L’adolescence, les problèmes de peaux, les filles :Un petit bond dans le futur et me voici grandit. Un magnifique bout d’adolescent en pleine croissance. Qui découvre son corps, les changements, les… mutations. Le seul mot qui puisse rendre justice à l’anomalie qui frappe toutes les personnes de cet âge-là… Cette chose horrible que l’on nomme à voix basse lors des sombres nuits. La puberté.
Les poils qui poussent, les boutons qui apparaissent, la voix qui change, les filles qui deviennent soudains plus… Rebondissantes à certains endroits attirants le regard.
Bref, je devenais peu à peu un monstre bourré de complexe et d’horreur corporel. Ce qui avec le recul n’était pas si dramatique, sachant que c’est une malédiction partagée à une échelle mondiale. Ceux qui prétendent ne jamais y avoir eu le droit sont des sales coqs bourrés d’égo au point d’éviter de se regarder dans une flaque d’eau, de peur de briser leur misérable image personnelle. Ou alors, ils sont les champions du dénies.
Bien évidemment, alors que l’acné transformait mon front et mon dos en constellations blanche et rouge, qui ne demandaient rien d’autre qu’un nouveau Big-Bang, d’autres problèmes de peau s’étaient manifestés. Oui, j’avais des poils qui poussaient mais pas seulement.
J’étais un Satsubatsu.
Depuis ma naissance je possédais la marque du clan. Pendant des années, elle s’était contentée de représenter une petite marque rouge, ronde et douloureuse, placée un peu en dessous de mon nombril. Bien que petite je ne pouvais jamais en oublier sa présence. C’était le point de frappe favori de mon « père » lorsqu’il voulait passer sa colère sur moi. Avec le visage. Et malheureusement pour moi, je n’avais pas encore eu besoin de saisir les subtilités de la manipulation du sang, notamment la partie impliquant l’armure interne. J’aurais sans doute évité énormément de bleus…
Bref, un jour le clan s’était arrêté pour quelques jours dans une région du pays connu pour son calme. Un endroit apprécié du clan, durant lequel tous pouvaient se reposer et se détendre avant de reprendre la marche. Les jeunes adoraient aussi cet arrêt car c’était un des rares endroits dotés de lacs suffisamment peu connu pour que tout le monde puisse se baigner sans déclencher une panique générale dans les villages environnant. Remarque, ça faisait toujours un rire, du moins jusqu’aux premiers morts…
Donc, après avoir pleinement profité d’une séance de loisir aquatique (qui consistait, entre deux brasses, d’essayer de noyer les rares d’entre nous qui arrivaient tant bien que mal à marcher sur l’eau), j’ai eus ma première grosse crise. Une qui faisait passer ma maladie à un rang supérieur. Joie, Bonheur et Douleur pour certains. J’étais certains d’avoir senti la Douleur, mais les deux autres…
Je me souviens être sorti de l’eau, et qu’une de mes deux sœurs aînées m’avait regardé le nombril avec le sourire que l’on adresse en générales aux femmes attendant un joyeux évènement. (Ou aux grosses, mais dans ce cas, ça se transformait en grimace gênée). Mes yeux avaient suivi son regard et j’avais pu constater avec une certaine fascination que ma petite tache rouge, qui avait déjà pris de l’ampleur au cours des derniers mois, semblait toute fripée.
Et victime de la fascination déclenchée par le masochisme lattant de tout adolescent n’ayant pas encore essayé de se tripoter une fracture ouverte, j’approchais ma main de ma rougeur ventrale.
Alors que mes doigts étaient à quelques centimètres à peine, celle-ci se débina. Fuyant le contact de ma main, elle s’était jeté au sol, dans un bruit de sucions assez pathétique.
Je regardais la flaque de chaire au sol, ma main, le sourire de ma sœur qui s’élargissait, ma main, mon ventre, la flaque, ma sœur, ma main, ma sœur, mon ventre, la flaque, ma main, puis ma sœur. Bref, j’avais réussis à bouger mon regards plus de treize fois en deux secondes. Ma première réaction fut de laisser échapper une espèce de soupir amusé. L’amorce du rire stupide quand on est pris au dépourvu. Puis, mon corps prit le relais. Il tagua sur le mur blanc de mon cerveau, destiné à recevoir les informations vitales de première importance, avec une bombe de peinture jaune fluo, quelque chose comme :
«
TU AS ABOMINABLEMENT MAL. SOLUTION RECOMMANDÉE : SE VAUTRER AU SOL ET HURLER DE DOULEUR EN PISSANT LE SANG ! ».
Qui étais-je pour contredire ce qu’on écrit dans mon cerveau, hein ?
Au sol. Je vomissais du sang sur le mélange d’herbe et de sable humide qui formait la rive du lac. J’avais conscience de mouvement autour de moi, de cri excité et d’une vague rumeur. Je n’entendais pas très bien, quelqu’un –moi en l’occurrence- criait à s’en déchirer les cordes vocales, quand il ne faisait pas de gargouillis avec son sang. J’avais l’impression qu’on essayait de m’arracher les intestins à coup de harpon chauffé à blanc, et qu’on y arrivait plutôt bien. La tête me tournait à force de hurler et d’oublier de reprendre mon souffle. Et après d’interminables minutes, voir peut être même de simple secondes qui m’avaient parues durer des heures, le carnage cessa. La douleur n’était pas partie, elle s’était simplement… Réfugié. Réfugié dans un terrier sanglant à peine plus gros que mon poing, qui m’avait avalé le nombril et une partie du ventre. Si ma vue n’était pas si embuée par les larmes, j’aurais sans doute pus voir une partie de mon estomac.
Je relevais la tête, puis réussis à péniblement me hisser sur mes jambes. Ça faisais un mal de chien et pourtant… Je regardais ma sœur, et elle continuait à me sourire en acquiesçant. La douleur fit place à une certaine euphorie. Je brisais le cercle qui s’était formé autour de moi, et me mis à courir jusqu’au camp du clan. Je me moquais bien de ma tenue du moment, ayant ruiné au slip que j’adorais, du fait que je sois trempée comme une soupe ou que je m’enfonçais toute sorte de pierre et épines dans les pieds. Je n’avais qu’un seul objectif.
Et je bondis dans le camp. Je repérais ma cible, debout en pleine discussion autour d’un feu. Je lui sautais littéralement dessus en hurlant.
[Hokkinin] –
PAPA ! Mon papa ! Je suis enfin un Satsubatsu !Je fus cueilli par un coup de talon en pleins de l’estomac. Qui me donna l’effet d’être entré à pleine vitesse dans un tronc d’arbre. Le choc me jeta au sol, les bras écarté, le souffle coupé et avec le goût de la bile qui se mélangeait à celui du sang dans ma bouche. J’entendis mon père hurler.
[Kaï’zer] –
PUTAIN ! MAIS QUOI ? TU VAS ARRÊTER DE ME FAIRE CHIER ?!Des coups commencèrent à pleuvoir.
MAIS QU’IL EST CON CE GOSSE ! ET EN PLUS IL SE MET A CHIALER !Les coups redoublèrent d’intensité. Ma vue s’embruma encore plus. Je le reconnais, c’était un réflexe stupide de chercher de la reconnaissance auprès de sa figure paternelle dans mon cas. Je nourrissais encore l’espoir idiot que le comportement homicide prononcé à mon égard de cet homme n’était en fait qu’une preuve d’affection virile et douloureuse, qui au final le brutalisait sans doute plus moralement que moi physiquement. Autant le dire, j’étais très con étant jeune, mais des mains accueillantes réussirent à me dresser dans le droit chemin de la raison.
Une femme à qui je devais tout.
Mon premier contact avec elle eut lieu d’ailleurs avant que je m’évanouisse. Mon père avait arrêté son passage à tabac, après avoir grommeler quelque chose à propos d’un manque de café, et des mains douces s’étaient posées sur mon front.
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Elle était belle. VRAIMENT belle. Je sais qu’il y a des rumeurs, des blagues racontées dans le dos du clan. Des idées comme quoi on s’accouplerait avec l’étal d’un boucher tellement la viande nous ressemble. C’est totalement faux. D’une part, on prend en compte les sentiments. D’autres part, même si on finit par attacher peu d’importance à la tête de notre partenaire, l’imagination reste une chose fertile, et s’imaginer coucher avec un corps complet et plus motivant pour les deux personnes et le membre impliqué dans l’affaire.
A cette époque, ma main droite pouvait vous parler des bienfaits de l’imagination !
Donc elle était vraiment belle. A l’époque elle devait avoir une vingtaine d’année et elle resplendissait de beauté et de talent. Ses longs cheveux soyeux d’un noir de jais étaient aussi soyeux, doux que son esprit. Ses formes fascinaient autant que sa conversation. Elle avait un rire magnifique qui sublimait l’éclat de ses yeux et ses lèvres. Sa peau était parfaite, lisse, douce, blanche. Mon père la haïssait, et elle l’effrayait. Elle était différente du clan, elle était parfaite.
Et c’était mon maître.
Elle était celle à qui l’on avait confié mon éducation lorsque la nouvelle de l’évolution de ma maladie arriva aux oreilles de notre chef. Mon père n’était pas reconnu apte à m’enseigner les raccourcis pour mieux maîtriser mon don. Il avait donc envoyé cette femme unique auprès du jeune garçon que j’étais. Mon maître.
Un nouveau départ et un autre aperçu de la vie pour moi.
Je me rappelle qu’elle était la première personne que j’avais aperçue quand j’étais revenu à moi, alors que la nuit tombait. Les feux de camps faisaient briller sa peau, et elle ressemblait à un magnifique spectre penchée au-dessus de moi. Bizarrement, je ne m’étais pris aucun coup. Ma figure paternelle favorite était apparemment absente. Et elle m’expliqua alors ce serait ma vie. Ce qu’elle allait m’apprendre, et en résumé, qui elle était.
Et tout en me parlant, elle s’était littéralement plongée en moi. Répondant à mes doutes avant que je ne les formules, partagea mes secrets sans que je lui en parle et délicatement me remis les idées en places avant que j’entame mon apprentissage.
Elle était l’unique utilisatrice de Genjutsu que le clan n’ait jamais porté jusqu’à présent, et son excellence dans cet art la rendait terrifiante. Mon monstre bien aimé.
Lorsque je m’étais endormi après cette rencontre, j’étais persuadé qu’il ne pourrait plus rien m’arriver de mal.
Cher journal, aujourd’hui, j’ai découvert qu’un ange pouvait se dissimuler au milieu des monstres.Une grosse perte (sans me vanter) :Des années s’étaient écoulées avant cette nuit marquée sous le signe du deuil. Avant que je perde une partie de moi-même.
Elle était… Partie.
J’étais persuadé que malgré la maladie et notre mode de vie, nous restions ensemble, comme un seul être.
Elle m’avait été arrachée… Si brutalement. C’était presque irréel. Je me rappel des premiers sentiments que j’ai ressentis en constatant la chose. D’abords un certain embarras. La peur que cela s’apprenne. Puis la terreur et la frustration. Elle partit que serais-je en tant qu’homme ? Destiné à vivre seul sans jamais connaitre à nouveau le plaisir d’un moment partagé ?
Le tout était submergé de douleur. De dégoût, on ne m’avait jamais dit ça à propos de la maladie et de ses risques !
J’étais le seul fautif et je ne pouvais pas me venger ! Que pouvais faire l’adolescent plein d’hormones que j’étais encore à ce moment-là ? S’arracher l’une des choses qu’il avait de plus précieuse au monde ?
Et je m’étais mis à envisager le côté pratique. Comment allais-je me débrouiller maintenant ? Bon, elle ne servait pas à énormément de chose, mais tout de même. Elle avait du potentiel et me permettait de rester dressé debout. Et pour les insultes, que répondre ?
Un maelström de pensées incongrues envahissait mon cerveau. Et, avant que je ne cède à la pression, je fis jaillir de mon esprit l’image de mon maître.
Elle me permit de faire place net et de délivrer mon esprit de ces questions sans importances. Me laissant méditer sur mes choix.
La vie était ainsi faite, et le cœur lourd, je me résolus. Je jetais mon ancien membre flasque au milieu des arbres. Sans doute un acte stupide, mais je n’allais pas lui donner des funérailles sur un bateau en flamme, non ?
Je retournais dans l’obscurité de cette terrible nuit auprès des miens. J’étais parti en homme digne, je revenais avec un orgueil blessé, ayant besoin de soin.
C’était finit pour moi la branlette. J’avais trop forcé dessus.
Au moins il ne pouvait rien m’arriver de pire.
Cher journal, aujourd’hui j’ai [Bloc de phrases noircis sur plusieurs lignes] réussis à mettre un terme définitif au point faible que pend entre les jambes des hommes. Du moins dans mon cas…