~ Suite d'ici ~

Le soleil était déjà haut lorsqu’ils descendirent dans le quartier. De-ci de-là les enfants couraient dans les rues, jouant à divers jeux bien de leur âge. Kazuki les observait attentivement. Jun, elle, observait simplement Kazuki. Il n’était jamais simple de retirer un enfant de son cadre de vie habituel. Après tout, même si danger il y avait, le gamin avait toujours vécu sur les route, en compagnie de ses cousins. La machine, bien huilée, fonctionnait parfaitement. Elle n’avait pas même le souvenir d’une seule dispute, d’un seul grand désaccord parmi les membres de la caravane. À dire vrai, elle était en fait à l’origine du tout premier.

Était-ce une erreur ?

Ses yeux quittèrent son frère pour se jeter sur les corps turbulents des bambins. Ils avaient l’air heureux ici. Ceux-là s’avéraient un peu jeunes pour être de futurs camarades de Kazuki, mais s’ils avaient trouvé quelqu’un pour s’entendre elle concluait qu’il y avait toujours une âme quelque part pour venir accompagner son frère. Elle l’espérait tout du moins. Mais le doute ne devait jamais filtrer à travers sa voix, ses expressions ou que savait-elle encore. Leur nouvelle vie ne dépendait que d’elle… et des retours occasionnels de leur père.

« Tu vois là-bas ? »

Le gamin se retourna brusquement pour regarder dans la même direction que sa grande sœur. Il répondit d’un signe de tête affirmatif.

« C’est le cœur du quartier. Si l’on continue par-là, on arrive au domaine du Lion. Toshiro-sama en est le dirigeant. C’est aussi lui qui nous représente auprès du reste du village. » Elle le regarda en souriant. « Allons-y, nous ne sommes pas très nombreux ici. Bientôt nous connaîtrons tout le monde et tout le monde nous connaîtra. Il serait malpoli de ne pas se présenter. »

Un large sourire sur le visage, Kazuki acquiesça avant de partir en courant, la provoquant dans une course de vitesse. Riant aux éclats, ils foncèrent le long du petit chemin, saluant au passage les quelques habitants qu’ils croisaient. Sans grande surprise, Jun croisa essentiellement des familles. Les plus âgés ne pouvant plus se permettre de trop voyager, les plus jeunes étant sans doute plus faciles à protéger ici. Quelque part, cela la confortait dans sa logique ; quelque part seulement.

Tout en courant, la kunoichi regardait à l’entour. Dans la configuration telle qu’il l’était, le quartier se tenait entre le centre-ville, son marché et le reste des habitations qui avaient été construite plus en retrait disait-on. Les éloigner était un bon moyen de protéger ces dernières d’éventuelles bandes de brigands. Mais pour quiconque le découvrait, il serait facile de se lancer dans des vagues de pillages successives. Des murs, se disait-elle. Des murs et des postes de garde auraient fait l’affaire. Mais Konoha était un endroit neuf et en pleine expension, et y construire un mur d’enceinte aurait freiné cette croissance. D’autre part, en construire plusieurs successivement représenterait une trop grande dépense pour le village.

Prise dans ses réflexions, elle ralentit machinalement ses pas allant jusqu’à s’arrêter. Elle réalisait à peine la situation. L’économie était un moteur… et un danger.

« Onee-chan ! Tu viens ?! » Au loin, Kazuki faisait de grands signes de main. Jun le rejoignit en courant puis s’arrêta pour regarder où ils se trouvaient. L’enfant pointa alors une cours où se trouvaient trois personnes en train de discuter. « C’est pas la fille à qui père parlait ce matin ? »

Elle affirma du chef puis plaça une main dans le dos du gamin, l’incitant à avancer. D’un pas lent elle s’approcha du trio qui cessa sa conversation lorsqu’il l’aperçut. Respectueusement elle inclina la tête, tandis que la jeune femme dont elle et Kazuki parlaient un instant auparavant, prenait la parole.

« Junko, que fais-tu ici ? »

« Hina-sama. Je venais simplement me présenter et vous remercier au nom de ceux qui sont arrivés aujourd’hui. » annonça-t-elle en gardant le regard bas, vérifiant au passage que son frère se tienne correctement. En face, Hina sourit simplement.

« C’est normal, tu sais. Peu importe la branche, un Uchiha est accepté ici. »

« C’est donc toi la fameuse Junko ! » Un ton rieur, particulièrement affable habitait cette voix. La main de l’homme se posa sur l’épaule de la jeune fille, l’incitant à relever le visage. « Allons, allons. Redresse-toi s’il te plait. Tu vas nous faire paraître plus importants que ce que nous sommes en réalité. »

Il portait un monocle. Ses cheveux étaient coupés mi-longs et retombaient partiellement devant son visage. Sourire charmeur aux lèvres, son facies était aussi accueillant que le timbre de sa voix.

« Appelez-moi Jun, s’il vous plait. »

« Ah ? Très bien ! Ce sera donc Jun. Je suis Toshiro. Je m’occupe des affaires du clan au sein du village. Permet-moi de vous souhaiter la bienvenue chez vous. »

Elle salua en guise de remerciement et en profita pour passer une main autour des épaules de Kazuki.

« Merci beaucoup, Toshiro-sama. Voici mon petit frère, Kazuki. Il m’a accompagnée ici et y demeurera aussi. » Les deux yeux du gamins se levèrent jusqu’au visage de Toshiro. Intimidé, il n’osait pas parler.

« Enchanté, Kazuki-kun. »

« E.. En… Enchanté Toshiro-sama. »

Le rire de l’homme s’éleva entre eux cinq. « Allons, allons… N’aies pas peur. Bienvenue parmi nous. J’ai entendu dire que tu savais utiliser le chakra, est-ce vrai ? » Timidement, Kazuki affirma du chef. « Bien ! C’est un grand privilège, sais-tu ? Laisse-moi te présenter Ichimaru. Tout comme moi et Hina il dirige un domaine, ici. C’est aussi lui qui s’occupe d’une partie de la formation de nos miliciens. Si tu veux devenir shinobi, il faudra que tu travailles sous ses ordres. »

Impossible de passer à côté. En terme d’impression, Ichimaru était plutôt du genre à laisser un blizzard s’abattre dans votre dos, depuis votre nuque jusqu’aux reins. Pour Jun il était déjà difficile de ne pas partir en courant, tout simplement. Pour Kazuki… Sa première et unique réaction fut d’attraper un pan de la tunique de sa sœur et de partiellement se camoufler derrière sa jambe. De nouveau le rire fin de Toshiro retentit.

« Je crois que tu l’effraies ! »

Jun passa la main dans le dos de Kazuki, lui frottant délicatement l’habit. Puis elle le poussa lorsqu’elle sentit un bref regain de confiance chez l’enfant. « Pardonnez le, Ichimaru-sama. C’est un enfant qui vient de se séparer de son père pour la première fois. » Elle se tourna ensuite vers son frère et s’accroupit pour se mettre à sa hauteur, sous l’œil attentif de Hina. « Tu te rappelles ce que tu m’as dit tout à l’heure ? Tu voulais bien t’entraîner, non ? »

D’un signe affirmatif du chef, il répondit à la question de la jeune femme. « Allons, montre toi donc plus poli avec Ichimaru-sama. »

Une seconde passa puis le gamin inspira profondément avant de saluer l’homme au cache œil qui ne répondit que par un signe de tête. Puis il se tourna vers Jun.

« Tu sais aussi t’en servir, nous a-t-on dit. »

« Oui. Je m’entraîne seule depuis une dizaine d’années maintenant. Autant dire que mes progrès sont insignifiants. De quoi faire quelques impressions lors d’un spectacle, mais en combat c’était tout autre. »

« Tu as un style de combat particulier ? »

Les yeux de la jeune fille se dirigèrent vers le sol, le temps de sa réflexion. « Je suis trop fluette pour du corps à corps, je le sais d’avance. Et je sais que je préfèrerai les vues d’ensemble sur un terrain. »

« Eh bien, tu as l’air de savoir de quoi tu parles. »

D’un signe de tête, elle indiqua à Kazuki qu’il pouvait y aller. Il avait jusqu’à la tombée du jour pour se balader librement dans le village. La kunoichi reprit la parole une fois qu’il fut suffisamment loin.

« Je n’ai participé qu’à un combat dans ma vie, celui qui a empêché mon frère de connaitre sa mère. » annonça-t-elle calmement. « Mais je n’ai pas eu besoin de plus pour trouver un début de réponse à ces questions-là. Le contact direct avec l’ennemi me met mal à l’aise. J’aimerais y avoir recours le moins possible. »

« Tu ne pourras pas t’y soustraire. » annonça Ichimaru. « Mais j’ai un bon aperçu de ton profil. Tu as l’air agile et ta constitution ne semble pas faite pour fournir de grands efforts physiques. Le ninjutsu t’ira sans doute parfaitement. Passe me voir demain matin au terrain d’entraînement dans le domaine du Tigre. Tu verras, il s’agit simplement d’une petite cours avec un peu de matériel pour apprendre les rudiments. »

La jeune femme répondit par un signe de tête affirmatif et, tandis qu’il tournait les talons, elle en profita pour ajouter quelques mots. « Ichimaru-sama. Je… Je sais qu’il est déjà capable de sentir et de diriger le chakra mais Kazuki est un enfant. Il n’a que dix ans… »

« Pas d’inquiétude. Il ne sera pas milicien avant des années. »

« Oui… Pour l’instant des personnes de mon domaine s’occuperont de son éducation. Ecriture, calcul, lecture, musique, arts en tout genre. Nous savons que votre métier de militaire ne va pas à des enfants. Qui plus est, des shinobis instruits feront moins d’idiots sur le champ de bataille. » Hina accompagna son explication d’un léger sourire.

« Et pour ce qui est de vivre… Tu auras une solde. Les enfants peuvent en plus de leur temps d’éducation aider les membres de la communauté dans leurs diverses tâches. Certains nouveaux sédentaires deviennent des paysans, d’autres se mêlent parfois à la vie marchande. Mais d’une façon générale le clan est construit sur le partage. Les fonds ramenés par les artistes servent à faire tourner le quartier ainsi que les autres caravanes. »

Elle acquiesça. « C’est une toute autre vie… »

« On s’y fait, tu verras. »

Un instant, elle passa son regard sur chacun des présents puis elle prit une dernière fois la parole en les saluant. « Je vous remercie encore pour votre accueil. Et pardon pour le dérangement. »

Sur ces quelques mots, elle tourna les talons à son tour et quitta l’endroit la tête pleine de pensées, pleine de questions. Elle brûlait d’envie de les poser mais leur prendre plus de leur temps aurait été respectueux. Et la mécanique du quartier semblait fonctionner, alors pourquoi pas celle du village. Mettant de côté ses doutes, Jun se dirigea vers le centre et la place du marché. L’installation faite, il fallait penser aux vivres et au confort. De petites emplettes ne pouvaient que rendre service.