Kuroko - Bleurg!Encore une fois, je vomissais. Je n'avais pas arrêté de vomir ces trois derniers jours, depuis que nous sommes monté sur
L'Hippocampe, un bateau commerçant au nom douteux. Nous avons réussi à embarquer contre quelques pièces d'or et le remboursement d'une dette que devait le capitaine, Chu, à ma mère. Depuis là, il n'y avait rien de neuf, juste l'attente. Ces trois jours en mer avaient donné le temps à chacun le temps de repenser les événements de cette fameuse journée.
Je savais que le remord d'avoir abandonné son fils rongeait ma mère. Je l'entendais pleurer régulièrement quand elle feignait dormir. C'est quelque chose qui me travaillait aussi, dans la mesure où j'étais responsable des derniers événements. Et s'il était mort? Je devrais vivre avec l'idée d'avoir tuer mon frère? J'essayer d'éviter d'y penser au maximum, et mes nausées étaient d'une grande aide dans cette entreprise. Oui, j'étais malade comme jamais je ne l'avais été. Ma mère par contre était en parfaite santé, rien n'empêchait cette histoire de la travailler.
C'était peut-être pour ça qu'elle ne m'avait pas adressé parole ou regard depuis notre départ. Comment me voyait-elle quand elle me regardait? Comme si j'étais devenu quelque chose d'autre, un monstre qu'elle n'était pas capable de reconnaître. Était-ce ce que nous étions, des monstres? Pourtant mon visage, blanchis par mes nausées, avait toujours l'air humain. D'ailleurs aucun matelot ne se doutait qu'il y a quelques jours, j'avais fait bouger de la roche sans même le vouloir.
Marin - Hey gamin, tu te vides toujours?Il prend mon visage blanc comme une réponse.
Marin - Bah si tu arrives à regarder l’horizon sans vomir, tu verras une bonne nouvelle. On va arriver.L'homme ne mentait pas : en plissant un peu les yeux, et en retenant une envie de rendre, j'ai pu voir une tâche verdâtre qui se démarquait du reste des flots. Sawa. Ce pays avait quelque chose d'unique. D'autres avaient un même climat inhospitalier, mais le pays des marécages avait cette faune si particulière qui en voulait systématiquement à votre vie. Des couguars rôdaient dans les hautes herbes, les rivières étaient peuplées par des crocodiles et des Charatas vous volaient vos proies de chasse. Même les moustiques essayaient de vous tuer.
Le port sur lequel nous accosterions s'appelait Kyûmon et faisait office de plaque tournant pour le commerce entre Shimei et le continent. Ou tout du moins c'était le cas avant que l'unique base samouraï du pays ne soit détruite pendant les événements du mois passé. Depuis, les contrebandiers en avaient fait une plaque tournante pour les trafics en tout genre. Si l'arrière pays avait eu la chance d'échapper à cette corruption, il devenait difficile de faire affaires à Ryûmon sans avoir à traiter avec ces gens.
L'Hippocampe a jeté son encre sur l'un des deux seuls emplacements libres du port. Après avoir réglé quelques taxes presque réglementaires, puis indiqué le contenue de son navire, le capitaine Chu a pu terminer de régler cette dette qu'il devait à ma mère. Après une accolade rapide, elle prit la main de ma sœur avant de remonter le ponton. Nous venions passé la frontière.
Kuroko - Bon... Du coup on fait quoi?Chidori - On trouves un endroit où sûr où dormir, de quoi manger, et un moyen de ramener votre frère ici.Les premiers mots qu'elle m'adressait en trois jours.
Kuroko - Mais, comment tu...Riku - Tu veux faire venir Aki-kun?Chidori - Oui ma chérie, et après on partira d'ici.Je me suis exclu de la conversation, retranché dans mes pensées. Elle voulait ramener Akikaze sur le continent? Comment le faire sans avoir à retourner à Shimei? Comment simplement retourner à Shimei? Nos têtes devaient déjà être placardées partout. Même ici à Sawa je n'arrivais pas à me penser à l'abris de l'inquisition qui me menaçait. Qui NOUS menaçait. C'était de ma faute si nous étions dans cette situation, mais c'était aussi ma responsabilité de ne pas l’aggraver...
Pourtant j'avais aussi terriblement envie de revoir mon frère, ou du moins savoir s'il était mort ou non. Cette interrogation avait commencé à ronger mes entrailles. C'était si difficile d'avancer sans être sur de ce qu'on a laissé derrière soi. Je n'avais même pas pu lui dire adieu, et c'était peut-être la seule chance que j'avais de le faire... Vivre dans le remord était plus facile que de vivre dans l'ignorance. Alors peut-être que tout risque pour avoir une réponse, ça n'était pas une si mauvaise idée.
Nous avions marché jusqu'à la bordure de la ville sans que je ne m'en rende compte. C'était là que se trouvaient les bâtiments les plus miteux, mais aussi les auberges les moins chers. L'une d'entre elle a accepté de nous louer une petite chambre pour les quatre prochains jours. Il n'y avait qu'un lit, suffisamment grand pour que ma mère et ma sœur puisse dormir ensemble.
Ce soir, je dormirais sur le sol.
***
C'est encore une fois la douleur de sa jambe qui avait réveillé Akikaze. Le regard fatigué, le jeune samouraï essaya de trouver le verre d'eau qui traînait à côté de sa paillasse. L'eau pas vraiment fraîche, mais c'était déjà un luxe de pouvoir s'en servir aussi facilement quand on est un prisonnier. Un traitement de faveur due autant à sa blessure qu'à sa fonction. Où ancienne fonction à en croire le chef du village.
Dès qu'il sut que Kuroko était l'un des monstres, la chasse a été lancée. Trois samouraïs et quelques villageois ont été jusqu'à la cabane que partageaient la famille. Trop tard, ils ne restait plus qu'Akikaze, évanoui, la jambe ensanglantée. Les samouraïs se sont empressés de le ramener au centre du village pour lui administrer les soins pendant que les villageois sont partis vers les ports de Shimei. Le temps qu'ils y arrivent, leurs proies avaient déjà eu le temps de trouver un capitaine qui accepterait de les conduire loin de l'île.
S'ils ne l'avaient pas soigné, les samouraïs auraient peut-être pu rattraper sa famille. Ce qu'ils ne savaient pas, c'était qu'Akikaze s'était auto-mutilé, persuadé que ses amis préféreraient le garder en vie plutôt que de traquer leur proie. C'était un paris qu'il avait gagné. Une petite victoire dans cet océan de malheur.
Pour commencer, il ne reverrait probablement jamais sa famille. Ensuite, le chef du village avait décidé qu'il fallait s'assurer qu'un autre "monstre" n'apparaisse pas. Pour ça, il voulait condamner Akikaze à la peine de mort. Une décision qui a été repoussée dès que les samouraïs s'étaient opposés à cet ordre. Les samouraïs ne répondaient qu'à leur propre caste, et à celui qu'ils décidaient de servir. Hors Akikaze n'avait jamais dévoué son sabre au chef de son village.
Une autre victoire rapidement balayée quand deux lames, qui elles répondaient aux ordres du chef du village, ont fait d'Akikaze un prisonnier réclamant un procès au plus vite. Les autres samouraïs étaient prêt à prendre les armes, mais le leader de leur caste leur interdit. Il préférait sacrifier un jeune sabre à la famille maudite plutôt que de voir des samouraïs s’entre-tuer. Ça n'aurait fait qu'affaiblir leur position déjà précaire au lendemain des événements du Soleil Couchant.
Alors il était dans cette prison, avec une paillasse et un verre d'eau. À travers son bandage bien serré, la douleur de la lame qu'il avait enfoncé dans sa jambe. À travers les barreaux de sa fenêtre, Akikaze pouvait voir la mer. Face à cette vue, son cœur se serrait.
Il espérait que sa famille était en sécurité.