[DM0001] Le bijou dérobé

L’appartement de Ebiko était vraiment minuscule. Mais elle s’en contentait et était avant tout heureuse d’avoir un endroit qui n’était qu’à elle. Il était constitué de deux pièces : une pièce principale avec un renfoncement où elle avait installer un coin nuit et la salle de bain.
Assise sur une chaise en bois clair, Ebiko attaquait son petit-déjeuner avec entrain. En face d’elle, la petite fenêtre donnait sur une des rues du centre-ville. Elle laissait passer quelques rayons lumineux qui se reflétaient dans l’épaisse et soyeuse chevelure de la jeune femme. Après avoir avaler quelques abricots confis, elle se leva et sortit de son appartement.
La veille, elle avait reçut une missive qui lui indiquait de se rendre à un rendez-vous dans l’optique d’une mission. Il s’agirait d’une première pour elle. Elle était heureuse de pouvoir être utile mais c’était l’appât du gain qui la motivait vraiment. Déjà, les Ryos qu’elle en tirerait défilaient dans son esprit. C’est donc avec un large sourire qu’elle s’engouffra dans les rues du centre-ville. 
Le point de rendez-vous se trouvait non loin et Ebiko n’eut pas de mal à le trouver. Il s’agissait d’un bâtiment sobre et discret. Les mûrs étaient de bois bien que les fondations étaient faites de pierres. Etrangement, aucune fenêtre n’ornait la façade. Ebiko frappa à la massive porte et, sans attendre de réponse, pénétra dans la bâtisse. Un long couloir cheminait devant elle. Quelques ampoules suspendues au plafond diffusaient une lumière faiblarde mais bienvenue dans cet obscur intestin. Bien qu’elle ne s’était jamais rendu en ces lieux, elle savait où elle devait se rendre. Effectivement, une seule issue s’offrait à elle. Une unique porte se tenait au bout du couloir que Ebiko longea d’un pas déterminé.
Une fois face à cette porte, elle la tambourina vigoureusement.

Voix - Entrez !

Ebiko s’exécuta hâtivement. Devant elle, un bureau était enfouis sous des piles de papiers et de dossiers. Assise derrière le meuble massif, une silhouette voûtée était éclairée par une lampe à huile.

Ebiko s’avança et s’aperçut que la silhouette était en réalité un vieil homme. Sa peau était parsemée de sillons dus à son âge et son menton était affublé d’une longue barbe qu’il triturait tout en fixant le décolleté plongeant de la jeune femme.

Ebiko - Bonjour. J’ai reçu l’ordre de venir ici.

Vieil homme - Oui. Nous avons une mission pour vous Ebiko.

Ebiko, l’air mal à l’aise, porta sa main à sa poitrine afin d’en dissimuler la provocante échancrure. Elle garda le silence, attendant les détails de cette mission qu’on lui confiait.

Vieil homme - Hum... On nous a avertit d’un vol en ville. Votre mission est d’interroger la victime, d’enquêter et de retrouver l’objet de l’exaction. Voilà les détails dont vous aurez besoin.

Il tendit à la jeune femme un dossier qu’elle s’empressa de saisir, retirant du même coup sa main de son décolleté. Le vieux en profita pour y plonger un regard brillant d’émoi. Ebiko souffla, las de l’attention vicieuse que les hommes prêtaient à son corps. Malgré tout, elle ne pouvait nier être flattée par ces regards appuyés. 


Ebiko - Je vais toucher combien avec cette mission ?

Vieil homme - Ne vous occupez pas de ça pour l’instant. Seul compte l’accomplissement de votre tâche. Mais il y a bien une manière de gagner une petite prime...

Devant l’expression émoustillée du vieux pervers, Ebiko se doutait en quoi consistait cette manière de s'octroyer ce petit bonus. Elle émoussa son ardeur en arborant une figure courroucée.

Vieil homme - Euh... Allez-y.

Ebiko pivota sur elle même l’air vexé et quitta la pièce en claquant la porte. Elle traversa de nouveau le couloir. Une des ampoules clignotait. Sans doute vivait-elle ses derniers instants.
Une fois à l'extérieur du bâtiment, Ebiko ouvrit le dossier que le vieux lui avait confié. Elle se plongea dans sa lecture.

Spoiler:

Sans plus attendre, Ebiko se dirigea en direction de l’adresse indiquée et qu’elle situait très bien. Pinko Fujiwara vivait près du Lac de Kumo dans une petite maison à la façade blanche. Une fois sur les lieux, elle observa l’étendue d’eau surplombée de nuages devant elle. Un calme apaisant régnait sur les lieux. En fermant les yeux, elle inspira profondément comme pour s’imprégner de cette ambiance particulière.
Elle finit par frapper à la porte de la maison de Pinko qui ouvrit la porte.
Ebiko l’observa attentivement. La jeune femme était de petite taille et la beauté de ses traits étaient à couper le souffle. Ses longs cheveux blonds ondulaient sur ses épaules. Un brin jalouse Ebiko dit :

Ebiko - Bonjour, je suis Ebiko. Je voudrai vous interroger à propos du vol que vous avez déclaré aux autorités.

Pinko - Oui, je vous attendais, entrez. Dit-elle avec un sourire chaleureux sur les lèvres.

La jeune shinobi suivit la maîtresse de maison dans son intérieur coquet. Les murs étaient nus mais de nombreuses fleurs décoraient les divers meubles d’appoints qui parsemaient la pièce principale. Pinko invita Ebiko à s’asseoir sur un des fauteuil en rotin du salon et lui apporta du thé et quelques gâteaux secs à la cannelle.

Ebiko - Alors... Parlez moi de ce bijou que l’on vous a volé.

Pinko - C’est un collier simple, sans réelle valeur. Je ne comprend pas pourquoi on me l’a pris.

Ebiko - Quand avez-vous remarqué sa disparition ?

Pinko - Hier, je rentrai du travail et j’ai remarqué que la porte d’entrée était ouverte. Pourtant, je me souviens clairement l’avoir fermée en partant. Rien n’avait été déplacé mais j’ai tout de suite vérifié si rien ne manquait. Dans ma boîte à bijoux j’ai remarqué que seulement ce collier avait disparu Pourtant elle contient d’autres bijoux qui ont beaucoup plus de valeur.

Ebiko - Est-ce que quelqu’un d’autre que vous possède les clefs de votre maison ?

Pinko - Oui, mon ex petit-ami : Gen. C’est aussi lui qui m’avait offert le collier.

Ebiko - Je vois. Auriez vous son adresse ?

Pinko - Oui, il vit dans un appartement à quelques pas d’ici. Vous pensez qu’il aurait été capable de faire ça ?

Ebiko - Je ne sais pas mais il faut que je m’en assure. Je vous tient au courant.

Après avoir remercié Pinko pour son hospitalité, elle quitta sa demeure direction le domicile de Gen.

Les deux ex-amants étaient voisins et Ebiko n’eut qu’a traverser la rue pour arriver à bon port. Un escalier extérieur serpentait la façade du petit bâtiment gris. Elle s’y engagea et parvint au troisième étage. Là, une boîte aux lettres fixée à une porte indiquait : Gen Sâto. La jeune aspirante la martela avec allant. Après un long moment, le jeune homme l’entrouvrit et passa sa tête dans son encadrement.

Ebiko - Gen Sâto ?

Gen - Oui. C’est pour quoi ?

Ebiko - J’aimerai vous poser quelques questions.

Gen - A quel sujet ?

Ebiko - Vous le savez très bien.

Gen baissa les yeux, ouvrit la porte et invita la shinobi à entrer d’un mouvement du bras. Il longea le couloir étroit suivi de Ebiko. Tous deux pénétrèrent dans le salon. Un désordre sans nom régnait dans la pièce. Des piles de magazines spécialisés étaient éparpillés sur le sol et sur le divan et des restes de nourriture pourrissaient dans tous les coins.

Gen - Asseyez-vous, je vous en prie.

Ebiko - Non merci. Je ne vais pas passer par quatre chemins. Pourquoi êtes vous entré dans la maison de Pinko en son absence afin d’y dérober le collier que vous lui aviez offert lorsque vous étiez en couple ?

Gen - Euh... Je ne vois pas de quoi vous parlez.

Le regard fuyant du jeune homme trahissait sa culpabilité.

Ebiko - Arrêtez votre cinéma et dites moi plutôt où vous avez foutu ce putain de collier.

Les flammes de la menace consumaient le regard de Ebiko. Visiblement effrayé, Gen avoua son méfait :

Gen - Très bien. C'est moi qui lui ai volé son collier. Mais c’était pour l’offrir à ma nouvelle copine. Vous comprenez, je suis fauché et je n’ai pas les moyens de lui faire des cadeaux.

Ebiko - Quelle délicate attention. Dit-elle une expression amusée figée sur le visage.

Honteux, il baissa ses yeux humides de larmes et commença à sangloter.

Gen - Mais elle a finit par découvrir d’où venait le collier. Elle était furieuse et elle l’a jeté dans le lac.

Ebiko observait Gen en silence. Il était plutôt beau garçon mais son regard éteint la rebutait. Il avait cet aspect qui trahissait un grand manque d’intellect et de raisonnement logique. Il était aussi irresponsable qu’un enfant en bas âge.

Ebiko - Merci pour votre témoignage. Et ne quittez pas votre domicile dans les heures qui viennent.

Elle quitta l’appartement de Gen et dévala l’escalier extérieur de la petite bâtisse, hors d’elle. A cause de ces conneries, elle allait devoir plonger dans un lac gelé pour récupérer un bijou sans valeur. Jamais elle n’avait imaginer que sa carrière de shinobi la mènerait à une telle situation.

Ebiko s’avançait vers le lac de Kumo en traînant les pieds. La vaste étendue d’eau était calme, et les nuages qui la surplombait se reflétaient sur sa surface trouble. Soudain le chant d’une grenouille rompit le silence ambiant. Le son guttural qu’elle émit frappa les parois rocheuses alentours et fit écho. C’était le signal qui indiquait que la lumière allait laisser sa place aux ténèbres. Déjà, quelques étoiles scintillaient au travers des nuages cotonneux qui défilaient tranquillement haut dans le ciel. La nature reprenait ses droits tandis que le soleil se cachait derrière la chaîne de montagne devant Ebiko.
Elle devait faire vite si elle voulait retrouver le collier de Pinko. Sa tâche serait irréalisable de nuit. Rapidement, elle se délesta de sa veste. C’est le moment que choisit une légère brise pour faire danser ses cheveux et lui tirer un frisson fugace.
Elle amena ses pieds tout aux bords de l’eau qui la narguait par son impassible stagnation. Elle y plongea d’abord un pied, puis l’autre. Elle fut étonnée de ne pas trouver l’eau glaciale. En réalité, revigorante était sans doute un qualificatif plus adapté. Un soupir d’apaisement et d’aise s’échappa de sa poitrine tandis qu’elle continuait d’évoluer en direction des profondeurs insondables du lac. Déjà l’eau atteignait ses hanches.
Ebiko sombra soudain entièrement dans l’eau. Elle n’avait plus pied. Sous l’effet de la surprise elle but la tasse mais émergea la tête de l’eau rapidement et reprit une profonde inspiration.

Ebiko - Merde !

Elle s’immergea presque instantanément et ouvrit les yeux sous l’eau. Sa vue était trouble et il lui fallut quelques instants pour discerner le fond vaseux du lac. Durant un instant, elle pensa abandonner. Mais on lui avait confier une mission pour la première fois. C’était pour elle l’occasion de prouver ses talents et sa valeur. En agitant violemment ses membres elle se dirigea vers les sombres abysses du lac. Elle y découvrit des branchages, des plantes sous-marines et quelques pierres mais aucune trace de l’objet qu’elle recherchait. Comme l’air commençait à lui manquer, elle remonta à la surface afin de reprendre une profonde inspiration.

Mais la nuit était finalement tombée sur Kumo et son lac rendant impossible les recherches de Ebiko. Déçue et agacée, elle s’extirpa de l’eau qui s’écoulait en petites cascades le long de ses courbes. Après avoir essoré ses cheveux, elle rentra chez elle.

Dans le silence assourdissant de son appartement, Ebiko ne pouvait s’empêcher d’entendre résonner le mot échec. D’abord discret, comme un cri étouffé il martelait ses oreilles de ses deux douloureuses syllabes. Échec. Malgré ses efforts acharnés, elle n’avait pas rempli le deuxième objectif de sa mission. Quelle était la valeur de ses efforts ?
Sans doute n’allait elle gagner qu’une somme dérisoire pour cette mission avortée.
Après cet échec, Ebiko ne pouvait pas dormir, malgré son épuisement. Elle passa la nuit à songer, allongée sur son lit au matelas usé.
Au petit matin, elle enfila une longue veste informe qui la recouvrait de la tête aux pieds, puis se prépara une tasse de thé. Elle contempla son reflet à la surface du breuvage bouillant et constata que ses yeux soucieux étaient cernés et injectés de sang. D’un souffle elle chassa son image. Une vapeur chaude aux effluves de plantes aromatiques envahit alors ses narines. Elle regrettait que Wataru, son ancien maître, ne fut pas à ses côtés durant cet épisode difficile. Il n’aurait sans doute pas trouver de mots réconfortants mais sa présence seule l’aurait apaisée. Cette nouvelle solitude lui pesait et son appartement lui semblait n’être que le témoin de ce vide dans sa vie.
Après avoir but d’une traite son thé, Ebiko sortit sur le palier puis dévala l’escalier dans l’espoir de trouver du réconfort en se mêlant à la foule. Mais elle découvrit, la mort dans l’âme, que les rues étaient désertes. La tête baissée, elle partit en direction du bâtiment où elle devait faire son rapport auprès des autorités compétentes. Elle était anxieuse et redoutait d’être la cible de remarques acerbes de leur part mais c’était son devoir, à défaut d’avoir accompli sa mission, de leur faire part de son échec.

Spoiler: