[Reload - Chapitre 1] Dieux

Reload - Chapitre 1
- Dieux -

[Reload - Chapitre 1] Dieux 57900310

Une journee et demi de marche avait separee le futur Chuunin de la destination finale. Une belle et somptueuse journee et demi de marche, la premiere depuis des annees ou il ne s'etait pas senti sous l'exposition constante, presque oppressante du carcan clanique. Plus d'une dizaine d'annees au sein des Toshiya n'avait pas reussi a lui enlever ce gout amer et terriblement desagreable qu'on lui avait vole sa vie, un soir, au detour d'une quelconque decision stupide qui l'avait separee de sa vraie famille, celle qui l'aimait, celle qu'il aimait. Tout ca pour le conduire au pied du mont Kido, lui inculquer cet art de tuer qu'il execrait par dessus tout, et le forcer a venerer des Dieux pour lesquels il avait toujours ressenti une perplexite totale et sans concession. Un doute qui s'etait accru au fil des jours passes dans cette famille de guerriers sans coeur ni pitie, a repandre le sang pour la gloire d'esprits censes proner la paix et l'amour entre les hommes...

Dernière édition par Toshiya Takuan le Jeu 1 Nov - 11:09, édité 3 fois

Partir semblait definitivement la meilleure solution. Les convaincre n'avait pas pris plus de dix minutes. Takuan n'etait pas le docile soldat de la mort qu'ils auraient espere. Typique d'un Enfant de la Toile, de ce qu'en disent les anciens du clan. Trop exposes a une vie sans regles aussi fixes que celles du clan, ceux qui avaient vecu une partie de leur enfance hors des murs du mont Kido ne faisaient jamais de tres bons assassins. Juste de quoi remplir les effectifs, combler les manques pour les missions les plus faciles, mais certainement pas disposes a cotoyer un jour l'elite et faire partie de ceux qui guident l'Araignee a tete de Lion. Takuan en souriait, lorsqu'on lui rabachait cette histoire sur les tatamis d'entrainement, lorsqu'il faisait semblant de ne pas savoir manipuler son chakra, lorsqu'il feignait ne pas saisir le fonctionnement d'un arc, qu'il se faisait pataud, brusque, indelicat. Bref, un element a jeter, bon pour la poubelle et le menu fretin. Le fils de Seiko Toshiya avait decu, et il en tirait une satisfaction immense. Kumo no Kuni, le village du temple, cherchait a batir une position stable, perenne, et avait plus que besoin de nouveaux bras pour s'etendre. Lorsque Takuan proposa a sa mere de rejoindre les rangs du village a l'aune de cette nouvelle relation entre les Toshiya et le Daimyo de la Foudre, les deux parties s'entenderent presque aussitot. Seiko ne savait plus quoi faire de Takuan, qui s'obstinait a refuser de donner la mort. D'un autre cote, il restait son fils, meme si l'amour s'exprimait d'une etrange maniere dans une famille de tueurs. Envoyer le fils de la Premiere Sous le Ciel au village representait un symbole suffisamment interessant pour que le reste du clan le percoive positivement, et peut etre qu'il pourrait s'y rendre utile, la ou il n'avait represente que deception et frustration parmi les siens.

Pour Takuan, l'opportunite semblait presque trop belle. Depuis cette etrange conversion mystique de l'Araignee, le clan tuait plus que jamais, tout et n'importe quoi, au nom de ces divinites dont l'appetit sanguinaire l'etonnait. Avant d'avoir ete arrache de sa famille, Takuan avait eu l'occasion de parler un jour avec son pere, qui meditait derriere le dojo, sur la terrasse de bois qui surplombait les etendues verdoyantes de l'Est. Que faisait-il ? Il priait. Il priait qui ? Tout et rien, il priait, voila tout. Et pour quelle raison ? Pour la paix, pour l'amour, pour la sante, pour la chance, pour toutes ces bonnes choses de la vie, il souhaitait qu'elles arrivent a tout le monde, sans distinction, amis comme ennemis, proches ou etrangers. Tout le monde meritait la vie, et la plus belle des vies. Mais qui etaient-ils alors ces Dieux trinites, dont le culte versait le sang, repandait la mort ? Si le Toshiya savait ce qu'il quittait, ceux qu'il quittait, il esperait que sa destination ne recelait pas de pire situation. Peut etre aurait-il l'occasion d'avoir une influence, aussi minime soit-elle, sur le cours des choses. Peut etre ses connaissances en medecine pourraient lui permettre de sauver la vie de ceux qu'il serait cense opprimer. Takuan allait jouer un jeu dangereux, il s'en rendait compte, mais il suivrait les preceptes de son pere jusqu'au bout, envers et contre tous. Envers et contre ces Dieux, s'il le fallait.

Takuan n'avait jamais possede beaucoup d'effets personnels. Les quelques economies qu'il avait pu faire, il les reservait a la construction d'une serre de culture, pour poursuivre ses recherches en chimie. Les poisons Toshiya avaient ete la seule source d'interet du jeune homme dans sa jeunesse avec les Araignees. Beaucoup d'entre eux etaient mortels, et donc interdits en vertu des principes qu'il s'etait lui meme fixes. Mais tant d'autres pouvaient affaiblir, ralentir, alterer, suffisamment pour eviter le combat. Une douleur certes, mais qui permettait l'esquive. Takuan avait ete fascine par ce jeu de dupes. Cela avait la sensation de la mort, la vue de la mort, l'impression de la mort, mais cela n'en etait pas. Car, rempart imprenable, le contrepoison existait. Une mort reversible, un magnifique aspect. Takuan en avait deja use bon nombre de fois. Faire croire au clan qu'il avait tue, puis guerir au dernier moment, et dissimuler les traces, c'etait devenu sa specialite. Il avait tenu sa ligne, toutes ces annees de service, et n'avait jamais tue personne. Ses cachotteries avaient eu plus ou moins de succes, mais il se foutait eperduement de la punition. Il suivrait sa ligne, coute que coute. Il parcourait ainsi les routes habille d'un simple kimono de coton noir, qui enveloppait une robe blanche a la maniere de celle des pretres Zen qui parcouraient les routes du Sud. Un chapeau de paille pointu ornait une tete rasee de pres. Une barbe d'une semaine broussaillait tranquillement sur des joues un peu creuses, mais elle ne cachait jamais ce sourire permanent et cette serenite qui etaient les siennes depuis tant d'annees. Takuan inspirait la confiance et la sympathie, il le savait, il le souhaitait meme. Il en jouait parfois pour influencer les autres, leur redonner un peu de cette joie de vivre qu'ils avaient perdu dans les meandres de cette tragedie planetaire. Ses sandales d'osier le protegeait peu des aleas rocheux, mais il s'en contentait sans se plaindre.

Le chemin qu'il empruntait n'avait aucune route connue, pour la simple et bonne raison que de routes, il n'y avait guere dans le grand Nord. Le commerce semblait presque inexistant en ces terres. Une vie de necessite, a manger, a boire, de quoi s'habiller, de quoi s'entretuer, voila ce qu'on trouvait sur les etals des marchands ou dans les fourneaux des forgerons. Takuan passa presque a cote de Kumo, le village naissant. Il ne dut son salut qu'a la rencontre de paysans qui connaissaient les environs et purent lui indiquer le Temple des dieux trinites. Il s'attendait a un gros village en debut d'expansion. Il tomba sur une bourgade un peu boueuse, coincee entre un lac et une montagne, et dont le temple semblait ridiculement grand par rapport au reste. Aucun doute que des pillards tentaient d'en chopper les tresors, la structure de pierre blanche etait vraisemblablement visible a des kilometres de distance pour peu qu'on ne vint pas comme le Toshiya des forets du sud du village. Ainsi donc se dressait son nouveau foyer, celui pour qui il se battrait. Enfin, avant tout, il allait falloir trouver une bonne raison de le faire. Il repetait parfois le mot shinobi dans sa bouche, et riait presque aussitot.

Avant d'etre ninja, il serait un homme. Un homme profondement humain.

Citation :

Takuan rencontra le premier sentier de son long trajet quelques centaines de metres avant son arrivee. Une petite route sinueuse zig-zaguait entre les plantes broussailleuses et les quelques arbres qui ornaient la petite plaine. Il atteignit bientot la grande pagode du bord du lac, cet endroit hors du temps ou tout avait commence. D'apres ce qui se racontait dans les villages du Sud, Kumo serait nee de la protection de ce temple par le Daimyo. Son clan avait egalement joue un role preponderant, bien qu'il imagine mal pour quelle autre raison que celle de richesses futures le clan Toshiya aurait bouge le petit doigt. En soi, le pari s'averait maintenant fructueux : l'inquisition de l'Araignee, benie par le daimyo et par les Dieux - a la bonne heure - rapportait des sommes astronomiques a la famille. Magnifique investissement que la defense d'un culte. Le temple en lui meme n'avait rien d'extraordinaire. Assez grand pour qu'on le remarque, certes, dote de materiaux nobles, a l'architecture sophistique, il ne possedait toutefois pas assez de ce supplement d'ame qui lui aurait valu l'admiration de tous. Si le batiment en soi ne presentait que peu de valeurs, le cadre autour, neanmoins, faisait la vraie valeur de ce lieu. Au bord d'un lac seculaire, aux legendes contees bien au dela des forets du Sud, sur un versant du mont Tokyuoka, les terres de la Mere Louve, la pagode se trouvait au bon endroit, tout simplement, suffisamment en tout cas pour que tout cet engrenage mystico-politico-commercial voie le jour et qu'un dirigeant politique y accorde un quelconque interet symbolique.

Accapare par ses contemplations pensives, le Toshiya ne remarqua pas l'approche d'un petit cortege de quelques moines vetus de toges rougeoyantes. Quatre d'entre eux se stopperent a une dizaine de metres, le cinquieme poursuivit sa route et rejoignit Takuan.

Takuan - Voici donc le temple de Kumo.

Moine - Il n'a pas l'air a votre gout.

- Je m'attendais a plus de...

- ... de grandeur ? De majeste ? Les Dieux n'ont pas besoin de voiles superflus.

- ... non, je m'attendais a plus de sang. Plus de peine, plus de pleurs dans l'echo du vent.

Le moine devisagea Takuan quelques instants, comme sonne par une reponse a laquelle il ne semblait pas du tout preparee. Le jeune homme tourna la tete d'un sourire serein, mais le ton de sa voix dissonait avec la quietude de ses traits.

- Tant d'hommes ont verse leur sang pour cette tour de roche et de bois. Tout ca pour quelques statuettes d'or et des batons d'encens. Je trouve ca triste.

- Les Dieux leur ont offert le repos eternel. C'est l'un des plus beaux cadeaux pour eux la haut comme pour nous ici bas. Les braves rejoignent un monde celeste et sublime quand les autres voient leur chemin recommencer.

Le visage de Takuan se ferma. Il resta fixe, quelques secondes, les yeux legerement plisses comme pour mieux regarder ce moine chauve qui pronait la mort comme un soulagement divin, alors qu'il en etait sur au fond de lui : apres, il n'y avait rien.

- Croyez vous en vos Dieux, maitre Toshiya ?

Takuan eut la confirmation que la rencontre n'etait pas fortuite. Il se mefia de la reponse a apporter. Sachant le Daimyo epris d'une envolee mystique et d'une rage guerriere insatiable, sa reponse avait matiere a provoquer secousses et remous involontaires et non desires.

- J'aimerais croire qu'ils sont les miens. Il m'arrive de douter, certains jours, quand je vois la misere des uns et le chagrin des autres.

- Tout le monde doute, maitre Toshiya. Mais un jour, ils vous montreront le chemin, comme il me l'ont montre, et vos doutes s'envoleront.

Etaient-ce les hommes de main du Daimyo, qui lui avaient montre la potence, pour que soudainement il ne doute plus ? Interieurement, Takuan rit de cette reflexion, sans toutefois le laisser transparaitre.

- Je l'espere, je l'espere... J'imagine que vous ne m'avez pas rejoint juste pour discuter du beau temps ? Les nouvelles de mon arrivée vont vite, à ce que je vois.

Le moine sortit un petit parchemin de l'une de ses manches, qu'il lui transmit. Peu importe le contenu, le sceau montrait le symbole du Daimyo. Une convocation certainement.

- Les ailes d'un oiseau vont plus vite que les pas d'un voyageur, votre famille nous a annoncé votre arrivée imminente. Daimyo-sama vous attend au Chashitsu dans sa demeure un peu plus haut sur le versant. Il vous serait gre de ne pas le faire trop attendre, c'est un homme charge, les Dieux lui ont confie une tache difficile.

Takuan voyait d'ici la demeure, perchee un peu plus haut sur la montagne, un peu de la meme maniere que la propriete des Toshiya. Il s'inclina respectueusement en direction du pretre.

- Et bien, voila qui va ecourter notre conversation dans ce cas. Je vous remercie pour ce moment passe ici...

Son petit signe de tête sonnait comme une invitation à se présenter. Le moine céda à la requête sans sourciller.

- Tokuro Tenson. Mais vous pouvez m'appeler Tenson.

Il s'inclina de nouveau.

- Merci, Tenson-sama. Je suis sur que nous nous reverrons bientôt.

- J'en suis certain aussi.

puis passa entre les moines restés en retrait pour emprunter l'esquisse de route qui se dirigeait vers la demeure du Daimyo. Sur le chemin, le visage de ce Tenson s'imprimait doucement dans sa mémoire. Ce visage lisse, accentué par le crâne complètement rasé et ces grands yeux bleus qui suggéraient une parcelle d'infini. Cet homme recélait une facette si douce et pourtant, Takuan se méfiait déjà de lui profondément. Tout en lui respirait la paix intérieure, mais un grondement dans les tréfonds de son âme avaient fait frissonner le Toshiya. Peut être une simple impression, mais il s'en souviendrait pour le futur. Un futur insondable, quelques promesses, d'autres craintes, et pour le moment un Daimyo qui l'attendait...

La petite côte qui menait à l'entrée des jardins du Daimyo fut à peine suffisante pour que les pensées de Takuan trouvent leur réponse. Il garda ses réflexions dans un coin du cerveau avant de passer le premier mur de pierre, gardé par deux hommes pas franchement sympathiques. La vue du papier scellé les laissa cois, et le Toshiya put continuer sa route sans encombres. Une structure tout à fait maîtrisée se dressa devant le Chuunin. Un architecte devait être passé par là pour qu'une harmonie si marquante s'empare du nouvellement shinobi, quand bien même il ne disposait d'aucune notion d'architecture, simplement son regard et son bon sens.

Un abri de bois peuplé des gens du château se dressait à une centaine de mètres, surplombant un jardin sublime. Takuan semblait toutefois perplexe : penser qu'il y a quelques mois de cela, rien de cela n'existait tendait à faire penser que le tribut du sang avait permis de faire pousser ces fleurs. Raison de plus pour marcher prudemment, en terrain inconnu. Aussi pieux soient-ils, ces gens ne faisaient apparemment aucun scrupule. Avant de gravir la première marche de l'escalier de bois, Takuan ôta ses sandales d'osier. La pièce d'une cinquantaine de mètres carrés abritait une petite vingtaine de personnes, toutes bien habillées, et certains d'entre eux armés comme les plus riches hommes qu'il avait vus jusque là de sa courte existence en dehors du mont Kido. Le doute enfla dans son esprit : Dieu était définitivement un commerce profitable.

Un homme, assis le plus à l'Est de la pièce, au bord de la rambarde de bois discutait avec ce que Takuan pensa être un conseiller. Le kimono de soie pourpre qu'il portait aurait pu faire vivre plusieurs dizaines de famille pendant une année. Son compère, bien que de moindre stature, possédait lui aussi tous les attributs de la noblesse. Le Toshiya réalisa que finalement, l'ambiance de son clan n'était peut être pas la pire qu'il puisse connaître. S'il avait mille et une raisons de détester sa propre famille, au moins reconnaissait-il que la bienséance et les bonnes manières occupaient bien peu de place dans les préoccupations de ses pairs, à son grand bonheur. Le jeune homme avait toutefois été bien élevé, et connaissait les us et coutumes de la cérémonie du thé. Bien moins l'occasion de déguster un breuvage raffiné que de montrer sa politesse et faire honneur à ses invités. Tout ici résidait dans la question du rituel. Chaque geste, de la préparation à la dégustation, en passant par le service, devait atteindre la perfection du geste, pour honorer la stature de l'invité. Takuan s'inclina d'abord avant que signe ne lui soit fait de s'installer. Il ôta alors son chapeau de paille puis se plaça, comme la tradition l'exigeait, dans une position en tailleur typique de ce genre d'exercices. Bien peu confortable il le savait, mais il n'était pas temps d'offusquer pareille audience. Pas encore en tout cas...

Shin Satsubatsu - Vous vous asseyez à la table du Daimyo de la Foudre, Monsieur. Je suis moi même Shin Satsubatsu.

Takuan inclina la tête envers ce fameux Shin, au regard lisse, presque menaçant, mais il n'eut pas plus d'égards. Celui qui l'intéressait, c'était l'autre, lui , le Daimyo, qu'il observa fixement. Un regard fier, une posture fière. Bien trop de fierté dans un seul homme...

- Takuan Toshiya, enchanté. Une horde d'hommes chauves chauves habillés en robe est venue m'apprendre que j'étais attendu ici.

Shin - Takuan Toshiya...

Ainsi donc il avait déjà un dossier à son nom. Le Satsubatsu commença la lecture de quelques feuillets, pendant que le Daimyo prit la parole.

Daimyo - Les Toshiya ont été une grande aide pour cette région, et pour ce pays. Si c'est un honneur pour vous que de rejoindre mes rangs, c'en est également un pour moi de vous accueillir. Comment trouvez-vous Kumo?

L'homme garda une mine un peu circonspecte, laissant envisager qu'il n'était pas très sur lui même que ce soit un honneur pour lui. Il n'en laissa toutefois pas trop transparaître. Une grande aide pour cette région, parlait-il de ces dizaines de personnes tuées pour avoir refusé de se joindre au culte des Trinités ?

Takuan - Un peu vide pour le moment. Vide de gens en tout cas.

*Vide de sens aussi...*

Le Satsubatsu tiqua. Il prenait la mouche assez rapidement apparemment. Voilà qui était bon à savoir. Tout cela n'était qu'un test finalement. Le Daimyo souhaitait savoir s'il pourrait compter sur un hôte de la trempe de Takuan. Takuan souhaitait savoir de quel métal était fait le nouvel homme qui allait diriger sa vie. Se faire accompagner d'une tête brûlée donnait déjà une indication précieuse sur le type d'homme qu'était le Daimyo. Le fameux Shin allait réagir, sans doute un peu trop violemment, mais le Daimyo fit un signe de main pour lui dire de se taire.

Daimyo - Oui, je trouve aussi. Nous manquons d'hommes. Etes-vous prêt à faire une mission pour moi?

Ce fut le moment de servir le thé. La serveuse, parée d'habits de geisha à ravir n'importe quel homme sur cette planète fit couler le précieux liquide dans les coupelles de céramique. Takuan s'en saisit de la main droite, par l'index et le pouce comme le voulait la tradition, puis fit tournoyer le liquide doucement sur les bords afin de le refroidir.

Takuan - Quitte à être ici, autant se rendre utile. Que puis-je faire pour vous ?

Le Daimyo tira une carte qui était enfouie sous quelques dossiers, pour la présenter à la vue de l'Eisei.

Daimyo - Chaque année, des hommes viennent apporter leurs offrandes au temple. Ils viennent de tout le pays, et se retrouvent tous ici pour ensuite faire route ensemble vers Kumo.

Il pointa du doigt une intersection, puis fit glisser son doigt sur la seule route "officielle" permettant d'accéder à Kumo.

Daimyo - Ils en ont pour un à deux jours de marche selon leur rythme. Vous voyez le problème arriver?

Takuan - Je vois très bien. Il s'agira de s'assurer que toutes les offrandes parviennent au temple.

Daimyo - C'est cela.

Le Daimyo n'avait même pas repéré la nuance, pourtant au combien révélatrice, que Takuan venait de lui lancer au village. Ce qui importait résidait dans les bagages de ces voyageurs. Qu'importe le sort des pélerins, les offrandes paraissaient la préoccupation principale de l'homme qu'il avait en face de lui. Plus qu'un chef spirituel, Takuan faisait face à un homme d'affaires, rien de plus, rien de moins.

Daimyo - Un homme avide s'emparerait bien de tout ce qui transite actuellement vers nous. Votre mission, si vous l'acceptez, et de sécuriser le convoi, en particulier la route de Kumo. Néanmoins, un deuxième problème, selon moi, risque de survenir au bout de deux, voire trois jours.

Takuan s'interrogea sur l'identité de l'homme avide. S'agissait-il de possibles brigands, ou bien du Daimyo lui même ? Il garda cette interrogation pour lui bien entendu, mais ne put s'empêcher de rire intérieurement. Le Toshiya testa de nouveau son interlocuteur. Il privilégierait les hommes et les vies humaines dans sa réponse.

Takuan - Etant donné la taille du village, qui n'a d'ailleurs de village que le nom pour le moment, le village va se retrouver dans une situation compliquée. Pour l'approvisionnement en vivres, les capacités d'hébergement, il sera impossible de contenir la demande. Comptons en prime les hommes malhonnêtes à l'intérieur même de la procession, et on a le cocktail idéal pour faire de cet évènement un véritable chaos.

Le daimyo écarta les paroles de Takuan d'un geste de la main, un peu exaspéré. Les hommes, il n'en avait que foutre. Qu'ils crèvent de faim ou de soif, une fois les emballages déballés, et alors ?

Daimyo - Pour les soucis d'organisation ou de repérage au sein même du convoi, nous avons des hommes moins précieux que vous. Non, je pensais à l'information. Considérez que les brigands et autres milices clandestines de la région le sont encore car ils sont dotés de plus d'intelligence que les autres.

Les cargaisons de biens tous plus précieux les uns que les autres, par contre, ça valait le coup.

Shin - C'est pour cela que nous n'avons pas encore réussi à les démanteler. Et qu'ils continuent de frapper.

Daimyo - Bref. Ils vont venir voir avant d'attaquer bêtement, et attaque là où le risque de resistance sera moindre, quitte à réduire leur butin. Une sorte de casse-tête que je vous transmettrais bien. Je veux quelqu'un de confiance sur le terrain, et votre famille fait office de garant.

Takuan - Haha, se fier à un nom de famille pour accorder des responsabilités, voilà quelque chose de curieux.

Takuan avala une gorgée puis reprit avant que le duo ne puisse l'interrompre.

Takuan - Si vous souhaitez me voir sur le terrain, je n'y vois aucun inconvénient, mais ce sera à une seule condition.

Après un petit silence durant lequel Shin et le Daimyo s'interrogèrent du regard, le conseiller prit la parole.

Shin - Quelle est-elle?

Takuan - Mon nom de famille m'importe peu, vos cargaisons m'importent peu. Ce qui m'importe, ce sont les hommes. Je suis médecin, guérisseur, j'utiliserai mes capacités pour protéger, et guérir. Rien n'est plus cher que la vie elle même. Si vous cherchez un tueur à gages, ou un chien de garde pour objets précieux pour cette mission, vous n'avez pas contacté la bonne personne.

Daimyo - Je n'attends de vous, pour le moment, que les capacités que vous avez jugées adéquates pour nous rejoindre. Je veux également voir comment vous vous en sortez sur le terrain. Les méthodes de votre clan sont connues, et l'esprit d'équipe ainsi que le commandement n'en font pas partis. Faîtes ce que vous jugez opportun, mais je veux des résultats.

Shin - Pour les "tueurs à gage", nous avons également des hommes. Nous savons maintenant que vous n'en faîtes pas parti.

L'homme, toujours habillé de son masque de suffisance, sortit un stylo plume et écrivit quelques mots dans le dossier qu'il avait sorti.

Takuan - Bien, content que nous soyons sur la même longueur d'ondes.

Il s'arrêta quelques instants, sentit que son temps était écoulé, puis termina sa coupelle et reprit.

Takuan - Avant de prendre congé, puis-je vous poser une question ?

Shin - allez-y.

Daimyo - soyez bref.

Un subtil sourire se dessina sur le visage de Takuan. Comme un enfant qui s'apprêtait à faire une vilaine bêtise, il savait que sa prochaine question choquerait, mais il ne pouvait s'empêcher de mettre le doigt dans le pot de miel. Et il n'allait pas se priver, pour rien au monde il ne regretterait de percevoir le regard de son interlocuteur à l'instant précis où il prononcerait :

Takuan - Croyez vous en Dieu ?

Ce regard comptait mille fois plus que tout ce que le Daimyo aurait pu annoncer de son vivant. Un regard froid, presque inhumain. Le genre de regards que toute personne, qui croyait en qu'elle disait, n'aurait pu donner. Un regard qui signifiait l'exact inverse de ce que l'homme s'apprêtait à déclarer.

Daimyo - Oui. Sinon ce temple et ce village n'aurait pas lieu d'être. C'est le première et la dernière fois que vous me poserez cette question, shinobi.

Qu'il se rassurât, Takuan n'aurait besoin de poser cette question qu'une seule et unique fois. S'il eut un seul Dieu auquel le Daimyo pouvait croire en ce moment même, c'était en lui-même. Toute cette question de religion n'était qu’échafaudage de prétextes et de faux semblants pour trouver un moyen d'unifier le pays, et renforcer son pouvoir. De la poudre aux yeux pour le peuple, de la poudre dorée dans les mains de ceux qui contrôleraient les dogmes.

Shin - Vous allez être convoqué plus tard pour rencontrer votre équipe. Au revoir.

Takuan se contenta de s'incliner poliment, puis il se leva et prit le chemin de la sortie. Il se demanda presque la raison de son départ de sa famille. Quitter un monde de pourris pour en rejoindre un autre ? Il tourna légèrement la tête pour observer une dernière fois la silhouette pourpre de cet homme. Il lui semblait si loin maintenant. Que pourrait il faire quand le village deviendra le refuge de milliers d'âmes. Takuan était patient, il attendrait que le pouvoir se dilue pour tracer son propre chemin. Un chemin près des siens, qu'il avait perdus depuis déjà trop longtemps...

Mais... mais... où sont donc passés les accents? Une petite faute qui m'a obligé à sortir le Bescherelle parce que j'avais quand même un doute : on dit "ils s'entendirent", et non "il s'entendèrent"

Takuan Toshiya : +35 xp
note : Takuan gagne de la réputation "fictive" dans le pays de la foudre dans les domaines suivants :
Athée
Indiscipliné

Ce ne sont pas traits que tu es obligé de prendre en compte, mais cela peut-être intéressant de les prendre en compte lorsque tu rencontres de nouveau PNJ, par exemple.

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