20 – La Fuite
Kensichi s’en rendait compte à présent. Il s’en rendait même de mieux en mieux compte.
Il était dans la merde.
Plus il réfléchissait, et plus il réalisait qu’il n’y avait absolument aucun autre terme pour qualifier la situation. Sa respiration s’emballa, et il fit un effort de concentration pour ne pas paniquer. Il devait rester concentré. Concentré sur la recherche d’une solution, et pas sur l’apitoiement. A côté de lui, Hana remua lentement, et murmura quelques mots. L’adolescent l’observa. Il n’arrivait toujours pas à savoir ce qu’il pensait vraiment de la jeune fille. Elle lui avait menti, encore et encore, mais cela pouvait se comprendre. Si lui même avait été un déserteur, il n’aurait pas dévoila au premier inconnu venu sa véritable identité. Non, ce qui troublait le plus Kensichi, c’était que Hana était une adversaire de Konoha, alors qu’il était lui même un allié de ce village. Ils étaient ennemis l’un de l’autre.
Alors pourquoi, pourquoi lui avait-il sauvé la vie ?
Il ne l’avait pas choisi. Ca il en était sûr. Bien évidemment, c’était lui qui avait agit. C’était lui et personne d’autre qui avait frappé Shin’jin au visage pour l’assommer puis qui s’était élancé par la fenêtre pour rattraper la jeune fille. Et c’était encore lui qui l’avait traîné jusqu’à la rive toute proche pour se glisser dans l’eau de la rivière et se laisser porter par le courant.
Mais pourquoi avait-il fait ça ?
Tout s’était passé tellement vite qu’il n’avait pas eu le temps de vraiment comprendre ce qui se passait, ou ce qu’il faisait. Ce n’était pas sa raison qui avait ordonné à ses muscles de se mettre en mouvement pour frapper son ancien ami et sauver sa nouvelle ennemie.
Alors quoi ?
Hana toussa. Elle était en sueur. La blessure qui lui barrait le torse était impressionnante et Kensichi n’entendait rien à la médecine. Si Hana n’était pas assez robuste, elle mourrait. Et lui serait seul pour répondre de ses actes.
La rivière se jetait quelques kilomètres plus loin dans un petit bras de mer, et c’est là que Kensichi était sorti de l’eau. Il aurait souhaité se laisser dériver plus longtemps, mais il peinait à maintenir Hana à la surface, et se sentait bien trop épuiser pour continuer.
« Ils vont être sur nos traces », avait-il songé. « Il va falloir partir et vite… »
Il n’était pas surprenant que Shin’jin ai pu reconnaître Hana aussi rapidement. Il était connu pour être, de tous les membres indépendants de l’école du Renard, celui qui entretenait les meilleurs relations avec le village de Konoha. Il passait son temps entre Kawa et Konoha, et devait très probablement en revenir lorsque Kensichi et Hana était entré dans le refuge. Hana avait plutôt bien joué son bluff… Mais la malchance s’en était mêlée.
Ce que Kensichi comprenait moins, en revanche, c’est pourquoi ils n’avaient pas été interceptés. Il était plus que probable, en effet, que des patrouillent aient sillonné les environs dès l’instant de leur fuite. Alors comment avaient-ils réussis à se glisser entre les mailles du filet ?
La question resta sans réponse. Peut-être n’avaient-ils même pas été pris en chasse ? A moins qu’ils n’aient été attendus plus au nord, vers le port principal ? Kensichi ne le saurait probablement jamais.
Hana était toujours inconsciente, et, même si elle venait à se réveiller, son état ne lui permettrait pas de voyager à un rythme normal. Il aurait fallu trouver un médecin, et vite, mais Kensichi n’en connaissait pas. Et il était sûr et certain que tous les Eiseis du coin devaient être sous surveillance. Non, il leur fallait impérativement quitter Kawa. Les choix étaient limités. Le bateau serait leur seule solution. Mais où le prendre ? Kensichi avait sa petite idée… Le port principal devait être surveillé, mais il y avait, à quelques kilomètres plus au sud en longeant la côte, quelqu’un qui pourrait l’aider.
Avec un soupir, Kensichi se redressa. La nuit était passée à présent, et il était plus que temps de quitter l’abri sommaire qu’un énorme rocher incliné leur avait offert. Il s’approcha de Hana et la secoua faiblement, espérant le réveiller. Comme elle ne bronchait pas, il vida sur elle une moitié de sa gourde d’eau fraiche.
Hana – Yahei… arrête…Kensichi – Hana ? Hana, tu m’entends ?
Hana – Où est-ce qu’on est ? Kensichi – On est caché. On a presque réussi à s’enfuir, mais il va falloir qu’on se déplace maintenant.
Hana – Je veux …. Rentrer… au village…Kensichi – On ne peut pas Hana ! Je vais te mettre sur mon dos, essaye de te tenir autant que possible d’accord ?
Hana – T’arriveras… pas à me porter… Kensichi – Bien sûr que si, je suis assez costaud pour deux…
Hana – Cost… aud comme… un Aburame… oui…« Elle délire à pleins tubes, là… »
Kensichi – Je ne sais pas à qui tu crois t’adresser, mais tu te plantes… Aller, on y va !
Il la prit dans ses bras, et la déposa sur son épaule. Puis, il se mit en route.
« Y a plus qu’à espérer que Akimasa est un homme de parole… »
***
« Dès l’instant où je me suis réveillée, j’ai su que quelque chose n’allait pas. Je n’aurais pas su dire quoi. C’était… Comme la sensation tenace d’oublier quelque chose quand on part pour un long voyage. Je savais que quelque chose m’avais échappé, mais je n’arrivais pas à mettre le doigt dessus. Du moins, pas pendant les trois premières secondes.
Certaines vous diront que la douleur est rouge, ou noire. D’autres, que c’est un puits de lumière qui vous aspire. La sensation que j’avais, moi, c’était un silence. Un putain de silence à n’en plus finir. Un silence qui me remplissait tellement la tête qu’il ne laissait de place pour rien d’autre, et surtout pas pour la réflexion.
La plaie que j’avais au ventre… Pour être franche, je ne l’ai jamais regardé. Ou alors seulement un peu… Je n’avais pas le courage. Je n’ai jamais été très courageuse vous savez.
Je me suis rappelée assez vite ce qu’il s’était passé, même si je n’arrivai pas à comprendre comment j’avais été reconnue aussi vite. Kensichi m’expliquerait plus tard que l’homme qui m’avait attaqué était un des plus grands alliés de Konoha au sein de l’école du Renard. Conneries… Je commence à me demander où est-ce que j’ai pu accumuler autant de mauvais karma…
Je l’ai appelé Yahei… Kensichi… Je l’ai appelé Yahei. Tu te rends compte ? Je croyais vraiment que c’était lui… J’aurais bien aimé en fait… Des fois, j’aimerais bien tout recommencer, tu sais… Revivre encore et encore les débuts de l’équipe, les entrainements, les missions sans intérêt. C’était chiant, mais simple à vivre.
Les choses sont ce qu’elles sont et ils ont tué Yahei.
Sa mort avait été inévitable. Elle était le fruit de décennies d’évolution, de changements… Des décennies qui avaient menés à la création de ces Villages maudits, à la désertion de ces deux Nuke Nin de Kumo, à la confrontation entre Yahei et Hideki.
J’aime bien Kensichi. Il me fait rire. Il me fait un peu penser à Yahei.
J’ai mal.
Vraiment…
Peut-être que je vais mourir, moi aussi ? ***
Deux jours plus tard, dans le port de Cha.Akimasa – Vous y êtes…
Kensichi – Putain… enfin…
Akimasa – Je sais que tu préfères pas en parler, mais ta copine, là… Elle va claquer si tu ne fais rien…
Kensichi – Akimsasa, fais moi plaisir, concentre toi sur ta manœuvre et laisse moi éponger le sang des mes amies tout seul…
Il avait beau avoir dis ça sur le ton de la plaisanterie, Kensichi était loin d’être détendu. Même si l’état de Hana s’était plutôt stabilisé au cours des derniers jours, elle était loin d’être tirée d’affaire.
« Au moins, elle ne… on ne devrait pas être recherché à Cha. Et on y trouvera bien un foutu médecin pour la remettre d’aplomb… »
Le bateau heurta le sable de la plage avec un bruit sourd, et Kensichi faillit perdre l’équilibre.
Kensichi – C’était prévu ça ?
Akimasa – Plus ou moins… Je mettrai les pieds dans l’eau pour repartir, c’est tout…
Kensichi – L’avantage d’avoir une barque…
Akimasa – C’est un bateau..
Kensichi – Un bateau de deux mètres… C’est une putain de barque ! Quand je suis venu chez toi pour te demander de l’aide, tu aurais pu me filer autre chose que ça !
Akimasa – Hé ! On est arrivé, et sans problème, alors calme toi…
Avec un soupir, Kensichi prit Hana dans ses bras, et se laissa tomber dans l’eau. Il en avait jusqu’à la taille.
« Et merde… »
Akimasa – Tu feras attention quand même…
Kensichi – T’en fais pas… Et… Merci quand même pour le bateau…
Akimasa – Je te devais bien ça après tout ce que tu as fait pour moi !
Kensichi – On est quitte maintenant ! Allez, rentre chez toi, le vieux !
Akimasa – Et toi, évite de te faire tuer…
Le vieux pêcheur agita une dernière fois la main, puis il sauta à l’eau et commença à traîner son embarcation vers le large. Kensichi le regarda un instant, puis se mit en marche. Il était tard, et les chances de trouver un médecin à cette heure étaient nulles… Il fallait en revanche trouver un endroit ou dormir.
Hana – On est … arrivé ?Sa voix était faible, ce qui était autant du à sa blessure qu’au très violent mal de mer dont elle était victime.
Kensichi – Dans dix secondes, on y sera… Il y a des maisons là bas, on trouvera bien une taverne quelconque ! On y passera la nuit, et demain, on te trouvera un médecin.
Ils mirent plus de temps que prévu à sortir de l’eau. Kensichi n’arrêtait pas de glisser sur le sable traître, et manqua plusieurs fois de mettre carrément Hana à l’eau. Puis, enfin…
Kensichi – Pas trop tôt… J’ai un peu envie d’être au sec, tu vois…
Hana – Pose moi…Kensichi – Je peux te porter, encore, hein…
Hana – Je préfère marcher… Et on aura l’air bizarre si on rentre comme ça…Kensichi – Ca se tient… Tu vas y arriver ?
Il déposa la jeune fille sur le sol, qui se cramponna à son épaule.
Hana – Comme ça, je peux le faire. Et ils traversèrent en boitillant les rues. Kensichi se dirigea vers une des auberges qui longeait le port, mais Hana le retint.
Hana – Ce sera rempli de marins. Et les marins qui viennent de Kawa sauront que l’on est recherché…Ils jetèrent finalement leur dévolu sur une petite taverne, située. plus en retrait de la mer. Hana toujours cramponnée à lui, Kensichi ouvrit la porte et se dirigea vers le comptoir derrière lequel siégeait l’aubergiste.
Il ne fit pas attention aux clients de la taverne.
Hana non plus.
Ils avaient tort.