La tête du chuunin de ce matin là contrastait beaucoup avec celui de la veille. Il était droit, élancé, plein d’assurance avec son sourire et ses gestes vifs. Là, il était plus avachi, les yeux plus ternes, plus lent dans ses mouvements. Mais son sourire faisait à Ayesha toujours le même effet. Elle comprit en le voyant qu’il n’avait pas ou peu dormi après leur virée nocturne pour s’occuper des formalités. Elle se sentit alors coupable de ne pas s’être levée en même temps que lui pour partager ces instants. D’un autre côté, elle appréciait les initiatives qu’il avait pris pour elle. Ce qui fit s’envoler les doutes qu’elle avait ressenti la veille.
«- Bonjour…bien dormi ? »
Elle aquiesça, se souvenant qu’elle n’était pas trop habillée. Mais apparemment, il semblait plus se soucier d’en finir pour aller retrouver son lit que pour dormir enfin. Il lui proposa donc d’aller visiter l’appartement qu’il lui avait dégoté.
«- Euh, il faut que je récupère mes vêtements qui sont à étendre et ils ne sont pas secs, alors … »
Ils allèrent alors à la cour intérieure et constatèrent qu’effectivement la tenue dégoulinait encore. Ayesha devint écarlate à l’idée de sortir avec une chemise qui n’allait pas plus loin que le haut de ses cuisses. Comprenant son malaise, ou presque, Akio lui proposa sa veste. Il récupéra les vêtements mouillés pendant qu’elle l’enfilait. La veste n’était pas plus longue que sa chemise, au contraire. Mais devant un bâillement supplémentaire d’Akio, elle se dit qu’il valait mieux pour lui d’en finir au plus vite. Elle insista néanmoins pour récupérer ses vêtements, qui lui permettraient de cacher ses jambes par devant.
C’est ainsi qu’ils s’en allèrent dans les rues de Kiri, lui visiblement manquant de sommeil, une jeune fille rouge pivoine aux jambes nues l’accompagnant. Ayesha pria pour que les passants qu’ils croisèrent ne les remarquent pas, et qu’ils ne jaseraient pas autant que la flopée de domestique avec qui elle vivait. C’était mal connaître les Kiréens de penser que cela passerait inaperçu, mais sur le coup, personne ne fit de commentaire à voix haute.
Ils serpentèrent dans quelques ruelles, s’éloignant du centre ville actif, au grand soulagement d’Ayesha. Ils arrivèrent à une zone résidentielle avec de hauts immeubles. Ils se dirigèrent plus spécifiquement vers un orienté Sud-ouest – Nord-est.
«- Euh, mon appartement n’est pas très loin, vers l’ouest, je te montrerai où une autre fois.»
Elle devina que c’était à cause de la fatigue. Il se dit qu’il devrait surtout y faire le ménage.
Il l’invita à passer devant quand ils arrivèrent à la porte de l’immeuble.
«- Dernier étage, sans ascenseur, désolé, mais pour l’instant il n’y avait que ça de libre à l’académie.»
Il appuya ses dires avec son sourire en passant sa main dans les cheveux. Ayesha ne s’en inquiéta pas trop pour elle, après tout ce serait un bon entraînement sportif quotidien. Elle doutait plus pour le chuunin … Elle avait tord puisqu’il avala les marches derrière elle avec l’assurance d’un automate. Il passa devant elle pour ouvrir la porte et l’invita à nouveau à entrer devant lui. Elle découvrit alors émerveillée l’endroit où elle allait vivre.
Elle s’attendait à un grenier sombre, une chambre de bonne mal isolée, mais non. L’appartement était vaste et lumineux. Elle se trouvait à coin de l’immeuble avec des fenêtres sur chaque pan. Il n’y avait qu’une seule pièce séparée par un demi mur de façon à avoir un petit côté kitchenette, et un autre côté chambre / salon. Les murs étaient blancs crémeux, ce qui avait pour effet d’agrandir l’espace. Le chuunin ouvrit l’armoire du côté chambre pour montrer qu’il y avait draps et couvertures à disposition. Ayesha découvrit alors la salle d’eau et les toilettes attenant à la chambre. Comme elle prenait son temps pour faire le tour de tout l’appartement, Akio s’assit sur le lit – banquette, il connaissait déjà ce type de chambre de l’académie.
En ouvrant les placards de la salle de bain, elle trouva un jeu de serviettes et du savon. Elle testa les robinets et découvrit avec plaisir la présence d’eau chaude.
*Kiri no Kuni est décidément très moderne ! Chez m… là où j’habitais avant, il y avait tout juste l’eau courante. C’est là que l’on voit qu’un village de ninja peut rapporter …*
Elle contourna le lit et alla à la cuisine fouiller dans ses nouveaux placards. Elle y découvrit avec plaisir quelques denrées telles que des condiments, des nouilles et des conserves. Et même un paquet de biscuits non entamé. Elle le prit et alla rejoindre Akio, pensant qu’il devait avoir aussi faim qu’elle à cette heure-ci. Elle s’arrêta brusquement, comprenant qu’Akio s’était endormi sur le lit. Il s’était avachi sur le côté, la tête partant en avant. Elle comprit mieux l’origine de sa tâche d’encre sur la joue. Ayesha lui prit tendrement la tête et l’accompagna doucement afin de l’allonger sur le côté. Il ne se réveilla pas d’un poil, c’est qu’il devait être terriblement fatigué.
Malgré l’embarras premièrement ressenti, elle était plutôt attendrie. Ce ne devait pas être monnaie courante de voir un chuunin s’endormir si profondément en présence d’une inconnue – ou presque. Elle continua de s’installer le plus discrètement possible, même si cela signifiait trouver un emplacement où mettre ses vêtements et rien d’autre. Elle trouva quelques livres sur une étagère.
Ninja pour les nuls – Le seigneur des ninjas – Ninja un jour, ninja pour toujours – Le paradis du batifolage – Les premiers pas du ninja …
Ayesha opta pour le dernier. Elle s’installa sur une chaise devant la fenêtre de la cuisine. Elle se lu un chapitre ou deux, puis la tentation l’emporta sur la raison. Elle abandonna le livre sur la table un court instant. Elle vérifia l’état d’Akio et alla faire couler de l’eau chaude. Quelques minutes plus tard, elle se glissait dans le bain en compagnie de son bouquin.
Le temps passa sans qu’elle s’en rende compte, jusqu’à ce qu’elle trouve l’eau trop froide pour vouloir y rester plus. Elle sortit de l’eau, attrapant un peignoir dans le placard. Elle se sécha rapidement les cheveux, constatant qu’il lui faudrait un peigne d’ici peu. Elle se souvint d’Akio subitement. Elle entrouvrit la porte pour voir s’il dormait encore, mais elle n’y trouva que des draps froissés.
«- Akio ? Tu es là ?»
Pas de réponse. Elle alla à la cuisine, espérant l’y trouver, mais là encore, elle ne découvrit qu’un petit bout de papier écrit à la hâte, ou les yeux fermés.
Excuse-moi de m’être assoupi chez toi, il est grand temps que je retrouve mon propre lit. Je n’ai pas osé te déranger dans la salle de bain, je me suis même demandée si tu ne t’y étais pas endormie aussi ^^. Je viens de me souvenir que dans les jours qui viennent j’aurai des cours avec quelques genins. Je doute que tu y comprennes grand chose si tu débutes tout juste. En attendant, je te propose d’aller fouiner dans l’académie, tu y trouveras certainement la bibliothèque et quelques cours d’amphi. Ca te permettrait de commencer ton dur entraînement de kunoichi. Peut-être pourrais-je te retrouver un de ces jours à la fleur polaire, pour que je t’y réinvite.
Akio, ton chuunin de Kiri
A la lecture de ces mots, le cœur d’Ayesha se pinça. Elle se doutait bien qu’il s’en irait tôt ou tard, après tout, il avait une vie avant qu’elle n’arrive, il était juste qu’elle le laisse retourner à ses occupations. Elle ne ressentit pas le même vide que la veille. Ce soir, elle savait qu’ils se reverraient pour le plaisir de se revoir, pas juste dans le cadre formel d’une rencontre fortuite.
En attendant, elle allait pouvoir prendre ses aises dans cet appartement à la vue dégagée. Elle se mit de l’eau à bouillir pour baigner ses nouilles, songeant à son programme du lendamain : visiter Kiri à la recherche de quelques objets de première nécessité, puis aller à l’académie.
A la fleur polaire, elle comptait bien y retourner aussi, pour y rencontrer des gens, mais surtout dans l’espoir d’y croiser ‘son’ chuunin. Et puis, il fallait bien qu’elle lui rende sa veste …