surplombait légèrement le terrain. Un Chuunin d’une bonne vingtaine d’année conseillait quelques aspirants, qui tentaient – avec plus ou moins de talent – de toucher un vieux mannequin usé accroché à une branche avec leur kunaïs. Kuroa ne put s’empêcher de rire en voyant ces gamins de dix ans se pavaner comme des coqs lorsqu’ils parvenaient à toucher enfin la cible.
Elle avala rapidement les restes de son déjeuner rapide, et attendit que le Chuunin ait terminé les exercices pour s’approcher du groupe d’étude. Elle les salue, les félicita pour leurs performances, et les encouragea dans leur progrès avant de redescendre vers le village. Elle aurait aimé rester plus longtemps avec eux, les conseiller, participer à leur progrès, mais elle n’avait pas le temps. Le Raikage doit s’occuper de tous et, par là même, ne peut s’occuper vraiment de personne.
« Tant pis, il faut faire confiance à ses subordonnées… », songea-t-elle en bifurquant avant l’entrée du village pour se diriger vers le temple de Shiun. Elle s'y rendait couramment, mais priait surtout seule, chez elle, devant le petit autel dédié à Tsukimoto. La déesse de la Lune avait toujours apporté à son âme une certaine sérénité, même si Kuroa ne pouvait s’empêcher de repenser à ses rêves d’océan ravageur chaque fois que son regard tombait sur le symbole de cette reine divine des eaux.
La jeune femme calcula rapidement de combien de temps elle disposait avant de devoir retourner dans son bureau pour achever son travail. « Suffisamment », conclut-elle, et elle s’agenouilla devant les idoles. Elle pria pour le village. Elle pria pour les aspirants qui s’entraînaient. Pour les shinobis qui combattaient. Et elle pria pour avoir la force de les mener. La force d’être une Raikage.
Quelle heure était-il à présent ? C’était difficile de le savoir, mais la nuit était tombée depuis un moment déjà. Kuroa avait renvoyé Kalisia chez elle, en lui promettant comme chaque soir de ne pas rester dormir dans son bureau inconfortable. Ce qui s’avérerait être, plus que probablement, un mensonge.
On frappa à la porte.
Kuroa – Oui ? L’arrivant – C’est Aïdo…
Kuroa – Ben, rentre !Aïdo ouvrit la porte. C’était un jeune homme du même âge que Kuroa, coiffé chaotiquement, et qui portait l’uniforme Chuunin.
Aïdo – A vrai dire, j’aurais préféré que tu sortes…
Kuroa – Comment ça ?Aïdo – Je ne sais pas si tu as remarqué, mais il fait nuit. Ce qui est un indice permettant d’affirmer à peu près certainement qu’il est tard, et qu’il faut dormir.
Kuroa – Oui, oui… Je termine juste ce dossier et j’y vais.Aïdo – Oui… Et après ce dossier, tu termineras le petit dossier, là, juste à côté. Puis celui d’après… puis celui d’après…
Kuroa – Il faut bien que quelqu’un le fasse ! Aïdo – Ah, mais quelqu’un le fera ! Toi, ou ta secrétaire dévouée… Mais pas ce soir. Ce soir, tu vas dormir.
Kuroa soupira. Elle jeta un œil aux montagnes visibles depuis sa fenêtre. Elle était épuisée.
Kuroa – D’accord, tu as sûrement raison… Je rentre…Aïdo – Je te raccompagne ?
Kuroa – Je peux encore rentrer toute seule, tu sais ! Elle éclata de rire.
Aïdo – Je me doute, Madame la Raikage.
Kuroa – Oh, ça va… M’appelle pas comme ça…Aïdo hausse les épaules et lui montra la porte.
Aïdo – Je vais m’en griller une dehors en t’attendant. On marchera cinq minutes ensemble, en souvenir du bon vieux temps.
Kuroa – D’accord. J’arrive ! Ils marchaient à présent dans les sentiers du villages. Dans quelques minutes ils arriveraient à un petit carrefour où Aïdo tournerait à droite pour rejoindre le centre du village et le petit appartement qu’il occupait, et Kuroa prendrait le chemin de gauche pour rejoindre la maison familiale des Nishida, nettement plus excentrée.
Aïdo – Tu vois encore tes parents ?
Kuroa – J’habite dans la même maison qu’eux, tu sais…Aïdo – Oui, oui, je sais, bien sûr… Mais je veux dire… Tu leur parles encore ?
Kuroa – Un peu… Ils sont fiers de moi, et je suis fier d’eux. Mais c’est compliqué… Aïdo – Ton père a revu les médecins ?
Kuroa – Oui… Mais ils n’ont pas dis grand chose de plus que d’habitude. Il n’est pas malade. Il est juste vieux. Aïdo poussa un soupir.
Aïdo – Tu peux passer me voir si ça ne va pas tu sais…
Kuroa eut un petit sourire triste. Elle et Aïdo étaient sortis ensemble pendant presque six ans. Il adorait parler, et elle adorait écouter. Ils étaient fait l’un pour l’autre. Et puis un jour, une idée stupide s’était fichée dans la tête du jeune homme : si Kuroa ne lui parlait pas, c’était parce qu’elle lui cachait quelque chose. C’était faux. Kuroa n’avait jamais été bavarde, et avait toujours préféré garder son esprit là où il devait être : dans son crâne, et pas sur sa langue. Aïdo était devenu de plus en plus méfiant, à la limite de la paranoïa. Et les choses s’étaient arrêtées comme ça, huit mois auparavant.
Kuroa – Tu sais bien que je ne le ferai pas…Aïdo – Oui. Mais ça ne coûte rien de te proposer. Aller, je tourne là… salut…
Il descendit vers le village sans dire un mot de plus, et sans se retourner. Kuroa, elle, le regarda s’éloigner.
Les choses ne marchaient jamais comme prévues.
Elle secoua la tête et commença à gravir le sentier qui la ramènerait chez elle. A son âge, elle aurait probablement du depuis longtemps vivre seule, mais elle n’avait pas osé laisser mourir ses parents seuls. Ils avaient été de grands personnages autrefois. Travaillant jour et nuit sous les ordres des Daimyos. C’était eux qui avaient donné aux Nishida leurs lettres de noblesse. Les voir dépérir était quelque chose à laquelle Kuroa ne s’était jamais préparé, elle qui ne s’était engagé dans la voie martiale que pour imiter ses parents, et servir elle aussi le Daimyo.
C’était ce nom, Nishida, qui avait permit à Kuroa de devenir Raikage avant ses trente ans. Mais, elle le savait, ce n’était pas la seule chose qui avait joué en faveur de sa nomination. La vraie raison, et la plus terrible, était atrocement simple : elle n’était pas intelligente. Elle n’était pas assez douée dans les arts fins de la politique et du complot pour contre carrer les plans du Daimyo. Kuroa n’était rien d’autre qu’un soldat dévoué, parfaitement consciente de ne pas avoir les armes mentales pour combattre le successeur de la Tacticienne au jeu des intrigues. En lui accordant ce poste, le Daimyo s’était assuré que Kumo lui serait loyal.
Peu de gens se doutaient de ça, bien sûr, et il était d’autant plus douloureux pour Kuroa de voir les gens l’admirer, elle qui n’avait fait que prendre la place de plus méritant non pas grâce à ses compétences, mais grâce à son absence de talent dans un domaine précis.
Elle arriva enfin chez elle, et pénétra dans la maison. Il y faisait chaud. Il y faisait calme.
Kuroa sourit.
Elle ferait du mieux qu’elle le pourrait. Elle ferait de Kumo un grand village. Elle ferait des siens un grand peuple.
Elle pénétra dans sa chambre. Les murs étaient recouverts de peintures. Toutes les même. Toutes représentaient une montagne frappée par un vague titanesque. Depuis des années déjà, Kuroa peignait encore et encore son rêve, convaincue qu’un jour, elle s’en débarrasserait par ce biais. Pour le moment, ça n’avait absolument pas marché.
Les choses ne marchaient jamais comme prévues.