Jinbeï Kaneda faisait les cent pas dans le salon. Il traversait la pièce dans un sens puis, arrivé au mur, faisait demi tour pour aller jusqu'au mur de l'autre côté. Il tirait sur son cigare, l'air extrêmement stressé.
- Fiston! Tu devrais te calmer. Tu vas finir par faire une tranchée dans ta propre maison.
- Me calmer... me calmer... Tu en as de bonnes! Tu étais comment, quand tu étais à ma place?
- Touché, fiston. Et mon père me disait la même chose.
- Dis? C'est normal que ce soit aussi long?
- Pourquoi tu me poses la question, franchement? J'en sais foutrement rien. Allez assieds toi, mon grand.
Jinbeï écouta son père et s'asseya sur le canapé. Juste cinq minutes. Avant de se remettre à marcher dans tous les sens en grognant et grommelant.
Soudain, la porte s'ouvrit et une femme aux cheveux gris entra, le visage en sueur.
- Alors? Demanda frénétiquement Jinbeï.
- Tout va bien, mon fils. La mère et l'enfant se portent bien. Et tu as un fils en pleine santé.
- Un fils? Il s'appelera Hisoka. Comme le père de Nojiko.
Il y a 10 ans.
Hisoka se tenait au centre d'un attroupement de jeunes de son âge, voire, un peu plus âgés. Et Hisoka martelait la tête de son adversaire, un jeune gamin de deux ans son ainé.
- Alors? C'est tout de suite moins drôle, hein, quand celui d'en face peut riposter?
Hisoka décocha une dernière droite en plein visage de son adversaire.
- J'espère que maintenant, c'est rentré dans ta tête de lard. T'embête pas les plus petits, surtout quand ce sont mes amis! Et si c'est pas compris, on refera une séance de bourrage de crâne.
- HISOKA!
Aussitôt tous les gamins se dispersèrent avec une rapidité déconcertante, laissant Hisoka seul, avec du sang et de la poussière sur les mains, le visage, les vêtements.
- Et meeerde... Oui, maman?
- Tu étais encore en train de te battre, n'est-ce pas? demanda-t-elle, en insistant sur le encore. Pas la peine de nier, ton état te trahit.
- J'avais pas franchement l'intention de nier, maman. C'est juste que Honda se faisait tabasser par un plus fort que lui alors je suis allé l'aider...
- En inversant les rôles et en tapant sur un plus faible que toi, le coupa sa mère.
- Oui, bon, je...
- Rien du tout. Tu files à la maison. Tu seras de corvée de ménage pour une semaine.
- Pfff. Tortionnaire, chuchota le gamin.
- Pardon?
- Rien, rien.
Hisoka fila sans demander son reste. En général, il ne se laissait remonter par personne. A l'exception de sa mère, Nojiko et de son grand -père, Yûsuke.
- Yûsuke, je ne sais plus quoi faire, avec ce garnement.
- C'est vrai qu'il est plein de fougue.
- Plein de fougue? Vous voulez rire, j'espère. Il est intenable!
- Ne dis pas ça. Toi et moi le tenons assez bien, je trouve.
- Oui, mais en dehors de nous deux, il n'écoute personne.
- C'est vrai. Mais que veux-tu. Il a le tempérament de son père.
- Si seulement Jinbeï était encore là. Peut-être qu'il arriverait à le canaliser.
- Tu t'en sors très bien, ma fille. Tu t'en sors très bien. Sois patiente.
Il y a 6 ans.
Hisoka était assis à son bureau. Il poussa un énorme soupir d'agacement.
- Que se passe-t-il, fiston?
- Rien, grand-père.
- Allons, allons. A d'autres, s'il te plait.
- Rien, je te dis, grand-père. Rien d'insurmontable, en tout cas. C'est juste que je n'ai pas les idées claires.
- Ah... tu planches sur l'histoire du pays du feu depuis combien de temps?
- Chais pas. Il est quelle heure?
- Pas loin de 16 heures.
- Alors, je suis dessus depuis près de 3 heures.
- Va prendre l'air, bonhomme.
Il ne fallait pas le dire deux fois à Hisoka. Ce dernier fila comme une flèche pour prendre l'air et alla jouer avec ses amis.
- Yûsuke! Il n'avait pas fini!
- Tu es trop dure avec lui, Nojiko. Trois heures d'histoire, cet après-midi, en comptant les deux heures d'entraînement au bâton de ce matin, c'est déjà pas mal, pour quelqu'un de son âge, tu ne crois pas?
- C'est vrai, reconnut Nojiko, avec un soupir. Nous l'avons mis aux études de l'histoire et de l'art du combat au bâton, sous votre enseignement, pour qu'il ne passe pas trop de temps dehors et qu'il ne tourne pas mal. Et j'ai l'impression que ça ne sert à rien.
- Ah, c'est vrai que notre petit Hisoka s'entend très bien pour s'attirer les ennuis. Malgré tous nos efforts. Mais tu peux au moins reconnaître qu'il ne se bagarre plus autant qu'avant.
- C'est vrai. Avec un peu de chance, il finira vraiment par se calmer. Vous savez qu'il pose de plus en plus de questions à propos de Jinbeï. Il va bien falloir finir par lui dire la vérité.
- Tu connais suffisamment ton fils pour savoir que si tu lui dis la vérité, il va vouloir suivre ses traces. Tu as déjà perdu l'un des deux hommes de ta vie. Tu comptes aussi perdre le deuxième?
- Je n'aurais peut-être pas le choix, Yûsuke, dit Nojiko avec une voix emplie de tristesse.
Il y a quelques mois
- Tu es sûr?
- Oui, maman. Je suis sûr. Je n'ai pas connu Jinbeï...
- Il s'agit de ton père, Hisoka.
- Tu parles. Il s'est barré avant que je ne puisse me souvenir de lui. Si je le croisais aujourd'hui, je ne saurais même que c'est lui. Bref, le seul moyen d'en savoir plus sur lui, c'est de choisir une voie qui me permette de voyager. Comme ça, je parviendrais peut-être à le retrouver et je pourrais éventuellement lui demander pourquoi il nous a abandonné.
Nojiko ne put que soupirer. Ce qu'elle redoutait était arrivé. Son fils avait décidé de partir voir du pays, comme son père. Elle espérait juste que son fils ne lui tournerait pas le dos définitivement, comme l'avait fait son mari. Elle se retourna en entendant du bruit derrière elle.
Un homme entre deux âges se tenait sur le pas de la porte. Son regard perçant semblait lire dans le coeur des gens comme dans un livre ouvert.
- Tu es prêt?
- Oui.
- Alors allons-y.
Une nouvelle vie commençait pour Hisoka.