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 La mort d'un père

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Shinjin Isatsu
Aspirant de Konoha
Aspirant de Konoha
Shinjin Isatsu


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MessageSujet: La mort d'un père   La mort d'un père EmptyMer 28 Mar - 13:47

J'avais pris la décision d'y retourner. Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas retirer pour juste méditer dans le silence d'un monastère, et je voulais montrer l'endroit à Niko. Lui montrer ce que les hommes sont capables d'ériger dans leur meilleur moment. Nous ne mîmes pas trop longtemps pour y arriver, empruntant le même chemin que j'avais emprunté avec mon embryon d'équipe. Le trajet fut ponctué par les questions de Niko. Il voulait tout savoir sur le temple avant même d'y être : en faveur de qui on l'avait construit, quelles légendes tournaient autour, s'il y avait des passages secrets, des mystères, et enfin, surtout, s'il était aussi majestueux que je le lui avais décris. Il fallait le laisser se l'imaginer. Ou plutôt essayer de se l'imaginer, car c'est dur pour quelqu'un de penser qu'une telle chose ait pu être construite.
Quand j'arrivais enfin devant l'édifice, Niko, sur mon épaule, ne bougea plus. Devant tant de sculptures, tans de pierres taillées, il ne pouvait que s'inclinait devant ce modèle d'architecture et de paysage. Bienvenue dans le monde des humains, Niko. Nous entrâmes dans l'édifice. J'étais en avance. J'avais même quelques heures d'avance comparées à l'horaire que nous nous étions fixés. C'est le doyen qui m'accueille, et même s'il ne voulait pas me le montrer, il a l'air désolé.

C'est maintenant Haga et Ritak, qui arrivent ensemble, avec la dépouille de mon père. Ils l'escortent jusqu'à une salle du temple qui m'est interdite, puis reviennent vers moi.

[Ritak] – Est-ce que ça va?

[Niko] – Il a connu des jours plus bavards.

[Haga] – C'est bien, ce que tu fais. Pour lui, et pour Shizaké, aussi.

Oui. Mon père n'étant pas un membre du clan Hyuuga, il n'a donc pas le droit aux honneurs et à un enterrement dans nos arts. J'ai donc pensé qu'il fallait qu'il parte, mais d'une façon représentative. Ce temple ne fait pas souvent de messes funéraires pour un particulier, mais comme nous avons l'habitude d'y aller, ils ont accepté. C'est ensuite ma mère, qui arrive avec mon Grand Oncle Tokeshi, et Hieï, puis quelques autres amis de la familles. Les figures qui ont baigné mon enfance, comme Hazu, et même Higaï. Je me place aux côtés de ma mère, et compte bien ne plus la lâcher. L'atmosphère est tendue, car je sais que certains auraient voulu que mon père soit traité comme un Hyuuga. L'Hokage, par contre, n'a pas pris la peine de se déplacer, et on ne voit presque pas d'autres amis. Je veux dire, que je ne connaissais pas.
Le cérémonie début, et traditionnellement, c'est à Shizaké de mettre le feu à la dépouille du son mari. Elle le fait, impassible, comme tous les Hyuuga présents. Cette impassibilité politique, qui ne les quitte jamais, même dans des moments comme celui là où il est naturel de montrer sa peine. Ma mère est obligée de me quitter, et ce sont Fen et Kanzaki qui me sautent dessus. Kanzaki m'enlace, et Fen se tait. Il n'y a rien à dire. Pas pour le moment.

[Kanzaki] – Tu n'as pas ton bandeau.

[Jin'] – Non... je compte prendre quelques vacances. Et ne veut plus représenter le village durant ce temps.

[Kanzaki] – Fais attention, pas qu'on te prennent pour un déserteur.

Un peu plus loin que le temple de Kapa, il y a une auberge, qui elle, se trouve bien sur la route. Tandis que les pères de mon clan rentrent dans leurs domaines discuter de l'enterrement – enfin j'espère – nous,nous y allons. Moi, mes amis, ma mère, ses amis. Afin de boire, de se détendre. Ou alors de lui montrer que nous ne nous apitoierons pas sur son sort éternellement. On se réunit donc à une table, dans cette petite auberge, qui ne prend pas trop au sérieux. Le vin et bon, la salle chaleureuse. Quelques passants, en route, sans doute, ou non. Rien ne laisse présager qui nous sommes, et des circonstances qui nous amènent ici. Si ce n'est, bien sure, notre ton faible, et nos mines tristes, pour ceux qui savent pas feindre comme on nous l'apprend.

[Jin'] – Fen, Kanzaki, ça ira. Il faut maintenant que vous nous laissiez seuls.

[Kanzaki] – Tu es sur?

[Fen] – Allez, Kanzaki, viens.

Au moment où ils sortent, maître Higaï rentre, me regarde et va s'attabler avec les autres, toujours en fumant sa pipe. Niko, toujours sur mon épaule, semble intriguer par la suite des évènements. Il descend pour se poser devant moi, sur la table, et attend que je sois assis.

[Shizaké] – Haga.

[Haga] – Il était en mission dans la capitale. Voilà une copie du rapport de mission. Mission d'infiltration, avec une cellule qui faisait le lien. Il s'est fait griller, ce qui peut nous amener à penser qu'il y a un shinobi corrompu dans la cellule. Pour la mission en elle-même, il devait monter tous les échelons de l'homme de main de base, jusqu'à arriver à un point où il serait en mesure d'avoir accès à toutes les bases d'informations de la pègre. Mais pas seulement celle de Konoha. L'objectif était d'organiser, et de contrôler les marchés illégaux. Inutile de vous dire tous les enjeux que ça a, ce genre de contrôle.

[Ritak] – Pour la suite, nous avons réussi à choper les gens de la cellules. Kinoko Blass, une shinobi exemplaire. Bart Nara, un Nara, donc normalement, aussi au dessus de tout soupçon. Le troisième, notre principal suspect : Hector. On ne donne pas son nom de famille. Ce serait un ANBU, et c'est aussi lui assurait le lien entre ton père et la cellule. Mais aucun fait particulier ne disculpe les autres non plus.

[Hazu] – Pour ce qu'on a dit, on parle d'un piège dans lequel ton père serait tomber. Un piège par une mafia rivale, cependant. Mais comme dit, cela faisait une bonne dizaine de jours qu'il n'y avait plus eu de contact.

[Higaï] – Pour votre couverture, je dirais que je sais où vous êtes, mais que vous ne voulez pas qu'on le sache. Seulement que vous voulez faire le point. Si les esprits s'échauffent, je prétexterai une session d'entraînement familiale. Mais je ne pense pas pouvoir vous donner plus d'un mois de répits.

[Hazu] – On peut se relayer pour prendre votre forme, mais ça ne va pas être facile. Surtout pour toi, Shizaké. Le clan verra la supercherie rapidement.

C'est étrange de voir tous ces gens, qui se sont tous (sauf Haga) écartés de la voie de shinobi pour exercer une autre activité. Je sais que Hazu, Ritak, Haga et ma mère faisait partie de la même équipe. Ils ont vite retrouvés leur compétences, et surtout, ils ont tous gardé des contacts, d'après ce que j'entends. Un mois... il nous fallait un mois pour venger le père et le mari. On s'était déjà mis d'accord, j'allais être l'appât. Mon rôle est simple, le même que celui de mon père. Infiltrer. Celui de ma mère, c'est de veiller sur moi : tout le temps, et elle est passée maître dans l'art de se camoufler, donc ça ne devrait pas poser problème. Et pour rentrer dans le milieu, mieux vaut avoir l'étiquette de mercenaire. Accompagner quelqu'un dans cette taverne, qui se rend quelque part. Ou même faire la route ensemble, afin qu'il parle de nous. Principe de base de la communication. Le tavernier et donc la personne toute indiquée.

[Jin] – Excusez moi. Il y a quelqu'un qui va se diriger vers la capitale? Les routes ne sont plus ce qu'elles étaient, seul.

[Tavernier] – Accompagner? Il y a cet homme, derrière toi, mais je ne pense pas qu'il aura les moyens de payer pour sa protection.

Derrière moi se tient effectivement un homme. Et effectivement, s'il pouvait déjà se payer son repas et son logis ici, c'était déjà bien. Il portait des habits usés, mais d'un autre côté, son visage inspirait confiance. Un chapeau trônait sur la table, devant lui. Tandis que je me dirigeais vers lui, tous sortirent de la taverne avec un bref salut. Je m'assis en face de lui, après avoir commander de quoi boire (oui, de l'alcool).

[Jin'] – Bonjour. Je suis Jin'.

L'anonyme de se présenta pas. Niko descendit de mon épaule pour se lover à côté de mon verre.

[Jin']- Je dois faire route vers la capitale, et mes amis - en désignant ceux qui venaient de sortir - préféreraient que quelqu'un de mon âge ne voyage pas seul. Est-ce que vous voudriez m'accompagnez?

Ce n'est pas trop le plan que j'avais vu initialement prévu, mais cela s'appelle rebondir, non?
Hyûma

Hyûma


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MessageSujet: Re: La mort d'un père   La mort d'un père EmptyDim 1 Avr - 17:48

L’Anonyme observa du coin de l’œil le gamin qui s’approchait de sa table. La discussion de ce dernier avec le patron ne lui avait pas échappé, pas plus que le geste de celui-ci en sa direction. Peu de chance donc que le gamin s’approche par hasard.

Le petit bonhomme avait une allure… étrange, singulière. Pas tape-à-l’œil, loin de là, au contraire… Mais pourtant particulière et se détachant du commun. C’était quelque chose d’autre que le voyageur mit un moment à identifier. Le garçon, de petite taille, avait les cheveux blanc, ou bien d’un blond particulièrement clair, et la peau pâle, bien qu’il ne soit visiblement pas un albinos, comme le soulignait ses yeux bleus. Il était vêtu d’un kimono noir, surmonté d’un haori blanc, qui tranchait avec son teint blafard. Si les vêtements n’étaient pas de riches factures, ils étaient bien loin de l’état défraichie de ceux que portait l’Anonyme. Le seul signe distinctif était le petit lémurien installé sur son épaule. En soi, rien d’aberrant ou sortant de l’ordinaire.

Le garçon se déplaçait avec grâce et aisance entre les tables de la taverne. Le voyageur s’aperçut brusquement que c’était cela qui l’avait interpellé. Chacun de ses gestes coulaient avec fluidité et prestance. Ce n’était pas la première fois que l’Anonyme ressentait cette impression, mais d’ordinaire, elle était plutôt provoqué par l’observation de félins en mouvement.
Ce n’était pas la démarche de n’importe qui. Un danseur ou un artiste martial. Les vêtements invalidaient la première proposition… Que tendait pourtant à confirmer la présence de l’animal.
Quoi qu’il en soit, ce n’était pas un simple voyageur venu se recueillir au temple.

L’Anonyme tenta de se souvenir si le gosse avait fait parti de l’attroupement qui avait débarqué auparavant, probablement les proches du défunt – l’Anonyme avait ouïe dire qu’une cérémonie funèbre avait été organisé dans le temple, le fait étant suffisamment inhabituel pour que les gens en parlent. Il n’avait malheureusement guère fait attention et n’en aurait pas juré.

L’adolescent s’invita le plus naturellement du monde à sa table, tout en passant commande, avant de se tourner vers le voyageur.
Ce dernier en profita pour le détailler du coin de l’œil. Le gamin devait avoir entre douze et seize ans, décida-t-il. Il avait déjà du mal à estimer l’âge des gens, et l’expression indéchiffrable de l’adolescent ne lui facilitait pas la tâche. Ses gestes, ses yeux, son expression… Il ne lâchait rien, ce qui atténuait la juvénilité de ses traits. Cela ne faisait que renforcer son côté étrange.

« Bonjour, je suis Jin’. » Déclara aimablement l’adolescent.

L’Anonyme ne répondit pas, son regard fixé sur le petit lémurien qui venait de descendre sur la table. Il n’avait pas l’intention de lier davantage la parole tant qu’il ne saurait pas dans quel but il l’abordait.

« Je dois faire route vers la capitale, poursuivit l’adolescent sans se démonter, et mes amis préféreraient que quelqu'un de mon âge ne voyage pas seul. Est-ce que vous voudriez m'accompagnez? »

Nous y voilà, songea l’Anonyme.

Le voyageur tendit lentement sa main vers son verre, avant de le porter nonchalamment à ses lèvres. Un artifice des plus basiques, mais qui lui offrait quelques secondes pour réfléchir.

En soi, la destination n’avait guère d’importance. L’Anonyme voyageait sans but, se laissant porter par le destin, et la capitale était une destination qui en valait bien une autre. Le voyageur ne s’était jamais aventuré dans une ville aussi grande et peuplée et l’expérience pouvait bien s’avérer intéressante. Quant à voyager avec le gamin… Pourquoi pas ? Le voyageur n’avait pas l’habitude de vagabonder en compagnie, mais s’il ne recherchait pas particulièrement la présence d’autrui, il ne la fuyait pas spécifiquement non plus.
Non, le seul hic, c’était lesdits amis qui venaient de filer, visiblement sans se soucier de la suite.

Le voyageur reposa son verre et toisa Jin’ dans les yeux, qui soutint son regard sans sourciller.

« Pourquoi pas ? Répondit-il. Un peu de compagnie ne peut pas faire de mal, et puis il paraît que voyager avec un compagnon de route fait passer le temps plus vite. Néanmoins… »

L’Anonyme laissa sa phrase en suspend, guettant la réaction du gamin. Il en fut pour ses frais : celui-ci patienta sans montrer le moindre signe tension ni manifester la moindre gêne. Oui, un gamin peu commun, décida le voyageur.

« Néanmoins, je n’aime pas les mensonges, reprit l’Anonyme. Ce n’est pas parce que j’ai l’air misérable que je ne sais pas me servir de ma tête comme tout le monde. T’es parents ne t’ont jamais dit de ne jamais se fier aux apparences ?
_ Pardon ? S’enquit Jin’.
_ Si tes amis sont du genre à se faire du soucis à te savoir seul sur les routes, alors ils vont hurler à l’idée que tu fasses le voyage avec le premier inconnu venu dont tu ne sais, en définitive, rien du tout. Ou alors, ce sont de drôles d’amis…
« Donc de deux choses l’une, soit ils s’en fichent complètement et ce n’est qu’une excuse pour m’approcher, soit ils sont confiants parce qu’ils estiment que tu n’as rien à craindre dudit premier inconnu venu, et alors il est peu probable que tu ais réellement besoin d’une escorte pour voyager.
« Bref, conclut le voyageur, tu me racontes des cracs, et je n’aime pas ça. Si tu as vraiment l’intention que je t’accompagne, arrête de me raconter des histoires.
_ Est-ce à dire que vous refusez ma proposition ? Demanda calmement Jin’.
_ Ça, c’est à toi de voir, non ? Rétorqua l’Anonyme. Je t’ai dit ce qu’il en était en ce qui me concerne. Comprenons-nous bien, je me fiche complètement que tu sois honnête ou pas : si tu veux garder tes petites affaires pour toi, c’est ton droit. Après tout, ça ne me concerne vraisemblablement pas. Mais dans ce cas-là, ne dis rien plutôt que de me mentir. Sinon on ne va pas partir d’un bon pied.
« Après, y’a sûrement d’autres clients se rendant à la capitale et susceptibles d’avaler ton boniment. J’t’en voudrais pas si tu veux tenter ta chance auprès d’eux, assura le voyageur.
_ Alors vous suivriez un parfait inconnu sans même savoir ce qu’il vous veut ? S’interrogea l’adolescent.
_ Et pourquoi pas ? Répondit l’Anonyme. Je n’ai pas l’intention de prendre racine ici, et j’ai toujours rêvé de voir à quoi ressemblait la capitale, depuis le temps que j’en entends parler.
_ Vous-même ne connaissez rien de moi, souligna Jin’, suspectez que je ne vous dit pas la vérité, et pourtant vous êtes prêt à m’accompagner malgré tout. Pourtant, rien ne vous dis que je ne sert pas d’appât à un groupe de brigands ou autre. C’est un comportement risqué, non ?
_ Seulement quand on a quelque chose à risquer, riposta le voyageur. Pis j’ai pas d’amis pour s’inquiéter de qui j’accompagne, moi… Mais bon, je ne roule pas sur l’or, donc ce doit être un bien piètre groupe de brigands pour me préférer aux colporteurs en transit. Au moins, ils ont de la marchandise, eux… »

L’Anonyme se releva, faisant signe au patron d’apporter la note, enfila son chapeau qu’il attacha rapidement, avant d’attraper son maigre baluchon qu’il cala sur son épaule.

« Moi j’y vais, et je pars pour la capitale, annonça le voyageur. A toi de voir si tu veux m’accompagner ou pas. Mais plus de mensonge, hein… »

Jin’ esquissa un petit sourire.

« C’est moi qui suis venu vous trouver, à la base, rappela-t-il. Je vais venir avec vous.
_ Très bien. Il y a un petit relais, sur la route de l’Est, annonça le voyageur. Si on ne lambine pas trop, on devrait pouvoir l’atteindre en début de soirée.
_ Une dernière chose, intervint l’adolescent. Je ne connais toujours pas votre nom.
_ L’Anonyme.
_ Ce n’est pas votre vrai nom, tiqua Jin’.
_ Non, acquiesça le voyageur. Ç’a une importance ? Tu peux m’appeler comme tu veux, s’non…
_ Pas vraiment, reconnut l’adolescent.
_ Alors en route. »
Shinjin Isatsu
Aspirant de Konoha
Aspirant de Konoha
Shinjin Isatsu


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MessageSujet: Re: La mort d'un père   La mort d'un père EmptyJeu 12 Avr - 13:00

L'Anonyme, comme il désirait qu'on le nomme, avait accepté. Nous étions partis sur les chemins, il voulait aller à un relais, et cela avant la nuit. Il avait accepté, mais d'une manière bien particulière. Il ne fallait pas essayer de se jouer de lui. On a tendance à évincer la plupart de la réflexion des gens. Je devais me discerner de ce « on » aussi mauvais qu'il puisse être. Il savait avec qui il marchait, sans doute, sans que je n'ai eu besoin de lui dire, mais il acceptait ça. Je dois maintenant découvrir pourquoi il a pris cette décision. À force d'y réfléchir, deux choses m'étaient avait été retenue : soit par curiosité, soit par je m'en foutisme. Et dans curiosité, on mettra la mélancolie de la solitude, le désir de savoir quelque chose, et autres choses de la sorte.

La route était calme. Peu de gens l'arpentent. Jusque là, nous n'avons croisé qu'un couple de maraîchers, et deux marchands ambulants. Aucun n'était suspect. Et de toute façon, j'ai cette impression d'invincibilité. Une drôle d'impression. Comme si personne ne pouvait rien me faire, et que je suis le seul à savoir. Ma mère, cachée, quelque part. Même moi, je ne la vois pas, personne, sur le chemin, n'a laissé présager qu'elle était présente. Mon ange gardienne est là, invisible, surement prête à frapper, comme je la connais. Et alors même qu'elle frapperait, je ne pense pas que beaucoup la verraient.
Je marche à côté de l'Anonyme. Je n'aime pas ce nom, ça ne peut être bon pour personne, de ne pas avoir un nom auquel rattacher sa personnalité. Mais nous n'en sommes pas encore ici, il est aussi peu prêt à l'entendre que moi à le dire. Pour arriver à penser cela, le cheminement de mes pensées est passé par un chemin que je crois le mien. Mais en y réfléchissant, n'est-ce pas toute mon éducation, tous les récits, préceptes et autres exemples de sagesse que j'ai entendu qui me poussent à penser de telle manière, et non d'une autre? Ça l'est, et c'est de cette façon qu'après chaque génération, les façons de penser évoluent. Et donc, il serait justifié que la façon de penser de mon clan puisse être remise en cause sur la Bunke, la Sokke et leur fils. Ce clan... encore lui, toujours omniprésent. Mais en y pensant, moi, j'ai une famille et un foyer qui peuvent se permettre d'être omniprésents dans ma réflexion, mais lui? À quoi peut-il bien penser, comment ses méandres peuvent être dirigées? C'est peut-être cela, le défi de l'humble : rester noble sans avoir quoi que ce soit qui nous le dicte, même pas de façon indirecte. Se détacher des choses, cela permet souvent de mieux les comprendre. Faudra-t-il un jour que je parte pour comprendre? S'il le faut, alors je partirai. Pour l'instant, je continue d'apprendre.

Devant nous se tient déjà une étoile dans le crépuscule. Derrière un nuage de brume qui précède une nuit froide et humide, ne lumière, dont les contours de perdent en éclats blanchâtres : le relais dont-il parlait. Je ne lui trouve toujours pas de nom. Nous avançons, et la bâtisse se dessine. Elle est moins grande que l'auberge de laquelle nous venons. Mais assez grande pour accueillir une dizaine de personnes, hôtes compris. Devant la porte, il y avait un bac, pour que des bêtes puissent y boire. Au nord, et donc à droit, on pouvait voir un puits, avec un tuyaux de laiton rentrant dans la maison. Ils devaient pouvoir la pomper de l'intérieur, mais n'avaient pas pour autant ôter le puits. Le relais n'avait qu'un étage, qui devait comprendre la salle commune et les appartements du tenancier. Au dessus, sous un toit en tuile scellées par la mousse et les lichen, c'est là que devait résider les voyageurs. Et à le droite du puits, on voyait un cercle de pierre, avec des tâche géométriques d'herbe décolorée. Lorsque c'était plein, les passants y montaient un camps de fortune. L'auberge (modeste), le puits et la fantôme d'un camps était en arc de cercle, autour de l'embranchement qui reliait la route à cette charmante place.

La porte de la maison, bien que ne coulissant pas mais s'ouvrant vers l'intérieur, était trop haute. Un raie de lumière, de quelques centimètres, filtre dans une brume qui s'épaissit avec l'obscurité. Je m'efface, laissant l'Anonyme entrer en premier, mais le suit de près, afin qu'on comprenne que nous sommes ensembles. La porte, juste à côté de l'angle de la maison, s'ouvre à droite, nous laissant la personne quelques instants dans un petit couloir, entre la porte et le mur. Pour observer la salle en entier, il faut continuer, et cela nous oblige à nous arrêter pour la jauger. C'est ce que ferait n'importe qui. Au contraire, quelqu'un qui en entrerait, et sans s'arrêter, s'installer à la première table venue, voilà quelqu'un qui veut passer inaperçue. Seulement je suis avec l'Anonyme, et il a déjà repéré où s'assoir. La salle est carrée. Quatre sorties possibles : la porte dont nous venons, la porte de service, un escalier qui monte à l'étage, et la fenêtre de la salle, donnant sur la place. Elle est fermée par un rideaux lourd, épais, qui sent la poussière et la fumée d'un feu de bois. En face de cette fenêtre, l'autre pur n'est pas garni de même. Il m'est d'avis qu'il est tout contre la terre, car derrière la maison, le terrain monte et la forêt reprend ses droits. Il y a quelques étagères où son rangées de la vaisselle. Sur le mur, en face de nous, un âtre rougeoie. C'est dans le coin, entre le rideaux et l'âtre que nous nous installons. Le patron, de l'autre côté de l'âtre, derrière un comptoir qui protège la porte de service, nous fait signe qu'il nous a vu, et que nourriture et boisson sont en train d'arriver.

Je repère, comme maître Higaï me l'a appris, toutes les armes potentielles : vaisselle, lampes à huile, lampion du plafond. Les dangers : six hommes présents. Le tavernier, son fils, qui est derrière en cuisine. Je l'ai vu passer. Il y en a quatre autres : trois autour de la table de centre, en train de calmement jouer aux cartes, et un le long du mur, de l'autre côté du rideau. Il est encapuchonné, dans un large manteau qui fait des plis et peut donc dissimuler bien des choses. L'un des trois hommes porte une arme. Elle scintille de temps en temps, quand la lumière du feu l'éclaire : un poignard dans sa botte. Mais c'est le seul qui est armé. Et, en regardant son équipement, il est sans doute habitué à parcourir la forêt en dehors des sentiers. Une telle arme est justifiée. Il faut également que je compte des possibilités de renfort venant de l'escalier et de la porte. La porte peut se bloquer avec un pic en fer forgé, pour remuer le feu. L'escalier peut être obstrué en faisant tomber la lampe à huile juste devant et mettant le feu, puis y jetant la table du milieu. Ensuite, en partant pas une fenêtre, faire tomber le lampion. Les rideaux prennent vite, et il ne reste plus qu'à liquider tout ce qui sort du brasier, un par un.

On nous sert, nous mangeons, et nous rejoignons chacun une chambre. C'est moi qui régale, d'autant qu'une fois arrivés dans la chambres, Niko me sort le bourse. Un petit tour que je lui ai appris, qui peut s'avérer pratique en mission. Voler les bourses, ça permet de payer les repas. Mais je ne sais pas encore si l'Anonyme en ferait un cas de conscience ou non. Il sait que c'est moi qui paie, ça suffit pour l'instant.
Le lendemain matin, quand l'Anonyme se lève, je suis déjà debout, et j'ai déjà sommairement mangé. Il sort de la bâtisse, et me voit faire mon taï chi. Intrigué, ou juste envie de prendre l'air. J'opte pour la première solution afin d'engager la conversation.

[Jin'] – Dans ma famille, on cultive son corps depuis longtemps.

[Hyûma] - Nécessité fait force de loi... Ta famille considère sûrement le corps comme un outil primordial [en esquissant un petit sourire]. Mais indéniablement, le résultat est impressionnant.

[Jin'] – Justement, il semblerait que je sois loin de ce qu'ils attendent. Mais leurs critères ne sont pas forcément les miens.

Y avait-il une quelconque vérité dans ce que j'étais en train de dire. C'est possible. En repensant à mes jeunes années à flâner et laissait les autres cultiver mon esprit et mon corps, sans investissement de ma part, on est en droit de se poser la question de ce que je veux. Il faut croire qu'à ce moment, je ne voulais rien. Complétement déphasé de la réalité. Mais au fur et à mesure, les objectifs de mes maîtres ont commencé à coïncider avec les miens, et j'ai commencé à m'intéresser de plus en plus à ces choses. Mais est-ce parce qu'elles m'intéressent vraiment, ou bien seulement car je cherche ce que tout enfant veut : la reconnaissance, une place dans ce monde que je ne peux trouver qu'en devenant plus fort, et écrasant les plus faibles qui s'opposent à moi. On peut se poser la question du rapport que j'ai avec cela. Les ennemis s'opposent-ils à moi, et donc à Konoha, ou à Konoha, et donc à moi. La différence est énorme, car il y en a une qui ferait de moi un déserteur potentiel plus facilement que l'autre.

[Hyûma] – Les critères?

[Jin'] – Oui, sur tout ce qui est théorie, je brille. Pour ce qui est de la pratique, nous dirons que je me fais discret. Et vous? J'avais pensé que l'errance obligeait la maîtrise d'une certaine forme de combat.

[Hyûma] - Mais qui a parlé de maîtrises du combat ? Je serais curieux de savoir combien de gens s'en prennent à un vagabond sans le sous. Surtout s'il est typé armoire à glace patibulaire. 
Les connaissances du combat ne sont nécessaires qu'en cas d'affrontement. Il n'y a rien que je cherche à défendre, je ne représente une menace pour personne et je ne possède rien qui vaille de risquer un mauvais coup... Je n'ai donc guère à me battre. Abstraction faite des rixes d'ivrognes, quoi...
Quant à ta famille, elle a tort de te presser : tu es jeune, la pratique viendra forcément en son temps. Et de ce que j'ai pu voir, tu sembles doter de base plutôt solides. Donc si tu maîtrises la théorie, tout ce qu'il te manque, c'est l'aisance de l'expérience."


Je n'avais envisager la chose sous cet angle. Sous l'angle d'une autre classe sociale. Pour moi et ma famille, les routes restent une source potentielle de violence, mais ce parce que nous avons justement quelque chose à perdre : richesse, arme, dojutsu. Tandis que pour une homme comme lui, se faire attaque, oui, mais pourquoi? Que peut-on lui vouloir? Une sorte de prise de conscience qu'en fait, mon clan ne représente en rien une vision unilatérale commune à tout le monde.

[Jin'] - C'est un peu ça. Le paradoxe, c'est qu'expérience et protectionnisme ne vont pas de pair. D'où mon voyage. Et vous? Vous n'avez rien à défendre, mais vous n'avez jamais voulu vous sédentariser? 

[Hyûma] - Jamais, c'est un bien grand mot... Mais non, pas depuis que je vagabonde : si tel avait été le cas, ne penses-tu pas que je l'aurai déjà fait ? Non, pour se sédentariser, il faut s'attacher un minimum à quelque chose -ou quelqu'un. Si ce n'est pas le cas, alors il n'y a rien pour te retenir d'aller voir ce que qui se cache ailleurs.
Mais toi, pourquoi voyager ? L'expérience peut s'acquérir de bien d'autres façons, non ?


L'expérience... non, elle ne s'acquiert pas que dans les livres. Car l'expérience, c'est tout notre passé qui rentre en compte pour nous faire réagir d'une façon ou d'une autre. Et si, par le passé, nous avons déjà rencontré ce genre de situation, alors nous sommes plus à même de la résoudre, que ce soit par des réflexes, de l'instinct, ou de la réflexion. Et ça, il n'est pas possible de le transmettre. Il faut savoir le pourquoi de choses si on veut acquérir la totalité de cette même chose.

[Jin'] - La curiosité. Et en voyageant, j'ai accès à tout ce que ma famille filtre en temps normal. L'expérience, je la veux en entier, pas expurgée de tout ce qu'on ne veut pas que je sache. C'est donc la curiosité qui vous pousse à parcourir le monde?

[Hyûma] - Intéressant. Je suppose qu'on peut dire ça comme ça... Mettons plutôt le dépit, ce serait plus approprié, je pense.
Ne t'es-tu jamais dit qu'il y avait une raison pour laquelle ta famille veut te cacher des choses ? Après tout, tu fais bien confiance à leur tradition de fortifier ton corps, pourquoi n'en va-t-il pas de même pour le reste ? Si tu as la possibilité de bénéficier de l'expérience de tes aînées et des avancées des générations précédentes, ce serait dommage de les renier pour reproduire naïvement les erreurs passées, non ? Si tous les médecins se mettaient en tête de réinventer la médecine, on en serait encore à l'époque des charmes pour chasser les mauvais esprits mortifères, hein...


Si on compare cela à un programme, ou une base de donnée, les traditions seraient la structure. Ce sur quoi tout va venir se greffer. Et quand une greffe est assez importante, alors elle est intégrée dans la tradition. Le problème, c'est que cette structure ne peut pas recevoir toutes les greffes, le programme comportera donc des lacunes à jamais... à mois qu'une greffe en permette une autre. Oui, il faut des expériences intermédiaires.

[Jin'] - C'est un point de vue intéressant. Vous voulez du thé? j'en ai préparé. Oui... c'est une remarque pertinente. Mais nous avons une doctrine de connaissance. Pour transcender la violence, il faut la comprendre, et donc l'exercer - d'où la culture des arts martiaux. J'applique cela au monde. Car toutes les actions que nous menons, philosophiques ou scientifiques, n'ont-elle pas pour objectif de mieux comprendre le monde?

[Hyûma] - "Mieux comprendre le monde" ? Je ne suis pas un philosophe, ni un scientifique : en ce qui me concerne, je me satisferais amplement de simplement pouvoir y vivre. Mais tout comme il existe de multiples façons d'appréhender les Arts Martiaux, je suppose qu'il va de même pour l'observation du monde. Si pour améliorer ta vision et ta compréhension des choses, tu estimes qu'il te faut expérimenter par toi-même et constater les choses de visu, alors effectivement, ce n'est qu'en voyageant que tu assouviras ton besoin. C'est une raison qui en vaut une autre... 
Mais la question devient alors : à quoi bon réunir le savoir si la transmission ne suit pas ? Quand tu seras un vieillard aux connaissances étendues et à la sagesse reconnue, que feras-tu : tu emporteras tes secrets dans la tombe et laisseras les autres marcher sur tes pas et réapprendre tout depuis le début ? Ou tu la transmettra en vain à de jeunes gens persuadés que "tu filtres et expurges les choses que tu ne veux pas qu'ils sachent" ? Ta famille paraît condamner à piétiner sur place, à ce compte-là...


[Jin'] -  Elle pourrait piétiner. Mais chaque personne qui se fait sa propre expérience apporte une pierre à l'édifice, et peut changer certaines choses; donc de ce voyage, je compte effectivement rapporter des connaissances, qui certes, m'élèveront, mais serviront également à d'autres. 
Et puis, il y a la poésie, l'art, la sensibilité. C'est une chose de lire une description de la mer, et c'en est une autre de la voir.


Il va bientôt falloir partir. Je remballe mon nécessaire à thé, lave vite les tasses, et boucle mon sac.

[Jin'] - L'aube est passée, il serait temps d'y aller. On peut continuer de discuter en chemin. Vous comptez faire quoi une fois à la capitale?

[Hyûma] - Pas la moindre idée, j'aviserai sur place selon ce qui se présente. Mais je pense que je commencerai par chercher un toit, un point de chute à partir duquel explorer la cité. Pour le reste... Advienne ce que pourra. Et toi ?

[Jin'] - Le début ressemble au tien. Je dois trouver un point de chute. Puis, comme je n'ai pas de budget illimité, je compte trouver un travail.

[Hyûma] - Ce qui ne devrait pas être trop difficile à dénicher dans une grande ville. Hé bien, nous verrons quand nous y serons.

Le chemin se déroule sans aucun incident. Nous avons continué de bavarder sur des choses et d'autres. Sur ce point, je pense que nous nous sommes tous les deux étonnés de notre capacité à argumenter sur les choses les plus basiques, puis nous nous sommes tus quand la ville a commencé à se faire sentir.
De loin, elle est belle. Ce devait être une cité fortifiée dans le passé, mais aujourd'hui, on ne devine la muraille qu'au changement de style des habitations. Derrière, elles sont en pierres, massives, organisées de façon à pouvoir résister à un siège. Mais à l'extérieur, les maisons se sont construites de façon anarchiques. Les habitants se sont sans doute dit qu'il ne fallait pas construire quelque chose de trop cher, étant donné qu'en cas d'attaques, leurs logis seraient les premiers à tomber. Puis, cette phase passée, les attaques n'étant plus coutumières, la ville continuant de s'étendre, les constructions se sont intensifiées. Ainsi, les quartiers les plus pauvres sont appuyés contre la muraille. Les plus riches sont à l'intérieur. De l'autre côté du rempart, plus on s'en écarte, plus ça devient cossu. Puis, un point maximum, et la tendance s'inverse : c'est l'expansion. La densité va de pair, les maisons sont plus éparpillées, jusqu'à s'entourer de champs, de forêt, et en moins de temps qu'il n'en faut, on se retrouve de nouveau dans les forêts du pays du feu. Bienvenue dans la capitale.

Fait intéressant, une palissade a été construire en tant que deuxième rempart. Cela renseigne sur l'histoire du pays de feu : il y a des cycles entre des périodes de guerre et des périodes de paix. Nous passons sous le proche de ce deuxième rempart, qui n'est pas aussi imposant que celui de Konoha : en bois, avec des pieux tournés vers le dessus, et des habitations ou commerces qui s'adossent sur lui des deux côtés.

[Jin'] – On devrait trouver un endroit ou loger, pour le moment.

La rue est bondée, on se marche dessus. Ce doit être un jour de marché. Ou pas, et ce n'est que moi qui espère que ce n'est pas tous les jours aussi remplis. D'un autre côté, Niko n'a aucun mal à se faufiler un peu partout, et à soulager quelques personnes de leurs bourses. A chaque fois, les bourses reviennent dans ma poche, puis Niko repart. À ce train là, on va avoir de quoi payer une chambre pour tout le mois. Il n'y aucun shinobi. Quelques gardes, que Niko prend soin d'éviter (il a un jour essayer d'en voler un. Ce n'est pas qu'il n'ait pas réussi, mais je l'ai sévèrement réprimandé, c'est beaucoup trop risqué alors qu'on a tant de bourses moins dangereuses à avoir). Je sors le billet que Hazu m'a donné. En tant que restaurateur, il a lui même des contacts. « L'auberge du fleuve ». Nommée de cette façon, car c'est un ancien moulin à eau, sur la rive du fleuve qui traverse la capitale. Rattrapé par la ville, le propriétaire a du s'adapter. Je demande mon chemin, on me l'indique, et on y arrive finalement en début de soirée.
C'est un édifice beaucoup plus grand que celui dans lequel nous avons passé la nuit précédente. Sur quatre étages, construits à la façon des bâtisses de l'Ouest, avec un toit en tuiles luisantes. Au dessus de la porte, il y a une enseigne avec un lit et un couvert : « l'auberge du fleuve ». Des gens en rentrent et en sortent. J'y entre, et me dirige vers le comptoir.

La pièce principale est énorme. Vingt mètres, peut-être vingt cinq sur quinze, avec une vingtaine de table, un comptoir trop long. J'arrive à compter cinq personnes qui font le service, plus un vieux monsieur au visage tanné, grisonnant, fumant, derrière le comptoir, en train de servir et de parler à des marchands adossés.

[?] - Bonjour, je peux vous aider?

[Jin'] – Vous avez encore des chambres de libre?

[?] - Allez voir le patron.

Alors que je reste planté sur place, observant la magnifique serveuse en train de nous parler, Hyûma prend les devants pour se diriger vers le patron. Elle me regarde l'air amusé. Ayant un peu près le même âge que moi, pulpeuse, avec un décolleté dont je pourrais sans doute mieux profiter si j'étais plus grand. Des jambes fines, mais assurées, qui courbent parfaitement son corps, lui faisant sans nul doute adopter une cambrure parfaite. Des yeux noirs, des cheveux tout aussi noirs, une peau moins (mais presque aussi) mate que le patron, ce qui laisse à penser qu'ils entretiennent un lien de parenté. Après un clin d'œil, elle part continuer son service, et je rejoins Hyûma au comptoir. En même temps que ses renseignements, il a visiblement tout compris de la scène qui vient de se passer.
Hyûma

Hyûma


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MessageSujet: Re: La mort d'un père   La mort d'un père EmptyDim 22 Avr - 15:23

Le gamin étant visiblement perdu dans la contemplation de la petite serveuse, l’Anonyme prit donc les devants et se rendit jusqu’au comptoir derrière lequel trônait le patron. Celui-ci avait noté du coin de l’œil l’arrivé des deux nouveaux clients et mit fin à sa discussion avec les marchands du comptoir pour s’approcher du voyageur. S’il avait noté la dégaine plutôt miteuse de celui-ci, l’aspect plus présentable de l’adolescent dut le rassurer car il n’accueillit pas l’Anonyme avec le froncement de sourcils caractéristique des commerçants envers ceux qu’ils suspectent de ne pas avoir un rond.

Le jeune homme s’accouda tranquillement au comptoir et commença à s’enquérir des disponibilités de l’auberge ainsi que des choses intéressantes dans le coin, ce à quoi le patron répondit de manière affable, flairant les clients qui allaient rester quelques temps. Oui monsieur, il restait des chambres de disponibles dans l’auberge, à un prix très abordable pour une grande qualité de service et de confort. Située au cœur des quartiers sud, l’auberge se situait à proximité de la place du marché, qui fourmillait d’activités et d’occasions deux fois par semaines. La présence des quais à proximité pour le commerce fluviale ? Bagatelle, les dockers ne travaillaient pas à la nuit tombée et nul bruit intempestif ne viendrait troubler la qualité de sommeil. Du reste, les chambres étaient très bien insonorisées, je vous l’assure, monsieur.

L’Anonyme écouta le baratin du patron sans piper mot. Peu importait la justesse – ou non – des arguments du patron, puisque Jin’ avait décidé de descendre ici et pas ailleurs. Il prit néanmoins bonne note de lieux d’intérêts avoisinants que lui débitait le propriétaire, commençant à dresser une ébauche de carte mentale des environs. C’était toujours utile de savoir où on mettait les pieds.

Alors que le voyageur acquiesçait et finissait par accepter les clefs des chambres que lui tendait le patron, l’adolescent blafard arriva enfin à leur côté.

« Alors ? S’enquit-il auprès de l’Anonyme.
_ Il reste de la place et les prix sont raisonnables, répondit ce dernier. Pas de soucis de ce côté-là.
_ Très bien… »

Jin’ fronça légèrement les sourcils, avant de se tourner vers le patron.

« Heu… Dites, la chambre… Elle donne bien sur le fleuve ?
_ Non, répondit le patron. Celles-ci sont plus recherchées car elles sont un peu plus calmes que celles donnant sur la rue. Mais c’est très surfait, vous savez, et…
_ Je vais en prendre une qui donne sur le fleuve, décida l’adolescent.
_ Vous savez, il n’y a pas vraiment de différence, surtout la nuit, et…
_ Vous n’en avez plus de disponibles ? Voulut savoir Jin’.
_ Si, si, assura le patron. Mais… Elles sont plus chères et… »

Le patron ne termina pas sa phrase mais coula un regard discret –mais éloquent – en direction de l’Anonyme. Il doutait tout de même de la solvabilité de ce client passé un certain point, malgré l’adolescent qui l’accompagnait.

« L’argent n’est pas un problème ! Assura Jin’, avant de porter la main à sa bourse et de tendre un acompte au patron.
_ Je ne sais pas quelles sont tes ressources, intervint l’Anonyme, mais es-tu certain que ce soit une bonne idée de les dilapider juste pour une chambre ? Cet argent pourrait te manquer plus tard.
_ Si je dois rester ici un moment, autant le faire dans de bonnes conditions, réfuta Jin’. Je préfère avoir une vue sur le calme du fleuve et la quiétude qui l’entoure plutôt que sur le tumulte de la rue et tous les désagréments sonores qui iront de paires.
_ Les chambres sont très bien insonorisées, fit remarquer le patron.
_ Même quand on dort la fenêtre ouverte ? rétorqua l’adolescent d’un air innocent.
_ Comme vous voulez, répondit le patron en haussant les épaules. Moi, j’dis ça pour vous, mais si vous préférez payer le prix fort, ce n’est pas moi qu’irai me plaindre.
_ La question est donc réglé ? » Vérifia Jin’.

Le patron acquiesça et procéda donc à l’échange des clefs. Les deux compères s’écartèrent du comptoir et se fondirent parmi les clients de la salle commune.

Ils n’étaient pas attablé depuis plus de trente secondes que la jeune serveuse venait à la charge s’enquérir de leur commande, s’accoudant à la table et lançant un sourire aguicheur à Jin’ au passage. Elle l’avait décidément dans le viseur, jugea l’Anonyme, amusé par son manège. Le principal intéressé, lui, fit de son mieux pour ignorer la vue plongeante sur le décolleté de la demoiselle et rester le plus naturel possible.

La soirée commençait tout juste, et un barde fut convié par le patron pour animer un peu la salle.

Parfaitement à son aise, le conteur commença par délivrer les derniers potins et anecdotes politiques en provenance de la cour du Daimyo, afin de chauffer la salle en douceur. Il prenait un malin plaisir à développer sur les luttes de pouvoir et les guerres intestines entre les différents conseillers afin de faire prévaloir leur points de vue et leur prestige, cherchant à discréditer les favoris sur la sellette ou au contraire à renforcer leurs positions. L’artiste transformait avec talent l’imbroglio politique et les analyses factuelles soporifiques en une véritable mini-série, avec ses héros vertueux sur lesquels s’acharnaient le destin, ses vils comploteurs qui ourdissaient de sombres machinations et ses honnêtes hommes qui faisaient triompher le bon droit et la morale. Et en prime, un cours résumé des épisodes précédents pour les étrangers, somme toute nombreux dans la salle.
L’artiste obtient beaucoup de succès auprès de la foule, même si l’Anonyme le suspectait d’avoir enjolivé les choses et attribué les rôles en fonction de son auditoire, majoritairement composé de marchands en transit, et forcément opposés à l’augmentation des taxes et des paillages pour les marchandises importés à la capitale dont il était opportunément question. Mais cela ne faisait que souligner le talent du barde, capable de s’adapter à son public pour s’attirer un maximum d’attention et de sympathie.

Pendant ce temps, la petite serveuse n’avait pas renoncé à ses tentatives d’approches pour autant, trouvant toujours quelque chose à faire aux alentours des deux compères – demander à tel client s’il avait besoin de quelque chose, nettoyer tel autre table…–, se débrouillant pour rester bien en vue de Jin’, qui ne manquait pas de lui jeter des regards à la dérobé, visiblement pas tout à fait serein. L’image d’un requin tournant autour de sa proie vint immanquablement à l’esprit de l’Anonyme, qui sourit de cette métaphore. Après tout, ce n’était pas très loin de la vérité : la demoiselle n’allait vraisemblablement pas tarder à rétrécir ses cercles avant de passer à l’action.

Après avoir aussi sûrement ferré son auditoire, et comme la soirée s’avançait, le barde enchaîna alors avec des histoires plus fantaisistes mais plus sombres, où les assassins surgissaient de l’ombre et où les choses tapies dans l’obscurité faisaient régner un voile de terreur, levant ainsi une pointe d’angoisse dans l’auditoire.

Le service en étant réduit au point-mort, la jeune serveuse commença donc l’air de rien en entamer son approche en direction de Jin’. Celui-ci trouva la parade en faisant mine de s’inquiéter pour Niko. Au contraire du public pendu aux lèvres du conteur, le petit lémurien folâtrait tranquillement au sein de la foule, s’attirant des sourires sympathiques et attendris au passage. La petite bête savait charmer son monde. Lorsque la jeune serveuse semblait s’approcher un peu trop, Jin’ abandonnait sa position pour aller le chercher, l’air de rien.
La parade tomba malheureusement à l’eau lorsque Niko eut la mauvaise idée de passer à proximité de la demoiselle, qui attrapa aussitôt la boule de poils duveteuse en s’exclamant qu’il était trop mignon tout en le cajolant. Aux anges, le petit lémurien se laissa tout à fait faire. Son excuse-bidon entre les mains, la demoiselle avait l’opportunité de tenter l’approche frontale directe et alla donc se planter juste à côté de Jin’, commençant la conversion sur le petit animal. Heureusement pour le jeune homme, dans la pénombre en demi-teinte de la lisière du feu principal, il n’était pas possible de voir s’il piquait un fard ou non, même s’il n’était visiblement plus tout aussi serein que d’habitude.
Un point pour le garçon, jugea l’Anonyme : les traditions d’un clan ne valent pas forcément l’expérience propre.

De son côté, ayant soigneusement fini de préparé le terrain, le barde sortit enfin le grand jeu, abordant la chanson de geste d’Ashimoto Toguwa, un fier samouraï des temps passés. L’histoire narrait comment un puissant seigneur samouraï, Araï Dantebasu, prenait possession d’un fief par traîtrise, après la mort mystérieuse du Daimyo en place et la disparition de sa famille enlevée par d’étranges démons de l’ombre.
Refusant de revenir sur sa loyauté envers son défunt seigneur, le noble Ashimoto partit à la recherche de ladite famille. L’histoire prit une tournure plus sombre et désespérée, tandis que la quête du samouraï l’emmenait jusqu’au Royaume des Dieux de la Mort, où le samouraï parvint à retrouver la fille du daimyo mais fut piégé par les divinités. Néanmoins, l’espoir s’invita de nouveau dans le récit quand, devant la justesse de sa cause, les Dieux décidèrent de laisser repartir le samouraï et sa protégée s’il parvenait à remplir trois épreuves successives. Grâce à l’intervention de son ancien mentor, Ashimoto trouva alors en lui les ressources nécessaires pour y parvenir et s’arracha de l’emprise des Dieux de la Mort.
La chanson reprit un court plus calme tandis qu’Ashimoto revenait dans le monde réel. Le héros regagna le fief d’Araï et rassembla autour de lui les samouraïs présents, fort de l’autorité qui lui conférait la présence de l’héritière. En contrepointe, comme le reflet d’un miroir maléfique, Araï n’était pas en reste : au terme d’un épouvantable rituel obscur, il leva les légions de l’ombres, s’entourant de milliers d’hommes en arme. Cela ne suffît bien évidemment pas à faire renoncer l’honorable ost de samouraïs, et le récit prit résolument un tournant épique alors que les preux combattants engageaient le fer malgré leur évidente infériorité numérique.
A l’apogée de la bataille, Ashimoto et Araï s’affrontèrent, le daimyo félon révélant l’étendu de sa corruption en usant de sortilèges maléfiques et d’armes impies qui rivalisèrent avec la parfaite maîtrise du Kido d’Ashimoto. Au terme d’un duel époustouflant –ponctué des rituelles déclamations éloquentes de chacun des adversaires entre chaque passe d’armes –, Ashimoto parvint pourtant à trouver la faille dans la défense de son adversaire, mettant un terme à sa vie. Par la même, le sombre rituel fut rompue et la légion des ombres s’évanouit, laissant les samouraïs vainqueurs.

Après près d’une heure de récit haletant, la voix du ménestrel retomba, dans le plus grand silence. Et ce fut alors son apothéose, tandis que l’auditoire captivé explosait en un concert d’applaudissements et de louanges. L’Anonyme lui-même avait été totalement subjugué par l’histoire, au point de ne même plus suivre le petit manège dont Jin’ faisait l’objet – si tant est qu’il s’était poursuivi pendant le récit du conteur. Le talent du barde était indubitable et forçait l’admiration de tous.
L’heure était avancée, et la conclusion magistrale du récit de l’artiste sonna le départ des convives, qui quittèrent progressivement la salle commune.

*
* *

Citation :


Un enfer de flammes l’environnait, le recouvrant d’une chape de chaleur insoutenable. Le vrombissement de la fournaise lui vrillait les oreilles, tandis que la cendre et la fumée lui arrachait la gorge à chaque inspiration. Hyûma tenta d’avancer, tenaillé par une pulsion insoutenable. Mais la cage de feu enfla, menaçant de calciner tout ce qui s’en approcherait. Le mur de chaleur s’intensifia, empêchant le jeune homme de faire un pas de plus.
Il ne pouvait plus avancer. Il ne devait pas reculer.
Hyûma hurla.

L’Anonyme se réveilla brusquement en sursaut, couvert de sueurs froides, le souffle court. Il jeta un regard éperdu autour de lui, avant de se remémorer où il se trouvait.
Tout était calme dans l’Auberge du Fleuve. La chambre était plongée dans la pénombre, seulement éclairée par un pâle rayon lunaire qui parvenait à filtrer au travers de la fenêtre. Tout était calme.

Le voyageur étouffa un soupir, avant de se passer la main sur son visage, désabusé. Les cauchemars l’avaient rattrapé particulièrement vite, cette fois-ci. Un changement de cadre et d’idées allait s’avérer nécessaire rapidement.

Le jeune homme secoua la tête puis, le plus silencieusement possible, se leva. Il n’avait plus l’intention de dormir cette nuit, craignant trop les rêves qui l’attendaient. Et rester à ruminer ses angoisses ne valait guère mieux… Un grand bol d’air frais lui ferait du bien.
Il attrapa son manteau et son chapeau et quitta la chambre en faisant le minimum de bruits qu’il pouvait.

Le voyageur se glissa dans le couloir, retrouva à tâtons l’escalier et descendit. Il traversa comme un spectre la salle commune avant d’atteindre l’entrée. Quelques secondes plus tard et le jeune homme se retrouva dans la rue.

L’Anonyme inspira un grand coup, savourait l’air frais de la nuit. Des lueurs ponctuaient les rues à intervalles réguliers, facilitant le repérage. Il n’aurait aucun problème pour circuler.
Toutes les directions se valant, le voyageur laissa ses pas le porter au gré du chemin, confiant en son sens de l’orientation pour regagner l’auberge par la suite.

Le temps s’écoula avec une lenteur exaspérante. Le jeune homme ne croisa que quelques noctambules esseulés dans les rues désertes, de façon ponctuelle, tandis qu’il déambulait dans les entrelacs des rues et ruelles proches, repérant la toponymie des lieux environnants l’auberge.

La nuit avait bien avancée lorsque l’Anonyme haussa soudainement un sourcil. Ses pas l’avaient conduit au hasard des rues et il se retrouvait dans une petite venelle sombre et mal éclairée, bien à l’écart des artères principales. Et devant lui venaient trois personnes tout aussi dépareillées que lui-même, mais… mais il n’aimait guère leur démarche, pas plus que les regards furtifs qu’ils lançaient en sa direction tout en se concertant à voix basses.
Et la ruelle n’était pas assez large pour pouvoir passer au large en feignant de les ignorer.

Ça sentait les ennuis, tout ça, décida le jeune homme. Mais faire demi-tour serait le signal de la curée. Le mieux était donc encore de faire face et de continuer.

Alors qu’il n’était plus qu’à une dizaine de mètres du trio, l’un des hommes s’en détacha. Grand, dégingandé, recouvert par une large capeline miteuse qui le recouvrait des épaules jusqu’à la taille.

« Hé bien, l’ami, lança l’homme. Tu te trouves dans notre ruelle ! Il va te falloir nous payer un droit de passage, mon grand ! File-nous ton blé !
_ Si j’en avais, tu penses vraiment que je serais en train de passer la nuit à la belle étoile, à déambuler dans les rues ? Rétorqua doucement l’Anonyme.
_ Quoi ? T’es à sec ?
_ De toute évidence… acquiesça le voyageur. Tu peux me fouiller si tu ne me crois pas. »

Ayant laissé son baluchon et ses maigres économies dans sa chambre, le jeune homme n’avait effectivement rien sur lui. Il n’avait donc rien à craindre.

« Aaaah, mais c’est dommage ça… De quoi on aurait l’air si on laissait passer les gens sans payer ? Fit remarquer le voleur d’un ton narquois.
_ De types sensés ?
_ Bon… Hé bien, eut égard à ton état de dénuement extrême, je vais te faire une fleur, décida le rufian. Laisse-nous ton chapeau et on sera quitte. »

L’Anonyme en resta un moment coi. Finalement, il poussa un soupir.

« Ça devient ridicule. Je m’en vais. »

Il essaya de passer entre le rufian et la façade, mais l’homme bondit prestement en arrière. Il y eût un éclair et une lame apparue instantanément dans sa main droite, reflétant la lumière environnante.

« T’as pas bien compris, mon gaillard, rétorqua l’homme. T’es pas en position de décider quoi que ce soit.
_ Tiens donc… Murmura le voyageur.
_ T’obtempères ou je te saigne comme un porc ! Menaça le rufian. Ton galurin est notre propriété, dorénavant, que tu le veuilles ou non !
_ Leur propriété.
_ Hein ?
_ Mon chapeau sera leur propriété, rectifia l’Anonyme en désignant du menton les deux autres hommes en retrait.
_ Qu’est-ce que tu racontes ?! Grogna le rufian. Tu crois pouvoir me faire ma fête, peut-être ?
_ Oui.
_ T’es malade !? T’es même pas armé ! S’exclama le voleur.
_ Non, mais je vais te briser le coude avant que tu ne te serves de ton arme et te l’enfoncer dans l’estomac. Mais je t’accorde que tes amis auront tôt fait de te venger. Seulement, ce sera trop tard pour toi, compléta l’Anonyme d’une voix douce.
_ Qu… T’es givré, toi ! Tu crois vraiment pouvoir réussir ?!
_ Disons 50/50. Ça se tente. »

Cette fois-ci, ce fut au rufian d’en rester abasourdi. Il avait pensé détrousser un pauvre hère pour tuer le temps, mais soudainement, il avait la désagréable certitude que la situation lui échappait. Il n’avait jamais envisagé de risquer d’y laisser sa peau pour de bon. D’ordinaire, quelques menaces et le poids du nombre suffisaient à ramener les gens à la raison. Et pour les plus têtus, dégainer les lames réglaient rapidement le problème.
Alors c’était quoi, le problème, à ce type ?

Le problème, c’est qu’il ne sentait pas une once de tension chez sa victime. A force de molester et d’intimider les gens, le rufian avait appris à ressentir la peur chez ses proies. Les pupilles qui se dilatent, le souffle qui s’accélère, le regard fuyant, les mains qui s’agitent… Autant de signes qu’il ressentait et qui lui indiquait l’état d’esprit de sa victime. Et qu’il ne percevait pas, en cet instant.
Ce n’était pas que sa victime n’avait pas peur de mourir. C’était qu’elle l’avait accepté et intégré. Elle envisageait sereinement l’idée de mourir.

Le rufian s’humecta les lèvres, ébranlé. Non. Il était tout à fait en position de force ! Tout d’abord, ils étaient trois et le type était seul. Et puis, il était armé et savait se battre.
Mais si ses compagnons esquissaient le moindre geste en sa direction, la violence se déchainerait aussitôt, avant qu’ils ne soient en position d’intervenir. Et parce qu’il savait se battre, il savait pertinemment que rien n’était joué d’avance. Jamais rien.

Mais c’était quoi le problème, à ce type !? S’énerva le rufian. Pourquoi il ne cédait pas ? C’était qu’un objet, merde !

« Tu te rends bien compte à quel point c’est stupide de risquer sa vie pour un vulgaire chapeau, siffla le bandit mal à l’aise.
_ Sur l’échelle de la stupidité, tu classes ça au-dessus ou en-dessous le fait de risquer sa vie pour voler un vulgaire chapeau ? » Rétorqua tranquillement l’Anonyme.

Le rufian secoua la tête et baissa son arme, avant de s’effacer pour laisser le passage.

« Je laisse tomber pour cette fois-ci. Ma vie vaut plus qu’un chapeau… Dégage ! »

L’Anonyme avança, dépassa son ex-agresseur, avant de poursuivre, passant entre les deux autres malandrins. Sur les premiers pas, le voyageur s’attendit à recevoir un coup de poignard dans le dos. Mais finalement, rien ne se passa et il se retrouva au bout de la rue, sain et sauf.

Ses pas le conduisirent jusqu’à la berge, près des quais d’appontages des péniches. Les flots calmes, constants, magnifiques, apaisèrent rapidement la colère naissante du jeune homme. Il s’en voulait : il avait agi comme un abruti. Non, réalisa-t-il, plutôt comme un suicidaire… Pendant un court instant, il s’en était complètement fichu de s’en tirer vivant ou non.
C’était démoralisant, a posteriori, constata l’Anonyme.

Le voyageur s’installa sur une bitte d’amarrage, continuant à contempler les flots. Il se sentait mal à l’aise. Quelque chose l’avait rendu mélancolique et déprimé… Mais quoi donc ?

L’écho d’un crépitement embrasé siffla dans les oreilles du jeune homme, qui s’ébroua, enterrant bien vite les souvenirs qui menaçaient de le submerger. Il avait failli se mettre à somnoler.
Non, pas cette nuit…

L’Anonyme reporta son attention sur autre chose pour s’occuper l’esprit. Inévitablement, ses pensées le ramenèrent à son étrange compagnon de voyage.
Il disait avoir quitté les siens pour acquérir l’expérience qui lui faisait défaut, apprendre à connaître le monde qui l’entourait… Mais pourquoi venir à la capitale, alors ? C’était placé la barre bien haut pour ses débuts, quels qu’ils soient. Non, il n’avait pas choisi cette destination par hasard. La preuve en était l’adresse de l’auberge… Mais n’aurait-il pu simplement en avoir entendu parler ? Après tout, il ne connaissait visiblement ni le patron, ni la gamine… Et son entêtement à obtenir une chambre avec vue sur le fleuve ? Était-il juste soucieux d’un cadre de vie agréable ? Ou bien avait-il plutôt une idée précise derrière la tête ? En lien avec les activités des quais ou bien avec le trafic des péniches ?
Les questions ne soulevaient que d’autres questions…

Et moi, dans tout ça ? Se demanda l’Anonyme.

De deux choses l’une… car à la base, c’était Jin’ qui était venu le trouver. Et s’il avait certes renoncé à ses petits mensonges, il n’avait rien dévoilé non plus sur ses intentions. Soit il n’avait réellement eut besoin de lui que pour son voyage jusqu’à la capitale, soit il n’avait pas encore eut besoin de lui.
Même si l’Anonyme n’en voyait guère la raison, la première hypothèse pouvait somme toute se tenir : un gamin voyageant seul attirait davantage l’attention qu’accompagné par un adulte, aussi dépenaillé soit-il. Elle stipulait alors que son rôle était fini et qu’il n’y avait rien d’intéressant à attendre.
Quant à la seconde, elle induisait un flou encore plus total : qu’est-ce qui pouvait bien pousser quelqu’un à se faire accompagner d’un pauvre vagabond ? On devait pouvoir aisément en trouver aussi dans la capitale. Mais à tout le moins, cette hypothèse signifiait que l’adolescent allait devoir rapidement abattre quelques cartes de son jeu – directement ou non. En effet, tous deux n’avaient convenus que d’une chose : cheminer de concert jusqu’à la capitale. Rien ne retenait donc plus l’Anonyme. Si Jin’ avait effectivement une idée derrière la tête, il ne pourrait trop tarder avant de se mettre à l’œuvre.

Restait aussi la troisième possibilité : le gosse s’était rétracté ou avait changé d’avis et, quoiqu’il eût pu avoir en tête, il y avait finalement renoncé. Et là encore, il n’y avait rien d’intéressant à attendre de la situation.

Dans tous les cas, il lui fallait prendre une décision. S’il ne trouvait pas un échappatoire pour fuir ses souvenirs, alors il lui faudrait rapidement reprendre son chemin. Hors de question de rester ici à ressasser de sombres pensées.
Pour autant, précipiter les choses n’étaient pas forcément une bonne idée. Il n’était pas impossible que le gamin, si tant est qu’il eut quelque chose en tête, ait besoin lui-même d’un peu de temps pour repérer les lieux, prendre ses précautions ou quoi que ce soit du même acabit : de ce qu’il avait pu déterminer au fil de leurs discussions, Jin’ était du genre réfléchi et précautionneux, il ne se hâterait donc pas inutilement, ni ne céderait à la précipitation.

Alors quoi, finalement ?

Alors c’était dommage de passer éventuellement à côté de quelque chose de possiblement peu courant et potentiellement intéressant. De toute façon, la capitale offrait certaines choses qu’on ne trouvait pas souvent ailleurs. Ainsi qu’il l’avait annoncé au gamin, il pouvait rester un peu, le temps de fureter à droite à gauche. Mais pas plus que nécessaire.

L’Anonyme inspira profondément. Il pourrait supporter son mal-être quelques jours encore quelques jours, après quoi, si rien ne l’en aurait détourné d’ici là, il reprendrait la route, tout simplement.

Le voyageur jeta un coup d’œil vers le ciel. Les étoiles palissaient de plus en plus, tandis qu’une lueur commençait à poindre au ras des toitures. Le jour n’allait plus tarder à poindre.
Le jeune homme se releva et entreprit de regagner l’auberge.

Le chemin du retour se passa sans incident notable, bien que les rues et ruelles soient toujours aussi désertes ou presque. L’Anonyme retrouva sans mal son chemin jusqu’à l’auberge, toujours aussi silencieuse et vide d’activité.

Le voyageur pénétra dans la salle principale et eut la surprise de tomber nez-à-nez avec la jeune serveuse qui avait tapé dans l’œil de Jin’. Celle-ci était en train de faire un brin de nettoyage avant le rush matinal, et fut tout aussi surprise d’apercevoir un client déjà debout à cette heure indue.

« Bonjour, monsieur ! lança-t-elle d’un ton joyeux. C’est encore un peu tôt, il n’y a rien de prêt en cuisine. Mais si vous voulez bien patienter, j’irai vous préparer du thé. »

L’Anonyme déclina la proposition et alla s’asseoir dans un coin de la salle. D’après ce qu’il avait vu la veille, Jin’ semblait être plutôt du genre matinale et adepte de la séance d’échauffement avant de commencer la journée. Il n’allait donc guère tarder.

Quelques minutes plus tard, la serveuse revenait avec une tasse de thé chaud, qu’elle planta d’office devant le voyageur.

« Et voilà !
_ J’avais pourtant dit…
_ Oui, mais j’suis sûre que vous n’en pensiez rien ! Assura la serveuse.
_ Mais… Tenta le voyageur.
_ Puis vous avez l’air d’avoir passé une nuit blanche, alors ça vous fera le plus grand bien.
_ Alors j’ai pas mon mot à dire, hein ?
_ Naaan !
_ Bon, ben merci, alors…
_ De rien. »

Tandis que la jeune serveuse s’éloignait, l’Anonyme aperçut Jin’ qui débarquait dans la salle commune. Tout en suivant la demoiselle du regard, l’adolescent se rapprocha jusqu’à la table du voyageur.

« Déjà réveillé ? S’étonna-t-il.
_ Pas du tout, ch’uis somnambule… Je n’avais plus envie de dormir, éluda l’Anonyme. C’est encore trop tôt pour s’aventurer en ville, elle dort encore…
_ Je m’en doutais, répondit Jin’ en s’installant à la table. Tant mieux, ça va me laisser le temps de pratiquer le taï chi.
_ Et tu comptes faire quoi, après ? » Demanda innocemment l’Anonyme.
Shinjin Isatsu
Aspirant de Konoha
Aspirant de Konoha
Shinjin Isatsu


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MessageSujet: Re: La mort d'un père   La mort d'un père EmptyMer 23 Mai - 16:45

Qu'est-ce que j'allais faire? C'était une bonne question. Il fallait que je commence quelque part, que je me renseigne. Oui, c'est une guerre. Une guerre de l'information qu'il faut mener. Savoir comment, pourquoi, et qui. Comprendre le comment, étudier le pourquoi, et éliminer le qui. Pour l'instant, je ne réponds pas. Si certaines informations s'obtiennent par l'écoute, j'ai bien peur que celles susceptibles de m'intéresser ne seront pas dévoilées à un étranger. Il va donc falloir aller les chercher, ce qui implique, le plus souvent, la torture. Un piège. Il faut un piège. Mais il faut également une cible, et pour attirer la pègre à moi, il faut que j'aille les provoquer sur leur propre terrain. Quand on commence à pratiquer des travaux illégaux dans une ville ou il y a déjà un réseau souterrain, en général, on doit rendre des comptes. Là, la sécurité de l'emploi n'existe pas, la liberté, encore moins. Après avoir fini mon petit déjeuner, je décide enfin de lui répondre, après longtemps réfléchis à la question.

[Jin'] – Il faut que je rencontre de gens. Vous devriez visiter la ville. On se retrouve ce soir?

C'est une question rhétorique, car je sors sans en attendre la réponse. Direction les quartier pauvres, où la présence des autorités est moindre, et donc plus de marchés noirs. Ma première tâche, c'est de trouver un endroit, à l'abri des regards et des oreilles. Les bâtiments encadrant les artères principales ne conviennent pas. Cependant, la partie entre le fleuve et les quartiers pauvres est parfaite : ancien port fluvial désaffecté, vieux entrepôts et hangars délabrés. Parfois, un squat, un sans abris que je déloge de si bon matin, mais rien de bien inquiétant. Au bord de l'eau, je trouve un endroit sympas. Un petit entrepôt de filets, juste à côté d'un moulin délabré. Bien qu'abandonné, la roue, entraînée par le courant du fleuve, continue de tourner dans une rythmique bruyante, faisant craquer le bois et ses vieux mécanismes. Deux entrées dans ce moulin, des vieux filets, une atmosphère sombre malgré le jour qui perce à travers quelques entrebâillements. L'odeur typique du fleuve : des algues, de l'eau croupie, peut-être même un peu d'embrun alors qu'on se trouve très loin de la mer. Étrange. La moitié de la bâtisse est sur pilotis, au dessus du fleuve. Au milieu de la pièce, on voit la roue qui tourne, en faisant du bruit. Je commence à disposer mes pièges : deux fils tendus devant chaque porte activent des élastiques, envoyant eux mêmes deux bolas sur la cible, qui devrait logiquement en être entravés. Un individu aussi chétif et léger que moi ne peut pas encore prendre le risque d'un combat au corps à corps. Le hasard est très bien, du moment qu'on peut l'éviter. Par terre, j'ôte des déchets et des filets, afin de tracer le sceau de destruction. Si jamais quelque chose venait à mal tourner, je détruis tout.

[Niko] – C'est un peu radical.

[Jin'] – Risque zéro.

[Nico] – Que vas-tu faire quand tu auras ta proie?

[Jin'] – J'ai peur que ça ne dépende que d'elle.

Ensuite, avec le dojutsu, je me fais une idée précise de l'endroit : comment y accéder, et comment s'en aller. Le fleuve est un bon moyen de fuite, et deux petites rues me permettent ensuite de remonter sur les quartiers fréquentés. Le travail peut commencer : voler. Il faut voler à outrance, piquer, faire le pickpocket, vol à la tire, sans faire esclandre, mais de manière assez flagrante pour me faire repérer d'yeux avertis. Je veux qu'ils voient un nouveau, un nouveau qui empiète sur leur terrain. Un nouveau qui, s'il paie un pourcentage de son bénéfice, est capable d'enrichir l'homme en charge de cette zone. On commence, et Niko me suit, habitué. Pour lui, c'est un jeu. Pour moi, une attente. L'attente de me faire repérer, l'attente d'une proie. Qui pourrait croire que ce petit voleur, aux cheveux blancs, avec son singe, soit un prédateur? Sur ce point, l'effet de surprise est garanti.

La première victime est une étale de melon. C'est assez classique, pendant que je fais semblant de partir avec un melon non payé, monopolisant toute l'attention du voleur, Niko se charge de piquer dans la caisse. Finalement, je paie le melon le double de son prix, pour éviter l'esclandre, avec l'argent du vendeur. Niko appelle les gens qu'on détroussent des pigeons. « Outils » serait plus juste. La deuxième est une riche bourgeoise (allez savoir ce qu'elle fait ici). Je lui fait la manche, pendant que Niko monte sur ses épaules. Horrifiée et/ou surprise, elle ne se rend pas compte que le singe lui pique collier et boucle d'oreille, et que moi même, je m'occupe de sa bourse. En deux coups, j'ai déjà les poches pleines. Du coup, la réaction logique et de me demander comment je peux les vider, et, entre deux étales visitées, je regarde les articles. Pas grand chose, de temps en temps, un arme. Une silhouette se découpe des autres personnes à détrousser. C'est Shizaké, en Henge, dans la foule. Je m'approche discrètement. Niko serait presque parti lui faire les poches si je n'étais pas intervenu dans sa tête.

C'est ma mère.

Abah. Je l'avais pas reconnu. Comment as-tu fait?

C'est ma mère, et je vis avec elle depuis près de seize ans?

[Shizaké] – Ne te retourne pas. Ils t'ont repéré.

C'était tout, elle s'éloigne déjà. Ce n'est même pas la peine de vérifier, j'ai entièrement confiance – j'ai appris à avoir complètement confiance. Compétence et expérience. Il faut maintenant que je les pousse à m'aborder, pour m'enfuir et les attirer dans mon piège.
Il y a une boutique. Cette fois, c'est dans une maison, et non une étale de marchand de passage prenant de la place dans des rues déjà trop petites. Elle est déserte, poussiéreuse. On entre, il fait sombre, et on voit la poussière en suspension sur les raies de lumières qui arrivent à percer. C'est un petit capharnaüm : lampion, phonographe, vieux katana, parapluie, chapeau, vêtements miteux, tout est plus moins bien empilé sur une table centrale et quatre trois étales. Deux contre les mur, un autre derrière la vitrine. Sur le dernier mur, en face de la vitrine, une étagère pleine d'élixirs derrière un comptoir sombre, qui n'a pas vu un plumeau depuis longtemps. Ma rentrée entraîne un son de clochette grave, et un bruit de petits pas, mats et rapides sort de l'arrière boutique. J'ai donc le temps de regarder les étales plus attentivement. En dessous d'un vieux cerf volant aux couleurs ternies, il y a une trousse en cuir, roulée, contenant une petite brillance. Flagrant, dans cette atmosphère. Je la prends, et l'amène sur le comptoir, pour la dérouler. Le cuir sent fort, et est craquelé par endroit, et le tout pèse bien deux kilos. Je la déroule sur la surface plane, dans un cliquetis métallique. C'est une pochette de médecin, contenant des outils : scalpels, couteaux, pinces, ciseaux, aiguilles, etc. le destin est parfois bien étrange. Une petite et vieille femme sort de l'arrière boutique. Il émane d'elle un parfum de thé aux fruits rouges. Sa voix est lente, basse, grave, tremblotante.

Que puis-je pour vous jeune homme?

[Jin'] – Je voudrais vous acheter cette trousse.

Elle m'en demande une centaine de ryos, en commençant à raconter joyeusement l'histoire du ninja de Kumo qui la lui avait vendu après avoir abattu un membre d'une organisation crapuleuse. Cette trousse n'a jamais soigné qui que ce soit, est-elle en train de m'expliquer. Non, elle a servi à un bourreau, pour qu'il torture ses victimes. Elle porte donc la souffrance et la douleur, et il faudra sauver bien des vies pour rattraper toutes les horreurs qu'elle a commis. J'ai l'argent, fraîchement volé, alors je paie. Puis son sourire s'éteint, la cloche se fait entendre, elle commence à repartir dans l'arrière boutique. D'instinct, je sens que ma proie est arrivée. Il ne faut pas que je montre mon absence de peur, mon excitation. Je dois rester propre, zen. Je me retourne. Un homme, deux têtes de plus que moi, au moins quarante kilos de supériorité. Une balafre du haut de l'œil gauche jusqu'à la lèvre supérieure, en dessous du nez, défigure un visage dur. Évidemment... il fallait que je tombe sur l'homme le moins susceptible de me parler.

[Reitz] – Il faut qu'on parle. Je t'ai vu... c'est pas joli joli ce que tu fais pour manger, mon p'tit.

C'est ce moment que choisit Niko pour lui sauter au visage. Je ne me fais pas prier, et fonce sur lui en courant. Tandis que je le bouscule pour avoir accès à la sortir, Niko arrive à sauter du visage de l'homme à mes épaules. Dehors, mon dojutsu enclenché, je fuis par les rues. Le Byakugan me permet de voir en même temps ma destination, et mon poursuiveur. Je l'ai mal jugé, il est plus agile qu'il n'y paraît, et prends des chemins, que même avec mon atout en plus, je n'aurais pas pu imaginé, cependant, je dois m'assurer deux ou trois fois de ne pas le semer, mais il ne s'en rend pas compte. On arrive finalement au moulin, ou je me demande quoi faire. Il m'a vu rentrer, mais si je reste au milieu de la pièce, le piège sera senti, d'instinct. Aucune cachette : c'est pour ça que j'avais choisi cette endroit. Il n'y a que la roue derrière moi qui... la rouge. Je m'agrippe, et ellle m'embarque dans son mouvement. Un petit bain.

T'es taré, moi je sais pas nager.

Niko saute, et va se percher dans les hauteur de la pièce. C'est sur cette vision que je disparais. Cela me permet un peu de voir le dessous de la maison sur pilotis : des algues, des coquillages sur le bois qui commence à pourrir. Une odeur de moisi, puis mes pieds rentre dans l'eau, je prends ma respiration, et ma tête. Il faut que je reste accroché à la roue. Sous l'eau, je bouge, pour change de sens, et sortir la tête la première. En sortant, des trombes d'eau continuent de ruisseler sur moi, jusqu'à que j'atteigne de nouveau le plancher. En sortant la tête, je peux voir l'homme par terre, qui s'excite, rage, essayant de se défaire des deux bolas : une autour du corps, immobilisant les bras, une autre autour des chevilles. D'autant que Niko s'amuse à lui mettre un coup d'aiguille à chaque qu'il essaie de se libérer. Je ramasse une chaise renversée, et assied le bonhomme dessus, puis le ligote entre deux jurons.

[Reitz] – Tu ignores probablement ce que tu es en train de faire. Libère moi tout d'suite, ou tu vas vraiment prendre cher.

Je lui envoie un poing, léger, dans la glotte, pour qu'il se taise. Il tousse, déglutit, se gargarise, retousse, mais l'effet est là.

[Jin'] – Dixit l'homme attaché. C'est plutôt toi qui ne sait pas ce qu'il va t'arriver.

Je retrouve la trousse que j'avais posé dans un coin, et la déplie. Il ricane, et arrive à faire sortir des sons.

[Reitz] – Tu m'as l'air trop jeune pour avoir ce genre de passe-temps. Tu ne sais même pas à quoi servent à la moitié de ces outils.

[Jin'] – C'est vrai. Mais j'ai beaucoup d'imagination.

[Reitz] – Tu n'oseras pas. Il faut des couilles, et t'en as pas.

Je sors de sa place un couteau, qui devrait être parfait pour un doigt. Il va se passer quelque chose d'horrible, auquel peu de choses m'ont préparé. Niko a l'air de penser la même chose. Cependant, j'estime qu'avec une éducation du l'intériorisation de toutes les émotions, je suis plutôt bien muni par rapport au commun des mortels.

[Jin'] – Sais-tu ce qu'est un sociopathe? Quelqu'un qui méprise son prochain, en général.

Sans qu'il réponde, violemment, je lui tire l'indexe de la main droite, et lui coupe la première phalange. L'articulation oppose une brève résistance, mais la lame coupe magnifiquement bien. Il crie, puis jure, et m'insulte. Je jette le bout de doigt à l'eau, par l'ouverture qui permet au moulin de passer.

[Reitz] – Tu vas payer ça, sale petite merde. T'es un homme mort, tu m'entends?! On va te faire la peau... Owiii, on va te saigner, et je vais y prendre beaucoup de plaisir.

Je lui attrape la majeur de la même main, en le regardant dans les yeux, avec un sourire vide, et lui coupe la première phalange. De même, je balance le bout de chair dans l'eau. C'est plus facile la deuxième fois. Il y un peu de sang qui coule de ses plaies. De nouveau, il crie, jure, le même scénario.

[Jin'] – Va falloir que tu me dises un truc. Il n'y a pas si longtemps, un gars a été abattu. Lâchement. Il était des vôtres...

[Reitz] – Le shinobi. T'es là pour le shinobi. Il sourit, rit nerveusement.T'es là pour c't'enfoiré. Haha. Hahaha. T'es là pour ça, et tu m'as pris pour une balance. Écoute moi, sale con, dès que je sors d'ici, je t'étripes, après t'avoir sodomiser jusqu'à te vider de ton sang.

Il est en colère, ses yeux sont injectés de sang, on sent la démence, la violence dans tout son visage. Après un haussement d'épaule, je chauffe une partie de la lame, puis cautérise ses deux plaies. Encore, il crie, et m'insulte, pendant qu'une odeur de chair brûlée vient se mêler à celle, métallique, du sang qui se répand dans la pièce. Mais il y a comme une pointe de manque de conviction dans sa voie.

[Jin'] – Il va falloir que tu m'aides. Vois-tu, je vais continuer, jusqu'à atteindre le point où tu vas changer d'opinion. Tu ne voudras plus vivre pour étriper, mais plutôt mourir pour arrêter d'avoir mal. Quand ce moment sera atteint, préviens moi.

[Reitz] – Je ne suis pas une balance. Regarde bien ma cicatrice, ils la regardent tous. Souviens-t'en, bientôt, tu auras la même. Des deux côtés.

Pauvre bonhomme... je le ligote différemment, pour le tenir en position debout, les mains attachées, suspendus à un crochet. Pour le hisser, j'ai simplement utilisé la force du moulin. Je le taillade un peu dans le torse, il grogne et continue de m'insulter. Fallait que je tombe sur un costaud, évidemment. C'est quand j'ôte son pantalon et ses sous-vêtement crasseux qu'une étincelle de peur apparaît dans son regard. Je préchauffe un scalpel.

[Jin'] – L'ennui, quand on coupe les parties génitales, c'est le sang. Mais comme je veux encore te garder, faut cautériser juste derrière. Tu préfères quoi comme partie : testicule, ou pénis?

On peut presque entendre le monologue intérieur de la victime. Les parties génitales, chez l'homme, sont synonyme de fierté et de pouvoir, et certains n'ont que ça. Leur enlever, c'est un double point : on attaque la physique, mais aussi le moral, et ça, sur le présent, mais aussi le futur. Le problème, c'est qu'une fois passé, s'il ne coopère toujours pas, il ne reste plus que la douleur pour le faire craquer, ce qui demande beaucoup de travail, et d'effort.

[Jin'] – Toujours rien?

[Reitz] – Tu n'oseras jamais.

Tant pis. Je prend ces bourses dans une main, et les coupe, puis les balance à la flotte. Là, c'est un cri, non plus de rage, mais de douleur, et de désespoir. Je cautérise, et c'est là que je le perds. Il s'évanouit. Un vieux chiffon sale qui traîne me sert pour m'essuyer les mains. Mon kimono est tâché du sang du bonhomme. De toute façon, je ne pense pas que j'aurais réussi à m'en sortir très propre. Niko s'est enfuit, dès qu'il a vue que j'enlevais son pantalon. Il va falloir qu'on ait sans doute une discussion. Je remplis un sceau de flotte, et le balance sur le type, qui émerge. Dehors, le soleil commence déjà à décliner. C'est vrai que ça fait un très long moment que je le travaille. Il y a une tache de sang assez conséquente sur le sol, en dessous de lui.

[Jin'] – J'ai anéanti toute ta descendance. Pour l'instant, il te reste encore la possibilité de plaisir.

[Reitz] – Il... Il... il se faisait appeler Krieg...

Je m'assois sur la chaise qu'il avait avant monopolisé.

[Jin'] – Continue.

J'y suis enfin arrivé. Cet état, où tout ce qui compte maintenant pour lui, c'est que ça s'arrête. Il veut que ça s'arrête, de n'importe quel moyen. Qu'on le libère, qu'on le tue, ça n'a que peu d'importance. Il souffre, et a exploré plusieurs domaines de la douleur. Il sait qu'il souffre, qu'il peut souffrir encore plus, mais surtout, il est perdu. Il ne sait plus quels sont les différents stades de la douleur, et n'arrive pas à s'imaginer ce que je peux lui faire, s'il je suis capable d'encore monter sur l'echelle de la torture. Son imagination fatiguée ne peut plus raisonner correctement. Il va me donner ce que je veux, parce qu'il a baissé les bras, il a abandonné. Il a compris que j'étais capable de tout.

[Reitz] – Krieg... ce type a commencé au bas de l'échelle... intelligent... doué... confiant... réglo... amb... ambitieux. Il est monté... finalement, le gr... le grand patron, celui qui dirige tout ça voulait en faire quelqu'un d'important... Beaucoup de missions... Trois ans de service. Puis on a appris... Une taupe... ce gars était shinobi... alors ils l'ont buté.

[Jin'] – Il va me falloir des noms. Qui l'a tué?

[Reitz] – On... ils... Le grand patron voulait que ce soit propre... mais aussi faire passer un message... Un tueur, payé pour ça... Il l'a pas loupé...

[Jin'] – Qui l'a engagé?

[Reitz] – Je sais... pas....

[Jin'] – Qui l'a balancé?

[Reitz] – ... sais pas.

[Jin'] – À quoi tu me sers? Qui le sait?

[Reitz] – Soujuu... Soujuu Ryoku... C'est le chef... Deux... deux échelons au dessus de moi. Pas ici... c't'un seigneur... une saloperie de ripoux... important... il dirige... ça... de la campagne... sa maison... son château, son fief... quand même beaucoup d'importance ici... un des grands chefs... un membre de la Tri...

Un membre de quoi? Il s'était arrêté, mais toujours conscient. Si quelque chose était capable de lui faire plus peur que moi à ce moment, c'était quelque chose d'important. C'est mauvais, cette idée, réelle, concrète, va le ramener à la réalité. Ses fonction cognitives vont s'en servir pour ramener son conscient sur un terrain connu. À partir de ce moment, il n'y a plus rien à faire.

[Jin'] – Krieg était mon père. On se reverra en enfer.

Le sceau que j'ai utilisé pour l'arroser se remplit d'huile, je le mets sous lui, et l'allume. La mort par le feu. Pas que ce soit contre lui, mais je veux passer un message. Quelqu'un est en chasse. Ils ne sauront ni qui, ni pourquoi. Le début d'un puzzle qu'il va falloir qu'il trouve. Pour certains, les pièces se mettrons en place plus rapidement en place que d'autres. L'important, c'est qui ne pourront pas la transmettre. Alors qu'il comprend, qu'il commence à crier d'arrêter, qu'il a parlé, je nettoie mes nouveaux outils.

[Reitz] – La Triaaaaade!!!

Il claque, inconscient, et continue de se consumer. Je prends ma trousse, et active le sceau. Juste le temps de sortir du bâtiment, avant qu'il ne s'effondre avec fracas dans ce début de nuit, dans le fleuve. Le courant emporte des débris, mais le corps, attaché à la structure va rester là. J'espère qu'on le trouvera, et qu'on se demandera comment il est arrivé. Qu'on le voit, mutilé, et qu'on se dise qu'un taré l'a torturé, que ça s'ébruite et que les gens pensent à un règlement de compte. Ceux du milieu jugeront, interrogeront les gens capables de faire ça, et ils verront que non, personne de chez eux ne peut, ou n'a fait ça. Alors seulement, le doute viendra. Et ils auront peur.

Il suffit de suivre les berge du fleuve, et de le traverser discrètement pour revenir à l'auberge. Il y a encore de la lumière, et les derniers clients s'attardent dans la pièce. L'Anonyme n'y est pas, mais il y a la serveuse. J'enlève ma veste de kimono, et la met sur mon épaule nue, pour cacher les traces de sang.

[Jin'] – Il y a encore quelque chose à manger?

[Serveuse] – Pour vous, bien sur. La part des employés, mis je veux bien partager. Venez. Oh... c'est quoi?

[Jin] – Une trousse que j'ai acheté, pour des opérations précises de médecine. Je pense la ramener au médecin du village, ça peut l'aider.

[Serveuse] – Pourquoi vous ne portez pas de kimono?

Je la suis dans les cuisines, où elle sort d'une casserole haute des ramens : de quoi me ravitailler (c'est vrai que maintenant que j'y pense, j'ai sauté le repas de midi).

[Jin'] – Je l'ai sali.

La trousse et le kimono sur la table, pendant que je mange, la serveuse passe derrière moi et regarde mes sceaux. Elle passe sa main dessus, me faisant frissonner. Sa peau est douce, et le toucher de ses doigts sur ma peau sale commence à faire sortir ma libido. C'est agréable.

[Serveuse] – Qu'est-ce?

[Jin'] – Là d'où je viens, les passages de la vie qui sont importants doivent être marqués sur le corps.

Un client dans la salle appelle, et fait retomber l'atmosphère érotique qui s'est installé. Elle va s'occuper à sa tâche. Quand j'ai finis de manger, elle n'est pas revenu. Je passe sur le fleuve, avec la Waza, pour laver mon kimono, et le met ensuite à sécher dans ma chambre. Couché, dans le lit. Est-ce que je suis normal? Je viens de torturer quelqu'un, puis de l'immoler. Et ça ne me donne pas d'insomnie. Pour le moment, en tout cas, rien. Fatigué, exténué, paisible, rassasié, serein? Ce ne sont pas des réactions normales.
Hyûma

Hyûma


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MessageSujet: Re: La mort d'un père   La mort d'un père EmptySam 16 Juin - 21:33

Qu’est-ce qu’on trouve dans une grande ville qu’on ne trouve que fort rarement dans les petits patelins paumés où l’Anonyme avait coutume de faire étape ?
Des bouquins. Des tonnes de bouquins. Des montagnes de bouquins traitant de sujets divers et variés, disséminés un peu partout dans les échoppes poussiéreuses et les boutiques moribondes qui parsemaient les environs.
Le voyageur avait passé la majeure partie de la journée à arpenter les boutiques, à la recherche de livres intéressants. Et là, au fin fond cette brocante obscure, il avait enfin la sensation d’avoir trouvé quelque chose qui vaille le coup. Il fit signe au vendeur, qui trottina jusqu’à lui.

« Qu’est-ce que c’est que ce livre ? Voulut savoir L’Anonyme.
_ Oooh, ça ? Gloussa le brocanteur. C’est un véritable petit trésor, monsieur. Ce n’est nul autre qu’un… Black Bingo Book ! »

Le revendeur avait conclu sa petite sortie avec une note d’emphase, pour bien souligner l’aspect précieux et rarissime de la chose. Mais devant l’absence complète de réaction du vagabond, force lui fut de comprendre que ça n’avait pas du tout marché. Et pour cause.

« Et c’est quoi, un Black Bingo Book ? Demanda platement le voyageur.
_ Vous ne savez pas ce qu’est un Black Bingo Book ??
_ Si, mais j’pose la question juste pour faire la conversation…
_ Mais enfin ! C’est le livre mythique que tout shinobi possède, monsieur ! Une pièce rarissime ! Ils y tiennent comme à la prunelle de leurs yeux ! C’est là-dedans qu’ils consignent toutes les informations qu’ils recoupent sur les traîtres qu’ils pourchassent, les autres shinobis qu’ils rencontrent, ce genre de chose. C’est un condensé d’informations confidentielles hautement tactiques, voyons ! Ce que vous tenez là vaut de l’or ! Non, ça n’a pas de prix, même ! Mais comme vous m’avez l’air sympathique, je suis prêt à vous le céder pour 500 ryos. »

Ben voyons.
L’Anonyme sourit. C’était bien la première fois depuis le début de son errance qu’on l’affublait du qualificatif de « sympathique ».

« Ça ne vaut même pas le prix du papier, rétorqua le voyageur.
_ Qu… quoi ! Un véritable et authentique Black Bingo Book ! Vous vous moquez, monsieur !
_ S’il avait vraiment de la valeur, ce n’est pas dans un boutique telle que la tienne qu’on le trouverai, sauf ton respect, hein. Et tu le réserverais à des clients triés sur le volet, bien plus susceptible d’y trouver un intérêt, plutôt qu’au premier ignare venu.
_ Mais j’ai tout de suite vu que vous n’étiez pas le premier ignare venu, vous savez… Commença le brocanteur d’un ton mielleux.
_ Mais surtout, le coupa l’Anonyme, si ce sont des informations tactiques récoltées sur les autres shinobis, alors il y a une date de péremption. Et vu l’usure du bouquin, je pense qu’il n’y a plus rien d’actualité dedans depuis des lustres. Bref, tout ce qu’il contient est obsolète de nos jours.
_ Pfff… Soupira le revendeur. On ne vous la fait pas, à vous, hein… Bah, ça coutait rien d’essayer quand même… Très bien, j’ai compris, j’arriverai pas à vous le refourguer… Y’a autre chose qui vous intéresse, dans le coin ?
_ Qui a dit que je ne le prenais pas ? »

Le brocanteur cilla avant de fixer l’Anonyme d’un regard incrédule, se demandant vaguement si ce n’était pas une mauvaise blague. Mais le voyageur était on ne peut plus sérieux et, après les tractations d’usages pour la forme, emporta le vieux bouquin pour une bouchée de pain, satisfait.

Car contrairement à ce qu’il avait soutenu, il y avait de rares cas où des informations périmées se révélaient malgré tout intéressantes. Comme ces quelques pages portant sur un certain Ryohei.
D’après le peu qu’il avait entendu sur les légendes orales qui circulaient des les veillées, la tradition voulait qu’il ait été parmi les premiers hommes capable de rappeler les morts à la vie. Si tel était le cas, alors il y avait peut-être des informations utiles dans ce livre.
Le voyageur se promit d’éplucher tout cela à la première occasion. A tout le moins, cela lui définirait peut-être une prochaine destination.

L’Anonyme inspira et se glissa de nouveau dans la marée humaine qui se mouvait constamment dans les petites rues de la capitale. Cette cité était bien plus populeuse et active que tout ce que le voyageur avait pu visiter, et cet environnement surpeuplé l’oppressait au plus haut point. L’Anonyme préférait de loin les petites bourgades et les grands espaces.

Rapidement, le voyageur s’extirpa de la cohue et se réfugia dans les ruelles étroites et étriquées qui sinuaient en parallèle de l’axe principal de la rue. Cela lui rallongerait son chemin mais serait plus agréable.
Si on omettait les ennuis.

Devant lui se dressait de nouveau le rufian de la nuit dernière. Un grand échalas vêtu d’amples vêtements gris et délavés, et affublé d’une large capeline qui tressautait dans son dos à chaque pas. Son visage anguleux fixait le voyageur et un sourire de loup se dessina sur ses lèvres.
Cela ne présageait rien de bon.

D’autant que les deux compagnons du surineur n’étaient pas avec lui. Ou plutôt, n’étaient pas dans le champ de vision de l’Anonyme : des bruits de pas derrière lui l’alertèrent. Sa main au feu qu’il était encadré.

« Tsss… Tu y tiens vraiment, à ce chapeau, en fait, fit remarquer l’Anonyme. On est du genre fétichiste ?
_ Nan, nan, nan, relax, assura le rufian. Je suis seulement venu te parler.
_ Tant mieux, je n’ai toujours pas l’intention de me séparer de mon chapeau… Et de quoi peuvent bien parler un bandit de grands chemins et son ex-futur-ex-victime ? S’enquit le voyageur.
_ Tu m’as impressionné, la nuit dernière. Ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre quelqu’un qui n’a pas froid aux yeux, comme ça et reste maitre de lui-même. Alors je me suis : « Kakubei, mon grand, un type comme ça, ‘faut absolument que tu mettes la main-dessus ! ». Et du coup, me voilà !
_ Ce qui n’explique toujours pas de quoi on peut bien parler.
_ J’aurai l’usage d’un gros-bras doté de sang-froid dans ton genre. Et ça paye plutôt bien, tu sais. Tu ne roules pas sur l’or, tu as l’air désœuvré… Avoue que la proposition est des plus alléchantes, non ?
_ ‘faut voir… commença l’Anonyme.
_ Permets-moi d’ajouter que c’est toujours préférable de bosser pour la pègre que d’en être la cible. »

Le voyageur comprit le message : ce type était capable de faire de sa vie un enfer s’il le voulait. En le dénonçant à la pègre pour x ou y, il pouvait transformer toute la ville en un immense coupe-gorge à son intention.
Le voyageur haussa les épaules.

« Détrousser les gens… Les déposséder de ce qui leur appartient, c’est s’exposer à des réactions plutôt violentes. Ne compte pas sur moi pour risquer ma vie si les choses dégénèrent, prévint le vagabond.
_ Baah, avec ton gabarit, un peu de mise en scène et de bluff et ils fileront doux, t’inquiètes, assura Kakubei. Si on devait massacrer tous ceux qu’on détrousse, on aurait transformé la ville en charnier ou glissé dans une guerre ouverte contre le Daymio depuis longtemps. Nan, nan, tout le truc, c’est de les intimider. Et c’est pour ça que je préfère travailler avec des gens qui savent garder leur calme.
_ Alors je n’y vois pas d’objection, décida l’Anonyme. Ça paye bien, tu dis ?
_ Dix pour cent de ce qu’on rafle… Tout dépend donc de notre prestation.
_ Je suis ton homme, annonça le voyageur en tendant la main.
_ à la bonne heure, se félicita le rufian en la serrant. Je suis Kakubei. Et derrière toi, ce sont Sumito et Benkei. Et toi ?
_ Je suis l’Anonyme.
_ Va pour l’Anonyme. On ne commencera à travailler qu’à la nuit tombée, ce qui ne devrait plus trop tarder, annonça Kakubei en regardant le crépuscule. En attendant, viens, je vais te montrer un peu le secteur où on va bosser. »

Le rufian entraîna l’Anonyme à sa suite. Pendant la demi-heure qui suivit, Kakubei lui montra l’étendu du secteur où il travaillait. L’auberge du fleuve s’y trouvait en plein cœur. Il n’était donc guère étonnant qu’il ait retrouvé le voyageur aussi facilement.

C’est pendant qu’ils discutaient qu’un jeune mendiant surgit d’une ruelle annexe et s’approcha de Kakubei pour lui murmurer à l’oreille. Le visage du rufian se renfrogna en entendant la nouvelle. Il se releva et emboîta le pas au gamin, faisant signe à ses sbires de le suivre.

« Qu’est-ce qui se passe ? Demanda l’Anonyme.
_ L’une des autres facettes de mon boulot, c’est de garder un œil sur le quartier et de m’assurer qu’il ne s’y passe rien d’anormal au regard de la pègre, expliqua sombrement Kakubei. La dernière chose qu’on désire, c’est un électron libre qui dépasse les limites et provoque une réaction disproportionnée des autorités.
_ Donc enquêter sur les morts suspectes qui ne sont pas l’œuvre des vôtres, c’est ça ?
_ Effectivement.
_ On se dirige vers une scène de crime ?
_ Décidemment, on ne peut rien te cacher… »

Le petit miséreux les guida dans l’entrelacs de venelles. Au fur et à mesure de leur progression, l’Anonyme s’aperçut que les quartiers étaient envahit par la misère. Les taudis et les masures branlantes s’épaulaient les unes les autres, avant de laisser progressivement la place à des entrepôts visiblement abandonnés, même si plusieurs avaient été ‘recyclés’.

Ils arrivèrent enfin sur la berge, à quelques pas du fleuve. Deux autres mendiants en haillons se tenaient près d’une petite bicoque en bois. Kakubei extirpa une petite bourse et la leur jeta.

« Un seul mot qui transpire et vous subirez le même sort peu enviable tous les deux ! » avertit le rufian.

Les deux mendiants et le gosse s’éclipsèrent à toute vitesse.

« Ils devraient tenir leurs langues deux-trois jours, annonça Kakubei. Bon, voyons ce qui nous attend… »

Le quatuor passa successivement le seuil.
Il ne restait pas grand-chose de ladite bicoque : le mur sur la berge était intact, soutenant une partie du toit, mais les murs à cheval sur l’eau avaient été littéralement éventrés. La majeure partie du sol avait disparu, probablement engloutie par les flots. De même que le mur du fond et la moitié du toit.
Seule une roue à aube barbotant dans un fond d’eau, couchée sur le flanc, en travers de la berge, permettant de situer l’identité le bâtiment : un ex moulin à eau.

Mais ce qui attirait immanquablement l’attention, c’était le corps nu défiguré par les flammes qui trônait au centre de ce paysage de destruction, suspendu à l’une des poutres restantes du plafond, tel un saucisson.
Une mise en scène spectaculaire dans un coin aussi paumé… Il ne fallait pas être grand clerc pour comprendre que ce n’était pas un coup de la pègre, ça.

Kakubei secoua la tête d’un air las. Il avait vraiment bien besoin de ce genre de complication, tiens.
D’un geste, il signifia Sumito de s’occuper du corps.
Avec une moue de dégoût évidente, l’homme décrocha le cadavre de son crochet et le posa à terre.

« Il est complètement brûlé, constata Benkei, j’pense pas qu’on pourra en tirer grand-chose…
_ Tu permets que je jette un coup d’œil ? Demanda l’Anonyme.
_ Tu t’y connais en cadavre ? S’enquit Kakubei.
_ Davantage quand ils respirent encore, mais sait-on jamais…
_ À ta guise. » Décida Benkei, trop content de s’écarter du macchabé.

L’Anonyme s’agenouilla près du corps et entreprit un rapide examen. Contrairement à ce qu’affirmait Benkei, le corps n’avait brûlé que de façon superficielle. L’effondrement du plancher avait permis à l’humidité du soir et à la brume du fleuve de remonter, ce qui avait légèrement atténué l’effet des flammes, là où il n’y avait pas eu de comburant. Le corps n’était pas calciné.
Le médecin s’assombrit tandis qu’il auscultait comme il le pouvait le cadavre. On n’avait vraisemblablement torturé le mort. De multiples entailles couvraient le torse et le dos de l’homme.
Même si l’Anonyme n’aurait pas juré qu’elles soient toutes récentes, plusieurs avaient visiblement saigné juste avant le décès, les flammes ayant figé le sang par la chaleur. En outre, il manquait deux phalanges sur l’une des mains et les lésions n’étaient pas suffisamment anciennes pour que la peau cicatrise par-dessus.

Le voyageur se releva et fit part de ses conclusions à Kakubei.

« Tsss… On avait vraiment besoin de ce genre de chose en ce moment, grogna le rufian. Des signes particuliers ?
_ Il est castré… Mais ça, c’est comme les phalanges manquantes, impossible de certifier si c’est ou non une conséquence de la torture. Et c’est vraiment trop brûlé pour que je me prononce.
_ Rien d’autre ?
_ Une cicatrice assez profonde sur le visage, révéla l’Anonyme. J’y mettrai pas ma main au feu mais je pense qu’elle est plutôt ancienne.
_ Une cicatrice, répéta Kakubei en tressaillant. Fais voir ! »

L’Anonyme pointa du bout du doigt le sommet de la cicatrice avant de le glisser le long de la balafre, indiquant au bandit où poser son regard. Celui-ci lâcha un juron.

« Il n’est pas inconnu, releva le voyageur.
_ Ouais, c’est Reitz. Un gars de chez nous. » Lâcha Kakubei.

Une bordée d’injures accueillit la révélation du côté des sous-fifres. La nouvelle les perturbait, et pas qu’un peu.

« Tu m’explique ? C’est qui ce gars ? Demanda l’Anonyme.
_ Reitz est…
_ était.
_ … une sorte de coordinateur de surveillance. En gros, il assurait le maintien de l’ordre et des décisions des instances de la pègre dans les quartiers des environs. Avec quelques hommes de mains, il s’assurait aussi qu’il n’y avait pas de concurrence de la part de francs-tireurs. Et il s’en assurait de manière plutôt expéditive. Ce n’est pas le gars que tu irais te coltiner pour le plaisir, tu peux me croire. Qu’il se soit fait dessouder indique que qui ce soit qui en avait après lui, il était sérieux.
_ Il ne s’est pas fait seulement dessouder, il s’est fait torturer, rappela l’Anonyme. Quelqu’un devait vraiment beaucoup lui en vouloir, et à titre personnel, pour faire ça. Ce n’est pas juste un règlement de compte ou le résultat d’une simple rixe. D’après ses activités, pas mal de gens pouvaient lui en vouloir, non ?
_ Non, réfuta Kakubei. Il n’était pas à un poste très élevé, mais c’est le premier échelon au-dessus des grouilleux comme nous. C’est une sorte de symbole, si tu veux : pour les gens de la rue, il incarne véritablement l’autorité de la pègre. S’en prendre à un surveillant en chef, c’est comme l’attaquer elle-même. Et crois-moi quand je te dis qu’on est pas tendre avec ceux qui remettent en cause son hégémonie.
_ Alors si ce n’est pas personnel, c’est qu’on l’a torturé pour le faire parler, déclara le voyageur. Reste à savoir ce qu’il a bien pu dire.
_ Reitz, c’était un dur ! Et sûrement pas une balance ! Il a rien lâché, c’est sûr ! »Soutint Sumito.

L’Anonyme retint un soupir blasé, se pencha et pinça fortement le biceps du fier-à-bras. Celui-ci laissa échapper un glapissement de douleurs et s’écarta vivement.

« Mais t’es malade ou quoi ? Qu’est-ce qui te prends ?
_ Je vérifiais que tu dormais pas, ça marche ? Pourquoi tu t’es dégagé ? demanda le voyageur.
_ Ben parce que ça faisait mal !
_ Roooh la chochotte…
_ Feu Reitz était peut-être un dur, expliqua l’Anonyme, mais ça n’en restait pas moins un être humain, tu saisis ? »

A la tête de Sumito, l’Anonyme comprit que non. Visiblement, un complément d’information s’imposait.

« On n’endure la souffrance qu’à une seule condition : celle de pouvoir y mettre fin ou, à tout le moins, de s’y soustraire. Tant qu’il reste l’espoir ou l’illusion de pouvoir le faire, il est possible de résister de plus ou moins longuement. Mais lorsqu’on réalise finalement qu’il n’y aura pas d’issue, ce n’est plus qu’une question de temps avant de craquer.
« Toute personne saine d’esprit parle sous la torture, ce n’est jamais qu’une question de temps.
_ T’as une certaine expérience de la torture, on dirait, fit remarquer Kakubei.
_ Pas de la torture, nan… Il n’est pas exclu que feu Reitz ait claqué avant d’avoir parlé… Mais se montrer optimiste, c’est prêter le flanc à un sévère retour de bâton. Tu devrais partir du principe qu’il a craché tout ce qu’il sait, conclut le voyageur.
_ Qu’est-ce qui te fait penser qu’on voulait lui soutirer des informations ?
_ Des fois que tu n’ais pas remarqué, on vient de te livrer un message limpide. On a pas brûlé le cadavre pour s’en débarrasser : le démembrer et jeter les morceaux à la flotte auraient été bien plus efficace et discret. Non, s’il est là bien en évidence, c’est pour qu’on le trouve et qu’on comprenne bien que ça ne rigole pas. Feu Reitz s’est probablement attaqué à trop fort pour lui, et celui qu’il a mis en rogne n’a probablement pas l’intention d’en rester là !
_ Pas faux, reconnu Kakubei. Mais la pègre cloisonne au maximum sa hiérarchie, justement pour ce genre de cas. Normalement, ça ne devrait prêter trop à conséquence… Quoique ce système n’est jamais parfait, on est tous au courant de trucs qu’on est pas sensé savoir, impossible de dire ce qu’il a pu réellement révéler ou pas… ‘Chier ! On a putain de problèmes sur les bras. ‘Faut absolument qu’on trouve après qui ce type en a.
_ Une priorité intéressante, releva l’Anonyme.
_ Comment ça ?
_ La plupart des gens auraient plutôt dit qu’il faut absolument l’arrêter.
_ Bah, ça revient au même.
_ Peut-être bien… Ou peut-être que cela signifie que selon sa victime, tu pourrais agir différemment, insinua le voyageur.
_ Toi, t’as oublié d’être bête.
_ Je peux jouer les idiots aussi bien que tout le monde, si c’est que tu préfères.
_ Nan, pas forcément. Tu vois, on parle toujours de la pègre comme d’une entité monolithique ; à raison, puisque pour l’extérieur, elle agit toujours d’un même chef. Mais si tu y réfléchis cinq minutes, hé bien elle ne diffère pas d’un quelconque regroupement de gens avides de pouvoir et ayant accès au dit pouvoir.
_ Des dissensions internes ? Devina l’Anonyme. Chacun veut obtenir la plus grosse part du gâteau au détriment des autres, c’est ça ?
_ Exact. La pègre se liguera contre toute menace extérieur, mais sinon, la solidarité n’est que de façade. Bien évidemment, le grand patron ne tolérerait pas une lutte ouverte, donc on est pas à couteau tiré entre nous… Mais la pègre est constituée de différents courants menés par de fortes têtes et chacun cherche à prendre sa supériorité sur les autres.
_Donc un assassin qui déboule comme un chien dans un jeu de quille risque de perturber l’équilibre des pouvoirs. Je cerne assez bien en quoi cela peut affecter les hauts rangs de la pègre, mais en quoi cela va-t-il changer ton quotidien à toi ?
_ Avec la retraite prématurée de Reitz, devine qui est le mieux placé pour reprendre le poste ? Révéla Kakubei.
_ Félicitation pour ta promotion.
_ Les portes, la cité haute et les berges : ce sont des secteurs d’importances capitales, expliqua le rufian. C’est plus juteux et plus prestigieux. Et l’or et le prestige sont le nerf de la guerre dans une lutte de pouvoir. Mes supérieurs seront ravis. Mais surtout, si notre assassin remonte la hiérarchie, c’est tout à fait possible qu’il ouvre la voie à d’autres de mes camarades.
_ Sauf si notre assassin leur fait subir à eux le même sort qu’à ton prédécesseur…
_ Exact, et c’est bien pour ça qu’il faut déterminer à tout prix après qui il en a. Et agir en conséquence… Je vais tâcher de retrouver ceux qui ont signalé notre bonhomme à Reitz, décida Kakubei. S’ils n’ont pas le cerveau trop explosé, ils devraient encore se souvenir d’à quoi il ressemble.
_ Les blessures qu’il a infligé font perdre beaucoup de sang, annonça l’Anonyme. Il est probable que l’assassin ait envoyé ses vêtements par le fond en même temps que la moitié de la baraque, mais sait-on jamais…
_ Pas faux, je vais faire interroger les loqueteux des environs, il y en aura peut-être un qui aura aperçu un type couvert de sang. De toute façon, ‘faut que j’interroge les réguliers du coin par mesure de sécurité : aucun ne serait assez fou pour s’en prendre à Reitz et ce qu’il symbolise, mais on est jamais trop prudent.
« Finalement, ce n’est pas le moment de présenter de nouvelles têtes, affirma Kakubei, alors je n’aurai pas besoin de toi cette nuit. Tu peux y aller, Benkei et Sumito vont se débarrasser du corps, ils ont l’habitude. Je te retrouverai demain en fin de soirée.
_ D’accord. Ah ! Une dernière chose, demanda l’Anonyme. Tu t’y connais en explosif ?
_ Pas beaucoup… Pourquoi ? T’envisages une reconversion d’artificier ?
_ Les flammes n’ont fait que lécher superficiellement la poutre qui soutenait Reitz, d’accord ? Donc pas d’incendie incontrôlé. Alors comment tu expliques l’effondrement du bâtiment ?
_ Qu’est-ce que… »

Kakubei se releva vivement, en regardant autour de lui. En effet, maintenant que le voyageur l’avait dit, il remarquait enfin ce qu’il y avait d’étrange dans ces ruines. Effectivement, ça ne collait pas avec ce qu’il avait déjà pu voir auparavant.

« Nan, répondit Kakubei. Un explosif conventionnel aurait laissé des traces…
_ Supposons que ces traces soient actuellement au fond de la flotte… Ou en partance pour le grand large. Avec le plancher, quoi…
_ Non. Si l’explosif s’était trouvé sur le plancher, ç’aurait laissé des traces. Sous le plancher, j’dis pas…
_ Juste par souci de mise en scène ? Sacrément motivé… Nota l’Anonyme.
_ Ouais, j’y crois pas trop non plus. Ou alors… »

Kakubei se mordit la lèvre, visiblement soucieux.

« Ou alors ? reprit l’Anonyme.
_ Pas un explosif conventionnel… Un truc de shinobis.
_ Le ou les tortionnaires seraient des shinobis ?
_ Là, ça se corserait… Ces types sont vraiment capables de tout. Mais ça expliquerait la planque : ils peuvent marcher sur l’eau, donc au lieu d’être coincé dans une souricière, notre bonhomme avait un boulevard pour s’échapper en cas de soucis. Sans parler qu’avec leur science du combat, c’est nettement plus dans leurs cordes de dégommer Reitz…
_ Intéressant… Bien, j’y vais.»

Le voyageur reprit le chemin de l’auberge, la tête fourmillante d’hypothèse. Tout cela constituait une énigme bien intéressante qui allait lui occuper l’esprit un moment.

*
* *

L’Anonyme entra dans la salle commune de l’auberge. A cette heure tardive, celle-ci était vide de clients et il ne restait plus que la serveuse qui terminait de faire le ménage. Elle accueillit le voyageur avec un grand sourire.

« Vous êtes du genre oiseau de nuit, vous !
_ Parle pour toi…
_ La nuit est fraîche, vous voulez que je vous prépare quelque chose de chaud ?
_ J’ai vraiment le choix cette fois-ci ?
_ Non, c’est la maison qui offre !
_ Tyran !
_ Allez, venez donc ! »

L’Anonyme suivit la demoiselle en cuisine, où elle s’affairait déjà à faire bouillir de l’eau. L’air de rien, elle tenta d’orienter la conversation sur Jin’ mais en fut pour ses frais : le voyageur éluda adroitement les questions. De toute façon, il ne savait pas grand-chose sur l’étrange adolescent et aurait bien été en peine de répondre aux interrogations de la jeune fille.

L’Anonyme s’adossa à la table de travail pour déguster la tisane. La serveuse avait raison : la brume qui remontait du fleuve avait bien refroidi la température extérieure, et la boisson chaude le réchauffait agréablement.

« Quelqu’un s’est coupé, aujourd’hui ? Demanda soudainement l’Anonyme en fixant la table.
_ Hein ? S’interrompît la serveuse. Non, non ! Il n’y a pas eu d’incidents en cuisine. Pourquoi ?
_ Il y a une tâche de sang, là.
_ Vous êtes sûr ? Ce n’est pas plutôt de la sauce où je ne sais quoi ? Après tout, c’était ragoût de tomates, ce midi. »

L’Anonyme lui jeta un regard éloquent : il savait encore différencier le sang du jus de tomate, merci ! Mais les gros yeux n’intimidèrent pas le moins du monde la demoiselle, et pour cause : elle lui tournait le dos, trop occupée à ranger divers ustensiles.

« C’était peut-être votre ami, il était là tout à l’heure, confia la jeune fille. Mais s’il était blessé, je n’aurai pas pu le louper… enfin, il aurait pu difficilement me le cacher… Hum, je veux dire, ça se serait remarqué et heu… enfin… »

La suite se termina dans un salmigondis incompréhensible tandis que la jeune serveuse virait au rouge pivoine. Ah ben ça c’est nouveau, constata l’Anonyme en souriant. Le gamin n’avait pas l’air de perdre son temps… Ou bien était-ce la serveuse ? Probablement un peu des deux, décida le voyageur.

« Ce n’est pas ce que vous croyez, assura la jeune fille en essayant de prendre un air digne et dégagé. Votre ami avait sali sa veste de kimono, alors il ne le portait pas et était torse nu. Voilà pourquoi j’aurai bien vu s’il était blessé. »

Ben voyons, je vais te croire, ma grande… ça tombait drôlement bien, cette veste tâchée, songea l’Anonyme. D’autant plus que Jin’ était un pratiquant d’Arts Martiaux et…
Le sourire du voyageur se figea.

Pourquoi un gamin prendrait-il le risque de voyager avec le premier vagabond venu ? Parce qu’il ne doutait pas de pouvoir le terrasser, on est d’accord. Mais face à un rufian comme Reitz ?
Le sang n’avait pas atterri ici par hasard. Un kimono tâché ? Mais par quoi ? Les blessures de Reitz avaient beaucoup saigné !
Les Shinobis sauraient marcher sur l’eau… Une raison qui expliquerait l’étrange caprice de l’adolescent d’avoir une chambre avec vue sur le fleuve ?
Pour quelle raison Jin’ était-il venu à la capitale ? Qu’avait-il à faire de si urgent ce matin qu’il était parti si précipitamment !?
Qui était-il ?

Le voyageur reposa sa tasse en essayant de se calmer. Conneries. Il avait simplement l’horreur du crime trop frais dans sa tête, voilà tout. Et du coup, il se mettait à voir des assassins partout, même là où il n’y avait rien. C’était complètement stupide et irrationnel.
Haha ! Une bonne nuit de sommeil et demain matin, il rirait bien de cette idée franchement saugrenue.

Mais non.
L’Anonyme n’était pas du genre à faire volte-face aussi aisément. S’il pouvait abandonner une idée facilement, cela ferait un moment déjà qu’il aurait pu mettre fin à son exil et rentrer chez lui. Mais ce n’était pas le cas. Il était du genre buté.
Peu importe que les chances soient fortes ou faibles, il fallait qu’il en ait le cœur net !

Le voyageur se redressa brusquement, salua en coup de vent la serveuse et s’engouffra dans la salle commune avant de gravir prestement les escaliers. Arrivé sur le pas de la porte de la chambre de Jin’, il eut un instant d’hésitation. Les shinobis étaient des tueurs chevronnés : si le gamin était bien l’assassin, quelles étaient les chances qu’il ressorte de là vivant après lui en avoir eu confirmation ?
L’Anonyme haussa les épaules. Tout était toujours une question de point de vue.
Il ouvrit la porte et entra.

L’adolescent, sur le lit, sursauta et se redressa brusquement, surpris. Le voyageur le salua d’un vague signe de tête et s’avança dans la petite pièce.

« Ben alors ? T’as oublié ? Fit l’Anonyme. On devait se retrouver ce soir !
_ C’est vous… Grommela Jin’ en se laissant retomber en arrière. Vous savez l’heure qu’il est ?
_ Plus très loin du matin, mais donc encore le soir. Une chance que je me sois dépêché, pas vrai ? Je me suis fait de nouveaux amis, aujourd’hui. » Annonça le voyageur en allant s’adosser à la table de la chambre.

La veste de kimono était étendu sur le dossier de la chaise, encore ruisselante d’humidité et gouttant sur le parquet. Elle avait visiblement été lavée.
Quel genre de tâche pouvait attendre de passer du bon temps avec la serveuse mais pas la fin de la nuit ? Néanmoins, dans la pénombre de la pièce, seulement éclairée par l’éclat de la lune par la fenêtre, il était difficile d’observer méticuleusement le kimono. L’Anonyme s’installa de façon naturelle, mais de sorte à pouvoir le détailler sans que Jin’ se doute de quelque chose.

« Quelle chance, railla l’adolescent. J’essayai de dormir, vous savez ? Vous êtes monté juste pour m’annoncer ça ?
_ Ils sont actuellement sur une enquête. Un truc assez sordide… »

Est-ce que l’adolescent venait de tiquer ? Son visage n’était pas dans la lumière et le voyageur n’en était pas certain. Jin’ avait-t-il deviné la nature de ses amis ? Les autorités d’une grande ville – et a fortiori de la capitale – n’avaient que peu de chance de s’encombrer d’un vagabond, étranger qui plus est, pour les épauler. D’un autre côté, la pègre non plus… C’était un coup de chance qui l’avait mis dans la partie.

« Les grandes villes sont réputées pour être plus dangereuse, répondit l’adolescent. La loi des grands nombres : parmi tous ces gens, il y en a forcément des plus instables, et parmi elle, il y en a forcément pour passer à l’acte. De plus, les grandes villes sont plus propices pour se cacher, donc favorise cet état de fait.
_ C’est bien vrai, approuva l’Anonyme. Jolie trousse, dis donc. »

Le voyageur venait d’apercevoir la trousse à dissection de l’adolescent et l’attrapait déjà, sans cesser de guetter les réactions de son vis-à-vis. Celui-ci ne laissa rien transparaître, le visage complètement impénétrable. Une pointe de doute assaillit l’Anonyme : est-ce qu’il ne faisait pas complètement fausse route, au bout du compte ?
Il n’y avait qu’un seul moyen de le savoir : aller au bout.

« Je ne savais pas que tu t’intéressais à la médecine, commenta le voyageur en passant en revue les outils.
_ Maîtriser et entretenir son corps ne suffit pas toujours, expliqua l’adolescent. Savoir le réparer est important aussi… J’envisage d’approfondir mes connaissances en la matière.
_ En tout cas, celui qui t’as vendu ça ne s’est pas foutu de ta gueule. Ce sont des outils de qualités.
_ Si vous n’êtes venu que pour commenter mes achats, vous ne croyez pas que ça pourrait attendre demain matin ?
_ La victime a été torturée puis brûlée. Avant d’être laissée bien en évidence pour qu’on la retrouve. » Lâcha l’Anonyme.

Le voyageur s’attendait à une réaction quelconque, mais rien ne vînt. Soit le gamin y était complètement étranger, soit il contrôlait soigneusement son expression pour ne rien laisser paraître.

« Probablement un tueur en série, argua Jin’. Ils aiment bien ce côté trophée/exposition. Ou bien un règlement de compte de la pègre ? Eux aussi ont un faible pour les mises en scène magistrales, surtout quand il s’agit de faire passer un message. »

Le voyageur laissa échapper l’outil avec lequel il jouait. Il se baissa pour le ramasser et pu détailler à loisir la veste de kimono.
Prenant tout son temps, l’Anonyme se releva, rangea l’outil dans sa pochette et la reposa sur le bureau.

« Si on arrêtait ce petit jeu ? Proposa le voyageur.
_ Pardon ? Quel…
_ La victime faisait partie de la pègre, ce qui était de notoriété publique. Ce n’est pas un coup interne. Ni le fait d’un simple tueur en série : tous ceux qui vivent ici savent que c’est dangereux de d’attaquer les représentants du pouvoir de l’ombre. La pègre dispose de ressources, d’une détermination et d’un manque total de mansuétude que n’ont pas les autorités.
_ Je ne comprends pas, soutint Jin’ en cillant légèrement.
_ Ça ne peut-être que l’œuvre de quelqu’un de l’extérieur. Et qui est arrivé récemment en ville, asséna le voyageur.
_ Vous ne me soupçonneriez tout de même pas de…
_ Non. Pas de soupçons. Tu savais que le sang est le cauchemar des textiles ? Il s’incruste dans chaque fibre et ensuite, c’est la misère pour s’en débarrasser. Bien souvent, il restera une marque indélébile. D’autant plus sur les vêtements clairs. Un peu comme celle-ci. » Conclut le voyageur en lançant la veste de kimono à l’adolescent.

Celui se releva d’un bond, momentanément furieux. Il ouvrit la bouche comme pour parler mais inspira un grand coup pour se calmer et retrouver une expression impassible.

« Comment avez-vous deviné ? » Demanda calmement le jeune homme.

Ses yeux se remirent à sauter d’un endroit à l’autre tandis qu’il passait la pièce en revue. L’Anonyme l’avait déjà remarqué faire auparavant. Il n’était plus bien compliqué de deviner à quoi il pensait en scrutant ainsi les lieux. Ni qu’il ne posait sa question que pour gagner un peu de temps pour mettre au point un plan d’action.

« Bah, éluda l’Anonyme. T’inquiètes, je n’ai assemblé les dernières pièces du puzzle qu’en bas. Personne n’est au courant.
_ Il n’y a que vous qui savez ? Insista Jin’.
_ Exact, pas de troupes de chocs de la pègre qui se cachent derrière la porte pour te bondir dessus.
_ Vous m’avez dit vous-même de ne pas vous prendre pour un imbécile, rétorqua Jin’. Vous n’êtes pas assez stupide pour venir m’en parlez sans avoir protégé vos arrières.
_ Pourquoi aurai-je besoin de les protéger ? Répondit l’Anonyme en haussant les épaules.
_ Parce que je pourrais être tenté de faire disparaître quelqu’un qui est parvenu à remonter ma trace…
_ Aucun risque, ce serait trop maladroit. »

L’Anonyme n’avait pas tort : ainsi qu’il l’avait dit, ces nouveaux amis enquêtaient sur le meurtre. Sa disparition soudaine attirerait certainement leur attention. Même si Jin’ disparaissait ensuite, ils poseraient inévitablement des questions, notamment à une jeune et jolie serveuse tout à fait capable de le décrire. Etait-il résolu au point la tuer elle aussi ? Quand bien même, laisser une file de cadavres derrière lui ne pouvait que compliquer grandement ses plans, quels qu’ils soient.

« Alors quoi, soupira l’adolescent. Vous êtes venu me faire la morale ? Me raisonner ? Que je renonce à mes projets sanglants ? Si c’est le cas, vous perdez votre temps. Et n’envisagez même pas de me faire chanter !
_ Mmmh… Nan, je n’en avais pas l’intention, avoua l’Anonyme.
_ Alors qu’est-ce que vous voulez, à la fin ?
_ Des tuyaux sur le mode opératoire pour impressionner mes potes ? Crois-moi ou non, il s’avère que mon nouvel employeur – ainsi que le ‘clan’ auquel il appartient – n’est pas du tout mécontent de ton travail.
_ Pardon ?
_ Grâce à ta petite prestation, il est sur les rangs pour une promotion accélérée, si tu vois ce que je veux dire… Expliqua le voyageur. Et c’est là que l’histoire devient amusante, selon moi : il hésite entre poursuivre ardemment le tueur pour la satisfaction du boulot bien fait… ou bien lui laisser un peu les coudées franches histoire qu’il libère encore quelques places que les siens pourraient potentiellement récupérer. Le pari est assez peu risqué pour les siens, vu qu’ils sont minoritaire et encore un peu marginal au sein de la pègre. Mais ils ont les dents longues, comme tu peux le voir…
_ Pourquoi tu me racontes ça ? Demanda l’adolescent.
_ Une collaboration vous serait profitable, répondit l’Anonyme. Tu gagnerais du temps pour tes recherches, aurait accès plus facilement à certaines informations et pourrait éventuellement bénéficier d’une aide logistique. Eux pourraient planifier à l’avance leur stratégie d’ascension hiérarchique. Ce n’est pas un mauvais deal, je pense…
_ Je peux très bien me débrouiller tout seul.
_ Hé ! Je n’essaie pas de te forcer la main, se défendit le voyageur. Si Reitz t’as révélé tout ce dont tu as besoin de savoir et que tu estimes n’avoir besoin d’aide de personnes, rien ne t’empêche de poursuivre selon tes plans. Je n’ai pas l’intention de te dénoncer et les autres ignoreront ton identité tant que tu ne les contacteras pas – ce que tu n’es même pas obligé de faire en personne. Et si tu crains un piège, qu’est-ce qui t’empêches de couper les ponts avec moi et de disparaître dans la nuit sans laisser de trace ? C’est toi seul qui décides.
« La nuit porte conseil... Réfléchis-y, c’est tout ce que je te demande.»

Le voyageur se redressa et se dirigea vers la porte, laissant l’adolescent plongé dans ses pensées. Alors qu’il attrapait la poignée, Jin’ l’interpella.

« Et vous ? Qu’est-ce que vous y gagnez, dans tout ça ?
_ J’ai toujours rêvé de devenir un parrain de la pègre, tu penses bien… Être en bon terme avec la pègre est toujours une bonne chose, répliqua l’Anonyme. Et si quelques types avec un peu d’influences peuvent m’être redevables, ça pourra toujours me servir un jour, qui sait…
_ Vous auriez obtenu la même chose en me dénonçant aux personnes adéquates, réfuta l’adolescent. Alors ? Moi aussi, je n’aime pas qu’on me mente.
_ Une demi-vérité n’est pas un mensonge, non ? Hé bien… ça faisait longtemps que je n’avais pas voyagé en compagnie de quiconque. Je n’ai pas forcément envie que ça se termine sur un mauvais souvenir, avoua le voyageur.
_ Vous pensez que seul, j’échouerai ? Voulut savoir Jin’.
_ Ça, tu es le seul qui puisse le savoir. Moi, je me contente d’être prudent. »
Shinjin Isatsu
Aspirant de Konoha
Aspirant de Konoha
Shinjin Isatsu


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MessageSujet: Re: La mort d'un père   La mort d'un père EmptySam 14 Juil - 16:44

Ça aurait pu être emmerdant. Oui, ça aurait pu. C'est vrai que dans un premier temps, j'ai pensé tout supprimer. Le grand ménage. C'est vrai qu'on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs. Lui, puis la serveuse, quelques invités dont il savait qu'ils l'avaient remarqué. Puis les amis de son compagnon, et ceux qui se trouveraient malencontreusement sur son passage. Mais non. Je m'estime plus fin. Oh oui, plus fin, et un peu moins sanglant, tout de même. J'ai des cibles, autant essayé le moins d'en sortir. Si aujourd'hui je dois tuer, il faut que je garde à l'esprit que demain je peux sauver. Et puis il m'avait caressé dans le sens du poil, si je peux utiliser cette expression. J'étais intéresser par les mêmes raisons que lui : avoir un soutien autre part que dans le village. Me faire, pour une fois, mes propres relations, aussi influentes qu'elles soient. Détruire une branche de la pègre : la pourrie, celle dont je dois me venger, c'est une chose. Mais si en plus, je peux avoir une once de contrôle – non, de reconnaissance – sur ceux qui allaient, par mes actions, commencer à occuper des postes intéressants, c'était faire une pierre deux coups. C'est pour cette raison que j'ai fini ma nuit sur mes deux oreilles.

Le lendemain, j'étais encore frais, et disponible. Et le premier, de tout le commerce. Même avant cette serveuse, qui, je m'en doutais, avait sans doute était un maillon important sans qui l'Anonyme n'aurait pas tout à fait trouvé les endroits où mettre les bonnes pièces. Je n'y avais pas pensé, trop de stress, surement, mais j'avais du tabac, et une longue pipe (dans le genre calumet). Le balcon devant la chambre du bonhomme était un endroit propice. J'y suis, je bourre, j'allume, et je profite, dans le vacarme des eaux qui déambulent dans leur lit, produisant une écharpe d'écume sur la surface du fleuve. Intéressant... il a du pleuvoir en amont. L'homme bouge, je le sens. Puis la fenêtre s'ouvre. Lui n'a pas du dormir tout court. Inutile de demander si l'odeur le dérange, elle vient de pénétrer en entier dans sa chambre.

Hyuma – T'as vu l'heure?

Jin' – J'accepte. On va faire ça ensemble.

Pour une fois, je ne m'étais pas trompé quand j'avais décidé que cet homme en particulier allait m'accompagner. On part en vendette, et on revient avec, pour l'instant, un ami. Mais il y a aussi le juge. Shizaké, qui m'observe, toujours aussi invisible. Elle n'a pas réagi, elle me laisse faire. La confiance? Elle va vraiment me voir évoluer en temps réel.

Jin' – Allons manger.

J'éteins la pipe, et passe par sa fenêtre, direction la salle commune. En une demi-heure, on peut penser que les gens se seront levés. Ce qui est la cas de la serveuse. Toujours souriante et avenante avec moi, quoiqu'un peu tendue. Peut-être la scène de la veille qu'elle ne sait pas interpréter. Il n'y a rien à interpréter. Etsuko la tuerait... rapidement, discrètement. Désolé. Elle va être déçue, car pour le moment, le soucis est de quitter la ville. Rien ne presse cependant. Peut-être encore une nuit, le temps de récolter de vraies informations. Cela s'est fait après le départ de l'Anonyme de ma chambre. Niko est revenu, je l'ai tout de suite renvoyé vers le centre des opérations : Haga. C'est le shinobi ancien-membre-de-l'équipe-de-maman qui est le plus susceptible d'encore avoir des relations avec les mondes souterrains qui environnent les personnes honnêtes. Et il me répondra, je le soupçonne d'être – ou d'avoir été longtemps – amoureux de Shizaké. Il m'aidera, car je lui ressemble.

Jin' – Soujuu Ryoku. C'est l'homme dont je serais le prochain invité.

Vue que nous ne somme maintenant plus tout seul, je préfère utiliser des termes qui restent assez flous aux yeux de tous. Cela fait détective de série B un peu à la masse. Mais ça reste fonctionnel.

Jin' – Un petit seigneur, en dehors de cette ville. Comme quoi, on n'est pas obligé d'être sur place pour diriger quelque chose d'une main de fer.

Hyuma – Tu veux que je demande à mes nouveaux amis?

Jin' – Exact. Je vais avoir besoin d'informations, par moi même. Mais maintenant qu'on joue carte sur table des deux côtés, autant que ça serve.

Hyuma – Comment on se retrouve?

Jin' – À midi... peut-être pour que tu me présentes tes nouveaux amis. Un endroit calme. À côté des docs, pourquoi pas. Je vous trouverai.

Je finis mon bol, et je le laisse, en mettant quelques pièces sur la table pour payer le petit déjeuner. La recherche d'informations... je ne vois pas trop par qui passer, cette ville, je ne la connais pas. Pour commencer, les journaux, et écouter ce qui se dit notamment sur la découverte du corps. Ils l'ont découvert, je le sais maintenant. Mais peu en parlent. Les journaux parlent d'un crime horrible – règlement de compte? On n'a même quelques soldats qui rôdent à côté de l'endroit où on a trouvé le corps. Des soldats? Pourquoi des soldats? Un enquêteur accompagné, membre du système administratif, je le veux bien. Mais des soldats, de façon aussi rapide? C'est Niko, se matérialisant sur mon épaule, qui me sort de ces questions.

Alors?
Là bas.

Il me désigne un endroit sombre, un interstice de quelques dizaines de centimètres séparant deux édifices. Une ruelle coup gorge qu'on ne soupçonne même pas. Qu'est-ce qu'il y a là bas? Il y a Haga, qui me plaque le long d'un mur.

Haga – On te recherche.

Comment ça on me recherche?

Haga – Tu pensais vraiment qu'on allait pas te repérer avec une tête pareille? Ils savent à quoi tu ressembles, mais peu de gens t'ont vu. Donc ça limite les recherches. Shizaké a du tuer trois témoins... ça aussi, ça a limité les recherches.

Jin' – Qu'est-ce que tu fais là?

Haga – Tu demandes des infos... je viens te les donner.

Il sort une cigarette et s'en allume une avec un briquet à essence. Le plus surprenant, c'est qu'il se permet de m'en proposer un. J'accepte. Après l'avoir allumer, c'est vrai que c'est une bonne alternative à la pipe. Moins long, mais demandant moins de travail à préparer.

Haga – Ryoku est riche, et est con. Il ne s'est pas senti menacé par ta petite mise en scène. Plutôt confiant le gars. D'ailleurs, il a de suite pris des dispositions pour le remplacer.

Jin' – ?

Haga – Disons que quand un poste se libère, les partis voulant profiter de ses avantages sont nombreux, et rentrent dans un sacré jeu d'influence.

D'où les propos tenus par l'Anonyme. Ils vont se servir de moi pour affirmer leur position. Compréhensible.

Jin' – Je vais avancer avec un de ces partis.

Haga – Tu fais chier, Shinjin. On est passé avant toi, et tu vas vite dégommer ce qu'on a mis en place. Tu crois que je les tire d'où mes informations?

Jin' – Dis leur de ployer. Où ils se feront arracher.

Haga – Et en échange, tu n'auras plus d'informations. Ce sont des personnes dignes de confiance.

Jin' – Autant que moi pour eux.

Haga – Tu as la chance d'avoir un ange gardien, la gâche pas. Je dois y aller. Fais quand même attention. Ici, on peut encore agir. Mais si Konoha venait à l'apprendre, on pourrait pas te sortir de ta merde. Et ton clan non plus.

Il disparaît. De la même façon qu'il est arrivé, surement, me laissant un parchemin. Une invitation, de la part de Ryoku. Il est clair qu'une réception sert de prétexte pour recruter un nouveau Reitz. Apparemment, ceux qui briguent le poste vont devoir se trouver un champion. Il ne reste plus qu'à me trouver une couverture. Je souris. Haga aurait sans doute très bien pu m'en donner une, mais il n'a pas aimé trop que je ruine ses précédents efforts. Dommage, c'est là que vont sans doute rentrer les relations de l'Anonyme... en attendant, une nouvelle lubie : les cigarettes. Et changer de tête. Non. Trop suspect. Je ferais ça après avoir quitter la ville. Couleur de cheveux, et style. Pour le moment : cigarette. Il faut que je trouve un tabac qui en vend. Fumer ma vieillira, des cheveux noirs également... je peux prendre quelques années en plus. Par contre, il va falloir que je leur tire des informations sur le moyen choisi par Ryoku de recruter du peuple.

Le tabac acheté, et la matinée finit. Même en laissant traîner des oreilles, je n'ai pas vraiment entendu si l'affaire à avancer d'une quelconque manière ou non. La réponse se trouve aux docs. Par les toits, c'est encore mon dojutsu qui me permet de les repérer, d'éviter les éventuels dérangements, et de vérifier si je ne suis pas suivi. Une légère ombre sortant de mon périmètres de vision me fait penser que Shizaké ne veut ni être repérée par l'ennemi, mais également par moi. Veut-elle que je me sente libre? Il y a une autre possibilité, également : que ce ne soit pas elle. Dans ce cas, c'est quelqu'un de particulièrement compétent, au courant des choses qui se trament dans le monde shinobi. Un danger. Il faut donc que prochainement j'entre en contact avec ma mère pour le lui demander.

Je ne tarde pas identifier quatre personnes en train d'attendre. Dont l'Anonyme, en train de parler à une des trois nouveaux personnages. Ils ne représentent pas une menace directe, et leur réseau de chakra sont encore fermés. Ils n'utilisent pas de chakra. Peut-être une chose que je devrais leur apprendre afin de consolider la stabilité et la force d'une de mes deux équipes. Après quelques minutes à vérifier si d'autres intrus ne risquent pas de nous déranger, il faut enfin que je descende me montrer. Dans leur dos, seul l'Anonyme est susceptible d'observer une arrivée silencieuse.

Hyûma – Voici notre homme.

Les autres se retournent, et s'attendaient visiblement à quelqu'un faisant plus homme à leurs yeux qu'un adolescent, petit, chétif, avec une chevelure aussi décolorée que ses yeux.

Jin – Salut. Appelez-moi White.

Kakubei – Kakubei. C'est donc toi qui réglé son compte à Reitz?

Il s'était présenté. Avait-il donné son vrai nom? Bonne question. Oui... je le pense. De toute façon, si nous étions amenés à évoluer ensemble, lui est connu. Et par conséquent, il m'est plus facile d'apprendre sa véritable identité que lui la mienne. Cependant, il n'avait pas pris les devants en présentant les deux hommes qui l'accompagnent. Des hommes de confiance, sans doute.

Jin' – [color=royalblue]C'est moi. Et l'Anonyme a du vous parler de ma prochaine cible.

Kakubei – Soujuu Ryoku. C'est non seulement un autre échelon de mon monde, mais également de celui de la politique intérieure. Une cible de taille

Hyûma – C'est pas la taille qui compte.

Jin' – C'est pour cela qu'il va falloir un bouc-émissaire.

Kakubei – On en a déjà parlé. avec un signe de tête vers l'Anonyme.

Jin' – Le mieux serait un grand rival de l'un de vos ennemis. Je m'attends à ce que, à ce niveau, d'autres têtes pensantes flairent la supercherie, je propose donc, dans cette éventualité, de vous éloigner le plus possible de la liste des suspects.

Et d'ailleurs, cela permettait de la concurrence, pas forcément directe, et, à long terme, des rivaux dangereux. Car quand beaucoup de monde soupçonne une certaine supercherie, sur l'assassinat de Ryoku, par exemple, et qu'on leur en donne un complot qui correspond à leurs attentes, ils ne vont pas chercher plus loin. Et cela donnera l'occasion de brille à Kakubei.

Kakubei – Il faut donc que je vous introduise chez Soujuu...

Jin' – Oui. Il donne une réception, qui semblerait, soit plus un tournoi pour remplacer Reitz.

Hyûma – Ça a le mérite d'être impartial.

Effectivement. On peut s'attendre que Ryoku, pour remplacer un poste occupé par un de ses fidèles, y place un autre de son clan. Sauf que cette décision est sujette à conflit. Après tout, si Reitz est mort, n'était-ce pas en partie du à son incompétence? Et dans ce cas, il est justifiable de se demander si la personne qui l'avait placée là est à même d'en placer un autre. Les chances que ce second placement soit aussi mauvais que le premier sont assez grandes. Et le commerce générale prévaut sur celui de l'individu, comme on dit. Par contre, cela veut dire que si Ryoku organise un tournoi, je ne l'imagine pas assez idiot pour qu'il n'ait pas envisager sérieusement de la gagner. Il doit donc avoir quelqu'un d'assez fort pour remplacer Reitz. Avec ce moyen impartial, si son homme gagne le tournoi, peu pourront le lui reprocher.

Kakubei – Je vais y aller, et proposer L'Anonyme comme mon combattant.

Jin' – Il va lui falloir de l'entraînement. Non pas que je te trouve mauvais, mais plutôt que j'appréhende le boloss que va nous trouver Ryoku.

Hyûma – Tu pourrais t'en charger.

Jin' – C'est vrai. Ça va être dur, nous n'avons pas énormément de temps.Effectivement... manque de temps. D'autant que si je me suis vraiment fait remarqué, mieux vaut éviter que je fasse de vieux os. Je dois quitter la ville assez rapidement. Mettez vous d'accord pour vous retrouver à l'extérieur, je t'entraînerai sur le chemin. Tiens. Trouve moi ça, et mieux vaut ne pas trop tarder, le temps nous est compté. Comme d'habitude.

Sur ce, après un bref salut de la tête à mes nouveaux camarades, je saute, et sors de leur champs de vision en seulement quelque secondes. Si je me suis fait remarqué, les portes seront sans doute étroitement surveillées. Il faut donc que je passe par le dessus de la muraille. Pfff... des techniques doton auraient pu me permettre de passer en dessous. En plein jour, c'est assez déconseillé. Je me terre, dans un bicoque abandonnée qui ne croule pas uniquement car la muraille de la capitale lui permet de s'appuyer. La méditation m'aide d'ailleurs à récupérer mes dernières ressources de chakra et d'énergie. Une bonne chose. Dès que la pénombre commence à s'installer, entre chien et loup, je sors. La nuit, on a tendance à se sentir moins en sécurité que le jour. Du coup, la psychologie fait en sorte qu'on a un peu plus tendance à donner l'alarme pour tout et n'importe et quoi. Tandis qu'au crépuscule, la sensation de sécurité de la journée et du danger de la nuit rentre en conflit. Si on voit quelque chose, l'homme lamda se demande Pourquoi n'a-t-il pas attendu la nui? C'est cela que je veux exploiter. Et ça marche. J'arrive à passer par le dessus, sur le chemin de ronde, puis à retomber, pour me redissimuler.

? - Bien joué. Mais pas suffisant. Genin? Non, chuunin peut-être.

Une chose que j'aurais du faire : utiliser mon dojutsu plutôt que mes sens. Je me retourne. Un homme, plus grand que moi, en ténue de combat, deux katanas dans le dos. Même s'il ne le montre pas, je sens très bien qu'il est sur ses gardes. Et je sais aussi qu'il est plus puissant que moi. Mon corps m'alerte du danger imminent. Ma conscience ne perd pas le Nord. Je souris.

Jin' – Hector Lee.

Hector – Alors tu me connais?

Oui. Je ne pars pas à l'assaut d'une ville sans me renseigner sur mes ennemis les plus susceptibles de me mettre des bâtons dans les roues. Ce shinobi était attaché à la protection du Daimyo. Protection récemment retirée par Konoha, peu après la nomination de nouvelle Hokage. Ils étaient appelés les cinq, connus, car la Daimyo fait plus souvent la guerre que les shinobis (notamment à des petits seigneurs qui le provoquent), et ces Cinq doivent le protéger. Sur les cinq, il y en a un qui a préféré (on le suppose, car cela n'a pas encore été prouvé) rester fidèle au Daimyo plutôt qu'à la Hokage : Hector Lee. Ce qui fait de lui, par voie de fait, un nuke-nin. J'ai donc entièrement le droit de le tuer. Shizaké a donc entièrement le droit de le tuer.
Un éclair noir. Le chidori silencieux... Ma mère apparaît, comme par magie, masquée, derrière Hector. En moins d'une seconde, elle lui envoie le chidori, puis je vois une lame sortir du torse d'Hector. Ses yeux ne comprennent d'abord pas. Puis il comprend la défaite, et voit sa mort imminente.

Jin' – Crois-tu vraiment qu'un garçon qui se renseignes sur des dangers tels que toi, seulement potentiels, est venu sans envisager un plan pour t'évincer? À partir ou j'ai prononcé ton nom, tu aurais du te méfier.

Il engage une première main sur un katana dans son dos. Shizaké la lui coupe. Malgré cela, c'est une piètre diversion pour tenter d'atteindre son assaillant avec une lame de poignet. Je suis désolé pour lui, mais en plus d'anticiper, je suis rapide. Je n'ai aucun mal à coincer la lame entre mon armure de bras et un kunaï.

Shizaké – en lui murmurant à l'oreille, après avoir mis une main sur sa bouche Meurs en silence.

Et c'en est fini de Hector.

Jin' – C'est toi qui sort de mon dojutsu?

C'est le masque impassible d'ancien oï-nin qui me répond.

Shizaké – Oui. Je m'entraîne à éviter d'être repérer par nos frères. Fais disparaître le cadavre.
Hyûma

Hyûma


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MessageSujet: Re: La mort d'un père   La mort d'un père EmptyMar 24 Juil - 17:54

L’Anonyme soupesa un instant le couteau de lancer, plissa les yeux et, d’un mouvement sec, l’envoya droit sur la cible. Le couteau se planta dans la cloison où il resta à vibrer quelques secondes.
Kakubei lui lança un regard éberlué.

« Tu m’expliques comment tu fais ça ? Demanda le surineur de la pègre.
_ Ben je vise et je lance…
_ Y’a un bon mètre d’écart avec la cible ! Tu ne vas pas me dire que tu ne le fais pas exprès, quand même !
_ Hé ho ! Ch’uis pas un saltimbanque, à la base, moi… »

Grommelant dans sa barbe, Kakubei s’avança jusqu’au mur et arracha le couteau. Autour de la cible tracé à la craie, de nombreux impacts témoignaient de l’inefficacité de l’Anonyme a scotché quelqu’un à dix mètres.

« T’es quand même vachement négatif, se plaignit le voyageur. Au moins, cette fois-ci, il s’est planté dans la cloison. C’est bien la preuve que je m’améliore, non ? »

Ce qui n’était pas faux : depuis qu’ils attendaient tous les deux près de ce petit relais-auberge à proximité de la capitale, la majorité des lancers de l’Anonyme avait eu méchamment tendance à frapper le mur du pommeau. Il était donc indéniable qu’il y avait un mieux. Si on pouvait appeler ça comme ça.

Kakubei revint auprès de son nouveau subordonné en maugréant.

« Je ne sais pas quoi à pensait White en nous demandant d’acheter ça mais j’espère vraiment qu’il n’avait pas en tête de te faire lancer ce machin ! Tu vas estropier un spectateur, y’a pas moyen…
_ Bah, j’avais pas l’intention de le lancer, de toute façon, rétorqua l’Anonyme. Si je le garde en main, je pourrai peut-être toucher plusieurs fois l’adversaire alors que si je le lance…
_ Exact, acquiesça une voix. Tu ne devras le lancer qu’en dernier recours. Même si vu ta prestation, je te déconseille purement et simplement de le tenter, finalement. »

Les deux hommes se retournèrent d’un bloc pour apercevoir un jeune homme, clope au bec, qui les observait avec attention.

« Jolie coupe de cheveux, commenta l’Anonyme en faisant référence à la nouvelle teinture de ‘Jin. On a décidé de se la jouer beau ténébreux ?
_ Y’a de ça… L’avantage d’un couteau de lancé, poursuivit Jin’ en prenant l’arme des mains de Kakubei, c’est que tu peux tout autant l’utiliser au contact qu’au corps à corps. Bien sûr, en raison de l’équilibre et du poids, il est généralement plus fragile qu’un véritable couteau, mais pour juste un tournoi, il tiendra suffisamment le choc. Ainsi, si l’adversaire fait l’erreur de rompre le contact… »

D’un mouvement souple et fluide, le bras du chunin se détendit, propulsant la lame qui s’enfonça au cœur de la cible. Le poids et l’équilibre du couteau étaient suffisamment proches de ceux d’un kunaï pour que le shinobi n’ait guère ressenti de différence.

« Tu l’élimines avant qu’il ait le temps de comprendre, compléta l’adolescent.
_ Frimeur…
_ Si tu es suffisamment rapide pour frapper avant qu’il ne s’éloigne trop, même toi, tu devrais pouvoir y arriver.
_ Bah, dans le pire des cas, si c’est le manche qui touche, ça le déstabilisera quand même… Soupira l’Anonyme sans se faire d’illusion.
_ Bien… Tout est réglé ? Demanda Jin’ à Kakubei.
_ Ouais, mes supérieurs sont au courant et m’ont refilé quelques tuyaux. Ils se tiennent près à profiter de l’opportunité et seront les premiers à nous lyncher si on se plante. On jouera sans filet, rien de neuf sous le soleil…On peut y aller quand tu veux. La résidence de Ryoku est à une bonne journée de marche d’ici. On a deux jours avant le début des festivités, à toi de voir si tu préfères arriver en avance ou juste.
_ Alors allons-y…
_ Un instant, le coupa l’Anonyme. Reste-là, ‘faut que j’aille chercher un truc qui nous sera utile, je crois. Kakubei, ramène-toi.
_ Pourquoi moi ?
_ Parce que t’as le porte-monnaie, c’te question…

Quelques minutes plus tard et le voyageur ressortait du relais avec quelques frusques sous le bras, qu’il lança à Jin’.

« Tiens, prend ça, ça devrait parfaire ton déguisement. » Annonça le voyageur.

Jin’ regarda jeta un coup d’œil : une paire de gettas, un large chapeau conique et un manteau de voyage légèrement trop grand.

« Enfile les gettas et tu gagneras déjà quelques centimètres. Idem avec le chapeau, le cône pointu brouillera l’estimation de quelqu’un qui essayerai d’estimer ta taille. Le manteau est suffisamment long pour que les pans frôlent le sol, il camouflera la combine. Ainsi, si quiconque dispose de ta description et recherche un petit aux cheveux pâles, il ne devrait pas se douter que c’est la grande asperge qui nous accompagne, teinture ou pas. Et pour ne pas te faire griller au niveau de la longueur des bras et de celles des manches, retrousse-les jusqu’au niveau du coude. Les gens n’y verront que du feu.
_ Je ne suis pas petit, je n’ai pas fini ma croissance. Bien vu, observa Jin’. Personne ne doit avoir mon signalement mais deux précautions valent mieux qu’une. Allons-y. Kakubei, je vais avoir besoin de tes connaissances de la région.
_ Pourquoi ?
_ J’aurai besoin d’un endroit à l’abri des regards indiscrets, pas trop loin de notre ami.
_ Ça peut se trouver… »

*
* *

Une paisible journée de marche plus tard et le trio atteignant enfin « un endroit à l’abri des regards indiscrets », à tout juste une heure de marche du manoir de Ryoku. Un petit champ en jachère, entouré de bosquets d’arbres, près d’une petite ferme dont le propriétaire était une connaissance du groupe de Kakubei.

« Alors, tu voulais nous montrer quoi ? Demanda l’Anonyme. Sinon t’aurais pas insisté sur les regards indiscrets…
_ Regardez bien, ça pourrait vous être utile plus tard. » Répondit Jin’ d’un air mystérieux.

Le shinobi s’approcha de l’arbre le plus proche, parvint jusqu’au contact sans ralentir le pas et… se mit à marche sur le tronc, à l’horizontal, sous les yeux éberlués de ses deux compagnons. Sans s’arrêter, Jin’ poursuivit son chemin, jusqu’à se trouver sous la première branche de l’arbre. Il toisa les deux civils du haut de son perchoir, fier de son petit effet.

« Ce que vous voyez là est l’application la plus basique du chakra, expliqua l’adolescent.
_ J’en avais déjà entendu parler, confia Kakubei, mais c’est autre chose de voir ça en vrai. C’est dingue…
_ On a jamais mis en doute tes capacités, commenta l’Anonyme. Et t’es pas du genre m’as-tu-vu… Alors cette démonstration nous amène où ? »

Jin’ se laissa tomber et se réceptionna souplement à genou. Il se releva avant de fixer ses deux compères, un étrange sourire sur les lèvres.

« Si vous le voulez, je peux vous apprendre comment faire, annonça Jin’. Le chakra est particulièrement complexe, une vie n’y suffirait pas pour en maîtriser tout ses aspects. Néanmoins, ce genre de manipulation est facilement accessible. Je pense que ça vous serait profitable à tous les deux de pouvoir la faire. Notamment pour toi, l’Anonyme. Tu n’arriveras probablement pas à marcher sur les murs et les plafonds d’ici demain, mais si tu peux déjà renforcer ton adhérence au sol ou ton emprise sur ton couteau, tu auras déjà un avantage significatif sur tes adversaires.
_ Intéressant… Murmura le voyageur. Tu ne vas pas avoir de soucis pour divulguer comme ça la maîtrise du chakra ? Je croyais que c’était l’apanage des shinobis. Ils ne doivent pas vraiment apprécier que ça sorte de leur cercle, non ?
_ Non, expliqua le chunin. Il y a de nombreux non shinobis qui savent manipuler le chakra. Deux de plus ou de moins, ça ne fera guère de différence. Et puis ce n’est pas le chakra en lui-même qui fait la force des shinobis, mais les techniques qu’ils développent. Et celles-ci sont jalousement conservées, donc ça ne posera pas de problème.
_ Désolé de jouer les rabat-joies, intervint Kakubei, mais j’avais ouïe dire qu’il fallait un enseignement de plusieurs années pour pouvoir faire ce genre de truc. T’espère faire quoi en 24 heures ?
_ Normalement, oui, avoua Jin’. Un aspirant shinobi apprend à dompter le chakra au terme de plusieurs années. Il a de plus l’avantage de baigner dans cette culture depuis sa naissance et côtoyer constamment des spécialistes, ce qui l’aide énormément. Mais il existe un raccourci.
« J’ai la faculté de voir les canaux par lesquels circule le chakra. Et j’ai aussi la capacité de pouvoir agir dessus. Il m’est donc possible d’en forcer l’ouverture, au lieu d’attendre que vous appreniez à les ressentir et les manipuler. Une fois ouvert, il devrait être plus facile pour vous d’appréhender la maîtrise du chakra et d’agir dessus.
_ Si c’est si simple, pourquoi ce n’est pas la méthode usuelle d’apprentissage ? Voulut savoir l’Anonyme.
_ Hé bien… Hésita Jin’. Pour commencer, ma faculté est plutôt rare, donc tout le monde n’en est pas capable. Et ensuite… Si vous n’arrivez pas à agir de vous-même sur les canaux une fois ceux-ci ouvert, il y a quelques risques encourus.
_ C’est dangereux, quoi.
_ Mais non. Je serai là en cas de pépin.
_ Ouais : c’est dangereux.
_ Je n’ai pas l’intention de vous forcer la main, conclut Jin’. C’est à vous de choisir en connaissance de cause, sachant que le résultat n’est pas forcément concluant.
_ Ça me va, décida l’Anonyme. Moi j’essaye.
_ Tsss… Ce n’est pas comme si une telle opportunité risquait de se représenter de si tôt, murmura Kakubei, tendu. Très bien, moi aussi, je prends le risque. Qu’est-ce qu’il faut qu’on fasse ?
_ Approchez-vous et détendez-vous. » Déclara Jin’.

Les deux hommes s’approchèrent de l’adolescent. Ce dernier se concentra, armant du chakra dans ses mains, avant de focaliser son regard sur ses deux ‘disciples’, s’appuyant au maximum sur le pouvoir de son dôjutsu pour visualiser les flux et les nœuds de chakra. Une pour chaque cible, ses mains commencèrent à se balader sur le torse des deux hommes, distillant du chakra en des points précis, favorisant la circulation par ci, ouvrant une porte par là, jusqu’à ce que…

Pour Hyûma, ce fut comme une explosion. Une plutôt une déferlante, comme si un torrent impétueux, rayonnant d’une douce chaleur et pourtant empreint d’un sorte de rugosité, se répandait et se déversait sous sa peau, de sa poitrine jusqu’à la moindre extrémité de son corps. C’était une sensation unique et incomparable, à la fois rassurante et menaçante.

« Tous vos canaux sont ouverts, déclara Jin’. Votre chakra circule et se déverse sans la moindre contrainte ni retenu. Si ce débit perdure trop, vous allez très vite vous épuiser et perdre connaissance, voire pire… Ressentez-le et maîtrisez-le !
_ Pas de mode d’emploi ? Demanda l’Anonyme.
_ Chacun ressent cela de façon différente, confia Jin’. Désolé. C’est à vous de trouvez la clef.
_ Ben tiens, trop facile, sinon… »

L’Anonyme s’assit en tailleur et ferma les yeux. Il pressentait que le chakra faisait parti de ces choses qui appartenait au ressenti et non à la compréhension. Comme ces choses parfois compliqués qu’on pouvait faire très simplement sans y penser et pour lesquels on ne faisait que s’emmêler les pinceaux dès lors qu’on tentait de les décortiquer.
Le voyageur décida que le mieux était encore de suivre sa première impression et de se laisser guider par elle.

Un torrent impétueux. Comme ceux qui coulaient dans ses montagnes natales. Turbulent, tapageur, plein de vigueur et de fracas. Quel en était la version plus contenu ? Un étang ? Non. Intuitivement, l’Anonyme rejeta l’image. Une eau stagnante n’était pas ce qui convenait. Alors quoi ? L’image du fleuve de la capitale lui revint en mémoire. Une puissance contenue, pourtant bien plus calme et majestueuse. Cela conviendrait tout à fait.
Le voyageur se concentra sur ses perceptions, conservant l’image du paisible fleuve en tête. Rien ne se passa pendant un bon moment, et puis, ce fut comme un déclic. Le torrent qui lui parcourait le corps sembla s’adoucir, se ralentir, faiblir. L’Anonyme insista davantage, et l’impression se poursuivit, jusqu’à devenir réalité. Et finalement, le flux sembla devenir imperceptible, comme auparavant. Non. Presque comme auparavant. Le voyageur pouvait toujours le ressentir, en arrière-plan de ses perceptions, toujours présent et prêt à exploser.

L’Anonyme ouvrit les yeux. Jin’ – qui avait suivit et analysé l’évolution des flux de chakra dans le corps du voyageur – lui adressa un hochement de tête approbateur, tout en conservant un œil attentif sur ce qui se passait chez Kakubei, toujours en difficulté.

« Bien joué, commenta le shinobi. On dirait que tu as réussi. Essaye donc de rouvrir les portes par toi-même, maintenant. »

L’Anonyme referma les yeux et fouilla dans ses perceptions jusqu’à retrouver le flux de chakra. Les rouvrir ? Comment… En visualisant une vanne qui s’ouvre ? Non, mieux : un barrage. Puisant dans ses souvenirs, le voyageur revit un accident dont il avait été témoin dans sa jeunesse. Lors de pluies diluviennes, une digue avait céder et les flots avaient jaillit avec force et violence, emportant et submergeant ce qui s’était trouvé à proximité. C’était la même chose qui devait se produire. Le voyageur se concentra sur le processus mental et appliqua le ‘phénomène’ à ce qu’il ressentait. Petit à petit, faiblement, il lui sembla que le flux gagnait en force… Et ce fut soudainement le cas, de nouveau, l’impression d’un torrent turbulent se mit à se répandre dans tout son corps. Mais ce n’était pas pareil. Moins… impétueux.
L’Anonyme réitéra le processus pour bloquer de nouveau son chakra et rouvrit les yeux.

Kakubei se tenait assis dans l’herbe, visiblement épuisé mais souriant. Il avait donc du parvenir à réussir, lui aussi. Jin’ l’observait toujours, un sourire confiant sur les lèvres.

« Tu t’en sors plutôt bien pour un débutant, décida le chunin.
_ Merci, répondit l’Anonyme. La seconde fois que j’ai rouvert les portes… Ce n’était pas pareil. Ça m’a semblé moins puissant. Pourquoi ? »

Jin’ se tapota le crâne de l’index.

« Blocage mental. L’inconscient des gens les empêche d’utiliser trop de chakra de façon dangereuse et dresse des sortes de barrières de protection. Ça ne t’empêchera pas de t’épuiser si tu gaspilles ton chakra à tort et à travers, néanmoins, ça t’évitera de l’utiliser à un niveau nocif pour ton corps. C’est comme ça.
_ Il n’y a pas moyen de contourner ça ?
_ Seulement si tu veux jouer à la roulette russe avec ton corps.
_ Hmmm, oublie ça…
_ Bien, étape numéro une validée. On passe à la deux. » Décida Jin’.

Le chunin se dirigea vers leurs paquetages et en ressortit le papier chakra qu’il leur avait demandé d’acheter.

« On va faire d’une pierre deux coups, expliqua l’adolescent. Je vais vous apprendre à expulser votre chakra, et dans le même temps, on va déterminer votre affinité.
_ Fastoche : jeune, blonde et à forte poitrine, évidemment.
_ Pas ce genre d’affinité, non. L’affinité… l’affinité détermine l’élément que vous pourrez manipuler avec le chakra, dans le cas où vous vous penchiez sur le ninjutsu affinitaire. C’est toujours bon à savoir, même s’il est possible que vous n’en ayez jamais à vous soucier : entre le combat de contact, les illusions et les jutsus non-affinitaires, il y a déjà rudement de quoi faire. Donc je veux que vous preniez le papier dans votre main et que vous y injectiez votre chakra.
_ Injecter le chakra… Aha. … Et le mode d’emploi ?
_ Pifométrie.
_ Evidemment. »

L’Anonyme regarda bêtement l’insignifiant bout de papier, à la recherche d’une idée. Quelque chose lui disait qu’il valait mieux continuer à avancer par analogie, ça resterait le plus simple. Bon. Injecter le chakra. Evidemment, cela demandait de relâcher à nouveau le torrent, mais après ?
Après, on joue au pistolet à eau, décida le voyageur. Une fois le chakra accumulé dans la main, avec un "piston", il devait être possible de propulser du chakra en dehors. Et puisque la feuille se trouvait au bout de la main…

Pour se faciliter la tâche, l’Anonyme tendit la main, doigts repliés et index et majeur tendu pour mimer un pistolet, la feuille de papier coincé entre ses deux doigts tendus. Il relâcha de nouveau un fort flux de chakra et se concentra sur son bras, imaginant un énorme piston au niveau de son avant-bras. Celui-ci avançait, avançait, avançait, lentement mais sûrement en direction des doigts, repoussant et accumulant le chakra dans le "pistolet". Le piston était maintenant au niveau du poignet et continuait à progresser. Le réservoir du pistolet étant plein, le chakra n’avait plus d’autre choix que de sortir.
C’est tout du moins ainsi que l’Anonyme visualisait les choses. Et comme auparavant, l’imagination produisit un déclic dans ses perceptions et "quelque chose" se produisit.

Le voyageur essuya la sueur qui lui coulait devant les yeux et reporta son attention sur le papier. Pour lui, il n’y avait pas véritablement de changement. Mais Jin’ le lui arracha des mains, satisfait et se mit à l’étudier de plus près. Visiblement, le résultat n’était pas des plus nets – probablement en raison de la faible quantité de chakra expulsé – mais il en fallait plus pour gêner le chunin, qui donna son verdict.

« Doton, annonça Jin’.
_ Ah ? Flûte, katon, ça faisait davantage rêver…
_ Y’a pas de mauvaise affinité !
_ Mais y’en a de plus impressionnantes que d’autres.
_ Très bien. Seconde étape, OK. On va laisser Kakubei continuer et je vais te montrer la troisième étape. »

Jin’ retourna auprès de l’arbre et l’Anonyme craignit un moment que la troisième étape soit directement le grimpage sur arbre. Heureusement, il n’en était rien : Jin’ se contenta d’attraper une large feuille et la présenta au voyageur, posée sur sa paume.

« Regarde bien : la troisième étape consiste à manipuler de façon localisée, précise et fine ton chakra. Tu n’y arriveras pas aujourd’hui, mais si tu pratiques régulièrement cet exercice, marcher aux murs voire sur l’eau te sera rapidement accessible. »

Jin’ tourna le poignet, présentant la feuille au sol. Sauf que celle-ci ne tomba pas par terre mais resta accroché à la paume de l’adolescent. Mais ce n’était que le début. Lentement, pour que l’Anonyme voit bien la progression, Jin’ relâcha la pression sur le pourtour de la feuille. Les bords de celle-ci, au niveau des doigts et du poignet, s’affaissèrent dans le vide, mais la feuille resta solidement vissée à la main, au cœur de la paume de l’adolescent. Puis, tout aussi lentement, Jin’ inversa la manipulation. Les bords de la feuille se rattachèrent aux doigts de l’adolescent, puis ce fut au niveau de la paume que le chunin relâcha la pression. La feuille n’adhérait plus qu’au bout des doigts de Jin’.
L’adolescent répéta plusieurs fois l’opération, faisant circuler l’adhérence de chakra de manière concentrique du bord de la feuille et ses doigts jusqu’au cœur et sa paume et inversement.

« Lorsque tu sauras le faire de façon aussi fluide, tu pourras considérer que tu sais très bien manipuler ton chakra. Les possibilités qui en découleront deviendront alors infinies. »

L’Anonyme lâcha un sifflement admiratif, véritablement impressionné. Il attrapa la feuille que lui tendait Jin’, la posa sur sa main et…

« Heu… Et pour faire adhérer la feuille, au départ. On s’y prend comment ? »

Jin’ eut un ironique sourire désolé, qui équivalait à tout un discours.

« Sinon ce ne serait pas drôle, pas vrai ? » Conclut-il.

*
* *

La journée avait passé à une vitesse affolante. L’Anonyme se sentait complètement vidé et crevé comme il ne l’avait jamais été. Et cette foutue feuille n’adhérait pas du tout à sa paume, ce qui n’améliorait pas son humeur.

Néanmoins, Jin’ avait préconisé de s’arrêter là : il fallait qu’il soit en forme pour ce qui l’attendait. Force avait donc été au voyageur de suspendre momentanément son entraînement. Les priorités avant tout.

C’est d’ailleurs sur quoi ce concentrait de nouveau les trois hommes, confortablement installés dans la grange de la petite ferme, où Kakubei faisait un petit topo de la situation à son assassin préféré.

« J’ignore comment se dérouleront les jours qui viennent, mais une chose est sûre : pendant le tournoi, Ryoku va en profiter pour recevoir les principaux prétendants et leurs chefs de file pour discuter de la situation. Ça va être l’habituel jeu d’influences, de menaces et de compromis pour dégager une sorte de consensus. Ainsi, quand la réunion pour le choix du successeur de Reitz aura lieu, les dés seront déjà joués. Il est impératif d’avoir agis avant. L’avantage, c’est que cela va prendre deux-trois jours, ce qui te laisse au moins deux façons d’agir : le supprimer de nuit ou bien entre les différentes visites, quand il réfléchira seul à la situation. Ça, ce sont pour les opportunités. Bien sûr, si d’autres se présentent et que tu souhaites tenter ta chance, n’hésites pas. Mais hors de son bureau, il est probable que les gardes du corps de Ryoku assurent une garde serrée.
_ Je vois, acquiesça Jin’. Et pour le bouc émissaire ?
_ Ganjuro ou ses proches, annonça Kakubei. C’est de notoriété publique qu’ils sont en bisbille avec Ryoku. Ils prennent de nombreuses libertés avec ses ordres et n’en sont pas à leur premier affront. Et surtout, personne ne les aime : ils ont atteint leur position en faisant des crasses à tout le monde et sont les rois de l’entourloupe, avec un goût prononcé pour la violence.
_ Lors de la panique et de la fébrilité qui suivront la mort de Ryoku, alors que tout le monde se soupçonnera les uns les autres, les anciennes rancœurs se cristalliseront, expliqua l’Anonyme. Tout le monde se souviendra de toutes les sales histoires que traînent Ganjuro et les siens. Il suffira de peu pour les convaincre de leur culpabilité. C’est là qu’il nous faut des indices pour une piste bien propre. L’idéal serait de pouvoir laisser quelques cheveux, un bouton de chemise ou de manchette ayant roulé sous un meuble, quelques petites choses dans ce goût-là. Rien de trop évident : si on retrouvait l’arme du crime maculé de sang dans leurs quartiers, ça ne ferait pas crédible. On pourrait peut-être s’en sortir sur le moment, mais après coup, ça soulèverait les soupçons. Quelques traces discrètes, c’est plus vraisemblables. Même chose, il faudra qu’au moins l’un des leurs n’ait pas d’alibi lors du meurtre, sinon ça ne tiendra pas la route. Mais là-dessus, Kakubei et moi pouvons nous en charger : tu nous dis qui et on se débrouille pour qu’il aille à l’écart le tant que. Dans le pire des cas, on le garde avec nous et on soumettra une version des faits différente pour torpiller son alibi.
_ Ça ne devrait pas poser trop de problèmes, jugea le chunin en réfléchissant.
_ Autre chose, reprit Kakubei, il faudrait que nous soyons au courant des indices et de leurs emplacements avant que le meurtre ne soit découvert. Si moi et les miens pouvons établir la culpabilité de Ganjuro de A à Z, cela renforcera considérablement notre position. Le pire des cas serait de se faire souffler cette opportunité par quelqu’un d’autre qui trouverait les indices avant nous.
_ Entendu, déclara Jin’. Je garde tout ça en tête et je réfléchis à un plan. »
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