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Watagumo Ine

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MessageSujet: Retour aux sources   Retour aux sources EmptySam 6 Nov - 0:22

~*Retour aux Sources*~

La forme légère du corps étendu sous le voilage des draps commençait à peine à marquer les signes d’un réveil imminent. Dans la pièce la lumière indiquait que la matinée était déjà bien avancée, pourtant rien ne paraissait presser Ine dans l’inconscience de son semi-réveil. Un instant sa tête émergea de dessous l’oreiller et ses cheveux emmêlés vinrent s’étendre en tentacules effilochés sur ses omoplates. Puis la jeune femme se retourna avec un soupir poussif. Et ouvrit complètement les yeux.

C’était de ces matinées où l’on regrette d’être seul dans un grand lit, néanmoins Ine se mit à gémir de plaisir en s’étirant longuement. Le soleil l’aveuglait au travers de la fenêtre qui la surplombait. Aucune importance, se disait-elle ; elle comptait bien profiter des quelques jours de répit que lui avait accordés la fin de la mission. Ne rien faire surtout, et puis exclure complètement le mot shinobi de son vocabulaire le temps de cette période de félicité.

Les mains croisées sous sa nuque, Ine songea avec un pincement au cœur à ce qu’elle avait trouvé en rentrant tard la veille au soir dans la petite maison vide. La coupure de journal était paraphée par l’écriture enfantine de Taki, « en souvenir » disait-elle, et une phrase y était soulignée, qui parlait du témoignage du « chuunin Kinjirareta Ren’ai au procès de Nezu Shimoto ». Ine était restée de longues minutes à lire et à relire l’article. Et elle avait mis beaucoup trop de temps à s’endormir après ça.

Si la jeune femme ne s’en rendait pas compte, l’inactivité physique rendait ses paupières lourdes et elles ne tardèrent pas à se refermer. Son souffle redevint rapidement plus régulier à mesure qu’elle replongeait allègrement dans les bras de Morphée… mais, de dehors soudain on appela :

X – Ine ?

Ine rouvrit les yeux dans la seconde. La voix était féminine mais trop mûre pour qu’il ne s’agisse de la petite Taki. Un instant Ine chercha qui ce pouvait bien être, puis abandonna et s’enfouit davantage sous son drap, désireuse de sombrer à nouveau. On appela ainsi une, deux, trois fois. Une longue minute passa, puis on frappa et la voix reprit :

X – Suekko ?

Ine sursauta. Cette appellation lui avait fait l’effet d’une douche froide, la réveillant tout à fait. C’était comme… revenir des années en arrière. Elle se leva précipitamment, se rendit compte qu’elle était nue, s’enveloppa par dépit dans son drap et courut ainsi vêtue vers la porte qu’elle ouvrit à toute volée. Mais il n’y avait plus personne à l’entrée. Déconfite et furieuse après elle, la jeune kunoichi s’avança sur la route tout en regardant partout autour d’elle, dans l’espoir d’apercevoir… :

X – Suekko ?

Ine fit volte-face et son visage s’éclaira.

Ine – Hasu ! s’exclama-t-elle. Les deux amies se rejoignirent en quelques pas et Ine embrassa Hasu avec chaleur, d’un seul bras pour maintenir son drap de l’autre. C’était une surprise réellement inattendue. Hasu appartenait à ce passé, à cette ancienne vie qu’Ine avait quittée pour entrer dans le corps des shinobi de Kirigakure. Il y avait presque un an et demi qu’elles ne s’étaient pas vues et pourtant tant de choses s’étaient produites depuis. Ine dévisagea son amie : elle n’avait pas changée. Ses cheveux avaient le même roux flamboyants que dans ses souvenirs, ses yeux de biche bruns brillaient toujours de cette même lueur mutine. Hasu était très grande, très fine presque maigre et les membres rendus noueux par sa discipline, la contorsion. Plus de des amies elles avaient été des sœurs au sein de la petite troupe qu’Ine avait rejointe puis quittée. Hasu avait été là lors du long mutisme d’Ine après son viol, elle l’avait soutenue et n’avait rien dit quand du jour au lendemain elle avait décidé de tout oublier. Emergeant de ses songeries, Ine esquissa un vague sourire. Elle avisa l’air légèrement railleur de Hasu qui la contemplait.

Ine – Allez, viens, fit-elle en lui attrapant la main, je vais te faire du thé et tu me diras comment tu vas.

~*~

Une bonne partie de l’après-midi s’était écoulée en de longues conversations sur ce qu’elles devenaient l’une et l’autre. Ine avait eu des nouvelles de ses anciens compagnons et avait elle-même raconté avec plaisir sa vie depuis son arrivée à Kirigakure. Là, elle venait de leur resservir un thé, agrémenté d’un fond de saké. Tout en soufflant sur le liquide trop chaud, Hasu parcourait la pièce des yeux, un air attentif attaché à ses traits. Elle fit remarquer :

Hasu – Ta maison est grande.

Ine ne put s’empêcher de sourire ; malgré l’agrandissement de la chambre, la maison de Ren’ai restait minuscule comparée à la moyenne du village. Mais, à y réfléchir, elle avait pensé exactement la même chose en y arrivant. C’était toujours plus grand que le deux-pièces dérisoire où elle avait grandi avec ses deux parents, toujours plus grand que les roulottes dans lesquelles la troupe voyageait. On s’habituait si vite au confort ! Elle ouvrit la bouche pour parler, la referma. Le visage d’Hasu venait de s’assombrir.

Ine – Qu’y-a-t-il ? demanda-t-elle, soudain inquiète. La bouche de son amie se tordit.

Hasu – Nous sommes passés au village il y a quelques temps.

Ine n’avait pas besoin de demander de quel village il s’agissait. Elle encouragea Hasu à poursuivre.

Hasu – Ta mère est gravement malade. J’ai pensé que tu aimerais le savoir.

Ine – Comment va mon père ? chuchota-t-elle plus qu’elle ne parla. Elle avait légèrement blêmi mais sa voix restait étrangement calme. Ses parents étaient âgés, elle s’était attendue un jour ou l’autre à recevoir ce genre de nouvelle. Le hasard avait voulu que la troupe traverse le village à ce moment-là, et que Hasu se souvienne de son amie devenue kunoichi.

Hasu – Il n’avait pas l’air très bien.

Ine se leva pour se rendre à la fenêtre. Dehors le soleil brillait toujours, étonnamment trop pour un village comme celui de Kiri ; la chaleur faisait trembloter les premiers mètres au-dessus du sol. Ine se rendit compte qu’elle avait chaud. Son esprit la ramena des années en arrière, quand à cette période de l’année elle travaillait si dur à la rizière qu’elle s’effondrait sitôt étendue sur sa paillasse à la nuit tombée. Elle eut soudain honte de sa matinée oiseuse.

Ine – Oh, et puis ce sont bientôt les moissons, il va avoir besoin de moi ! s’exclama-t-elle en secouant la tête. La jeune femme s'en retourna vers son amie qu'elle embrassa sur la joue.

Ine – Je te remercie de m’avoir prévenue, Hasu. Je vais y aller. J’espère juste que je n’arriverais pas trop tard…

Hasu – Je n’en attendais pas moins de toi, Ine.

La jeune contorsionniste aida Ine à préparer quelques bagages rapides dans lesquels elle fourra tous les médicaments qu’elle pût trouver dans la pharmacie de Ren’ai. Abandonnant son bandeau de kunoichi sur la table pour signifier à son compagnon qu’elle était rentrée pendant son absence, elle quitta la maisonnette pour s’engager sur la route en compagnie de Hasu.

Watagumo Ine

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MessageSujet: Re: Retour aux sources   Retour aux sources EmptyDim 7 Nov - 1:54

Passée la colline, les quelques maisons du petit village s’étendaient autour de la puissante rivière d’où partaient les canaux d’irrigation. Le paysage n’était constitué que de rizières en terrasses, à l’exception du bois qui commençait derrière les maisonnettes pour s’étendre le long de la route et jusqu’à la falaise escarpée du bout de l’île, quelques dizaines de kilomètres plus loin. L’aube rosissait tout juste le ciel. Ine sentit sa poitrine soudain étreinte par l’émotion. Cette même colline, elle l’avait souvent gravie les rares moments où elle avait eu du temps à elle, dans l’espoir de voir passer des voyageurs et de s’entendre raconter des histoires merveilleuses.

Le terrain était très marécageux mais Ine y marchait avec l’aisance de l’habitude. Hasu l’avait accompagnée quelques temps, avant de la quitter à un embranchement pour rejoindre la troupe. Elle avait fait le reste du voyage seule. Arrivée enfin aux champs de riz qui précédaient tout juste l’entrée du village, Ine retira ses chaussures pour retrouver des sensations qu’elle avait cru – espéré même, un jour - ne plus jamais ressentir. Quelques buffles levèrent nonchalamment la tête à son passage. Elle avait volontairement fait le gros du voyage de nuit pour arriver à ce moment de la journée où personne n’était encore sorti pour aller travailler. D’ordinaire, les enfants trop jeunes pour aider courraient dans tous les sens aux abords du village, et elle n’aurait pas tardé à être repérée si elle était arrivée en pleine journée. Or, Ine avait besoin de discrétion. Il n’y avait guère plus d’une dizaine de familles mais tous la connaissaient et seraient surpris de la voir revenir. Elle les reverrait avec plaisir mais, pour l’heure, elle avait besoin de se consacrer à sa propre famille.

En inspirant profondément, Ine remit son baluchon en place sur son épaule et entra dans le village. Les « rues » n’en étaient pas, simples chemins boueux marqués par les va-et-vient et les piétinements de ses habitants. Les panneaux de fibres tressées qui constituaient des volets couvraient encore les fenêtres mais quelques cheminées fumaient déjà, indiquant que les résidents étaient déjà levés et préparaient un costaud petit déjeuner avant une autre longue journée de dur labeur, infinie répétition de ce qu’ils vivaient tous les jours. Avec un soupçon de révolte, Ine songea que ces gens n’avaient pas de vie. En échange d’une protection dont ils voyaient rarement l’efficience, ils devaient fournir des vivres aux villages cachés et n’en retiraient aucune reconnaissance des intéressés. La jeune kunoichi repensa aux paysans qui les avaient attaqués en route pour Hasaï, et se demanda s’ils avaient finalement envoyé une délégation à Kiri pour avertir des agissements de ce groupe de nukenin, Sankaze. Malheureusement, ce groupe-là maîtrisé, il en apparaîtrait un autre et ainsi de suite. C’était un cycle sans fin. Depuis son arrivée à Kirigakure, Ine avait eu à cœur de faire changer les mentalités des shinobi qu’elle connaissait vis-à-vis des agriculteurs, mais le chemin serait encore long à parcourir avant que les choses ne changent réellement.

Les pas de la kunoichi l’avaient menée au pied de son ancienne maison, la dernière, juste au bout du chemin avant les premiers arbres du bois. La cheminée était de celles qui laissaient s’échapper de la fumée ; ses parents devaient donc déjà être réveillés. Inspirant fort une nouvelle fois, la jeune femme poussa d’une main la porte qui s’ouvrit.

Au fond de la pièce, le feu était la seule source de lumière. Une théière en fonte était posée sur une grille au-dessus, avec à côté quelques galettes de riz encore humides qui dégageaient de la vapeur en cuisant. Un homme, son père, se trouvait là, plongé dans les quasi-ténèbres. Attablé, il avait le front entre les mains comme s’il portait tout le poids du monde sur ses épaules. Surpris, il tourna la tête à l’entrée d’Ine qu’il contempla de longues secondes sans réagir. De toute évidence, le pauvre homme croyait revoir sa femme jeune. C’est alors qu’Ine remarqua l’urne posée sur la table. Consternée, elle s’avança de quelques pas, se détachant enfin du cadre de la porte :

- J’arrive trop tard ? demanda-t-elle. Ce n’était bien sûr pas vraiment une question. L’homme attablé sembla enfin réaliser le retour de sa fille. Il hocha la tête d’un air navré et caressa avec douceur l’urne funéraire de mauvaise ferraille. Le décès devait être récent, songea Ine, incapable de prononcer d’autres mots tant sa gorge était serrée. La tradition voulait que l’urne reste un temps rituel de trois jours dans la maison du défunt avant que ses cendres ne soient dispersées.

- J’avais pris des médicaments, finit par murmurer la jeune femme d’un ton piteux tout en baissant la tête. N’y tenant plus, elle laissa tomber son paquetage et rejoignit son père pour l’entourer de ses bras. Les vannes cédèrent soudain et elle se mit à pleurer sans que ses sanglots ne semblent un jour pouvoir s’arrêter. Les bras de son père la serrèrent à son tour, un peu tremblants mais sur l’instant elle eut l’impression qu’elle était redevenue une petite fille que l’on consolait.

- Tu ne pleures pas ? fit-elle en reniflant lorsqu’elle se redressa cinq bonnes minutes plus tard. Des mèches de cheveux collaient à son visage trempé par les larmes. Son père les dégagea d’un geste tendre.

- Mes yeux à moi sont secs depuis deux jours, ma fille. Et puis il est égoïste de pleurer quand la mort vient enfin libérer quelqu’un qui souffrait aussi atrocement que ta mère.

Ine hocha la tête. Sur le feu la théière se mit à siffler et elle alla la retirer pour la poser sur la table et y mettre des feuilles de thé à infuser. Elle sortit ensuite les petites tasses noircies par les tanins, toujours disposées à la même place, et retourna les galettes de riz sur la grille. Son père la regarda faire tout en la détaillant attentivement. Lorsqu’elle s’assit enfin en face de lui après avoir servi le thé et amené les galettes, il fit remarquer :

- Tu as changé, Ine. J’ai l’impression que ta nouvelle vie te convient.

La jeune femme n’osa pas répondre que oui. Elle était presque gênée que son père ne lui fasse aucun reproche sur sa fugue, il avait même l’air plutôt heureux de la voir ainsi. Elle s’arrangea donc pour changer de sujet.

- Elle avait quoi, maman ?

L’homme haussa les épaules et soupira :

- Elle toussait souvent. A la fin, elle crachait du sang, fit-il simplement. Ine n’insista pas.

- J’ai quelques jours devant moi, finit-elle par dire, je vais t’aider pour les moissons. Son père esquissa un maigre sourire.

- Ne t’y sens pas obligée, j’ai déjà quelqu’un pour le faire.

- Ah ?

L’homme ouvrait la bouche pour répondre lorsqu’un jeune homme vint s’encadrer dans la porte. Il portait un daim sur l’épaule, et avait l’air très fatigué mais un large sourire aux lèvres. Ine estima qu’il avait à peu près son âge. Il avait des cheveux noirs drus coupés courts, des yeux noirs eux-aussi et était plutôt grand mais assez chétif. Ine supposa que c’était l’aide dont avait parlé son père. Elle fronça les sourcils : le garçon n’était pas du village. D’ailleurs, celui-ci perdit instantanément son sourire quand il vit Ine, dont les mains reposaient sur celles de son père. Son visage se décomposa en une moue furieuse. Il entra dans la pièce, alla chercher les outils pour préparer la viande et ressortit immédiatement après avoir piqué quelques galettes de riz. Ine, surprise, regarda son père d’un air interrogateur en quête d’une explication à cet étrange comportement. Celui-ci poussa un soupir :

- C’est Nola. Nous l’avons recueilli avec ta mère peu après ton départ. Il se proposait de nous aider, en échange du gîte et du couvert.

- Il n’a pas l’air de beaucoup m’aimer , remarqua la jeune femme.

- Bah, ça lui passera. C’est un jeune homme très serviable mais il donne souvent l’impression d’en vouloir au monde entier.

Ine hocha légèrement le menton, la tête tournée vers la porte restée ouverte. Les mains toujours posées sur celles de son père, elle considéra, songeuse, l’idée qu’elle avait peut-être un ennemi dans la personne de Nola.
Liori Satsubatsu

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MessageSujet: Re: Retour aux sources   Retour aux sources EmptyMer 24 Nov - 20:44

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Watagumo Ine

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MessageSujet: Re: Retour aux sources   Retour aux sources EmptyLun 27 Déc - 19:03

Après presque quatre heures pliée en deux sous un soleil de plomb, Ine se redressa au milieu de la rizière. Elle se rendait compte combien elle avait oublié la pénibilité du travail des paysans, comparée à la vie quotidienne édulcorée des shinobi. Oh, bien sûr, on ne pouvait dire qu’être kunoichi était de tout repos car cela impliquait une préparation physique intense. Mais c’était là un entretien du corps, quand les agriculteurs se tuaient à la tâche.

Il était environ midi et la jeune femme s’étira un instant, s’accordant le temps de respirer avant de s’y remettre. L’occasion, aussi, de jeter un œil autour d’elle. Les quelques parcelles de son père s’étendaient sur la plaine inondée, entre la rivière qui serpentait derrière les maisons jusqu'au bois qui limitait le village. Inari Heïshiro n’avait jamais eu les fils qui lui auraient permis d’étendre ses cultures en terrasses sur les collines voisines, comme d’autres villageois avaient pu le faire. Les diguettes qui encadraient ses champs étaient entretenues du mieux qu’il le pouvait. Malgré cela, les pierres qui les constituaient se distinguaient à peine du marais boueux où Ine évoluait, enfoncée presque jusqu’aux genoux.

Ine chercha son père du regard, mince silhouette affaiblie par les ans et la perte de sa femme. Le cœur serré, la kunoichi se demanda s’il avait vraiment encore la force de commander au buffle décharné qui retournait la terre humide. Nola, le jeune homme ombrageux, se tenait à l’autre bout de la parcelle et semblait vouloir l’éviter à tout prix depuis le matin. Il était plus grand qu’elle ne l’avait d’abord estimé, dégingandé et sale aussi. Son visage était caché sous un jingasa mais Ine l’avait surpris à regarder vers elle à plusieurs reprises. Elle n’aimait pas beaucoup se savoir observée de la sorte, et avait dû se retenir plusieurs fois de laisser tomber le lourd panier de son dos pour aller lui demander en face ce qui n’allait pas. Elle avait finalement décidé de l’ignorer.

Sortant de sa rêverie, la jeune femme s’épongea le front du revers de son bras. Seule l’humidité ambiante l’empêchait de suffoquer. En se mettant au travail après le déjeuner Ine avait ressenti une angoisse sourde, et elle avait réalisé qu’elle revivait ses peurs d’adolescente. Peur de passer sa vie dans ce village, dans cette rizière, peur de se marier avec un inconnu et d’avoir des enfants qui perpétueraient à leur tour ce cycle infernal. Mais elle avait pris sur elle parce que ce n’était jamais que temporaire. Dans sa tête, Ine réfléchissait à comment elle pourrait ramener son père à Kirigakure pour qu’il y coule de vieux jours heureux.

Et, d’ailleurs, les anciens gestes lui étaient revenus très naturellement malgré cette angoisse. La main précise, elle attrapait entre ses doigts les minuscules grains de riz, blancs et ronds, pour les jeter ensuite par-dessus son épaule où ils tomberaient dans la large panière qu’elle transportait sur le dos. La pause du midi avait été assez courte et frugale, son père ne parlant pas et Nola s’étant isolé. L’après-midi vit se répéter toujours les mêmes gestes immuables. Puis le moment vint où, en dépit d’efforts conjugués pour s’éviter, Nola et Ine se retrouvèrent sur les derniers rangs de la parcelle, côte-à-côte à ramasser le riz. Le silence était lourd, interrompu uniquement par le clapot de leurs pieds dans la boue. La kunoichi eut envie d’en rire tellement c’était ridicule. Elle ne comprenait pas ce qu’elle avait pu faire pour être si bien ignorée par le jeune homme. Finalement elle se releva, rieuse, et essuya la sueur qui maculait son front.

- J’avais oublié à quel point c’est dur la période des moissons, lança-t-elle, désireuse de rompre la glace. Mais c’était sans compter l’humeur de Nola qui ne pipa pas un mot, se contentant de poursuivre sa tâche comme si la jeune femme n’était pas intervenue. Le visage d’Ine se colora sous l’effet d’une colère naissante. Elle s’imposa, mains sur les hanches, devant la route du jeune homme.

- Ecoute, fit-elle calmement, j’ignore complètement ce qui me vaut ton comportement mais sache que…

Nola se redressa vivement et darda des yeux furieux sur la kunoichi qui dut pointer le menton pour défier son regard. Ine entendit sa voix pour la première fois, une voix de basse grave et vibrante de colère.

- Tu aurais dû rester chez toi, gronda-t-il en la poussant un peu, on a pas besoin de toi ici.

Soufflée, Ine l’empêcha d’une main ferme de se pencher à nouveau. Elle protesta :

- Je te trouve bien condescendant. Je suis venue aider mon père…

- Où étais-tu l’année dernière ? Et l’année d’avant ? Tu n’es venue que parce que tu as appris que Yuna était malade, et si elle l’était c’est parce qu’elle n’a jamais pu se remettre du départ de sa fille !

Les mots atteignirent Ine plus durement qu’elle ne l’aurait cru. Elle recula de plusieurs pas, horrifiée. Nola, lui, profita de cet instant d’incertitude pour dégager sa main si violemment que la jeune femme tomba à la renverse. Ine battit désespérément des bras, mais, déséquilibrée par sa charge, elle atterrit les fesses dans l’eau. Le choc fit se répandre la presque totalité de sa récolte de l’après-midi sur elle et à ses pieds. Nola ricana en la voyant se retourner pour tenter pathétiquement de sauver ce qui pouvait l’être encore. Alors qu’il se détournait, elle tourna la tête, toujours à quatre pattes dans la rizière. Ses cheveux défaits lui retombaient sur le visage, garnis de grains de riz, mais il était impossible de se tromper sur sa posture agressive.

- Nola ! appela-t-elle.

Le jeune homme daigna se retourner pour écouter ce qu’elle avait à dire. Il y avait un mélange de curiosité et de mépris dans ses yeux. Ine pointa un doigt accusateur sur lui :

- Je ne sais pas de quoi tu as peur, Nola, mais si c’est ce que tu crois je ne suis pas venue ici pour réclamer un quelconque héritage. Ces rizières sont à toi ! ajouta-t-elle d’un ton provoquant. Un mouvement de ses bras lui présenta l’ensemble des parcelles qui les entouraient comme sur un plateau alors qu’elle crachait pour lui marquer son dédain. Les traits déjà furieux du visage de Nola se tordirent encore plus et il se baissa pour attraper une pierre à ses pieds. Ine ouvrit des yeux ronds. Elle eut le temps de se relever mais ses réflexes de kunoichi furent entravés par le lourd panier et elle ne put éviter la pierre. Instinctivement, elle porta ses mains en avant pour protéger son visage.

La pierre ne vint cependant jamais la frapper. Quand Ine abaissa ses bras pour mieux comprendre, elle se vit entourée d’un mur d’eau et le caillou retombait aux pieds de Nola. Interdite, elle dévisagea le jeune homme. Celui-ci se contenta de hausser les épaules.

- Tu vois, tu n’es pas de ce monde. Va-t-en !

Il s’éloigna, laissant Ine à la fois hébétée et furieuse par le ton dur qu’il avait employé. Quelque chose se brisa en elle. Elle se releva, se débarrassa de la panière sans plus s’occuper du riz récolté et lui cria, assez fort pour que plusieurs villageois se retournent dans leurs parcelles :

- Viens-te battre ! Je n’utiliserais pas d’artifices ninjas !

- Je ne me bats pas contre les filles.

Ces dernières paroles eurent pour effet de décupler la fureur de la kunoichi qui hurla :

- Lâche !

La jeune femme s’était rarement sentie poussée autant à bout : c’était comme si toutes les frustrations qu’elle accumulait depuis un moment explosaient. Ine était une personne solitaire mais fondamentalement altruiste, un peu fière, désireuse d’aider le maximum de gens et de contenter tout le monde. Mais confrontée au miroir de son égoïsme passé que constituait Nola, elle avait envie de faire taire l’Ine gentille et discrète et, pour une fois, de laisser la tempête se déchaîner.

La kiréenne se laissa tomber pour exécuter une roue parfaite qui lui fit prendre de l’élan malgré la terre marécageuse, puis elle se lança à la poursuite du jeune homme qui se retourna, surpris, en l’entendant arriver. Il eut à peine le temps de lâcher son panier avant que l’épaule d’Ine ne lui fasse ployer le ventre. Mais Nola, s’il était chétif, n’en était pas moins dépourvu de muscles. Attrapant les hanches d’Ine, il la fit tournoyer d’un quart de cercle avant de se laisser retomber de tout son poids sur elle. Le souffle coupé, la jeune femme eut néanmoins le réflexe de l’enlacer presque amoureusement. Ce qui tourna les choses à son avantage. Quelques secondes plus tard, qui avaient semblé des minutes entières, Ine se tenait à califourchon sur lui tout en maintenant sa tête hors de la boue de la rizière pour qu’il puisse respirer.

Ils étaient tous les deux à bout de souffle mais Nola contemplait Ine d’un air étrange, un sourire à demi satisfait aux lèvres. Tournant la tête, Ine reprit violemment pied dans la réalité en constatant le nombre de spectateurs qui les avaient observés, de près ou de loin. Son père, Heïshiro, était de ceux là. Ses traits portaient toute la tristesse du monde, la stupéfaction aussi. La jeune femme rougit violemment de honte. Ne sachant plus où se mettre, transpercée par les regards des gens chez qui elle avait grandi, elle se redressa et lâcha la tête de Nola qui retomba dans la boue. Puis elle donna une impulsion de chakra au niveau de la plante de ses pieds pour s’extirper du cercle dont ils étaient le centre. Elle regarda une dernière fois en arrière, son père qui aidait Nola à se relever, et, chassant ses larmes d’un revers de la main, s’enfuit à toute la vitesse que lui permettait l’artifice du chakra.

Ine s’arrêta enfin, passée la colline qui avait vu s’échafauder tous ses rêves d’adolescente, et reprit un rythme plus normal. Elle était épuisée, couverte d’une croûte de boue qui se rigidifiait en séchant. La kiréenne envisagea de se trouver un coin tranquille pour se remettre en état, que ce soit physique ou émotionnel, mais elle était encore trop près. Ine laissa donc s’écouler quelques longues heures de marche avant d’estimer qu’elle pouvait se laisser aller. De toute façon, le soleil se couchait déjà. La jeune femme soupira, s’éloignant de la petite route pour s’enfoncer dans les bois là où elle entendait un ruissellement d’eau. Elle s’était astreinte à ne penser à rien, un comble pour une spécialiste du Genjutsu ! Morne, elle ramassa quelques branchages secs qu’elle réunit pour faire flamber un feu. Puis elle se déshabilla, lava ses vêtements qu’elle mit à sécher au-dessus du feu et se coula elle-même dans la rivière.

Le courant était peu violent en cette saison, juste assez pour la débarrasser de sa carapace de boue. Voyant la terre se désagréger autour de ses doigts, elle s’autorisa enfin à penser à ce qu’il s’était produit lorsque Nola lui avait jeté la pierre qui avait tout déclenché. Cette barrière liquide, elle l’avait vue lorsqu’ils s’étaient tous fait attaquer en route pour Hasaï. C’était un bouclier classique produit par le Suiton de Naoyuki, Mizu no Tate. Ine ouvrit soudain la bouche, laissant échapper un petit cri de surprise. Nao lui avait dit qu’un jour son affinité élémentaire s’imposerait d’elle-même. Et l’eau l’avait protégée. Pourquoi seulement maintenant ? Ce devait être les émotions soulevées par son retour aux sources, décida Ine qui se sentit instantanément mieux. La kiréenne se sentait comme plus complète. Yuna, sa mère, lui avait dit un jour que s’ils étaient enracinés comme la terre, elle-même était comme l’eau, libre et changeante. Cela expliquait pourquoi elle s’était enfuie adolescente. Ine réalisa que Ren’ai n’avait été finalement qu’un prétexte.

La jeune femme laissa sa nuque glisser à la surface de l’eau, emportant sa chevelure le long du courant et la débarrassant des ultimes grains de riz qui s’y collaient. Elle éleva ses mains au-dessus de son visage, s’attendant presque à revoir l’eau s’y déployer en un film protecteur.

- J’ai repéré ton feu. Je croyais que les shinobi étaient plus discrets que toi.

Atterrée, Ine rétorqua sans se retourner :

- Va te faire voir, Nola !

Elle se redressa, cachant sa poitrine, et le fixa sans aménité alors qu’il sautait à bas d’un cheval de trait.

- Tu pourrais au moins avoir la décence de te tourner.

Mais il lui tendit ses vêtements d’un air indifférent.

- Ton corps ne m’intéresse pas, répliqua-t-il d’un ton cassant.

- Ah ? Elle n’était pas vexée, juste intriguée. Quoi, alors ?

Nola ne répondit pas. Avec un sourire de plaisir, Ine remarqua la griffure qui garnissait le côté gauche de son visage depuis leur combat. S’efforçant de ne pas pouffer, elle se rhabilla. Ses vêtements n’étaient pas tout à fait secs et lui collaient à la peau, mais ça n’avait pas vraiment d’importance pour elle. Elle s’attacha à dégager ses cheveux et à les démêler entre ses doigts.

- Tu vas revenir ?

Les yeux d’Ine se firent ronds, puis s’étrécirent de méfiance. Elle s’arrêta et le dévisagea.

- Pourquoi le ferais-je ? J’ai déçu mon père, c’est ce que tu voulais non ?

Pour une fois, Nola détourna ses arrogants yeux noirs.

- Je lui ai dit que je t’avais provoquée.

Ine retint un rire sarcastique.

- Ah oui ? Et pourquoi aurais-tu fais ça ?

- Je n’ai pas supporté de le voir si malheureux. Et Heïshiro a besoin de toi, pour les cendres de Yuna.

Ine serra les dents et détourna les yeux à son tour.

- Pourquoi tu me détestes ? laissa-t-elle échapper.

Mais Nola la saisit sans douceur par le poignet et, l’attrapant par les hanches, la hissa sans effort sur le cheval sans selle avant de monter derrière elle. Il la maintint contre lui d’un bras ferme passé autour de son ventre et lança l’animal d’un coup de talon et d’un claquement de langue, apparemment déterminé à ne pas la voir lui échapper. Ine soupira. Mais elle se laissa ramener vers son père.
Sokkachu

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MessageSujet: Re: Retour aux sources   Retour aux sources EmptyJeu 28 Avr - 17:49

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MessageSujet: Re: Retour aux sources   Retour aux sources EmptyVen 20 Juil - 1:46

Une secousse brusque vint la réveiller alors qu’elle s’était endormie, bercée par le pas cadencé de leur monture. Elle était toujours sur le cheval, et toujours maintenue fermement par le bras de Nola.

- On arrive.

Ine grimaça et répondit avec humeur, tout en cherchant à se dégager de la poigne du jeune homme :

- Lâche-moi maintenant, tu me fais mal.

Nola libéra la kunoichi qui se laissa tomber à bas de la monture. Il démonta à sa suite, donna une tape sur la croupe du cheval trop heureux d’être débarrassé du poids de deux cavaliers. Lorsqu’il se tourna vers la jeune femme, celle-ci se tenait devant la porte de la maison de son père. La lumière y filtrait encore malgré l’heure avancée de la nuit. Il s’approcha d’Ine et, se penchant un peu sur elle, lui souffla à l’oreille d’un ton délibérément provocateur :

- Eh bien, de quoi as-tu peur ?
- De le réveiller, abruti.

Et son père dormait effectivement, à la même place où elle l’avait trouvé le matin de la veille, faisant toujours face à l’urne de mauvaise ferraille qui contenait les cendres de sa mère. Ine se tourna vers Nola :

- Ne pourrais-tu pas… ?

Nola acquiesça de la tête. Il contourna la table pour saisir délicatement Heïshiro, l’emmena dans la pièce attenante qui servait de chambre. A voir Nola opérer de manière si tendre avec son père, Ine éprouva des sentiments contradictoires. Elle n’avait aucune envie de faire confiance à cet homme qui la méprisait tant, et pourtant il ne semblait pas feindre l’amour qu’il portait au vieil homme, ni éprouver un quelconque intérêt à le faire. Elle se souvenait de l’expression de son visage lorsqu’elle l’en avait accusé, de la colère si violente qu’il en avait perdu ses moyens.

Ine s’installa face à l’urne qu’elle attrapa pour la rapprocher. Elle posa son front dessus, ferma les yeux. Elle ne pouvait nier avoir été plus proche de son père que de sa mère, comme l’étaient probablement toutes les petites filles. Adolescente elle avait même eu des mots très durs à l’encontre de sa mère qui avait encaissé sans rien dire. Une main se posa sur l’épaule de la jeune femme qui sursauta.

- Tu devrais aller disperser ses cendres, tu ne seras pas embêtée à cette heure-ci.
- Je voudrais d’abord en parler avec …
- …non. Il sera heureux que tu l’aies fait.

Ine dévisagea, méfiante, Nola à la lueur feu mourant. Puis elle hocha la tête et se leva.

~*~

Ine avait choisi de s’enfoncer d’un bon kilomètre dans la forêt. L’endroit n’était connu que des femmes, qui venaient s’y purifier lors des étapes importantes de leur existence. Ine elle-même y avait eu sa cérémonie lorsque son corps avait fait d’elle une adulte. La fontaine d’Inari, ainsi qu’on l’appelait, était en fait une cascade née alors qu’un miroir de faille de plusieurs mètres de haut était venu perturber le cours de la rivière qui circulait près du village. L’incident tectonique avait par la même créé une trouée dans les arbres, si bien que la cuvette qui retenait l’eau en un petit lac était éclairée par la lumière de la lune. Ine s’installa sur une pierre qui formait un promontoire au-dessus de l’eau, l’urne coincée sous le bras. La posant devant elle, elle en enleva délicatement le couvercle et laissa ses doigts glisser dans les cendres comme s’il s’agissait de sable.

- Salut maman, commença-t-elle, d’abord avec hésitation. Peut-être que Nola a raison a raison et que j’ai été une fille ingrate. Toi tu me disais que j’étais comme l’eau, poursuivit-elle en riant, et tu ne croyais pas si bien dire. Même si cela paraît facile, je ne peux m’empêcher de penser que tu savais qu’un jour je m’en irais. Je me rappelle, tu m’avais dit qu’avant papa tu avais été folle amoureuse d’un homme de passage et que tu avais longtemps regretté de ne pas l’avoir suivi sur les routes. J’espère que tu ne m’en pas trop voulu, d’avoir eu le courage de le faire.

Ine s’installa plus confortablement sur ses talons. Elle fixait l’eau qui ondulait sous la même brise qui lui soulevait les cheveux. Finalement, elle attrapa une première poignée de cendres qu’elle laissa se disperser dans l’air.

- Il m’est arrivé beaucoup de choses depuis que j’ai quitté le village. Pas toutes bonnes, malheureusement, et parfois même c’est indicible. Même si j’étais détruite, j’aurais eu trop honte de revenir près de vous après que cet homme… Mais je devrais plutôt te parler des choses heureuses. J’ai retrouvé Ren’ai à Kirigakure. Comme je le disais dans ma lettre – l’avez-vous reçue ? Avez-vous trouver quelqu’un pour vous la lire ? – on m’y a admise comme kunoichi. Là-bas j’essaie de rendre les shinobi sensibles au sort des paysans. Tu vois, je n’ai pas oublié mes origines. Bon, ce n’est pas facile et ça ne changera pas beaucoup les choses j’en ai peur, mais au moins j’essaie, du plus fort que je le peux.

La kiréenne laissa un long moment s’écouler sans bouger. Parce qu’elle avait l’impression que sa mère Yuna l’entourait réellement, dans la brise, dans le doux clapotis de l’eau, elle ne se sentait pas ridicule de parler aux fantômes. Elle finit par se lever et s’empara de l’urne qu’elle emporta avec elle dans l’eau. Celle-ci s’y engouffra, entraînant les poussières en un tourbillon qui formèrent bientôt une fine pellicule à la surface, sur laquelle Ine passa sa main.

- Adieu, maman, murmura-t-elle. Ce que tu n’as pas vécu, je le vivrai pour toi. Tu n’appartenais peut-être pas à la terre finalement…

La jeune femme regarda les cendres disparaître, emportées par le courant. Songeuse, jusqu’au craquement pourtant léger qui la fit se retourner vivement. Nola se tenait quelques pas en arrière, confondu mais pas l’air le moins du monde contrit.

- Tu n’as aucune pudeur, fit sèchement remarquer Ine. Cet endroit est sacré pour les femmes.

Nola ignora la réprimande.

- Touchant, ton petit discours.
- Je n’ai pas besoin de tes sarcasmes.
- Non, vraiment, je le pense.

Ine laissa échapper un petit rire sceptique.

- Et je devrais faire confiance à un type qui jette des pierres à la tête des filles, mais qui refuse de se battre avec ?

Nola eut le bon goût de rougir. Furieux d’être pris à défaut, il attrapa quelques cailloux qu’il lui balança.

- De quoi tu te plains ? De toute façon tu t’en protè...

Il s’arrêta en constatant que le bouclier n’était pas apparu, et que le bord tranchant d’un des graviers avait occasionné une légère coupure au-dessus de l’arcade droite d’Ine.

- Ah bah ! Je ne devais pas être assez sincère, on dirait.

Furieuse, la kunoichi essuya le sang qui goûtait de son front d’un revers de la main. Elle releva enfin la tête pour protester. Mais le jeune homme avait déjà tourné les talons.

~*~

Lorsqu’elle revint au matin, le père d’Ine ne fit pas un commentaire. Il se contenta de serrer sa fille entre ses bras. Ils burent le thé en silence.

- Tu t’es blessée, fit-il remarquer soudain en désignant le mince trait rougi sur son front.

Ine expliqua ce qu’il s’était passé, laissant transparaître sa rancune. Les yeux du vieil homme se plissèrent.

- Ne sois pas trop dure avec lui.

Ine ouvrit la bouche, pour la refermer aussitôt. Elle ne voulait pas aggraver son cas. Mais elle cacha mal son sentiment d’injustice et Heïshiro finit par esquisser un tendre sourire.

- C’est lui qui nous a lu ta lettre à ta mère et moi. Ça nous a rendu à la fois tristes et heureux.

Ine baissa la tête.

- Il a dit que c’est de ma faute, si elle est morte.
- Non. Yuna était malade depuis très longtemps, et ta lettre lui a rendu ce sourire que j’aimais tant. Elle disait toujours que tu avais retrouvé ce shinobi que nous avions soigné quand tu avais quinze ans. Est-ce vrai ?

Ine ne montra pas qu’elle appréciait l’indulgence de son père. Elle rougit légèrement à la pensée de Ren’ai, et hocha la tête.

- Viendra-tu me le présenter ? Avez-vous prévu de vous marier ?
- Je.. j’en doute. Elle secoua énergiquement la tête. Ce ne sont pas vraiment des coutumes de shinobi…

Heïshiro eut du mal à cacher sa déception. Ine lui attrapa les mains :

- Mais toi, tu pourrais venir avec moi à Kirigakure ! La maison de Ren’ai est petite mais il y a une chambre pour toi. Je pourrais subvenir à tes besoins, pour que tu puisses enfin te reposer.
- Non, Ine ! Laisse-moi finir mes jours ici. Mon séjour sur cette terre sera bientôt terminé.
- Mais…

Heïshiro détourna la tête et retira ses mains de celles de sa fille.

- Allons travailler, maintenant. Les récoltes ne se feront pas toutes seules.

~*~

Le doux ronflement de son père emplissait la pièce. Allongée sur la couche de Nola, ce n’était pourtant pas ça qui aurait dû empêcher Ine de dormir, après la longue et dure journée de récolte sous un soleil de plomb. Elle finit par se lever, espérant que l’air frais nocturne achèverait de l’endormir.

Ine s’étira sur le pas de la porte. Son œil fut attiré par une silhouette, assise au pied des arbres qui formait l’orée de la forêt, quelques pas seulement derrière la maison. Nola… Mettant son inimitié de côté, elle alla se laisser glisser le long du tronc à côté du jeune homme. Celui-ci ne la regarda pas, mais il fut le premier à rompre le silence :

- Il refuse de te suivre, hein ? Devant l’absence de réponse, il poursuivit. C’est ce que tu disais hier soir, enraciné à la terre. Finalement, c’est Yuna qui a le mieux supporté ton départ. Lui, il espérait que tu reviendrais comme la fille prodige. Je crois même que son espoir secret était de nous voir mariés.

Surprise, Ine sursauta.

- Quoi ?! Et tu ne t’en formalise pas ?
- Non.
- Pourquoi ?
- Parce que ton père est vieux et qu’il voit la mort arriver. J’imagine que comme tous les pères il aurait voulu voir tes enfants courir autour de lui alors qu’il finissait tranquillement sa vie. Il s’arrêta un instant. Tu sais, ils parlaient tout le temps de toi. J’avais l’impression de te connaître par cœur avant de te rencontrer.
- De connaître l’Ine d’avant mon depart, rectifia la kunoichi.
- Tu n’as pas changé autant que tu te le figures.

Ine tourna la tête vers Nola et fut surprise de le voir sourire. Un vrai sourire, sans sarcasme qui déforme les lèvres. Puis elle avisa le pinceau qu’il tenait à la main, et demanda :

- Tu calligraphies ?
- Non, lâcha-t-il tranquillement. Je dessine.

Il tendit devant lui la feuille sur laquelle il peignait. Le dessin représentait une magnifique carpe, si réaliste qu’elle donnait l’impression qu’elle allait sauter hors du papier comme s’il s’agissait d’eau.

- Avant de m’arrêter ici, j’étais tatoueur. C’est ainsi que je te vois et j’aimerais te la tatouer.
- Je… je croyais que tu me détestais ? Alors pourquoi vouloir m’inscrire quelque chose d’aussi beau sur la peau ?
- J’ai essayé, crois-moi. Nola esquissa un sourire. [color=teal]Mais après t’avoir entendue parler à ta mère la nuit dernière, je n’ai plus pu. C’est ton espèce de bouclier d’eau qui m’en a donné l’idée. En y repensant, j’ai imaginé la carpe sur ta peau.[/ color] Il se tourna pour plonger ses yeux dans les siens. Accepterais-tu mon présent ?

Ine contempla de nouveau la carpe sur le papier. Elle se mordit la lèvre inférieure, puis hocha gravement la tête. Le visage de Nola se transforma. Il se leva d’un bond, tendit les mains vers Ine en lui disant de ne pas bouger, puis il disparut, la laissant perplexe. Quand il revint, complètement excité, il disposa un futon sur le sol, pleins de bougies autour et installa sur une plaque de bois plusieurs bouteilles d’encre et une longue aiguille. Ine ouvrit de grands yeux et regretta instantanément sa décision.

- Enlève ton haut, ordonna Nola. et allonge-toi ! J’en ai pour la nuit, alors autant commencer tout de suite !

Il la poussa presque sur le futon, elle avait à peine enlevé sa tunique et couvert sa poitrine d’un geste pudique. Après la canicule de la journée, l’air était resté chaud et Ine n’avait heureusement pas froid. La kunoichi sentit les mains du jeune homme caresser longuement son dos, s’attardant sur les cicatrices qui marquaient sa peau.

- D’où te viennent-elles, ces cicatrices ?
- Oh, c’est une longue histoire. Une histoire de shinobi, tu n’aimerais pas.

Nola accepta de bonne grâce l’esquive. Puis il ne parla plus, comme s’il étudiait le dos d’Ine, la tessiture de la peau, comment en apprivoiser les marques et les grains de beauté. Finalement, il attrapa sa longue aiguille, la trempa dans l’encre et commença son long travail. Si Ine serra les dents au départ, elle se sentit rapidement anesthésiée par la masse d’hormones libérées. La nuit s’avançant, elle finit par s’endormir tandis que, concentré à l’extrême, Nola était toujours penché sur son ouvrage.

~*~

Les oiseaux réveillèrent Ine, qui bavait légèrement sur son bras. Les bougies avaient fini par s’étreindre, complètement consumées, et Nola dormait allongé à côté. Ine essaya de bouger, se relevant à demi sur ses coudes mais elle se laissa retomber à cause de l’éclair de la douleur. Nola se réveilla. Il se frotta les yeux et lui sourit d’un air radieux. Le jeune homme se redressa.

- Va doucement, tu vas avoir le dos douloureux pendant plusieurs jours.

Il l’aida à se relever, la fit tourner pour admirer le tatouage.

- Tu sais, fit-il d’un ton presque timide, si tu pouvais refaire ce que tu as fait l’autre jour cela me rendrait très heureux.

D’abord, Ine ne comprit pas. Puis elle se rappela le bouclier aqueux. Elle revoyait encore Naoyuki faire les gestes qui déclenchaient la vague protectrice, et l’eau lui avait bien signifié qu’elle était son alliée. Oubliant sa poitrine dénudée, la jeune kiréenne ferma les yeux et invoqua en elle cette cascade de chakra qu’elle laissa l’envahir. Elle rouvrit les yeux, ses doigts dansèrent et ce fut comme si l’humidité de l’air se condensait pour former un flot tourbillonnant autour d’elle. Elle ne pouvait pas voir Nola, dans son dos. Mais quand ce fut finit et qu’elle se retourna, le jeune homme pleurait.

Attendrie, Ine s’avança et le prit dans ses bras.

- Tu l’as rendue vivante, renifla-t-il. Je ne t’en remercierai jamais assez.

Ine caressa d’une main la joue de Nola.

- Si, tu me remercieras en prenant soin de mon père. Son visage s’assombrit brièvement. Je vais devoir repartir, mais ce sera le cœur léger de le savoir avec toi. Tu m’écriras souvent ? Et moi, promit-elle, je reviendrai vous voir aussi souvent que j’en aurais l’occasion.

~*~

Trois jours plus tard, une Ine enjouée poussa la porte de la maison de Ren’ai. Un coup d’œil rapide lui montra la petite Taki, attablée sagement à travailler sa théorie. Un large sourire illumina les lèvres d’Ine.

- Tiens, Ren n’est pas ici ? demanda-t-elle après avoir chaleureusement embrassé la petite fille.

Taki esquissa une moue, et Ine sentit des bras puissants l’enlacer. Elle fut entraînée dans la chambre, la porte claqua dans son dos et l’haleine chaude de Ren’ai vint souffler à son oreille. Ine sentit ses jambes devenir coton.

- Taki ? gémit-elle.
- Taki ? répliqua-t-il d’un ton peu convaincu. Laisse, c’est une gamine très bien élevée.

Sa voix, un peu rauque, fit danser les papillons dans le bas-ventre de la kunoichi. Et, effectivement, elle entendit le bruit lointain de la porte qui claque, mais elle était à présent trop concentrée sur les baisers brûlants qui lui dévoraient le cou. Bientôt, une onde rouge envahit son champ émotionnel et elle se laissa emporter…

~*~

La jeune femme fut réveillée par la pression d’un doigt sur son tatouage encore douloureux.

- Tu peux ouvrir les yeux, je sais que tu ne dors plus.

Ine obéit. La voix de Ren’ai était rieuse, et il était si beau. Elle étendit la main, parcourut du doigt l’horrible cicatrice qui lui barrait le torse. L’homme se redressa sur ses coudes.

- D’où est-ce que tu sors ce tatouage ? demanda-t-il en caressant délicatement le dos de sa compagne.

- Hmmmm, marmonna Ine. D’un retour aux sources.

- Ah ?

Mais Ren’ai ne pouvait pas espérer mieux de la kunoichi. Ine esquissa un sourire espiègle qui se perdit en un regard flou. Elle repensa à Sho, à ce qu’il lui avait dit. Puis elle se redressa à son tour et se pencha pour l’embrasser.

- Je t’aime.

Et c’était la première fois qu’elle le lui disait.

[FIN]


[Je suis de retour =D et pour la peine je réclame la validation de Mizu no Tate pour ce rp^^]


Spoiler:
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Administrateur
Administrateur
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MessageSujet: Re: Retour aux sources   Retour aux sources EmptyVen 20 Juil - 16:21

Bon retour parmi nous !

Très belle session RP, j'ai adoré.

Ine +29XP
Technique validée.

EDIT STAFF : à ajouter dans ton profil/Etat : Ine a du mal à faire des gestes amples, le tatouage est encore douloureux.
Modification RPG : Malus de 5% en esquive et en dextérité jusqu'à 1er août.
Contenu sponsorisé



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