Sous l'éclat irisant de l'astre lunaire, une brise légère traversait la jeune Konoha, caressant les visages, soulevant le linge, ébouriffant les cheveux et claquant les bannières neuves du village. Cette brise venait de loin, elle avait pris naissance dans les montagnes du pays de la foudre, elle était alors une bourrasque puissante, érodant les sommets les plus anciens avant de s'abattre sur Kumo. Puis se dispersant, elle se réchauffa dans le désert du pays du vent, gonflant dans les dunes arides, elle souffla de toute sa hargne sur les villages épars avant d'abandonner sa pelure de sable et de s'aventurer sous de meilleures latitudes. Elle traversa les forêts épaisses du pays du feu, s'effilochant le long des pins centenaires avant de se heurter à l'enceinte du village de la feuille. La brise parcourut les rues avant de prendre de la hauteur, volant de quartier en quartier, se mêlant à des courants ascendant, elle sembla repérer une cible avant de s'abattre.
« Hé, mon chapeau ! »
Le jeune garçon, quelques secondes plus tôt gentiment assis sur le toit en train de lire une comptine, se redressa pour courir sur trois mètres après son chapeau. La porte menant à l'escalier intérieur s'ouvrit et engouffra vent et couvre-chef qui vint se coller sur le visage du nouvel arrivant qui l'arracha d'un coup sec. Tendant d'un geste brusque le bonnet à son jeune frère, Katsu monta sur le toit sans un mot, s'avança jusqu'au milieu puis redressa la tête pour contempler la voute étoilée. Il faisait chaud pour cette saison, le vent ne suffisait pas à vous refroidir et inutile même de porter un manteau. Le ciel était dépourvu du moindre nuage et sans pollution lumineuse venant de la ville, les étoiles tenaient lieux de seuls éclairages avec la lune. Ronde et incroyablement brillante, elle trônait, souveraine du firmament déversant ses rayons cendrés sur Konoha. Les anciens disaient qu'autrefois, deux soleils amants parcouraient le ciel, l'un doré, l'autre argenté et que les dieux jaloux de leur amour les avaient séparés. L'un fuyant chaque fois que le second apparaitrait, la lune échappant sans cesse au soleil, une allégorie bien facile pour expliquer le passage du temps aux enfants. Tournant la tête, l'adolescent posa les yeux sur le livre de conte à même le sol et un sourire rêveur passa sur ses lèvres, parfois dans les contes s'étaient la Terre qui jalouse avait séparé les deux amants, les forçant à se courir éternellement l'un après l'autre en ne voyant qu'elle. Il avança de quelques pas et ramassa le livre, écartant d'un revers de main la poussière qui en ornait la première page et en lut le titre. Se retournant, il le tendit à Tomoka qui regardait le sol en rougissant, en quelques pas Katsu s'approcha puis fourra l'exemplaire d'Hiro le fou dans les bras de son petit frère sans un mot. Tomoka avait du cacher le livre, il savait bien que Katsu évitait toutes les représentations de cette pièce et bien trop jeune pour se souvenir de la mort de leurs père, il ne comprenait qu'a moitié. Souriant, il observa son petit frère d'un œil critique avant de lui donner une tape sur l'épaule.
Tomo était un garçon de onze ans, encore petit pour son âge, les cheveux noirs et drus coupés court pour éviter les épis indomptables, une marque de famille qui ornait les cheveux plus long de son ainé. Le marmot s'enfonça son bonnet à pompon sur le crane et fit un sourire qui se voulait ravageur à son frère, il fut édenté, le garçon ayant perdu son incisive gauche la semaine précédente. Plissant de grand yeux sombres, il remonta le col de sa veste bleu ciel et enfonça les mains dans les poches de son pantalon avant de lancer un regard interrogateur à son frère ainé.
« On dirait un pirate de Kiri avec ton chicot en moins, Tomo. » lâcha Katsu avec un sourire en coin. La figure du gamin se fendit en deux d'un nouveau sourire édenté et commença essayer de défaire les nœuds retenant le vieux katana pendant dans le dos de son frangin. « Donne le moi ! » Sautant sur place alors que Katsu passant les bras par dessus son épaule gauche défit les derniers liens retenant son sabre émoussé et le tendit à son petit frère avant de le retenir quand Tomo posa les mains de dessus. « Et fais gaffe, si Tante Yori te voit avec, elle va me faire la peau. » Le garçon secouait la tête tellement vite en promettant qu'il serait prudent qu'il crut que sa tête allait se décrocher pour s'envoler par dessus le toit.
« Regarde, regarde ! Je suis un pirate ! » cria le gamin en donnant des coups dans le vide.
Plongeant son menton de le col sa veste bleu et noir pour cacher son sourire, Katsu passa sa main sur le symbole du clan ornant sa poitrine. Lentement, il se saisit de la lanière de son sac traversant son torse où trônait sa plaque de genin et se débarrassa de son sac en le posant sur le sol. Observant son frère en train de sauter et de frapper d'estoc le vent, il sourit avant de lui demander d'un ton faussement innocent :
« Pirate … donc tu ne veux plus être un shinobi ? »
Tomo s'arrêta dans sa lancée et se tourna vers son frère et ouvrit la bouche plusieurs sans ne rien dire puis répéta plusieurs fois la phrase à voix basse comme pour la goûter avant de répondre. Fronçant les sourcils, il se passa une main dans les cheveux avant de répliquer.
« Je peux être les deux, non ? Pirate ET ninja. Enfin, non, Ninja d'abord puis pirate après ! Ouais, c'est ça ! J'aurais pleins de techniques et aussi un bateau ! Et avec ... »
Katsu cessa d'écouter son frère qui continua d'expliquer comment il serait le plus grand ninja-pirate des mers. L'Uchiha fit quelques pas et se saisit de quelques balles dans le fourbi de son sac avant de s'asseoir sur le rebord du toit, les pieds dans le vide. Il sourit en regardant le fil qui reliait l'un des angles de la maison au poteau de l'autre côté de la rue. Oncle Kane l'avait installé pour le défier, un blague récurrente entre le vieil équilibriste et le jeune ninja, il était sur qu'au bout se trouvait une boite de sucrerie. Katsu se mit à jongler lentement en contemplant la ville endormie alors que derrière lui les bruits de Tomo reprenait. Il aimait beaucoup Konoha, quand on avait été nomade pendant la majorité de sa vie, il était étrange de s'habituer au même paysage tout les jours mais, cette horizon là présageait un meilleur avenir. Tomo était bien plus protégé derrière les hauts murs résistant que sous une tente et ici, Katsu pouvait enfin pratiquer à loisir le développement de son chakra, en apprendre plus et en échange … Hé bien, en échange, il utiliserait ce qu'il apprenait pour protéger le clan et la ville.
Ses pensées et sa jonglerie furent interrompues lorsqu'on le héla du bas de la rue, d'un grand sourire et d'un signe de main, il salua la patrouille qui venait de le saluer. Demain, ce serait son tour d'être de la milice de nuit, son poste préféré, il était rare d'avoir des ennuis et même si ça arrivait, il était plus facile de courir après un suspect sans devoir traverser une foule.
Du coin de l'œil, il regarda Tomo s'asseoir à côté de lui en sueur mais souriant, le sabre appuyé contre le rebord du toit. Le garçon regardait les étoiles en remuant les lèvres en silence, Katsu fit glisser les balles dans sa poche et rompit le silence.
« Tante Yori t'a appris les noms des constellations ? » Tomo opina du chef, muet et l'adolescent continua. « Tu peux me dire celles qu'on voit ? » Tomo prit tout d'un coup un air sérieux et scruta le ciel. « A droite de la lune, on voit la moitié de Naneke et Yumi, non ? Les six étoiles reliées par celle rouge du milieu, il en manque juste deux, trois. » Tordant le coup et essayant de se souvenir des leçons de sa tante, Katsu les vit. « Et là » dit Tomo en levant le doigt. « Cinq étoiles s'enroulant sur une sixième, la Flamme Kagutsuchi et à l'horizon, la série d'étoile, c'est pas Orochi ? » Le genin tentant de plisser les yeux, pencher la tête ou de la redresser et murmura un : « Euh … ouais, t'as raison. »
Se redressant d'un bond, Katsu marcha en équilibre sur le muret au rebord du toit, habilement il avança nonchalamment jusqu'à l'angle du toit. Il se retourna aisément et regarda son frère en souriant, il ne connaissait peut être pas toutes les constellations mais tenir en équilibre sur un pied ou une main, ça il le faisait tous les jours depuis ses dix ans. Dos au fil traversant la rue, il jeta un regard par dessus son épaule vers le vide puis fit un petit signe de la main avant de sauter en arrière. Il vit le ciel, puis la corde et le sol en dessous de lui et se concentrant sur sa réception, il plia les genoux et se réceptionna sur le fil vibrant sous son poids. Saluant Tomo qui le regardait avec admiration, la corde se mit à se balancer, Katsu se redressa reprit son équilibre avant de se tourner et de s'avancer au dessus de la rue tantôt lentement tantôt rapidement. Se rapprochant du poteau et du nœud, la corde devint plus rigide, il se permit d'avancer quelque peu sur les mains avant de s'asseoir sur le câble près du poteau. Là, trônant sur le nœud épais, une petite boite de sucrerie qu'il s'empressa de fourrer dans la poche ventrale de sa veste. Mettant ses mains en coupe de chaque côté de ses lèvres, il cria à Tomo :
« Rentre, j'arrive, ça va être l'heure de manger si on arrive encore en retard Yori va me passer un savon. »
Parcourant rapidement le fil d'équilibriste, Katu se retrouva sur le toit et regarda une dernière fois les étoiles et la lune qui illuminaient toujours le firmament avant de se saisir de son sabre et de se diriger vers la porte.
Tout en chantant sur le mode mineur
L'amour vainqueur et la vie opportune
Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur
Et leur chanson se mêle au clair de lune*
*Extrait de Clair de Lune de Paul Verlaine.