« Hé, Hyûma, c'st pas ta chef, là-bas ? Déclara Matsui, près d'une des vasques enflammées.
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La Kage ? Elle est pas malade ?_
Nan, la bourgeoise qui t'embauche !_
Ah, la patronne. Ouais, c'est elle. Youhou ! Sanae ! Par ici, par ici ! Brailla Hyûma en faisant de grands signes.
_ Elle nous ignore, constata son ami.
_ Meuhnan, c'est juste qu'elle nous a pas vu. YOUHOU ! SANAE ! ON EST LÀ ! » Se remit à hurler le majordome en sautant en l'air tout en agitant les bras.
Sanae fit signe aux badauds avec qui elle discutait qu'elle n'en avait que pour cinq minutes, avant de rejoindre son turbulent employé. C'est qu'elle commençait à le connaître l'animal : si elle feignait de l'ignorer, cette andouille allait monter en puissance pour attirer son attention. Inutile de se ridiculiser devant tout le monde, autant prendre cinq minutes pour voir ce qu'il voulait.
« Bonjour, mademoiselle, fit le compagnon de Hyûma.
_ Sanae, je te présente Matsui, mon meilleur pote ! Matsui, voilà Sanae.
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Je vous présente. Enchanté, répondit poliment l'Hanaerobi. Qu'est-ce que vous faites ?
_ On regardait les saladiers cracheurs de feu, signala Hyûma.
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Des vasques, pas des saladiers... Ce sont les œuvres d'Omae Jiga, le maître du Katon. C'est impressionnant, n'est-ce pas ?
_ ça, c'est sûr, c'est la classe, approuva Hyûma. Y'en a plein dans le village, pas vrais ?
_ Oui, exact. Plus particulièrement tout le long de l'avenue principale, ainsi que tout autour de la place du village, commença à expliquer Sanae. C'est...
_ C'est bon, je suis de retour, signala brusquement un nouveau venu. J'ai trou... Oooh, mais qui est cette charmante personne ?
Heu... Hyûma, rassure-moi, elle tape pas, celle-là, hein ?_ Haha ! S'enthousiasma Hyûma. Allez, donne-moi ça. À propos, Sanae, voici Keigo, mon autre meilleur pote ; Keigo, ma patronne, Sanae.
_ Enchanté... Attendez, attendez, attendez, Hyûma, S'alarma sa patronne. Qu'est-ce vous tenez, là ? »
L'Hanaerobi jeta un regard suspect à la pièce de tissus qui enveloppait visiblement un long objet. Toutes ces cachotteries ne lui disait rien qui vaille. Elle fut rapidement fixé lorsque Hyûma, visiblement euphorique, dévoila ce que venait de lui rapporter Keigo.
« Tadaaaam ! C'est un pied-de-biche ! Précisa le majordome avec emphase.
_ Un pied-de-biche ?
_ La classe, pas vrai ?
_ Je peux savoir pour faire quoi ? Insista Sanae.
_ Bien sûr ! Figure-toi que tes calebasses, là... Hé bien, y'a un petit malin qu'a rien trouvé de mieux que les fixer au sol avec cette grosse plaque d'acier, expliqua Hyûma.
_ Évidemment : c'est une sécurité au cas où des fêtards chahutent et bousculent la vasque, répondit l'Hanaerobi. La dernière chose dont a besoin ce festival, c'est un torrent de flammes dans la rue qui provoqueraient une panique monstrueuse et de violents mouvements de foules.
_ Ouais, c'est sûr. Bref, on a décidé de faire sauter c'te fichue plaque !
_ Pardon !?
_ Ben ouais, comme ça, on pourra la déplacer, approuva Keigo.
_ Non. Non non non non non, on ne touche pas à ces vasques, ce n'est pas négociable, les garçons, affirma Sanae d'un ton péremptoire.
_ Allez, fais pas ta mauvaise tête, Sanae, on fera attention, t'inquiètes, la rassura le majordome.
_ Non, c'est non.
_ Mais je te jure que t'adoreras la surprise, promis Hyûma.
_ Non. Hors de question, pas de surprise ce soir, certifia Sanae.
_ Demain matin, alors ?
_ Hyûma.
_ Mais allez, quoi : ça serait pas la classe dans le salon, une vasque qui crache des flammes ?
_ …
_
Ah flûte, la surprise... Heu, tu peux faire comme si t'avais pas entendu ?_ Hyûma, ça ne va pas être possible, voyons... Glissa l'Hanaerobi de sa voix la plus persuasive possible.
_ Ben pourquoi ? S'étonna le majordome. On éclate les rivets, on libère la vasque, on la transporte en douce jusqu'à la baraque et hop : trop la classe quand t'accueille des gens à la maison. C'est pas vrai, les gars ?
_ Si, si, affirmèrent en chœur ses deux compères.
_ Non, Hyûma. Comment vous dire... Hé bien... Ces flammes montent à plus de trois mètres de haut : si on la mettait dans le salon, on brûlerait notre plafond.
_
Ah, tiens, j'avais pas pensé à ça..._
Étonnant..._ Bon, ben dans le jardin, alors ? Proposa le jeune homme. À côté de la porte, ça serait pas mal non plus ?
_ Les voisins n'aimeront pas, assura derechef Sanae.
_
Peuh, c'st pas beau d'être jaloux._ Écoutez, Hyûma, soyez raisonnable, cette chose n'irait pas chez nous. Ça jurerait avec la décoration. Alors laissez-là là où elle est.
_ …
_ Hyûma ?
_ Sanae, je peux te parler cinq minutes.
_
Vous parler... Très bien » Soupira l'Hanarobi.
Le jeune homme attira sa patronne à l'écart, loin des oreilles indiscrètes de Matsui et Keigo – qui n'avaient de yeux que pour la plaque riveté et échangeaient leurs opinions sur la meilleure façon d'en venir à bout. Hyûma vérifia tout de même à droite à gauche que personne n'écoutait parmi les passants, avant de chuchoter.
« Écoute Sanae, c'est juste temporaire : je la rends demain, promis-juré. Et on la stockera derrière la maison si t'as peur de la réaction des voisins. Alors, je peux ? La supplia le majordome.
_ Attendez... Qu'est-ce que vous comptez en faire, au juste ?
_ Ben... C'est pour le tournoi en fait, révéla Hyûma.
_ …
_ …
_ Et ? Je ne vois pas bien la relation entre la vasque et le tournoi, pour l'instant, signala Sanae.
_ Mais enfin, c'est évident ! On parle d'un vase lance-flammes ! Avec ça, je vais avoir un super avantage pour les matchs, c'est évident !
C'est les cracheuses de feu qui m'ont donné l'idée._ Que je résume... Soupira Sanae. Vous voulez piquer du matériel du village...
_
Nan, mais c'est juste temporaire._ … le ramener à la maison sans que personne ne s'en aperçoive...
_
On passera par les petites ruelles, y'a moins de monde._ … le cacher à l'insu de tous à la maison...
_
Dans la cabane de jardin, ça devrait passer, non ?_ … avant de refaire tout le chemin inverse jusqu'à l'arène...
_
Du coup, je devrais peut-être le cacher directement là-bas, en fait..._ … afin de l'utiliser demain matin, en espérant que personne ne le reconnaisse...
_
Je vais le customiser avec de la peinture, ils n'y verront que du feu._ … et que cette chose marche aussi bien à l'horizontal qu'à la verticale...
_
Pas de soucis, vu que c'est magique !_ … j'ai bien compris ?
_ Ouais. Futé comme plan, non ? Rayonna le jeune homme.
_
C'est une question de rhétorique ? Hyûma, je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
_ Oh ? Ben pourquoi ?
ça peut que marcher, voyons !_ Hé bien... heu... Parce que c'est inutile, voyons, improvisa Sanae, vous avez déjà un sabre en bois béni, némesis des fantômes.
_ Ah oui, mais ce ne sont pas des fantômes que j'affronterai demain, objecta Hyûma.
_ Peu importe : c'est une arme mythique. Vous pensez vraiment qu'un vulgaire lance-flammes pourrait vous être plus utile ?
_ Ben heu...
_
Ne cherchez pas, ça, c'était une question de rhétorique. Non, non, non : vous vous en tirerez à merveilles avec votre sabre, pas besoin d'artifices inutiles. Et puis, vous ne savez même pas comment ça marche, ces vasques : c'est un coup à perdre bêtement.
_ Sauf...
_ Vous n'avez pas confiance dans vos compétences martiales ?
_ Si, mais...
_ Je suis certaine que vous gagnerez haut la main sans ces bêtises. J'ai confiance en vous.
_ D'accord, convint le majordome à demi-convaincu.
_ Bien, se félicita Sanae. Donc vous n'avez plus besoin de ce pied-de-biche. Vous me le donnez ?
_
Tu veux en piquer un aussi, c'est ça ?_
Hyûma. Voilà qui est mieux, soupira de soulagement l'Hanaerobi en récupérant l'ustensile. Maintenant, si vous alliez vous amuser avec vos amis ? Il y a des tonnes d'autres spectacles partout dans la ville.
_ Mouais.
_ Et le restaurant de sushis « le poisson lune » fait buffet à volonté jusqu'à minuit.
Pour la modique somme de 40 ryos par personne, boissons non comprises._ C'est vrai !? Youhou ! Et Keigo, Matsui ! Y'a un buffet à volonté, faut qu'on se dépèche ! »
Avant que Sanae n'ait eut le temps de dire ouf, le trio de survoltés disparaissait déjà au loin. Une bonne chose de faite, estima l'Hanaerobi : ç'aurait fait tâche que le service de sécurité interpelle son majordome.
Ne lui restait plus qu'à se débarrasser de ce fichu pied-de-biche...