Dans une contrée du monde lointaine, une certaine trinité régissait le monde. Un dieu pour la création, un dieu pour la conservation et un dieu pour la fin des choses. Ishiki était plongé au cœur de l’impermanence et ne put que trouver que cette conception du monde n’était pas sans fondements. Cela le faisait sourire, car lui-même était confronté en ce moment à une réelle fin. Il y avait peut-être eu des épisodes plus marquants au cours de son existence, mais jamais la notion de finitude s’était imposée ainsi, avec autant de force, à sa conscience. Il avait plongé au cœur de l’impermanence et avait cru ainsi échapper à ses vagues qui demeureraient à la surface. Ah comme la vie l’avait bien rattrapée ! D’autres personnes auraient sans doute considéré cette fin comme un simple changement plus anodin. Toutefois pour le Cetana c’était un signe. Il agirait certes toujours afin de remplir une mission pour le village : mettre la main sur les rouleaux d’invocation des colombes. Certaines rumeur avait courus, des kuchiyoses avaient été aperçus, et le Cetana était certainement le kuméen le plus apte à gagner leur confiance, à en devenir le gardien. Cependant cette mission allait être de longue haleine et l’identité de guerrier de l’ombre ne lui serait probablement pas favorable. Il devrait sans doute renoncer pendant des années à porter son bandeau de jounin. Tout un symbole. Dans sa quête il agirait plus comme un voyageur que comme un shinobi.
L’homme de la rue est parfois enclin à négliger les symboles. Le langage courant est assez révélateur de cet état de fait. Ainsi un le qualificatif « symbolique » s’emploie pour un désigné une chose sans grande valeur, globalement sans réelle importance. « Une somme symbolique ». Ou « faire quelque chose pour le symbole ». Pourtant la vie est régit par les symboles. Les gens leur accordent en réalité une importance fondamentale. A l’évidence, une personnalité elle-même peut devenir un symbole, c’est ce qui fait sa réputation, ce qui assoie son autorité. On ne peut concevoir un monde sans symbole.
Un Sym-bole est comme son nom l’indique quelque chose qui réunit. Contrairement par ailleurs à dia-bole, diaboliser, diable, qui désunit. A l’origine ce terme désignait deux morceaux d’un objet brisé de telle sorte que leur réunion, par un assemblage parfait, constituait une preuve de leur origine commune et par conséquent un signe de reconnaissance sans faille. Le symbole est une force qui unit. Il rassemble les hommes, il pose les bases pour la civilisation. Si chaque culte ou chaque organisme de pouvoir a son symbole, ce n’est pas par fantaisie. Il ne faut pas négliger les symboles, ils sont une part essentiel de l’existence. Et ce n’est pas les shinobi qui tirent leur pouvoir de symboles gestuels, qui allait le contredire sur ce point.
A présent le Cetana allait s’engager dans une vielle tradition. Il allait transmettre un symbole à son successeur. C’était d’ailleurs notable que toute les lignées, quel qu’elles soient, aient leur symbole. Preuve en ai que rien de durable ne peut subvenir sans symbole fort. Ishiki se sentait investit d’une certaine mission. Un devoir sacré. Eveiller un peu d’humanité au sein du corps des guerriers de l’ombre. Trop de ninja se voyaient encore comme des armes vivantes. Cette conception trouvait peu d’échos à Kumo, mais même là il restait beaucoup de chemin à parcourir. Beaucoup de chemin qu’il ne pourrait parcourir lui-même. Le destin avait frappé à sa porte. Il lui fallait désigner un successeur.
Parmi les genins nouvellement promus figurait un jeune Sattva. Un clan de mystique, ces Sattva. Ils connaissent la véritable nature des choses et ne se laisse pas facilement corrompre par les pulsions animales des hommes plongé dans l’impermanence. Ils étaient naturellement doués comme les Cetana d’une véritable éthique. Les deux clans partageaient d’ailleurs la même aversion pour le côté violent et vénale de l’existence shinobi. Rares était les représentants de ces clans qui portaient un bandeau !
Ishiki trouva le jeune Jikaku Sattva au parc Yumekuteka. Il était adossé contre un arbre un peu à l’écart sur une colline. Il s’entrainait visiblement au maniement du chakra. D’un geste machinale, il éleva ses mains à la hauteur de son visage et fit jaillir un peu de chakra au bout de ses doigts. Le jounin se décida à intervenir.
[Ishiki Cetana] – « Recommence en conscience. »
Le jeune garçon tourna sa tête vers le jounin, le regard brillant, apparemment piqué au vif. Ishiki était un spécialiste du genjutsu mais il n’avait là nul besoin de son art pour lire à cet instant dans le regard de ce genin. Il accéda aisément à au cœur de l’esprit du Sattva jusqu’à l’âme même. Oui, ce jeune garçon avait le potentiel nécessaire pour devenir son successeur. Ils se regardèrent un long moment dans les yeux. Finalement le genin rompit le silence.
[Jikaku Sattva] – « Oui, agir avec sincérité. »
La réponse plu énormément au jounin. Elle pouvait parfaitement résumer son éthique de vie. Le jeune garçon repris son geste avec un zèle et une attention remarquable. Le Cetana s’était décidé. Ce Sattva allait devenir son successeur. Ishiki s’accroupi en face de lui et lui souffla :
[Ishiki Cetana] – « Agir machinalement, sans conscience, c’est mener une existence terne sans vie. N’être rien de plus qu’un rouage inanimé de ce monde. Pour vivre réellement il faut être conscient. La quête de la conscience devrait être le but de l’existence de tout homme en ce monde. »
Ishiki se tut. L’attention du jeune garçon était palpable. Il buvait littéralement les paroles du Cetana. Après un instant de silence, le jounin reprit.
[Ishiki Cetana] – « Hélas peu de nos contemporains perçoivent cette réalité. Ils se laissent balloter par le flot de l’existence. Ou partent en quête des plaisirs animaux, ou encore – et c’est particulièrement vrai en ce village – en quête de la puissance ou de la renommée. Ils ignorent tout de la joie humaine d’être conscience d’être vivant. Les seconds confondent même but et moyens.
Nous ressentons leurs détresses. Leur cœur sont asséchés à force de mener une existence si terne. Il est de notre devoir d’y apporter un peu d’humanité. Soit la colombe qui apporte la paix à leur cœur, leur confère la sérénité nécessaire pour s’apercevoir que la solution se trouve en eux même et non en quelque pouvoir sur l’extérieur.
Que ce symbole t’initie à la grande œuvre à laquelle tu vas désormais te consacrer. Faire de l’homme, des êtres humains dignes de ce nom. »
Sur ces paroles Ishiki Cetena donna une petite statuette à Jikaku Sattva. Elle représentait une colombe d’une blancheur immaculée prenant son envol. Elle était faite à partir du chakra du jounin. Un arcane de son clan. Le jeune garçon était très concentré, apparemment bien conscient de l’importance de la scène. Ishiki lui toucha le front entre les deux sourcils.
Voilà c’était fait. Le symbole avait permis de transcender la trinité de ce pays lointain. C’était une fin pour lui, mais un commencement pour ce jeune garçon, et dans l’ensemble la lignait perdurait. Les trois dieux étaient fusionnés en un symbole. Le symbole, pilier même de l’existence.
[Ishiki Cetana] – « Je te remercie. »
Sans plus de cérémonie, il se leva et quitta les lieux. Il ne voulait pas donner dans la théâtralité, il ne fallait nourrir l’ego de ce jeune garçon. Cependant après avoir fait quelque pas, il s’arrêta et, sans se retourner, lança rapidement :
[Ishiki Cetana] – « Prends ce que la vie pourra te donner. Puissance et renommée sont des moyens. Kumo en est un autre, un lieu de pouvoir. Garde ton attention concentré vers ton but, ta Quête, ton impératif catégorique. Autrui est le miroir de toi-même ; éveilles-les, tu t’éveilleras toi-même. Tu auras réellement vécu ta vie. »
L’existence de shinobi d’Ishiki se termina ainsi. Celle de Jikaku ne faisait que commencer.