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| Chapitre 2 - Autour d'une bouteille de Saké | |
| | Sujet: Chapitre 2 - Autour d'une bouteille de Saké Ven 13 Juin - 21:18 | |
| Chapitre 2 - Autour d'une bouteille de saké // Ieyasu // Il est des nuits où ça ne va pas. Des nuits où, quoi qu'on fasse, on se retourne dans son lit, énervés, impatients de trouver un sommeil qui ne pointera pas le bout de son nez avant longtemps, voire jamais. De ces nuits où, malgré le froid et la fatigue, l'extérieur nous appelle. De ces nuits où l'on découvre l'univers d'un regard neuf et épanoui.
De nouveaux décors, de nouveaux bruits, une odeur inconnue, des secousses inattendues, rien n'était fait pour trouver le sommeil. J'avais récupéré de mes blessures et je logeais dans la cabane du grand gaillard qui m'hébergeais. Takuan, un étrange bonhomme. Dans ce lit de fortune ma foi confortable, je n'arrivais pas à trouver le repos. Mon corps appelait à l'action, malgré la fin de l'après midi qui pointait à la lueur d'un soleil orangé. Je tentai un dernier assoupissement.
En lutte depuis plusieurs heures contre mon cerveau en ébullition, à la récolte de la moindre poussière à l'aspect nouveau, je décidai de me lever pour de bon quelques heures plus tard. L'insomnie ne me relâcherait pas de sitôt, aussi envisageai-je les ruelles de Kumo comme refuge. Il n'y avait personne dans la cabane. J'agrippai un manteau qui n'était pas le mien, et je m'engouffrai dans l'air glacial et humide d'une nuit étoilée. Étonnement étoilée d'ailleurs, comme je n'en avais jamais vu auparavant. J'avais l'impression de contempler une toile remplie de mille et une poussières brillantes réparties au hasard d'un souffle peu assuré. A coup sur, l'artiste qui les avait placées là avait l'esprit novateur. Comment de tous petits points brillants pouvaient-ils fasciner autant le spectateur qui les regarde ?
Mes pas aléatoires me menèrent en des contrées inexplorées. Je traversai d'abord la cité interdite, qui montrait une face lugubre et peu attirante en comparaison de son activité foisonnante dans la journée. Je ne flânai donc pas et partis vers l'Est. Les ruelles de la périphérie du village, étaient à la fois la façade populaire, heureuse et festive, et le quartier peu fréquentable pour les fils de bonne famille. Il regroupait une bonne demi douzaine d'auberges et de tavernes où quiconque pouvait se noyer dans l'alcool ou trouver les plaisirs charnels interdits. Nous étions dans un village militaire, aussi les débordements ne semblaient pas visibles.J'évitai ces parcelles d'obscurité, et me concentrai sur les lampions de la rue dans laquelle j'étais rendue depuis quelques minutes. Des dizaines de petites lumières enveloppées de feuilles de bambou colorées, qui en paraissaient pourtant des centaines, étaient disposées aux devantures des bars et cantines encore ouvertes. Les gens paraissaient de simples fantômes anonymes sans visages, faisant fî d'autrui, et sachant pertinemment que personne ne s'intéressera à eux en retour. J'eus l'impression d'assister à une marche funèbre de cadavres mouvants, ponctuée de sons soudainement hélés ça et là, et d'une musique étrange, mélange hasardeux provenant des échoppes alentours.
Je ne sus qu'en penser, et à vrai dire, je m'en fichais. Je regardais le ciel, et ces lampions, courageux messagers célestes qui apportaient à ce tableau pitoyable une pointe d'espoir, une force de vie luttant envers et contre tous. Soit, puisqu'il n'y avait que cela d'important, je décidai de prendre de la hauteur. Dans une ruelle désertée, un mur empli de prises innombrables parut à ma vue. Je pris la balle au bond, et l'escaladai sans grande peine, sinon celle de mes baîllements répétitifs qui prouvaient qu'une virée au grand air était le meilleur remède contre l'insomnie. De là haut, quel spectacle fabuleux. Immergé, entre la voûte brillante et les ruelles illuminées, j'eus l'impression de flotter, de me déposer sur un îlot d'innocence, bien au delà des masses lointaines, amorphes, des passants sans visage qui erraient au loin. Là, je me sentais bien, un peu refroidie, mais terriblement bien. Je venais enfin de parvenir à stopper le flux continu d'une scène se répétant des milliards de fois dans ma tête, de ma course poursuite, de mes culottes perdues dans les bois. Là, d'un coup, pouf, plus rien, le bien-être et la sérénité la plus totale. L'idée d'être bien, comme ça, sans rien ni personne, sinon le ciel, et ces minuscules petits points d'espoir qui rayonnaient au dessus de ma tête. |
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| Sujet: Re: Chapitre 2 - Autour d'une bouteille de Saké Sam 14 Juin - 6:17 | |
| // Ieyasu // Il titubait doucement le long de la chaussée humide, le regard vide et vaporeux. Je ne m'attendais pas à croiser mon hôte dans un tel endroit.- Que faites vous là, Takuan-sama ?Il tenait de sa main droite une bouteille de saké à demi entamée, un doux sourire s'esquissait sur son visage mal rasé.- Que fais-je là ? Je profite de la vie, voyons ! Comment vas-tu, cher invité ?Je sentais encore mes côtes branlantes sous le manteau d'emprunt, mais je ne pouvais pas vraiment me plaindre. J'aurais pu être dans un bien pire état.- Ca va. Je n'arrivais pas à dormir, je me suis dit qu'un peu d'air frais me ferait du bien.Il replaça son chapeau de paille qui tanguait dangereusement vers la droite, puis m'infligea une énorme tape dans le dos qui faillit me décoller les côtes à nouveau.- Parfait ! Aimes-tu le saké, mon garçon ?Je lui chipai la bouteille des mains et lui ravis une bonne gorgée.- Pas trop mauvais, il ne vaut pas celui d'Amagumo, mais ça ira !Son rire résonna dans la ruelle. Un rire sincère, chaleureux, qui animait les coeurs. Je le connaissais à peine, mais j'aimais cet homme. Il me semblait capable de raviver la flamme de n'importe qui rien qu'en étant là, il rayonnait d'une sérénité communicative qui donnait envie d'embrasser le monde.
Nous passâmes une bonne partie de la nuit dans différentes tavernes, au son des guqins et des flutes des Isatsu qui peuplaient les foyers de nos bivouacs éthyliques. Je n'en avais encore jamais rencontré auparavant, et je n'avais encore aucune idée de leurs talents, mais j'admirais leurs talents musicaux, ils parvenaient à transformer n'importe quel bouge vulgaire en lieu de villégiature festif. Les gens venaient naturellement vers nous. Takuan n'avait passé qu'une dizaine de jours au village, mais je remarquai qu'il connaissait déjà beaucoup de monde. Certains l'appelaient Emi Ootoko, le géant souriant, je trouvais que ça le décrivait parfaitement. Je me faisais plus discret, observant les gens discuter, danser, trinquer. Certaines tables semblaient beaucoup plus sérieuses, certains étaient certainement en négociation de contrats juteux. J'étais alors souvent rattrapé par une apostrophe de Takuan, me demandant ce que je voulais boire, ou si je ne voyais pas ici une jeunette à mon goût. Je n'en avais aucune idée, je ne m'étais encore jamais posé la question, mais j'acquiesçais à moitié afin d'éluder le sujet. |
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| Sujet: Re: Chapitre 2 - Autour d'une bouteille de Saké Sam 14 Juin - 7:08 | |
| //Ieyasu// Ce ne fut bientôt plus la nuit, mais le petit matin. Le ciel prenait peu à peu cette lumière tamisée signe du retour du soleil, et les oiseaux commençaient à chanter ça et là, comme pour encourager les badauds bourrés qui rentraient chez eux. Nous avions beaucoup bu, Takuan et moi, mais nous tenions encore sur nos deux jambes, et plutôt que de rentrer à la cabane, le géant me proposa une alternative intéressante.
- Que dirais-tu d'aller au bord du lac, pour finir cette bouteille au soleil levant ?
Mes yeux se fermaient tous seuls, mais la proposition semblait alléchante.
- Ce serait idiot de gâcher du si bon saké, n'est-ce pas ?
- Certainement, un sacrilège même. Shiun pourrait te foudroyer tel quel s'il l'apprenait.
- Ah, parce que c'est un homme ?
- Haha ! Et pourquoi pas ? Je me le suis toujours imaginé en vieil homme alcoolique à l'esprit embué. il faudrait au moins ça pour qu'il laisse ses sujets mourir de froid et de faim, si ce n'est de la guerre, depuis des décennies. Il doit bien se marrer, sur son nuage, à voir tous ces moines s'éreinter les genoux et réciter leurs mantras à longueur de journée, pendant qu'il picole tranquille.
Il marquait un point.
- Je ne me suis jamais posé la question, je n'ai jamais vraiment cru à grand chose de toute ma vie, mais j'imagine que tu as raison...
Nous arrivâmes au bord d'une petite butte qui surplombait le lac. Juste à temps, le soleil venait d'apparaître au loin et nous inondait doucement d'une lumière rafraichissante. Nous nous assîmes en silence. Lorsque Takuan reprit la parole, il avait repris une consistance bien plus sérieuse. Les coudes posés sur les genoux, yeux perdus vers l'horizon, il grattouillait sa barbe courte.
- Et maintenant, cher Ieyasu ? Il me semble que tes blessures vont mieux, quelle sera la suite de ton voyage ?
La réalité me frappa en plein visage. Je retombai dans cet état apathique, entre deux réalités, incertain des choix qui s'offraient à moi, et suspicieux sur la bonne route à emprunter.
- Je ne sais pas... Je suis un fugitif, je devrais probablement me faire discret. Mais j'ai tout perdu dans ma fuite.
- C'est peut-être indiscret, mais qu'est-ce qu'ils te voulaient, ces hommes ?
Je soupirai longuement.
- Tu n'es pas obligé de me le dire, chacun doit pouvoir garder une part de secret.
- Non, ce n'est pas ça. Je pense que je peux vous faire confiance, Takuan-sama?
Il hocha la tête, sans mot dire. Il n'avait pas besoin à vrai dire, à quoi bon me sauver la vie pour me mentir ensuite ? Je sortis de ma poche un petit objet, un tampon, ciselé dans une pièce de jade plutôt précieuse. Je le lançai à Takuan. Il manipula l'objet avec la plus grande précaution, sous différents angles. Ses gros doigts possédaient une certaine délicatesse.
- Un sceau ? Celui de ta famille ?
- En effet. Observe le détail et les courbes qu'il possède. Il est pour ainsi dire infalsifiable. La personne qui l'a confectionné est morte depuis bien longtemps. J'ai tout perdu dans ma fuite, mais cet objet fait de moi une cible vivante.
- Dans ce cas, jetons le dans le lac, et le problème est réglé !
Il fit mine de se préparer à le lancer, mais je l'interrompis en hurlant. Il se mit à rire de bon coeur, j'étais tombé dans le panneau comme un débutant. Il me rendit le sceau en me demandant de continuer mon récit. J'acquiesçai.
- C'est le sceau des Tokugawa. Quiconque le possède dans la famille possède autorité totale sur les affaires de la famille. Et nous sommes engagés dans bien des affaires, pour la plupart des lucratives, dans le Rakuen et sur une certaine partie des monts Fubuki. Jeux d'argent, agriculture, vente d'opium, mon père s'est bâti un petit empire commercial. J'en suis l'héritier légitime, et maintenant que père est trop vieux pour s'occuper de tout ça, c'est à moi de reprendre le flambeau.
- Que fais-tu ici dans ce cas ?
- Je.... je n'en veux pas. Je ne suis pas prêt, je n'en sais rien... C'est trop lourd à porter pour moi, je ne m'en sens pas capable.
- Je ne comprends pas. Tu n'es pas le seul à pouvoir t'occuper de ces affaires là je suppose ?
- Je suis fils unique. Mais j'ai deux oncles. L'un est un pédophile lubrique, l'autre se prend pour un général vereux et s'est forgé la réputation d'un tyran local adepte de la torture. C'est surement l'un des deux qui a lancé des hommes à ma poursuite. Tant qu'ils n'ont pas ce sceau, ils ne pourront asseoir leur emprise sur les affaires familiales. Toutes les transactions familiales ont toujours été entérinées à l'aide de ce sceau, les partenaires habituels ne feront confiance qu'en celui qui leur présentera un contrat valide en bonne et due forme.
- Et du coup, tu n'as trouvé que la fuite comme porte de sortie...
- ... en attendant de trouver quelqu'un pour reprendre le flambeau. J'ai un cousin, d'une branche éloignée de la famille. Ma grand mère en disait toujours beaucoup de bien, même si je n'ai jamais pu le rencontrer. Il en serait peut être capable. Mais comment le trouver, je n'en ai aucune idée...
- Et si tu nous joignais comme shinobi de Kumo ?
Mes yeux ronds trahirent ma surprise.
- Qui ça ? Moi ? Je suis fragile et couard. Je ne suis pas fait pour une vie pareille. Il me faut du calme et de la tranquilité...
- Un couard n'aurait pas pris la décision de devenir une cible vivante pour oncles crapuleux. Un imbécile peut-être, mais pas un couard.
Après un petit silence gênant, nous rîmes presque simultanément. Et s'il avait raison après tout ?
- De ce que je vois, tu auras besoin de savoir te battre, que ce soit pour fuir tes agresseurs, ou pour retrouver ce cousin mystérieux. Tu aurais tout intérêt à apprendre tout cela à Kumo. .
Ces arguments semblaient imparables. Je n'avais plus un sou en poche également, il fallait que je me renfloue avant de reprendre mon voyage, et ce, pas avant d'avoir remboursé Takuan pour ses dépenses lors de ma convalescence. Nous rentrâmes chez lui, et après une courte sieste, un petit déjeuner frugal et une bonne migraine, j'allai à l’administration du village de la Foudre.
Moi, Ieyasu le couard, j'étais devenu shinobi. Dans quoi bon m'étais-je lancé ? |
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Ibuki SenjagoAspirant de Konoha | Sujet: Re: Chapitre 2 - Autour d'une bouteille de Saké Mer 18 Juin - 22:08 | |
| Takuan Toshiya : 23 xp
Rp solo original, car dans les yeux d'Ieyasu. Ton style d'écriture traduit bien l'émotion. J'aurais aimé en avoir plus. Hana a raison, lorsqu'il dit que dans tes rp's, une ambiance règne. J'ai beaucoup aimé celle-ci, pour ce calme apaisant. |
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| Sujet: Re: Chapitre 2 - Autour d'une bouteille de Saké | |
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