La température s'était faite de plus en plus fraîche à mesure qu'ils s'approchaient de Yukigakure. Bien que les deux genins aient laissé la frontière derrière eux depuis quelques lieux, ils pouvaient le sentir, chaque pas sur les terres de Yuki no Sato les rapprochait d'un froid plus extrême encore que celui auquel ils avaient goûté tout au long de leur route. Et cette impression ne faisait que se renforcer dans le coeur du jeune eisei-nin. Il jeta un regard à Etsuko qui hocha la tête pour le lui confirmer. Elle aussi s'en était aperçue. Plus que les épreuves, l'atmosphère glacé de se pays serait un ennemi redoutable pour la plupart des participants à l'examen chunnin.

Quelqu'un attendait devant les portes. Kitsuke laissa son équipière, bien plus loquace que lui, s'entretenir brièvement des formalités tandis qu'il regardait avec attention chaque détails autour de lui. Ce village n'avait rien à voir avec Kumogakure. Cela n'était plus mal, le jeune kuméen était sur ses gardes, et le resterait. Une sorte d'hostilité lui faisait dresser les cheveux de sa nuque, comme une sorte d'aura meurtrière latente, une aura émanant du village proprement dit.

[Etsuko] – On y va, Kitsuke.

La jeune kunoichi l'avait tiré de ses réflexions en tirant sur la manche de son manteau noir. Visiblement, tout était en ordre et ils étaient autorisés à poursuivre leur chemin vers le point de rendez-vous de la première épreuve.

[Kitsuke] – Tu l'as sentie ?

Il remarqua alors la main d'Etsuko en contact avec In'ki, l'arc dont elle était si fière, la seconde chose après son nom qui soit un signe d'appartenance à son clan. Bien sûr qu'elle l'avait sentie. La jeune femme n'était pas seulement plus expérimentée que lui, elle était Toshiya. Kitsuke la connaissait depuis peu certes, mais suffisamment bien maintenant pour savoir que sa coéquipière n'était pas du genre à se laisser gagner par la peur. Or si elle n'en montrait rien, ce seul geste confirmait au jeune eisei-nin sa propre impression. Il enfouie son visage dans les profondeurs sombres de sa capuche et suivit Etsuko jusqu'à l'endroit que l'on lui avait indiqué.

La place regroupait l'ensemble des participants. Isolés ou en petits groupes, la plupart des shinobis présents suintaient la défiance à l'égard des représentants des autres villages. C'était normal quelque part, ils pouvaient bien devenir des adversaires dès l'annonce de la première épreuve. Kitsuke laissa sa partenaire faire le tour des têtes, préférant prendre un peu de recul. Ce n'était pas qu'il soit mal à l'aise au milieu des foules, c'était seulement un vieux réflexe qu'il entretenait. Si les autres ne pouvait voir de lui que ses deux kodachis, qui dépassaient de chaque côté de ses hanches, et le long manteau noir qui le dissimulait des pieds à la tête, lui en revanche analysait minutieusement chacune des personnes réunis. Posture, équipement, armes visibles, bandeaux des différents villages... La plus petite informations pouvait lui procurer un avantage. Le plus petit détail pouvait dans certains cas vous sauver la vie.

Alors qu'il inscrivait tout cela dans sa mémoire, une jeune femme apparut sur l'estrade qui dominait l'endroit. Usant de l'autorité que lui conférait son statut de responsable de l'examen chuunin, elle réclama que tous se rapprochent et écoute très attentivement ce qu'elle avait à leur dire. Alors qu'Etsuko prenait conscience de la disparition de son compagnon à ses côtés, le cherchant du regard parmi la foule massée au pied de l'estrade, il lui signifia sa présence en posant sa main sur son épaule. A partir de maintenant, chacun d'eux était l'unique personne sur laquelle l'autre pouvait compter.

[Azumi] - Vous vous apprêtez à vivre la semaine la plus difficile de votre vie. L'épreuve qui vous attend est une épreuve de survie !

Aucun des genins présent ne sembla surpris par l'annonce. D'après ce que lui-même savait des autres examens passés, il y avait toujours une épreuve de ce type qui attendait les participants. Bien entendu, tout le monde devait s'être préparé à quelque chose du genre.

[Azumi] - La première épreuve se déroulera sur une période d'une semaine. Ceux qui seront toujours en vie au bout de cette semaine accéderont à la deuxième épreuve, cela va de soi. Il y a toutefois une règle qui ne doit être bafouée sous aucun prétexte : aucun combat entre Shinobi ne sera accepté. Yuki étant un pays déjà suffisamment dangereux, conservez vos forces à survivre ! Croyez-moi, vous en aurez besoin.

Voilà qui était intéressant. Aucun combat entre les participants... Pour cette épreuve tout du moins... Ils devaient juste s'adapter à leur environnement.

La chuunin de Konoha, au vu de son bandeau, leur montra par la suite l'équipement mis à leur disposition pour la durée de l'épreuve : un sac, qui selon ses indications contenait plusieurs jours de vivres, un parchemin contenant un sceau de téléportation pour ceux qui ne supporteraient pas l'épreuve, et une pilule destinée à rééquilibrer la chaleur corporelle. Sûrement développée par Kumo, pensa-t-il. Cependant, après avoir vu le rouleau et la taille du sac qui leur serait donné, Kitsuke évalua qu'il devait y avoir autre chose à l'intérieur. Il ravala sa curiosité. Les explications continuaient...

[Azumi] - À toutes les cinq minutes, un Genin traversera ces portes et commencera l'examen. Le nom des participants seront pigés au hasard afin de déterminer l'ordre de départ. N'oubliez pas, que vous perdiez ou que vous gagniez, l'enfer vous attend dans cette forêt. Que les meilleurs gagnent !

Voilà donc quelle était la vraie difficulté de cette épreuve. Tout le monde en prenait maintenant conscience. Ils allaient devoir survivre seul, dans un environnement inconnu, et un froid mortel pour principal ennemi. Cela changeait la donne. Bien entendu, et d'après les explications, rien n'empêchait les membres des villages de s'entre-aider, mais avec les départs différés et la neige épaisse qui tombait, pister ne serait-ce que ses propres camarades devenait une tâche extrêmement ardue...

La chuunin sauta au bas de l'estrade et atterrit souplement au milieu des genins. Sans un mot, elle prit la direction des portes. S'ils avaient compris ce qu'elle venait de dire, ils la suivraient, sinon c'est qu'ils n'avaient visiblement pas les capacités intellectuelles pour devenir chuunin. Alors que tout le monde lui emboîtait le pas, dans une certaine précipitation, Kitsuke retint Etsuko par le bras, laissant volontairement passer les autres participants. Au vu du nombre de tête présentes à leur arrivée, tout deux ne partiraient pas avant quelques dizaines de minutes, le temps de penser calmement à la semaine qui les attendait. Le plus important maintenant était de choisir l'endroit où chacun d'eux se sentirait le mieux pour survivre à cette semaine de solitude, de neige et de glace.

En ce qui le concernait, Kitsuke savait déjà où il se dirigerait une fois passées les portes. Les choix avaient été énoncés : la forêt, le lac, la plaine ou les montagnes. Ils étaient libres d'aller là où bon leur semblait mais ce choix ne devait pas être pris à la légère. Seul un fou aurait vagabondé sur ces terres hostiles sans avoir réfléchi au préalable à la façon dont il allait faire face à cette semaine. Car une fois à l'extérieur, l'épreuve commençait. Une épreuve de survie.

On les appela, Etsuko et lui. Il se frayèrent un passage au milieu des candidats restants qui attendaient devant les portes. L'anxiété gagnait peu à peu les genins qui n'étaient pas encore partis. Cela se voyait sur leurs traits tirés comme dans leur yeux. Partir parmi les premiers était un avantage certain, et après avoir regardé s'en aller nombre d'entre-eux, des questions commençaient à traverser les esprits. Que se passerait-il si plusieurs représentants d'un même village se groupaient pour revendiquer le territoire où ils se trouvaient, repoussant les shinobis esseulés de la promesse d'un abri ou d'un point d'eau ? S'il n'était, dans les règles, pas possible de se battre, il existait bien d'autres moyens de durcir un peu plus la sélection sans que la nature ne s'en charge.

[???] - Lequel de vous deux part le premier ?

Les deux kuméens échangèrent un long regard avant qu'Etsuko n'avance d'un pas dans la direction de l'examinateur. Elle reçut son sac et sans dire un mot ou regarder derrière elle, la kunoichi s'enfonça jusqu'à disparaître derrière le voile neige qui ne semblait vouloir cesser de tomber. Peu importe qui partait le premier. Peu importe l'endroit vers où chacun d'eux se dirigeait. Ils connaissaient leur propres capacités et ne doutait pas de celles de l'autre. Ils avaient affronté la mort ensemble et ils en avaient réchappé. Sans mot dire, Etsuko et Kitsuke s'étaient faits une promesse. Pas avant de venir, non, car alors ils ne savaient rien de ce qui les attendaient. Non, le serment qui les liait, venait d'être prononcé, et leurs yeux ne mentaient pas.

Cinq minutes passèrent. Cinq étrangement longue minutes. Peut-être est-ce dû à la tension quasiment palpable dans le dos de l'eisei-nin, ou bien est-ce dû au décor gris et blanc devant ses yeux...ce décor qui donnait l'impression de regarder la même chose, une toile dans laquelle on se sentait s'abîmer... Quoi qu'il en soit, quand cinq minutes furent passées, on lui donna son sac et l'autorisation de partir. Partir... Devant lui, tout avait l'air d'un vaste piège. Dissimulé sous sa capuche, Kitsuke sourit. Pour lui aussi l'épreuve débutait. La plus longue semaine de sa vie, hein ? Il n'en doutait pas. Le kuméen jeta son sac par-dessus son épaule et s'enfonça à son tour dans les terres inhospitalières de Yuki no Sato.


Il ne savait pas vraiment depuis combien de temps il marchait maintenant. Cela pouvait bien faire une heure ou deux, il n'en avait pas la moindre idée. Dans ces conditions, il était difficile d'évaluer avec précision le temps qui passait. Le ciel d'un gris pâle ne lui donnait comme indication que la certitude qu'il faisait jour, pour le reste, il attendrait la nuit.

Plusieurs fois au cours de sa marche, Kitsuke s'était arrêté pour voir s'il était suivi. Comptant dans sa tête l'équivalent de trois minutes avant de reprendre son chemin, par trois fois, il en avait conclu que personne n'était sur ses traces. De toute façon, il fallait être un pisteur hors pair pour réussir un tel exploit au vu du temps qu'il faisait. Ce souci en moins, l'eisei-nin continuait sa progression, suivant l'aiguille de la boussole qu'il avait trouvé dans le sac. Les examinateurs n'étaient pas sans coeur, ils leur avaient donné, à défaut d'une carte, un moyen fiable de s'orienter. Nul doute que sans cela nombre d'entre-eux aurait pu complétement se perdre.

Lui se dirigeait vers les montagnes. Il était bien content d'avoir étudié quelques cartes avant le grand départ, et d'avoir pris soin de se situer tout au long du trajet qui les avait mené jusqu'à Yukigakure. A peu de chose près, Kitsuke savait être dans la bonne direction, enfin celle qu'il avait choisie. Les montagnes. Ce choix lui était apparu comme une évidence. Il y avait passé plus de la moitié de sa vie. Recueilli par la femme qui était la plus chère à son coeur, cette mère de substitution qui l'avait sauvé d'une mort certaine dans son jeune âge, Kitsuke y avait été élevé et formé, dans les hauteurs des montagnes de Kumo. Kaoru Kusanagi, sa bienfaitrice, descendante de l'illustre maître Aoi Kusanagi, lui avait appris comment survivre de bien des façons. Elle ne l'avait formé qu'aux arts du combat ou à la maîtrise du sabre. Elle l'avait préparé à affronter la vie du mieux qu'elle le pouvait, forgeant son corps et disciplinant son esprit. Il était son l'enfant qu'elle n'avait jamais eu. Elle était la mère qu'on lui avait enlevé.

Une légère nostalgie s'emparait de lui alors que ces souvenirs anciens remontaient à la surface. Il n'avait aucun doute sur ce qu'il devait faire. La montagne, les entraînements, tous cela lui revenait avec précision. Pour cette épreuve de survie dans de telles conditions, s'il y avait un endroit où l'eisei-nin pouvait avoir un avantage sur les autres, il était en train de s'y rendre.