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| | Sujet: La fille des brumes Jeu 16 Fév - 21:04 | |
| Haiko croisait et décroisait les jambes, pianotant de manière régulière du bout de l’ongle sur la table en bois, son œil passant tour à tour de l’horloge à la porte toujours close.
Elle n’aimait pas qu’on la fasse attendre inutilement, surtout lorsque l’on était pas en position dominante. La pièce où on l’avait gentiment priée d’attendre le retour du maître des lieux était charmante. Très bien éclairée, le soleil y entrait par deux des façades et même la porte coulissante, qui ouvrait sur le jardin, était baignée du doux soleil du pays du thé. Haiko n’ignorait pas les raisons pour lesquelles les invités patientaient ici : ce salon avait été aménagé avec un goût raffiné et riche sans être ostentatoire, juste assez pour faire sentir que l’on avait affaire à un homme aisé. Les buffets lustrés, les armoires vieilles de plusieurs siècles impeccablement tenues, le parquet sur lequel les pieds déchaussés d’haiko glissaient comme sur du papier de qualité, jusqu’aux peintures et décorations qui ornaient respectueusement les murs et le plafond, tout avait été étudié en ce but. Haiko, sans être impressionnée, respectait beaucoup le goût de son hôte.
Elle respectait moins son manque flagrant de ponctualité.
Daigaku et ayame shohuhi étaient un couple qui fleurait bon le succès. Ils avaient tous les deux vingt quatre ans et s’étaient mariés très jeunes, aux alentours de seize ans et la cérémonie avait été un grand événement dans le pays du thé. Haiko présumait que c’était d’une part parce qu’ils étaient magnifiques, vraiment, ils possédaient un charisme naturel qui promettait beaucoup (l’une des raisons pour lesquelles haiko avait accepté de traiter avec eux, mais pas la seule). Daigaku était un grand homme bien fait de sa personne, personne qu’il entretenait avec une nonchalance experte qui témoignait de nombreuses années de pratique, le teint clair et le regard perçant. Haiko l’avait rencontrée bien souvent et encore aujourd’hui, elle aurait eu du mal à établir clairement la couleur de ses yeux. C’était un regard très fort, un regard de démon. Haiko se prit à imaginer comment il faisait l’amour à sa femme. Il devait la prendre par derrière, la main crispée sur ses cheveux pour lui relever le visage. L’autre main… tour à tour pressée sur son épaule et lui caressant les flancs, peut-être parfois lui saisissant un sein pour sentir ses doigts se refermer sur sa ferme surface, pour en éprouver la force ou pour sentir la puissance du désir d’ayame. Ayame était un délice. Ses longs cheveux noirs étaient toujours admirablement coiffés en arrière pour dégager les traits de son joli minois et rehausser subtilement le noir de son regard. Elle avait des lèvres naturellement rouges, petites mais pleines qui appelaient immanquablement les baisers et autres caresses sensuelles. Non, ayame était définitivement bien faite de sa personne et cela (racontait-on) depuis qu’elle était toute jeune. On spécula longtemps dans sa famille sur l’homme qui gagnerait son cœur et ses fesses, et ce fut finalement Daigaku qui mit un terme à cet insoutenable et admirable conte de fée.
Ayame présentait tous les traits de l’intriguante, celle qui sait quand sourire, quand bouder, quand écarter les cuisses et quand utiliser sa bouche, de toutes les façons possibles et imaginables. La rumeur selon laquelle elle était enceinte faisait le bonheur des discussions de vieilles femmes. Haiko avait longtemps cru que c’était sa famille qui avançait les pions, mais en réalité, après l’avoir rencontrée une première fois, la femme sut que c’était elle qui avait tout mis en place. Non pas que Daigaku fut dupe, bien sûr. Une chose qu’on ne pouvait pas retirer au conte de fée, c’est que ces deux-là s’étaient vraiment rencontrés. Ils appartenaient à la même espèce, des ambitieux, des intéressés. Des gens faciles à manipuler, mais à qui il fallait toujours prendre garde à les laisser croire qu’ils avaient l’initiative. Haiko n’était pas impressionnée. Ce n’était pas la première fois qu’elle traitait avec ce genre là. Rien que le fait de la laisser attendre ici, c’était une manière de lui dire qu’ils étaient ici chez eux et qu’ils étaient les maîtres. Haiko était bonne au point de leur abandonner cette illusion. Ils s’imaginaient très haut dans quelques années. A peu près à la place du daimyo, même si pour l’heure, les gens qui avaient vent de cette possibilité se comptaient sur les doigts d’une main. Haiko était ici aujourd’hui pour leur assurer ce succès, afin d’assurer ses propres succès dans les années à venir et cela valait bien quelques (longues) minutes d’attente inutile.
Haiko avait entendu parler d’eux trois ans auparavant. C’était bien après leur somptueux mariage, mais ils venaient de s’établir dans une toute nouvelle propriété absolument magnifique (celle là même où la femme patientait aujourd’hui), achetée à prix d’or par Daigaku sur un terrain extrêmement concurrentiel, tout près de la mer que l’on pouvait observer depuis les balcons des chambres. Haiko avait eu la chance d’en profiter ayant séjourné ici plusieurs fois depuis ce temps. C’était une époque un peu remuante. Haiko avait fait la rencontre de Yuma, la superbe yuma… et les deux femmes s’étaient associées autour d’un projet commun. Cela faisait plusieurs années qu’elle avait quitté kiri et son univers étroit pour se lancer dans des activités beaucoup plus rémunératrices, dont l’illégalité ne souffrait pas d’énormément de contrôles. Haiko ne fut que très rarement ennuyée et ce, depuis son départ du village, qui préférait s’activer auprès d’autres priorités. Haiko leur en savait gré, cela lui avait épargné de nombreux conflits usants qui auraient pu, à la longue, lui coûter la vie à elle ou à yuma par voie de conséquence et c’eut été extrêmement dommageable. Mais à ce moment, trois ans plus tôt, c’était justement l’une de ces périodes de turbulences. Une équipe de kiri avait, presque par hasard, infiltré l’un de ses réseaux de contrebande. Haiko dû malheureusement couper le membre infecté pour éviter qu’il ne contamine toute la structure. Elle abandonna ses hommes et s’arrangea pour que l’équipe de kiri pense avoir démantelé l’ensemble du réseau, là où elle n’avait finalement infiltré qu’une succursale. Néanmoins, cela eut des répercussions réelles sur le montant de l’argent perçu au pire moment, car Haiko avait injecté énormément de ressources pour diversifier ses activités. Sans être ruinée (surtout que la femme savait que cela lui rapporterait gros d’ici quelques semaines), Haiko avait besoin immédiatement d’argent pour éviter que sa structure ne prenne l’eau. S’il y a une chose sur laquelle les contrebandiers ne transigent pas, c’est l’argent et cela, même avec un joli sourire ou un poignard dans la main. La confiance, même à sens unique, était absolument nécessaire à son projet.
Ainsi Haiko se retrouva auprès du couple du pays du thé nouvellement installé, se renseignant sur leur merveilleuse histoire à l’eau de rose fanée, qui sentait les intérêts privés et le travail de façade. La femme ne s’était pas trompée sur ce point. Ayame et Daigaku étaient un couple dont la perfection même avait été construite et pensée, avec brio il fallait bien le reconnaître, mais leurs sentiments étaient tournés ailleurs que sur leur personne. C’était exactement le genre de personnes que Haiko avait besoin de rencontrer à ce moment de sa vie (si l’on exceptait Yuma, qui était l’autre genre de personne dont elle avait besoin, mais pour d’autres raisons encore). Dire qu’ils furent intéressés par ses propositions était un euphémisme. Haiko pouvait deviner l’érection de Daigaku rien qu’au son de sa voix et à cet instant, elle sentit qu’ils lui mangeraient dans la main comme les jeunes poussins qu’ils étaient. Ils n’avaient rien à perdre, tout à gagner, du moins ce fut ainsi qu’haiko leur présenta les choses et ils marchèrent, ho oui ils marchèrent dedans comme de petits soldats de plomb. Daigaku lui avança une somme très considérable qui relança complètement Haiko et lui permit d’achever des projets largement en avance sur le planning qu’elle avait décidé avec yuma (qui avait, dès leur rencontre, rejoint le cercle des décideuses, cercle dont Haiko était jusqu’alors la seule participante). Elle remboursa sa dette auprès du couple shohuhi avec les intérêts (indécents, mais risibles comparés aux revenus réels d’haiko) et assura que leur collaboration ne faisait que commencer. Pendant trois ans, elle s’accorda toujours quelques instants pour caresser le couple dans le sens du poil, lui faire un petit cadeau en leur ôtant une vilaine écharde du pied, empochant des sommes conséquentes au passage et s’attirant leur adoration (de façade aussi, Haiko ne se faisait pas d’illusions sur ces arrivistes).
Puis quelques mois plus tôt, les shohuhi demandèrent à Haiko et Yuma de venir les retrouver dans leur résidence. Ils expliquèrent leur problème. Depuis des années, ils s’arrangeaient pour faire prospérer leurs affaires, en s’appuyant sur leur excellente réputation, leur charme et leur réseau qui commençait à s’étoffer (haiko n’y était pas étrangère, mais cela servait complètement ses intérêts à long terme). Mais ils n’étaient pas les seuls. Une autre famille du pays du thé, riche et influente, Izo et Kirin gatari, envisageaient de démarcher une cité du pays de la vallée, Toke. Celle-ci commençait à peser économiquement parlant et représentait une source de revenue énorme pour l’avenir. Les gatari et les shohuhi entretenaient des rapports cordiaux, mais devant les impératifs économiques, Daigaku estimait que perdre la main sur cette affaire serait extrêmement préjudiciable.
Haiko s’enquit de la situation réelle. Izo gatari ignorait les velléités commerciales des Shohuhi, ce qui évitait que le lien entre eux et le tragique incident qui s’apprêtait à tomber sur les gatari ne soit établi. Daigaku et ayame ne désiraient pas avoir à marchander les décrets commerciaux avec les gatari, à s’asseoir sur une partie du butin, d’autant plus que rien n’indiquait que les gatari accepteraient de faire machine arrière alors qu’ils avaient un boulevard devant eux. Izo était célèbre pour sa poigne dans les affaires et Daigaku était encore tendre à ce niveau, même s’il ne manquait pas d’ingéniosité. L’affaire fut donc conclue : lorsque l’heure sonnerait, Yuma irait en personne disposer du riche couple du pays du thé. Haiko serra les dents sans s’en apercevoir. Elle aurait dû veiller aux côtés de yuma, ne pas la laisser isolée dans pareille situation. L’assassinat avait eu lieu, Izo et kirin étaient bien morts, mais Yuma avait été blessée dans l’opération et sa fuite avait été désordonnée. Pourquoi ne l’avait-elle pas contactée plus tôt ? Pourquoi se contenter des ressources dont elle disposait ? Haiko secoua la tête, les yeux baissés sur le parquet luisant, traçant du bout d’un orteil de petits cercles autour d’un motif incrusté. Yuma était fière et elle ne voulait jamais apparaître diminuée devant Haiko… elle voulait préserver cette illusion selon laquelle la vie était facile pour elles, mais Haiko avait trop d’expérience à ce jeu. Yuma était plus jeune, plus impulsive malgré son professionnalisme et malheureusement, elle n’avait pas pris aussitôt les mesures qui s’imposaient.
Haiko releva brusquement la tête, tirée de ses rêveries. L’une des servantes du couple approchait, on voyait sa silhouette se dessiner à travers la cloison du mur de papier. Elle fit coulisser la porte et s’inclina profondément de tout le buste. Une piètre consolation pour une telle attente.
Servante – Mes maîtres vous prient de les excuser pour leur retard.
Haiko – Ils peuvent.
Le ton tranchant de la femme fit bégayer la servante.
Servante – Ils, heu… arrivent heu… à l’instant. Je vous invite à passer à table.
Elle désigna du bras la table basse au sol où le couple avait l’habitude de la recevoir. Haiko se leva et s’installa sur un petit tapis replié sur lui-même, les genoux posés dessus et les mains sur les cuisses. La servante s’évanouit, sans doute pour aller chercher une collation comme à son habitude mais ce fut le couple qui se présenta à elle. Daigaku, rayonnant dans un ample costume cérémoniel d’apparat, de cette intense couleur violette qu’il affectionnait tant, ouvrit en grand ses bras lorsqu’il avisa Haiko. Cette dernière ne daigna pas lui adresser le moindre signe de tête et se contenta de le dévisager froidement. Son regard se baissa sur la silhouette plus petite d’ayame, elle aussi en kimono, mais d’un jaune mimosa qui lui allait à ravir. Elle délaça ses sandales et les déposa sagement contre le mur, avant de s’incliner devant haiko, les mains jointes sur son ventre.
Daigaku – Je suis heureux de te voir en bonne santé, Haiko.
Haiko – Tu as pris ton temps pour t’en assurer.
Daigaku parut un peu interloqué de son ton, des mots choisis et du tutoiement agressif. Il manquait encore d’expérience. Il ne sera jamais bon à rien en politique s’il n’était pas capable de dissimuler son embarras. Mais il apprenait vite, aussi dissipa-t-il sa gêne en un sourire radieux et une élégante révérence.
Daigaku – J’en suis profondément et sincèrement navré et je te prie de m’en excuser. Des représentants de la famille Ehishi nous ont tenu la jambe pendant un temps infini, j’ai cru dépérir, n’est-ce pas ayame ?
La jeune femme imita la posture d’haiko, reposant ses fesses sur ses talons. Elle souriait agréablement.
Ayame – Il était délicat de maintenir les yeux ouverts devant pareil discours. Voir un visage amical est une bénédiction en ce début de soirée.
La servante revint disposer des coupelles en porcelaine blanche devant chacun des convives, un panier de fruit, une assiette de gâteaux confectionnés le matin même et deux théières pour deux saveurs différentes. Au moins les shohuhi n’avaient-ils pas perdu leur sens de l’hospitalité, si tant est que pénétrer un repaire de serpent avec de jolis nœuds autour du cou puisse être nommé ainsi. Haiko jugea avoir suffisamment fait montre de son mécontentement et consentit à sourire brièvement et dissiper le malaise d’un signe de tête.
Daigaku – Je te présente toutes mes condoléances pour Yuma. Je sais qu’elle t’était chère et je regretterai sincèrement sa présence, c’était une femme admirable.
Haiko le remercia poliment. Non seulement il ne savait absolument pas à quel point Yuma lui était chère, mais en plus il s’en moquait éperdument du moment que cela n’entravait pas leurs affaires. Haiko pouvait le comprendre, elle ne requérait pas de lui qu’il partage ses sentiments ou même qu’il essaye de les saisir. Mais s’il pouvait avoir la décence de fermer sa gueule, pensa Haiko, le monde n’en tournerait pas moins bien. Ayame eut l’élégance de ne rien dire. Elle s’en moquait aussi, à ses yeux yuma n’était jamais qu’un outil bien employé qui avait cassé à l’usage et qu’il faudrait songer à remplacer. Ils n’avaient pas eu le temps de redouter complètement yuma, ils ne s’étaient rencontrés que quelques fois, mais Haiko tenait pour sûr qu’ils ne commettaient pas cette erreur d’appréciation avec elle. Ils avaient peur d’elle. Ils avaient raison.
Daigaku – Cette équipe de kiri présente-t-elle un danger ?
Haiko – Oui. Un grand danger, pour être honnête avec vous.
Daigaku fut à nouveau un peu déconcerté par sa franchise, davantage habitué à ce qu’on lui arrondisse les angles. Mais la vérité c’était qu’haiko ne pouvait pas garantir complètement sa propre sécurité. Alors celles de deux empaffés du pays du thé, elle n’y songeait pas vraiment et cela, il fallait qu’ils en prennent conscience.
Haiko – Ils ont tué yuma, mais ils ont aussi massacré les mercenaires que nous avions engagé, les yujas du pays de la terre. Ce n’est pas très grave pour ces derniers car ils sont facilement remplaçables mais il est possible qu’ils détiennent des informations ennuyeuses.
Ayame – Que comptes-tu faire ?
C’était quelque chose qu’elle appréciait chez Ayame. Dans certaines familles du pays du thé, c’était généralement un seul membre du couple qui s’occupait de traiter les affaires professionnelles. Le plus fréquemment, c’était celui qui avait le plus d’argent en jeu. Ayame avait une dot infiniment inférieure à daigaku, mais elle discutait quand même des activités commerciales d’égale à égale et il s’agissait là d’une force de caractère qu’on ne pouvait lui ôter.
Haiko – Les tuer, de toute évidence. Vous n’avez rien à craindre. Rien ne me lie à vous. L’adversaire est coriace, il est raisonnable d’envisager tous les scénarios possibles.
Coriace… ils auraient pu tomber sur une équipe de routine du village. C’aurait déjà été pénible. Haiko n’aimait pas particulièrement tuer d’anciens collègues, non pas qu’elle ait des affinités particulières avec beaucoup d’entre eux (encore qu’elle ne les haïssait pas), mais ce n’était pas dans ses pratiques courantes. Elle préférait éviter de croiser leurs chemins afin que chacun puisse le continuer en paix. Si elle avait détourné beaucoup d’argent, intimidé de près ou de loin quantité de marchands, commerciaux et autres, Haiko ne s’en était jamais pris à kiri. Les affaires de contrebande qu’elle menait et son rapprochement avec les pirates n’avait que peu à voir avec le pays de l’eau au final. Mais malgré tout, cela demeurait de la responsabilité du village. A la place, ils avaient écopé de l’une des équipes les plus performantes du village, la flamme jaune. Haiko connaissait leur histoire par cœur, tous les kiréens la connaissaient. Elle était déjà à kiri à l’époque de kade et peut-être même que dans son enfance, elle avait croisé Darucha, mais cela elle n’en aurait pas juré. C’était quelque chose tout de même. L’équipe d’aujourd’hui lui était inconnue, du moins, elle ne connaissait pas ses membres personnellement mais elle en savait assez pour déduire qu’ils étaient trop forts pour elle s’ils lui tombaient tous dessus, indiscutablement. Cela ne l’arrangeait pas.
Ayame – Comment peux-tu procéder ?
Haiko – Je ne vais pas vous assommer avec les détails. Le fait est que je pense qu’ils ont les moyens de me retrouver et qu’ils les mettront en œuvre, tout simplement. Je pourrais disparaître, mais je n’ai pas déserté pour vivre traquée comme une biche. Je les affronterai à ma façon, je voulais juste que vous sachiez que, si je venais à perdre la vie à mon tour, vous serez préservé et j’ai pris des dispositions dans un tel scénario.
Daigaku peina à dissimuler son intérêt. Haiko préféra lui couper l’herbe sous le pied, attrapant du même coup une grappe de raisin.
Haiko – Vous en serez informés si je mourrais et dans ce cas uniquement. Car autrement, nous reprendrons nos affaires comme c’était supposé être le cas. Où en êtes vous ?
Elle logea deux raisins dans sa bouche et en apprécia toute la saveur. Il n’y avait pas à dire, les jardins des shohuhi étaient exceptionnels. A chaque fois qu’haiko venait, elle avait droit à une coupe de fruit tous plus succulents les uns que les autres directement sur la table basse de sa chambre.
Daigaku – Nous gagnons des soutiens chaque mois. Comme tu le pensais, ce sont les gens qui nous poussent dans cette direction à présent, sans que l’on ait quoi que ce soit à faire.
Haiko lui rendit son sourire. Quel dommage que la flamme jaune vienne fourrer son nez dans ses affaires. Tout était sur le point de prendre forme. Elle aurait tellement, tellement aimé que yuma soit là pour contempler leur réussite, à ses côtés. Mais ce n’était plus possible désormais, si Haiko devait savourer quelque chose un jour, ce serait toute seule avec un verre de vin à la main… Daigaku et Ayama avaient toutes les qualités requises pour devenir, dans une poignée d’années, les dirigeants acclamés du pays du thé, la famille dominante. Avec le contrat qu’ils s’apprêtaient à négocier au pays de la vallée, un contrat qui achèverait de les propulser en tête des plus grosses fortunes du pays (et c’était peu dire), leur renommée sera instoppable. Une fois en place, le réseau de contrebande déjà rôdé d’haiko aurait eu quartier libre sur des côtés très proches, celles de la vallée et celles du thé pour commencer à s’implanter sérieusement sur le continent principal. Quelle richesse tapie là, à ses pieds et pourtant encore hors d’atteinte…
Ayame – Nous envisageons de faire un enfant pour accroitre notre popularité. C’est une question qui revient beaucoup. Cela fait huit ans que nous sommes ensembles, Daigaku et moi…
Haiko – C’est encore trop tôt. Vous ferez un enfant si vous voyez votre réputation stagner ou l’intérêt des gens se détourner de trop. Ce qu’ils aiment, c’est votre jeunesse, votre richesse et votre beauté. Un enfant, c’est un signal différent. Laissez les gens parler, cela vous sert.
Ayame acquiesça. Elle paraissait curieusement soulagée de ne pas avoir à porter l’enfant de son époux. Sans doute ne voulait-elle pas voir ses jolies courbes s’arrondir et se déformer. C’était compréhensible, quand on les avait si harmonieuses.
Daigaku – Très bien. Très bien… je vais malheureusement devoir m’absenter ce soir. Les Kokoro m’ont invité à dîner ce soir et j’y passerai la nuit par politesse. Tu es notre invitée, bien sûr, Haiko. Ne serait-ce que pour nous faire pardonner cet injustifiable retard.
Haiko posa tour à tour son regard sur l’époux et la femme, songeant à décliner l’offre pour s’atteler d’ores et déjà à sa préoccupation principale : la flamme jaune. Mais après tout, rien ne pressait. Ils ne viendraient certainement pas l’égorger cette nuit et s’ils le faisaient, hé bien, cela réduirait ses problèmes d’un seul coup. Elle acquiesça élégamment la tête.
Haiko – Avec plaisir.
Daigaku se leva et s’inclina avec respect devant Haiko, qui se leva à son tour pour lui rendre la pareille. Il échangea quelques mots avec sa femme qui lui souhaita un bon séjour et d’excuser son absence, Daigaku renouvela ses vœux à Haiko et quitta la pièce en laissant la porte coulissante ouverte derrière lui. Ayame se leva à son tour, respirant un grand coup. Le soleil couchant jouait sur la teinte de son kimono, lui conférant la couleur d’une clémentine appétissante.
Ayame – Je vais te conduire à ta chambre et commander un service, si tu désires le prendre en ma compagnie.
Haiko – Bien sur ayame.
Les deux femmes remontèrent côte à côte l’allée qui bordait la cour intérieure du domaine. Le jardin proprement dit était derrière et s’étendait sur plusieurs centaines d’hectares, même si seule une partie était cultivée. Il régnait une atmosphère paisible, comme si la résidence s’apprêtait à dormir alors qu’il était encore tôt. Haiko aurait bien aimé vivre dans une demeure pareille, bien qu’elle l’eu peut-être trouvé trop vaste pour elle, même avec yuma à ses côtés. Elle n’aimait pas non plus les domestiques, peut-être était-ce un héritage de son passé à kiri, mais l’idée de se faire servir lui faisait horreur. Elle le tolérait quand elle était invitée, mais toute une vie… avoir quelqu’un pour lui préparer ses repas (et y mettre n’importe quoi), pour lui laver le corps, pour changer ses draps, nettoyer ce qui n’avait pas besoin de l’être… non. Ce n’avait jamais été son idéal de vie et cela fit sourire Haiko. A quoi bon accumuler autant d’argent si ce n’était pas pour se rendre la vie plus facile ? Pour tellement, tellement d’autres choses plus importantes…
En passant, Ayame demanda à un serviteur d’apporter de quoi dîner légèrement dans la chambre des invités. Haiko héritait systématiquement de la plus belle des chambres, meilleure même à son gout que la chambre nuptiale. On y voyait la mer en plein, et cela évoquait immanquablement les heures agréables passées à son pays. La résidence était gigantesque mais Haiko reconnaissait malgré tout les lieux aisément, même si elle n’était pas non plus venue si souvent que ça, peut-être était-ce là aussi un héritage de ce qu’elle avait été. Malgré tout, cette attention aux petits détails n’avait pu lui épargner sa pénible situation présente. A trop s’en remettre à des andouilles pour faire un travail de professionnels, on en arriver à pareille catastrophe. Elle ignorait ce qui avait attiré l’œil de kiri en premier lieu, mais ce n’était certainement pas dû au hasard.
Les femmes remontèrent une volée d’escaliers d’un blanc si étincelant qu’il en était agressif et arrivèrent enfin à l’aile des chambres d’invités. Ayame lui ouvrit elle-même la porte et l’invita à entrer en souriant. La pièce était semblable à ses souvenirs, aussi vaste qu’un appartement de bonne taille, richement orné pour satisfaire à peu près n’importe quel goût (bien que de manière un peu impersonnelle), avec un magnifique double lit qui tronait fièrement bien en face de la porte. Haiko retira ses sandales et les mit à côté de la porte, profitant du moelleux de l’épaisse moquette sous ses pieds. Ayame l’imita et les femmes s’installèrent sur le lit. Haiko attrapa une nouvelle grappe de raisin et entreprit de la déguster tout en conversant avec ayame. La jeune femme avait de l’esprit, haiko l’avait toujours vu. Il était indiscutable qu’elle irait loin, et pas seulement grâce à son époux malgré sa richesse et ses bonnes dispositions. C’était une femme fine et capable mais aussi dure que la pierre en dessous. Quand Daigaku et elle leur exposèrent, à haiko et yuma, le problème posé par izo et sa femme, ses yeux appelaient sans l’ombre d’un doute à la mort du couple adverse et seule la courtoisie l’empêcha de formuler la phrase à voix haute. Yuma lui avait retiré gentiment cette épine du pied.
Le serviteur revint avec des plats froids qu’ils disposa sur une table basse qu’il rapprocha du lit. Il ouvrit la fenêtre à la demande d’ayame, s’inclina et laissa les femmes en refermant la porte derrière lui. Il y avait des tranches de poisson froid, du saumon et du thon à en juger par la couleur, du concombre frais, du riz encore fumant et parfumé, six énormes pêches et toutes sortes de boissons, chaudes et fraiches. Les deux femmes discutèrent agréablement tout en dînant, tandis que le soleil disparaissait derrière l’océan. Cette vision n’avait jamais manqué de touché Haiko, même si déjà de chez elle, elle pouvait en profiter.
Haiko – Tu avais l’air soulagée à l’idée de ne pas porter l’enfant de Daigaku.
La jeune femme sourit, déglutissant un petit morceau de concombre et essuyant ses petites lèvres rouges avant de répondre.
Ayame – C’est vrai. Je n’ai aucune envie de tomber enceinte. J’y veille soigneusement, mais Daibaku commence à caresser cette idée.
Haiko – Ce ne doit pas être la seule chose qu’il caresse.
Le sourire d’ayame se renouvela, plus largement cette fois.
Ayame – Non heureusement. Mais je préfère attendre d’être mieux installée politiquement avant de lui donner un enfant. Cela me parait plus sage.
Haiko ne pouvait qu’être d’accord. Elle avait cessé de manger depuis un moment, couchée sur le flanc, la tête contre la paume de sa main. Ayame avait replié ses jambes sur le lit, ses genoux jaillissants de sous son kimono avec ostentation. Elle s’était également désintéressée de son repas pour observer le crépuscule au dehors, alors que les serviteurs devaient allumer les lanternes pour la nuit, comme à leur habitude. La résidence de nuit était au moins aussi somptueuse que de jour, avec une ambiance différente, Haiko avait eu tout loisir de s’en assurer. Elle se redressa et posa sa main sur l’un des genoux d’ayame, dessinant du bout du doigt le contour de celui-ci. Ayame sourit sans essayer de se dégager, appuyée sur ses coudes contre le lit. Haiko se rapprocha doucement sans la quitter ni des yeux, ni du genou, jusqu’à ce que son visage se trouve très près de celui de la jeune mariée. Sa main remonta lentement le long de sa cuisse, passant sous les plis du kimono jusqu’à effleurer son sexe. Haiko le caressa de haut en bas du bout des doigts. Elle devinait la simple bande de poil au-dessus de son pubis, une mince ornementation qui apparaissait presque comme un étalage de superficialité. Mais ce n’était pas grave, Haiko ne détestait pas la superficialité. Ayame ne décrochait pas son regard, la bouche entrouverte, le rythme de son cœur plus élevé, pas complètement surprise. Haiko glissa un doigt dans son sexe, appuyant légèrement avec son pouce dessus pour lui arracher un petit soupir incontrôlé. Elle était chaude, humide et large, si bien qu’haiko enfonça doucement un second doigt, grattant les parois striée sous son ongle avec une tendresse experte.
Haiko – Ta chatte est trempée.
Ayame eut un petit sourire mais si elle fut choquée par son langage, elle n’en montra rien. Haiko poursuivit ses caresses, appréciant les jambes de la jeune femme qui s’écartaient un peu plus inconsciemment, tandis que son pouce exerçait de petits cercles complets là où la bande de poils s’achevait. Les souffles inaudibles de la mariée venaient lui exciter la joue. Haiko retira sans prévenir ses doigts pour les porter aux lèvres d’ayame, les lui ouvrant un peu plus largement. La langue de la jeune femme hésita un instant avant d’aller à la rencontre de ses doigts, goûtant à sa sécrétion sans déplaisir tout d’abord, puis avec insistance à mesure qu’elle allait chercher loin les doigts qui lui étaient présentés. Haiko retira sa main de la bouche d’ayame afin de lui rapprocher le visage du sien, ses propres lèvres s’appliquant sur la bouche rouge et séduisante de la jeune femme, leurs langues jouant à se chercher une seconde avant de tourner l’une contre l’autre, dans un sens puis dans l’autre. Haiko posa sa main sur la poitrine d’ayame et la repoussa contre les draps soyeux.
Elle se laissa faire. |
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| Sujet: Re: La fille des brumes Dim 19 Fév - 20:18 | |
| Yuma se passait minutieusement du vernis sur les ongles de ses orteils, une main pour immobiliser le pied, l’autre répandant de fines couches précises de cet intense vernis rouge sans jamais dépasser. C’était celui qu’haiko préférait, très voyant et provocateur, le genre de rouge qui rappelait davantage le goût sucré des grenades plutôt que celui, plus terne, du sang. De manière inexplicable, rien que le fait de l’apercevoir au bout de doigts de yuma ou sur ses orteils suffisait à la faire frissonner. Elle venait juste de sortir de la douche, ses longs cheveux étalés sur son peignoir blanc étaient encore humides et gouttaient de manière régulière par terre, sans que la jeune femme n’y prête attention. Haiko la contemplait depuis le lit, toujours couchée sur le ventre, le menton sur ses mains jointes et les jambes battant l’air immobile. Haiko ne l’avait pas rejointe sous l’eau, elle n’était pas pressée de se débarrasser de son parfum sur sa peau, malheureusement yuma allait devoir la quitter pendant un certain temps pour une mission où elle allait nécessairement utiliser ses charmes. Cela ne la gênait pas bien qu’il lui soit pénible de l’imaginer prise par un homme, c’était essentiellement professionnel et Haiko était bien placée pour savoir qu’on ne faisait pas toujours ce dont on avait envie à ce niveau.
La femme quitta le confort du lit pour rejoindre yuma, son menton contre le sommet de son crâne, une main passée dans ses cheveux. Son amante sourit sans quitter du regard son ongle finement enduit. Haiko glissa sa main libre sous le peignoir entrouvert de la jeune femme, sa paume contre son sein, excitée par la sensation de son téton durci qui frottait doucement comme pour rendre les caresses. Sa poitrine tenait dans sa main, petite et désirable, une poitrine qu’elle pressa avec tendresse en déposant un baiser dans ses cheveux. Sa voix avait un petit accent faussement boudeur après qu’elle eut laissé échapper un rire.
Yuma – Tu vas me faire trembler…
Elle était si jeune… Haiko aurait trente ans à la fin de l’année. Ce n’était pas une échéance qu’elle redoutait mais quelque part, elle n’était pas impatiente pour autant. Cela avait été trente années bien remplies. Avec kiri, son départ… les raisons de son départ… ses nouvelles activités, ses succès, ses échecs. Haiko ne regrettait pas grand-chose de ce parcours. Sa rencontre avec yuma demeurait l’événement le plus marquant de ces dernières années, la pièce qui manquait pour équilibrer sa vie. Elle n’aurait pas été jusqu’à appeler cela de l’amour. Yuma était jeune et joueuse, elle l’a caressait comme caresse une adolescente, pour essayer, pour aller plus loin, par goût du jeu. Mais ses sentiments prenaient formes à leur tour ces derniers mois, Haiko le sentait. Elles avaient couché ensemble dès le jour de leur rencontre, avant qu’elles ne sachent qui elles étaient réellement. C’était sur l’île de nagumo, Haiko s’en souvenait parfaitement bien. Elle s’était établie dans une petite ville au cœur des terres, Sake, sans intention particulière derrière la tête. Il s’agissait seulement d’un endroit où passer la nuit alors, avant de rejoindre les côtes nord de l’île où l’attendaient des hommes à elle.
Dans la soirée, Haiko croisa yuma dans une ruelle truffée de monde, que ce soit de jeunes gens qui sortaient prendre l’air ou d’ouvriers qui rentraient du travail. Elle la remarqua aussitôt, avec sa longue chevelure aguichante, son visage concentré qui jurait avec sa tenue décontractée. Son instinct lui souffla que cette femme n’avait pas une activité commune et elle pensa tout d’abord à une ninja d’un village quelconque. Par crainte qu’il s’agisse de kiri, Haiko ne chercha pas immédiatement à se mettre en contact avec elle. Le village ne la recherchait plus activement, mais c’était en restant sur ses gardes qu’on évitait un tragique et fatal incident. Elle se contenta de la suivre jusqu’à une petite boîte locale qui diffusait de la musique incroyablement forte, mais c’était un trait commun avec l’ensemble des bâtiments de la rue où elles se trouvaient. L’endroit était sommaire mais pas désagréable. Haiko observa, par ennui plus qu’autre chose, la jeune inconnue discutait de manière charmante avec un homme bien plus vieux qu’elle qui s’obstinait à lui caresser la cuisse au débotté. Ce devait être ce que cherchait la jeune femme car elle renchérissait joyeusement. Haiko sourit. Elle ignorait si cette fille était liée à un village, mais c’était sans l’ombre d’un doute une assassin. Douée qui plus est. L’espace d’une seconde, tandis qu’elle était penchée sur le visage de l’homme pour lui boucher la ligne de vue, Haiko l’avait surprise verser quelques gouttes de poudre en faisant mine de tendre le bras sur son verre.
La jeune femme resta jusqu’à s’être assurée que l’homme avait absorbé suffisamment de poison, puis elle s’excusa en prétextant n’importe quoi et en jurant certainement qu’elle revenait immédiatement pour quitter la boîte. Haiko la suivit et l’interrompit pendant qu’elle remontait à pas vifs la rue. Yuma l’avait dévisagée avec méfiance tout d’abord, Haiko se souvenait de ses jolis sourcils froncés, peu encline à faire la conversation alors qu’elle prévoyait déjà sa fuite. Elle ne tarda pas à deviner qu’elle avait affaire à une ninja, à une ancienne ninja plus exactement et les deux femmes continuèrent leur route ensemble. Yuma la conduisit jusqu’à sa chambre d’auberge et quand elle se retourna, Haiko l’embrassa. La jeune femme eut un mouvement de recul instinctif avant de se laisser aller contre ces lèvres inconnues qui s’ouvraient pour elle. L’excitation de son succès précédent lui avait chauffé le sang, Haiko n’ignorait pas cela et en profita tout au long de la nuit, jusqu’à ce que yuma soit complètement et parfaitement épuisée et s’endorme comme un bébé heureux au creux de sa poitrine. Yuma avait déjà connu des femmes dans sa vie, Haiko le sut dès qu’elles s’embrassèrent. Pendant un temps, Haiko avait essayé avec les hommes mais elle avait fini par s’en détourner, davantage intéressée par des formes semblables aux siennes. Il lui avait toujours semblé que la philosophie n’était pas la même entre les deux sexes, sans qu’elle ne cherche à approfondir le sujet. A cette époque, haiko était ninja et il lui paraissait évident que son espérance de vie étant limitée, il ne fallait pas perdre de temps à bouder son plaisir.
Yuma n’avait pas déguerpie quand haiko se réveilla. Elle était presque comme elle se trouvait à présent à l’exception de sa nudité, occupée à se remaquiller légèrement. Haiko s’était redressée, étonnée de la découvrir ici. En s’endormant, elle avait respiré l’entêtant parfum des cheveux de yuma pour le marquer dans son esprit (et il l’était toujours marqué aujourd’hui) comme si elle ne devait plus jamais la revoir. Mais yuma était demeurée et ne semblait pas pressée de la quitter, la rejoignant au lit dès qu’elle s’aperçut du réveil de son amante. Haiko ne parvenait pas à se rappeler de la dernière fois qu’elle avait passé la soirée et la matinée du lendemain à faire l’amour, mais cela devait remonter à son adolescence. Restée au lit, déambuler nue dans sa chambre pour reprendre des forces et revenir chercher et distribuer de nouvelles caresses… c’était un luxe qui lui avait été inaccessible pendant longtemps et cette fille rencontrée au hasard des rues, cette superbe jeune femme qui n’avait pas même vingt ans, partageait son plaisir avec une intimité qu’haiko avait rarement eu le loisir d’observer. C’était une journée gravée dans sa mémoire. Yuma et elle étaient parties ensembles. La toute jeune femme, qui disait s’appeler yuma tamiko et employait ses talents nombreux à l’assassinat pour gagner confortablement sa vie, n’avait rien de planifié pour les jours à venir. Haiko lui proposa de participer à une entreprise qu’elle menait, une entreprise qui était déjà fortement rémunératrice et qui était amenée à l’être encore plus dans les années à venir. Sans qu’elle ne cherche à se l’expliquer, Haiko avait besoin que cette fille l’accompagne, elle avait besoin de l’inclure à ses projets afin de partager son temps avec elle. Et yuma accepta, sans la moindre trace d’hésitation. Peut-être pour l’argent dans un premier temps, pour les perspectives et la sécurité, aussi. Mais aussi pour haiko, progressivement elle s’accrochait à elle, se confiait sur sa vie, ses espoirs et ses craintes, lui murmurait à l’oreille des choses qu’elle n’avait jamais dites à personne et qu’elle ne prononcerait jamais plus à quiconque d’autre… c’était cela, la vraie intimité, le partage.
C’était un souvenir qu’haiko chérissait, peut-être le seul qu’elle choisirait d’emporter dans l’au-delà si on lui laissait le droit.
Haiko lâcha la poitrine de son amante et se pencha sur ses lèvres. Yuma interrompit son vernissage, le pinceau en l’air pour éviter de se tacher les orteils tandis qu’elle rendait son baiser à haiko, avec douceur, sans précipitation comme pour en savourer la sensation.
Haiko – Doshin semble loin.
Yuma – Surtout vu la compagnie que je vais devoir supporter. Konosuke Hiku a l’air terriblement ennuyeux.
Haiko connaissait bien konosuke, il était ennuyeux effectivement. Mais les deux femmes allaient empocher un joli butin en réalisant ce contrat et cela ne serait jamais de l’argent jeté par les fenêtres. Il était étonnant de remarquer à quel point leurs dépenses s’étaient aggravées, parallèlement aux entrées d’argent. Mais ce n’était qu’une phase, Haiko en avait traversé d’autres : bientôt, l’argent se stabiliserait puis augmenterait exponentiellement. Il était improbable qu’un jour elle se retrouve dans la même situation que quand elle avait dû demander une avance à Daigaku et sa femme, au vu de leur trésorerie actuelle. Yuma y contribuait largement. Quand Haiko l’avait rencontrée, elle ne débutait pas réellement mais elle était encore tendre. Jamais elle n’avait perdu son appétit, mais sa technique s’était affinée, ses prétentions s’étaient accrues à mesure que son talent parlait. Maintenant, Yuma était une assassin réclamée qui choisissait ses contrats. Même si celui qui pesait sur Konosuke n’était pas le plus intéressant à cause de la façon dont la jeune femme serait réduite de le traiter, il rapporterait gros et cela s’avérait suffisant. De plus, Yuma semblait avoir envie d’en peu de défi pour pimenter son activité, de prendre le temps de faire attention aux détails. Haiko connaissait ce frisson, Yuma était encore toute jeune, vingt ans à peine malgré les cadavres laissés dans son sillage, elle gardait de l’enthousiasme et la volonté de bien faire. Haiko l’adorait pour cela aussi. Elle défit son peignoir et vint s’agenouiller face à elle. Yuma leva les bras tandis que son amante écartait les plis de son vêtement sur ses jambes, dévoilant son sexe encore gonflé et entrouvert. Yuma éclata de rire, caressant du dos de sa main libre la joue d’haiko.
Yuma – Je viens juste de me doucher…
Haiko – Laisse moi te dire au revoir. Tu vas m’abandonner beaucoup trop longtemps.
Yuma plissa ses lèvres puis les étira en un long sourire tandis qu’elle rapprochait son bassin du bord de la chaise pour qu’haiko ait un meilleur accès. Celle-ci passa le côté de son doigt sur toute la longueur de son sexe, appréciant sa timide chaleur et son toucher duveteux. Yuma reposa son pied sur l’épaule nue de son amante et continua à se le vernir soigneusement tandis qu’haiko déposait ses lèvres sur le sommet de son sexe, attardant sa langue dessus jusqu’à ce que yuma laisse un gémissement quitter ses lèvres.
Haiko – Pourquoi ne pas revenir plutôt que d’enchaîner directement avec Izo et Kirin ?
Yuma essayait de se concentrer sur ce qu’elle faisait, mais la langue chaude et joueuse entre ses jambes la titillait avec malice.
Yuma – Si je le peux… je rentrerais. Mais je ne pense pas. Je veux… prendre… mon… temps. Pour bien faire, tu sais ?
Haiko plaça un second doigt au cœur de son sexe et écarta un peu plus ses lèvres déjà béantes.
Haiko – Tu es très sérieuse et tu as raison. Il faut que tu fasses attention à toi.
Yuma – Je serai vigilante.
Yuma avait achevé son travail avec ses ongles. Elle délaissa son pinceau, mais laissa sa jambe pendre sur l’épaule de son amante, suivant les mouvements de son dos tandis qu’elle s’activait tout contre elle. De brefs hoquets de plaisir lui échappaient par intermittence, la tête rejetée en arrière contre le dossier de son siège, ses cheveux étendus comme un drapeau contre son peignoir. Yuma baissa les yeux sur Haiko, dont elle apercevait par instant la langue rose qui allait se perdre parmi sa toison tandis qu’elle refermait ses lèvres sur son sexe, comme si elle nourrissait l’espoir de le lui aspirer. Yuma ne mit pas longtemps à jouir, tendue contre le siège, tellement cambrée que ses fesses touchaient à peine le bois. Haiko finit proprement le travail, attendant avec délice que l’orgasme de son amante retombe et que celle-ci recouvre ses esprits, se contentant de légers coups de langue et de caresses subtiles. Elle laissa sortit ses doigts du sexe de yuma et respira un long moment son odeur corporelle, acre et capiteuse, dans l’espoir d’imprimer à nouveau ce souvenir en elle, comme elle l’avait fait trois ans plus tôt.
Elle se redressa finalement pour s’asseoir sur les genoux de yuma.
Yuma – Je reviendrai vite.
Elles échangèrent un bref baiser au goût de cyprine. Haiko n’aimait pas ces départs. Au cours de ces dernières années, Yuma n’avait pas chômé pour se créer une petite réputation. Elle avait attiré le regard de nombreux chasseurs de primes qui louchaient sur l’argent qui pesait sur sa tête et jusqu’à présent, Yuma n’avait pas éprouvé de difficultés à se faufiler entre les mailles. Plusieurs chasseurs un peu trop entreprenants avaient fini la gorge tranchée et pour l’heure, l’assassin n’avait rencontré personne de véritablement dangereux, personne d’acharné à sa destruction. C’était en partie à cause du peu de traces qu’elle laissait derrière elle, hormis son célèbre lotus d’encre, si bien que peu de gens se montraient intéressés à poursuivre un fantôme sans visage et sans nom. Mais ce n’était pas pour autant qu’haiko appréciait de voir son amante s’éloigner pour mener à son terme un contrat nécessairement dangereux de par sa nature. Pourtant, et malgré leurs revenus plus que confortables, haiko n’avait jamais demandé à yuma de demeurer et de faire une croix sur une mission. Tout simplement parce que cela ne se faisait pas, parce que yuma ne lui appartenait pas, qu’elle n’était pas l’une de ses femmes à tout faire et que par conséquent, ses désirs devaient être pris en compte et assouvis dans la mesure du possible. Absolument tous ses désirs. Yuma aimait ce qu’elle faisait. Elle n’était pas devenue assassin par dépit mais par appât du gain (en partie) et pour le frisson que cela procure.
Malgré ses talents évidents, il n’avait jamais été dans son intention de rejoindre une structure figée comme les villages ninjas. Haiko respectait cette liberté d’esprit et se demandait quelle aurait été sa vie si elle avait choisi pareillement. Probablement rien d’aussi éclatant. Non, yuma avait toujours souhaité se mettre à son compte, sans rien devoir à personne, fuyant les organisations, les syndicats et autres groupuscules obscurs. Quand elle en rejoignait un, c’était uniquement pour une mission isolée et encore, yuma préférait les faire toute seule. A cause de son jeune âge, on l’avait souvent prise pour une truffe et cela ne lui avait jamais plu. Peut-être que ce qui lui plaisait dans son association avec haiko (dans sa relation, songea haiko avec un sourire), c’était justement ce respect partagé, cette sensation d’être considérée comme une égale par une ninja et une femme de la qualité de l’ancienne chunin. Il y avait davantage de sécurité ainsi, plusieurs toits qui l’attendaient sur l’ensemble du pays de l’eau (et peut-être bientôt à l’étranger) si jamais elle en avait besoin au cours ou à la suite de l’un de ses assignements. Et parfois, un lit confortable où une femme amoureuse de dix ans son aînée lui faisait l’amour avec grand plaisir. Haiko n’aurait pas songé que leur relation dure aussi longtemps, si elle pensait bien que yuma se montrerait intéressée par le projet dans son ensemble, elle pensait la jeune femme trop opportuniste pour entretenir un rapport avec elle. Mais elle se trompait. Ce fut yuma qui renouvela la première les caresses et qui prit la peine de mettre les choses à plat. Elle lui dit alors que son désir était de poursuivre leur liaison, pour des raisons qu’elle ne prit pas la peine d’expliciter. Parce qu’elles étaient évidentes ? Haiko n’en était pas sûre. Peut-être que pendant un certain temps, yuma s’était dit qu’il serait plus prudent de continuer à satisfaire l’ancienne chunin, afin de voir où cela les menait, si elle était sérieuse quant à ses propositions et pour éviter de se l’aliéner. Mais si tel était le cas, haiko savait que yuma y avait pris goût aujourd’hui. Haiko n’avait pas été une immense ninja, mais suffisamment pour ne pas se laisser abuser par une si jeune femme, aussi talentueuse soit-elle. Ses orgasmes, sa façon de la caresser, de la regarder, de l’embrasser, de lui parler tout simplement, les intonations de sa voix, de ses râles, le rouge de ses joues dans l’effort, son sourire… rien de cela n’était simulable sur une telle durée et avec une telle intensité.
Or, à aucun instant haiko s’était sentie repoussée, même de la plus infime façon, même dans les moments de colère ou leurs rares disputes. Aucun, en trois ans. C’était la chose la plus précieuse qu’elle était parvenue à amasser ces dernières années et aujourd’hui, la peur de se sentir trahie avait totalement disparu. Haiko n’avait pas pu s’empêcher de s’abandonner entièrement et sans la moindre concession à yuma, dès leur première nuit d’amour. Elle se maudissait de sa faiblesse alors, car malgré son entraînement, malgré sa grande attention à ne pas se laisser embarquer dans une histoire qui pouvait l’engouffrer, elle lui donnait tout ce qu’elle avait et lui aurait révélé tout ce qu’elle savait si yuma le lui avait demandé. Peut-être était-ce un trait propre à la jeune femme, une sorte de charisme qui lui était propre, indescriptible, et qui lui permettait d’obtenir ce qu’elle voulait dans sa profession des hommes et des femmes, sans avoir besoin d’ouvrir les cuisses, de menacer, de payer ou de tuer. Haiko n’en savait rien, ni alors ni aujourd’hui et elle s’en moquait. Yuma aurait pu la briser en deux, mais elle prit grand soin de cet abandon, se montrant toujours très tendre, exerçant une constante attention à ce qu’elle disait et faisait pour toujours se montrer disponible et aimante à sa façon. C’était un sentiment curieux et effrayant, haiko n’avait pas pour habitude de laisser un si grand pouvoir à quiconque et certainement pas à une assassin tout juste rencontrée. Et peu à peu, son appréhension se perdit et elle profita pleinement de sa relation avec yuma.
Haiko – J’espère que le plan de Daigaku et ayame fonctionnera, quant à la famille du pays du thé.
Yuma haussa les épaules.
Yuma – Ils savent certainement ce qu’ils font. Ce sont deux beaux enfoirés…
La jeune femme pencha la tête sur le côté.
Yuma – Pas que je me considère mieux qu’eux, mais à bien y regarder, j’ai peu tué par intérêt personnel. Je veux dire, quand ma vie n’était pas en danger.
Haiko – Tu es une fille bien, yuma, c’est la différence. Daigaku est un salaud et c’est pour cela qu’il arrivera à quelque chose en politique, y compris au plus haut niveau. Ayame est une garce qui sait ce qu’elle veut et comment l’obtenir. Ce ne sont pas des gens qui appartiennent au même monde que nous, mais ils contribuent à façonner le nôtre.
Yuma sourit, la main posée sur la hanche dénudée de son amante.
Yuma – Il faudra faire attention à eux. S’il leur prenait l’envie de se débarrasser de nous une fois au pouvoir.
Les lèvres d’haiko rencontrèrent celles de yuma. Elle n’eut pas à forcer pour les lui ouvrir.
Haiko – Il n’y a aucune raison de s’en faire à ce sujet. J’ai pris mes dispositions. Je n’ai aucune confiance en eux, aucune confiance en Sechiro, Daikan et les autres contrebandiers, aucune confiance dans les yujas. Tu es la seule personne à qui je confierai ma vie et le reste. Daigaku est encore trop jeune pour comprendre cela.
Yuma – Il est plus vieux que moi.
Haiko joua avec son abondante chevelure, attrapant l’une de ses mèches mouillée pour en respirer le parfum. Ses cheveux sentaient toujours pareil, une fragrance qui lui décrochait un sourire quand elle la respirait au moment de se réveiller, yuma encore profondément assoupie contre son épaule, ses cheveux lui chatouillant le ventre et le menton.
Haiko – Mais il a vécu infiniment moins de choses. Je te l’ai dit, ils n’appartiennent pas au même monde que nous. A leurs yeux, nous sommes deux outils utiles. A nos yeux, ils sont deux bourses pleines et l’assurance d’une vie paisible. Pour un service rendu aujourd’hui, ils seront obligés de nous rendre service jusqu’à notre mort. Naturelle.
Yuma – Je n’ai jamais envisagé de mourir de mort naturelle, tu sais ? Quand j’étais gamine, et pourtant j’ai vécu dans un village tranquille, j’étais sûre de mourir la gorge tranchée et le ventre ouvert. J’en faisais des cauchemars. Je crois que c’est pour ça que j’ai pris les devants…
Yuma ne parlait jamais de son enfance avec d’autres personnes qu’haiko. Il n’y avait pas de vraie raison à cela, ce n’était pas parce qu’elle était choquante (encore que mouvementée parfois, mais pas comme on l’imaginerait) ou refoulée, mais tout simplement parce que yuma estimait que c’était extrêmement intime. Elle pouvait donner son corps à n’importe quel pourceau pour obtenir des renseignements ou une bonne occasion de lui fourrer sa dague entre les côtes. Mais ses souvenirs, jamais. C’était certainement aussi une manière de se protéger, de conserver quelque chose qui n’appartenait qu’à elle et aux gens qui lui étaient chers, alors qu’elle était si souvent obligée d’endosser des personnalités qui n’étaient pas la sienne propre, de jouer des rôles où elle ne se retrouvait pas, de mentir sur des centaines de détails. Haiko se sentait fière d’être la dépositaire de ces secrets murmurés.
Haiko – Tu as eu raison. J’aimerais te garantir cette sécurité et je m’y emploierai.
Yuma – Quelle mesure as-tu prise ?
Ce fut au tour d’haiko de hausser ses épaules nues.
Haiko – Il existe quelques personnes qui me seraient fidèles par delà la mort. Si les Shohuhi avaient quelque chose à voir dans nos décès, ils seront balayés par un scandale duquel ils ne se remettront pas. Je suis une femme prudente. Les preuves qui les lie à des marchés douteux ne manquent pas. Et puis si cela ne suffit pas, ils ne vivront pas assez longtemps pour profiter de leur mauvais tour. Je ne sais pas si cela apaisera nos âmes ou quoi que ce soit, qui seront sans doute en train de rôtir quelque part en dépit de toute logique, mais ce sera déjà deux salopards de moins sur terre.
Yuma – Et si nous mourrons autrement ?
Haiko – Est-ce que tu souhaites voir les Shohuhi nous accompagner en enfer ? Si tu le désires, nous écraserons leurs prétentions par delà la mort. Cela ne nous concerna plus après tout.
Yuma sourit avant d’enfoncer sa tête au creux de l’épaule d’haiko. Elle murmurait tout bas.
Yuma – Je ne veux personne d’autre que toi pour descendre pendant toute l’éternité.
Haiko – Alors nous serons que toutes les deux.
Yuma – La flamme jaune me fait peur Haiko.
Il y avait une intonation dans le son de sa voix qui donna envie à haiko de la serrer plus fort encore contre elle. Yuma savait qu’elle avait attiré le regard de kiri et cela l’effrayait. L’ancienne chunin se surprit à avoir la gorge serrée. Yuma avait finalement rencontré un adversaire acharné à sa destruction, mais elle ne serait pas seule pour l’affronter, elle ne devait pas être seule. Elles en avaient longuement discuté la veille et au cours de ces derniers jours, Haiko avait pris les devants pour s’en occuper. Konosuke représentait une occasion unique de perdre la flamme jaune sur une piste bidon et représentait encore leur meilleur espoir. Akinori, l’un de leurs hommes (grassement corrompu) sur place, leur avait assuré qu’il ferait de son mieux pour égarer la célèbre équipe de kiri. Mais l’angoisse de yuma était sincère et revenait à intervalles réguliers.
Haiko – Tu as raison d’avoir peur mon bébé, tu as raison. C’est une grand adversaire mais nous allons nous en occuper toutes les deux, d’accord ? C’est pour cela que je te le dis, si quelque chose se passe mal, si tu as un doute, contacte moi immédiatement et je te rapatrierai. D’accord ?
Yuma – Si tu le fais… ils nous retrouveront toutes les deux. Je ne veux pas être celle qui aura provoqué ta…
Haiko l’embrassa pour l’empêcher d’achever sa phrase. Elle lui attrapa le visage entre ses deux mains et posa son front contre le sien, murmurant tout contre ses lèvres.
Haiko – Ne dis pas de bêtises mon bébé. Tu l’as dit : nous descendrons toutes les deux tout en bas des enfers ou nous ne descendrons pas. Tu n’auras rien provoqué du tout. Je veux être à tes côtés. Tu me le promets ?
Yuma ne le lui promit pas. Haiko craignait ce que cela signifiait, mais si tout se passait convenablement, son amante ne serait pas immédiatement en danger. La flamme jaune errait encore à la recherche du fantôme. Si haiko se trompait en revanche, si quelque chose ne se déroulait pas conformément à ses plans, alors ce serait elle qui aurait assassiné son bébé en menant la flamme jaune sur ses traces. Elle ne s’en relèverait pas. Yuma acheva de se préparer, revêtant une longue robe et empaquetant tout un attirail d’équipement pour mener à bien ses trois missions successives. D’abord Konosuke pour attirer l’œil de la flamme jaune, ensuite Izo et kirin, le couple du pays du thé de passage à Toke qui ne représenterait aucune difficulté et enfin un sombre vendeur d’esclave d’une ville portuaire du pays de la foudre. Il était impossible que la flamme jaune parvienne à suivre ces trois pistes qui n’étaient jamais que trois décès dans le vent parmi d’autres, si rien d’imprévu ne survenait. Et si tel était le cas, alors il faudrait aviser promptement. Yuma et Haiko partagèrent un dernier long baiser au seuil de leur résidence, avant de se séparer. Haiko observa le dos de son amante jusqu’à ce qu’elle disparaisse totalement.
Ce fut la dernière fois qu’elle vit Yuma. |
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| Sujet: Re: La fille des brumes Sam 25 Fév - 20:35 | |
| Plus loin encore dans le passé…
Haiko arpentait les docks, resserrant le col de sa veste pour essayer de se protéger du froid. Il était tard, les ruelles désertées depuis longtemps n’éclairaient plus que de manière très éparse les murs des maisons de la cité derrière elle. Il restait toutefois une poignée de marins à quai, certains accoudés à leur navire, d’autres déambulant sur les ponts vaquant à leurs occupations, d’autres encore dans les bras d’une putain qui tentait tant bien que mal de gagner sa piteuse soirée. Il n’y avait plus beaucoup de trafic en cette saison là dans cette ville, peu connue pour ses possibilités commerciales et qui l’hiver venu se reconcentrait sur les fondamentaux. Il suffisait d’observer le peu d’éclairages dont bénéficiait le port pour se rendre compte qu’il ne s’agissait définitivement pas du secteur privilégié. Mais cela ne gênait pas Haiko. Il n’y avait strictement aucun contrôle des marchandises ici. Elle avait très vite appris qu’il y avait deux sortes de ports possibles : ceux qui étaient bondés où il était raisonnablement aisé de se faufiler entre les mailles du filet, que ce soit en graissant la patte à un administratif ou en trafiquant quelques papiers. Les contrôles étaient rarement poussés à cause de l’affluence, hormis dans les très grandes cités qui tenaient à leur bonne réputation. Sinon, il y avait aussi les ports déserts comme celui là où personne ne s’intéressait à ce qui se passait car il ne se passait jamais rien. Les autres types de villes ne fournissaient pas de garanties suffisantes pour qu’haiko prenne le risque d’y faire accoster ses navires. Il n’y avait pas de compromis possible dans ce milieu, pas d’intermédiaire et c’était très bien ainsi.
Haiko se dirigea jusqu’au bout du pont, ignorant avec une grande indifférence les quelques rares propositions vulgaires qui lui parvinrent. Il était presque une heure et son navire était presque en retard. Garantir la communication entre elle et les navires était ardu. Il aurait été plus commode que les chefs contrebandiers soient des ninjas mais malgré leur grande maladresse, Haiko était parvenu à monter quelque chose de cohérent. Elle s’assit sur une caisse laissée à l’abandon et se prit à regretter l’absence de yuma à ses côtés. Cela faisait deux jours que les deux femmes ne s’étaient plus vues, la jeune assassin ayant accepté une proposition qui la menait au pays de la cascade. Il s’agissait seulement de récupérer des documents cette fois ci, haiko espérait que yuma ne se montrerait pas trop gourmande en augmentant artificiellement la difficulté de la tâche. Elle avait acquis plus de maturité dans son travail, mais parfois sa jeunesse reprenait le pas et la mettait inutilement en danger. Haiko s’obligeait à avoir confiance dans le talent de son amante et collaboratrice, de sorte à ne pas la mettre mal à l’aise et à préserver sa confiance en elle-même. Haiko détesterait la brider dans ses activités pour la couver comme une poule son œuf, Yuma avait besoin de vivre et l’ancienne chunin aurait bien du mal à lui en vouloir. C’était finalement ce à quoi tout le monde aspirait, même les ninjas aux pieds et poings liés…
Malgré le début de brouillard matinal, Haiko aperçut les voiles de son navire. Du moins, elle supposa que c’était le sien car il était improbable que ce port attende quoi que ce soit d’autre à cette heure tardive et son intuition lui donna rapidement raison, alors que le bateau marchand arrimait avec aisance dans un espace libre. Les marins alentour s’en désintéressèrent très vite. C’était une autre chose qu’haiko appréciait dans ces ports : chacun savait qu’il valait mieux se mêler de ses propres affaires pour éviter de remplir un caniveau de son sang. Certainement quelque reste de sagesse populaire. Haiko attendit que le chef d’équipage descende à sa rencontre, un grand homme basané qui portait toujours d’amples chemises noires et conservait une sorte de brin d’herbe au coin de la bouche, en toute circonstance, le mâchouillant inlassablement. Peut-être un fumeur reconverti en herbivore. Mais haiko n’avait pas à se plaindre de ses compétences : il acceptait une paie normale pour un travail sans anicroches, sans poser de questions superflues et sans fourrer son nez dans l’organisation. Des qualités pas si répandues que cela, haiko devait bien le reconnaître. Ils discutèrent rapidement du chargement présent. Les hommes désiraient se reposer en ville mais Haiko dit au capitaine qu’ils repartaient avant le matin. Il fit la moue mais hocha la tête, pas impatient d’annoncer la nouvelle à son équipage. Haiko lui adressa un joli sourire en lui précisant que leur paie prendrait ce désagrément en compte, mais que pour l’heure il fallait jouer de prudence et délivrer au plus vite la marchandise, avant demain midi. L’argument de l’argent suffit à faire retrouver le sourire au capitaine. Il s’agissait de l’un des premiers éléments qu’haiko avait compris, dans un pays comme celui de l’eau, l’argent suffisait à balayer pour un temps ce qui aurait pu être un problème. La difficulté venait quand on commençait à trop en dépendre et à trop en devoir mais jusqu’à présent, Haiko était plutôt satisfaite de la façon dont leur argent était dépensé. Les grandes dépenses de l’année passée et la précédente avant elle étaient pour ainsi dire achevées, les revenus grimpaient chaque mois de façon importante et ce depuis près d’un an. L’horizon était clair et réjouissant, mais haiko était trop expérimentée pour penser que la tâche serait facile, un détail pouvait changer sa situation du tout au tout et la réduire à la fuite, encore.
Non. Haiko n’avait pas l’intention de fuir. Au bien si elle le faisait, ce serait uniquement et exclusivement s’il y avait quelque chose à espérer du côté de yuma. Ce serait la seule personne à pouvoir la motiver à emprunter ce chemin qu’elle avait déjà remonté une fois et qu’elle ne souhaitait pour rien au monde retrouver. On y perdait trop de choses pour se retrouver sans rien à la fin, sans même la plus petite garantie, avec cette crainte justifiée mais injuste au fond du ventre de se retrouver lardée de coups dans son sommeil. Malgré les années, Haiko continuait à penser à kiri, au jour où elle verrait le masque blafard d’un homme lancé à sa recherche penché au dessus d’elle ou au détour d’une ruelle mal éclairée. La fuite n’était pas une option à choisir, c’était… une urgence, une nécessité et aux yeux d’haiko, sa survie seule ne méritait pas cela. Celle de yuma, c’était une autre histoire.
Haiko fournit au capitaine ses nouvelles indications. Il devait redescendre sur uke dans un port en cours de réparation déserté par la milice. Sa marchandise serait distribuée sur place par des acheteurs de l’île principale, sans intermédiaires, après quoi le navire retournerait à l’une des caches pour se rapprovisionner. Il se dirigerait ensuite au nord de nagumo, pas très loin de là où ils se trouveront déjà, déchargera sa marchandise et embarquera de nouvelles caisses. Les contrebandiers auraient deux jours de détente à passer dans la cité (fort adaptée à tout type de détente), après quoi ils voyageront jusqu’à la cache d’ohashi. S’il y avait beaucoup de voyages, ils étaient brefs et tout devrait être réglé d’ici demain soir ou après-demain dans la matinée au plus tard. Haiko ne s’attarda pas sur les quais trop longtemps. Elle observa ses hommes charger sa cargaison depuis un entrepôt de l’autre côté des quais. Vers deux heures du matin, les jambes lourdes mais l’esprit encore acéré, elle se téléporta dans sa résidence à uke, dans une petite ville sans histoire où Haiko était toujours une relative inconnue malgré les deux années passées. Elle s’était choisie une maison suffisamment en retrait pour ne pas avoir à supporter de voisinage et appréciait le fait de s’y sentir simplement chez elle. Cela n’avait pas été le cas depuis trop longtemps à son goût. A kiri, elle occupait un appartement impersonnel et froid comme une lame, fonctionnel avant tout. La richesse d’haiko lui permettait aujourd’hui de s’acheter une propriété choisie, de la meubler selon ses désirs et de se procurer enfin un peu de calme. Elle n’avait rien d’extravagant, rien même qui ne témoigne réellement des moyens financiers de sa propriétaire, mais elle suffisait amplement à créer cette impression de sécurité nécessaire à toute résidence durable. Haiko avait soigneusement choisi les couleurs et les matières utilisées lors des travaux de rénovation, optant pour un mélange de pierre, de bois, de parquet en bois et de moquette pour la chambre, sans essayer de se raccrocher à des souvenirs spécifiques. Il n’y avait jamais eu aucun logement qui l’avait fait rêver dans sa jeunesse.
Habiter à uke lui avait un temps paru trop audacieux. C’était très près de kiri et il s’agissait vraisemblablement du premier endroit où ses éventuels poursuivants se risqueraient à chercher. Haiko avait été vaguement amusée de s’apercevoir qu’une prime courait sur sa tête, ce qui était somme toute relativement prévisible au vu de ses activités. Les marchands qu’elle extorquait se plaignaient comme de petites filles alors qu’ils remplissaient des coffres entiers d’argent de bénéfices honteusement acquis et qu’ils ne répugnaient jamais à acheter de la qualité inférieure pour la vendre au même prix. Ils profitaient allégrement de la contrebande mais, curieusement, ses quelques effets négatifs leur déplaisaient. Haiko s’était rendue compte que les riches avaient horreur de voir quelqu’un s’enrichir encore plus grâce à eux. C’était de bonne guerre. Haiko monta dans sa chambre spacieuse sans passer par la salle de bain. Un bain ne lui déplairait pas mais à tous les coups elle s’y assoupirait, mieux valait prendre de court le sommeil et aller à sa rencontrer. Elle abandonna ses vêtements par terre, revêtit un déshabillé d’un bleu pâle et se glissa sous les couvertures, les yeux grands ouverts sur le paysage proposé par la fenêtre à sa droite. Il n’y avait que peu d’étoiles visibles ce soir à cause des longs nuages. Haiko se demanda comment se portait yuma ce soir, mais avant de réellement formuler une pensée cohérente, elle s’endormit paisiblement.
L’ancienne chunin passa la journée du lendemain chez elle. Il aurait fallu qu’elle se déplace encore pour surveiller les différentes caches, les cargaisons et les activités des contrebandiers, mais cela lui aurait encore pris toute la journée et pour aujourd’hui, haiko avait envie de se libérer l’esprit. Son affaire s’était développée grandement en moins de temps qu’elle ne l’aurait cru possible, tant et si bien que sa charge de travail était maintenant ininterrompue depuis ses premiers pas dans le milieu. L’arrivée de yuma à ses côtés avait été une bénédiction à plus d’un niveau. Pouvoir déléguer en toute confiance une partie de son travail, d’un travail où elle risquait littéralement sa vie, cela n’avait pas de prix. Les contrebandiers desquels haiko s’était entourée étaient sérieux… mais ça restait des contrebandiers, peu fiables dans l’adversité, sans compétence martiale suffisante pour résister à quoi que ce soit. C’était une masse et haiko avait toujours détesté gérer les masses, depuis qu’elle était ninja c’était quelque chose qui la rebutait. Elle n’arrivait pas à se l’expliquer, mais elle n’aimait pas plus que cela devoir donner des ordres et aspirait au moment où tout ceci ne serait plus nécessaire. Haiko avait quitté kiri puis s’était très tôt retrouvée à vendre ses services pour régler des problèmes de riche. Quand elle était ninja, elle avait déjà l’impression de se prostituer à n’importe qui, mais là… le fait d’être isolée, de ne pas avoir une structure aussi puissante et imposante que kiri derrière soi, cela rendait les affaires encore plus délicates. Il était finalement assez difficile de se faire respecter et de se créer un nom, à moins de céder aux actes ignobles qui inspirent nécessairement la crainte. Haiko ne le souhaitait pas. Même lorsqu’elle traitait avec une personne qu’elle aurait préféré voir se vider de son sang sous ses yeux, haiko s’obligeait à rester calme en toute circonstance, à accepter ou refuser avec politesse et calme. Les carnages, ce n’était pas ce qui l’intéressait. Depuis des années, elle avait eu l’opportunité de voir beaucoup de massacres, de participer à beaucoup d’autres, maintenant qu’elle avait acquis une certaine liberté, Haiko souhaitait s’en affranchir.
Bien sûr, elle avait été amenée à faire des choses discutables mais elle n’en éprouvait pas de remords particuliers. A plusieurs reprises, Haiko avait accepté de vendre des esclaves à moya, à certains seigneurs pirates ou à des organisations obscures étrangères. Elle envoyait ses hommes les chercher au cœur des îles nagi, sur uke ou bien dans le pays de la vallée principalement. Il y avait moyens d’obtenir des jeunes gens en bonne condition physique qui valaient curieusement très cher sur le marché, en partie parce que le commerce d’être humain avait drastiquement diminué depuis l’envol des villages cachés. Cela devenait plus délicat, mais maintenant qu’haiko était bien installée, contourner cette surveillance était un jeu d’enfant. Elle avait également commercialisé des substances hallucinogènes et des drogues puissantes des terres du sud pour des sommes astronomiques au marché noir. Beaucoup d’armes aussi, nécessairement, la demande étant très, très forte au pays de l’eau. Il était devenu difficile de s’armer depuis la promulgation de la loi d’uke et Haiko se faisait un devoir de répondre à cette demande et de s’assurer à être la seule à pouvoir y répondre, s’appropriant le stock de ses concurrents téméraires, de sorte qu’aujourd’hui, plus personne ne s’essayait à vendre massivement des armes. Le reste était question de sensiblerie et son passage à kiri lui avait au moins appris cela : une telle chose n’existait qu’au sein des cœurs impuissants et plaintifs.
Haiko s’occupa de la gestion durant le reste de la semaine jusqu’à recevoir un court message de yuma qui précédait son retour sur uke. Chacune de leur séparation était une épreuve aussi pénible que nécessaire, dans le sens où elle ne pouvait être évitée (pour le bien de yuma et donc leur bien commun). Ce n’était pas seulement un tiraillement dans le bas ventre, ce n’était pas une souffrance sexuelle comme cela pouvait parfois être le cas lorsque par le fruit du hasard et à cause des dangers de sa profession, Haiko demeurait trop longtemps dans un état d’excitation tendue pour que cela s’assouvisse autrement que par la mort ou l’amour. Non, c’était une souffrance complexe et inédite, un manque qui venait se loger au creux de son esprit dès que son regard se posait sur le dos éloigné de yuma et que son cerveau lui murmurait qu’elles allaient à nouveau être séparées. Ce sentiment, Haiko l’avait ressenti incroyablement tôt et elle en avait été profondément choquée et sa stupeur s’était même muée en colère dans les premiers jours. Il ne s’agissait pas tant de s’astreindre à de solennelles parties de jambes en l’air, uniquement destinées à apaiser les besoins du corps et de l’esprit. Haiko pensait pouvoir s’autoriser à tomber amoureuse, malgré la précarité de sa situation présente, son absence d’avenir défini (pour elle-même et a fortiori, pour quiconque amené à partager sa vie) et son naturel peu conforme à une telle conception. Avec le temps passé auprès de yuma, Haiko avait bien été obligée de tempérer cette pensée : sous des airs de grande liberté, elle se posait des limites sensibles qui étaient mises à l’épreuve par la simple présence de yuma à ses côtés, par la façon dont son corps souhaitait répondre à yuma, par les mots qui, avant, après, pendant l’amour se bousculaient à ses lèvres. Il y a plus d’un an de cela, yuma avait seulement rajusté l’une de ses mèches sur son front et lui avait adressé un sourire un peu gêné pour des raisons indéterminables, si inhabituel qu’haiko eut envie soudainement de la reccueillir dans ses bras et de lui murmurer des paroles apaisantes à l’oreille.
Haiko avait longtemps hésité à s’en ouvrir à sa jeune amante. Il s’agissait là d’un sujet qu’elle considérait comme embarrassant et incroyablement intime, se mettre à nu de cette façon ne lui était pas coutumier même dans le secret de la chambre à coucher. Cette impression d’être redevenue une adolescente empotée, terrifiée à l’idée d’être rejetée et de perdre tout ce qu’elle avait patiemment accumulé l’insupportait tant et si bien qu’elle finit par en parler à yuma qui se montra extraordinairement réceptive, après un temps de pondération naturel. Haiko éprouva à cet instant pour elle une bouffée irrépressible de tendresse et sut que ses sentiments étaient partagés. Les ninjas étaient habitués à mentir. Yuma, qui n’était pourtant pas ninja, en empruntait la méthodologie. Elle mentait, trichait, se dissimulait chaque jour, présentant des visages qui n’étaient pas nécessairement les siens propres pour se rapprocher de ses cibles et pour les exécuter. Mais haiko sut à ce moment que son amour pour elle était sincère, que ce n’était pas pour une question de conserver une bonne place dans leur organisation à la hiérarchie ultra sélective, ni par amusement lascif d’adolescente. Il y avait un sentiment, quelque chose de savoureux et de partagé et depuis, Haiko chérissait ce savoir comme le mieux gardé de ses trésors. Le reste du monde pouvait voir en yuma une salope d’assassin, une fille qui ne reculait devant rien pour réussir, une morveuse talentueuse (et on lui en voulait pour ça). Il pouvait bien voir en haiko une vendeuse de mort, une truande, une voleuse et une traître. Son savoir balayait ses présomptions d’un vaste geste, comme la vague vient lécher la plage.
Yuma se présenta au seuil de la demeure d’haiko tard dans l’après-midi. Elle n’y entra que lorsque la maîtresse des lieux lui eut ouvert la porte, avec presque de la timidité dans le geste, s’excusant sans le dire du temps qu’elle avait mis pour la rejoindre. La jeune femme était échevelée par les voyages, des traces de terre et de salissure sur sa tunique et sa peau, les traits peut-être un peu tiré mais le sourire sincère. Leurs lèvres se rencontrèrent sans s’ouvrir, comme pour se souvenir de leur chaleur, de leur sensation puis seulement après de leur saveur. Haiko attira yuma jusqu’à sa salle de bain déjà ronronnante des clapotis de l’eau et embrumée par les volutes de vapeur. Elle murmura à yuma de la laisser prendre soin d’elle et la jeune femme obéit de bonne grâce, les yeux clos et le sourire aux lèvres tandis que sa tunique tout d’une pièce tombait au sol, sa peau s’éveillant au contact d’haiko, qui ne cherchait pas à s’empêcher de passer ses lèvres sur les muscles de son dos, le creux de ses reins et jusqu’au pli de ses genoux, respirant au plus près la senteur si particulière de la peau de yuma au naturel. Elles passèrent un long moment ensemble où yuma lui raconta le détail de ses expéditions. C’était leur petit rituel à toutes les deux, ce moment simple partagé à l’ombre d’une salle de bain voilée comme si elles s’enfermaient dans un espace qui leur permettait de rattraper sans compter le temps perdu en chemin. Haiko ne la rejoignit dans le second bain qu’après que yuma fut propre et détendue, caressant son visage posé sous son menton, son corps qui paraissait alors si petit et fragile blotti tout contre elle entre ses jambes. Elles ne quittèrent leur tranquillité que pour dîner abondamment jusqu’à tard dans la soirée, où elles s’éclipsèrent à nouveau pour faire l’amour rapidement et d’une manière rendue chaotique par la fatigue de yuma. Haiko ne la sollicita pas trop, prenant en charge l’essentiel des caresses, les renouvelant à chaque fois que son amante faisait mine de vouloir les lui retourner malgré son harassement. Elles s’embrassèrent une dernière fois, les yeux de yuma se fermant presque d’eux-mêmes après un bain chaud trop long, un repas trop abondant et des caresses trop tendres, s’enfonçant en quelques minutes dans un sommeil de grand bébé épuisé, sa main chaude sur le cou d’haiko qui malgré sa relative frustration (et elle s’en voulait de ressentir cela même si elle n’y pouvait rien et qu’elle savait que ce serait très éphémère) finit par s’endormir à son tour, heureuse d’être à nouveau entière pour les jours à venir.
Ce fut yuma qui la réveilla très tendrement, le renflement de sa tête mouvante saillant sous les draps entre ses jambes. Haiko les écarta d’une manière un peu plus commode et son amante, sachant qu’elle était réveillée, intensifia ses caresses si bien qu’haiko fut livrée en quelques minutes à peine à de longs spasmes entrecoupés de soupirs hachés et presque douloureux, le plat de son pied remontant jusqu’à la tête de yuma pour l’appliquer plus fermement encore contre son sexe, son autre jambe cognant sourdement au rythme des contractions contre la hanche de yuma jusqu’à ce qu’haiko, le buste redressé par les efforts s’autorisa à reprendre le contrôle de son corps. Sa main caressa le sommet du crâne de yuma, encore invisible sous les couvertures même si de longues mèches venaient à présent lui chatouiller les cuisses. Elle releva les draps d’un geste et plongea ses doigts dans l’abondante chevelure de son amante, encore tout occupée à rattraper son retard de la veille. Haiko l’attrapa par le menton et l’invita à se redresser à son tour, ce qu’elle entreprit de faire à son rythme, déposant des baisers au sommet de son sexe, au creux de son nombril, entre ses seins gonflés de désir pour s’abandonner enfin sur ses lèvres entrouvertes afin de partager un long baiser sucré. Quand elles se séparèrent une heure plus tard, haiko se fit la réflexion que cette journée était une certaine idée de la perfection. Elles restèrent à discuter dans le vaste lit, profitant de leur nudité paresseuse pour jouer de temps à autre l’une avec l’autre. Yuma – Je n’apprécie pas ce Kenta baka… je sais pas quoi.
Yuma avait la nuque posée sur la cuisse d’haiko, son regard plongé dans le sien. C’était quelque chose dont elles avaient déjà discuté. Kenta était un être méprisable, mais à plus d’un égard. Son clan était barbare, dégénéré, dangereux et cela laissait songeur d’imaginer qu’iwa avait utilisé de tels groupuscules pour fonder une partie (infime sans aucun doute, mais c’était déjà trop) de son pouvoir. Kenta était l’être le plus odieux qu’haiko avait eu le malheur de rencontrer et c’était pour cela que son choix s’était porté vers lui et les siens. Elle n’attachait aucune importance à leur avenir, elle les considérait comme moins que des hommes et s’ils devaient tous mourir dans des souffrances horribles (comme les ninjas savent parfois le faire), personne n’en souffrirait hormis eux. De plus, ils ne leur revenaient pas cher du tout, autant de bras pour si peu d’argent c’était réellement une affaire en or, d’autant que les bras en question n’étaient pas impuissants mais encore féroces, quoique loin de ce qu’ils avaient dû être. Et enfin… haiko éprouvait un plaisir malsain, inhabituel en ce qui la concernait, à observer l’inconfort et la colère impuissante du grand Kenta bakajikara de se retrouver à aso, entouré des flots, isolé de ses terres ancestrales ou… n’importe quoi. Ce n’était pas un plaisir gratuit, haiko ne se considérait pas comme quelqu’un de cruel. Quand il lui fallait tuer quelqu’un, elle le tuait fermement et sans souffrance, avec propreté, comme elle souhaiterait elle-même mourir si on lui donnait le choix (ce qu’on ne ferait pas). Yuma était plus joueuse, c’était la jeunesse, elle était comme l’orque puissant qui balance dans les airs l’otarie, la rattrape et continue jusqu’à ce que la terrible agonie de l’otarie cesse dans un bruit mat.
Non, si Haiko méprisait kenta, c’était en grande partie à cause de ce qu’il était. Elle l’avait remarqué dès que leur regard s’était croisé. Yuma l’avait prévenue et Haiko n’était de toute façon pas sans connaître la réputation peu flatteuse du clan bakajikara (celui d’arriérés consanguins violents, vains et stupides). Dans son regard, il lui portait une telle haine, un tel dégoût que ça en était amusant. Haiko avait rencontré des personnes comme lui (homme comme femme) qui étaient parfaitement écœurés par l’idée que deux personnes du même sexe puissent partager leur lit. Mais chez kenta, ce n’était pas seulement de l’incompréhension ou même du dégoût, c’était la haine la plus authentique, comme si Haiko lui avait craché au visage là, devant ses enfants, et avait écrasé sous son talon le crâne osseux de quelque ancêtre vénéré. S’il n’avait pas eu peur de la mort, il aurait sans aucune doute essayé de les tuer toutes les deux dans l’instant, humilié qu’il était par leur proposition et par leur engagement émotionnel. Haiko voyait dans son esprit dégénéré défiler tous les sévices qu’ils envisageaient de leur faire avant de les alléger de leurs têtes, comme il était de coutume parmi les siens. Ils n’étaient pas très durs à imaginer, au vu de la nature de ce qui leur était reproché. Mais il ne fit rien et Haiko sut que c’était lui qu’il fallait choisir. Jamais il ne se rebellerait, elle lisait sa crainte aussi clairement que sa haine dans le creux de ses yeux noirs. Il irait où elles voudraient, feraient ce qu’elles voudraient dans la mesure du tolérable (qui était déjà excédé par leur seule présence sous le même toit que lui, comme si elles souffraient d’une maladie qui risquait de contaminer les siens). Mais au-delà de cette considération toute personnelle qu’haiko avait de toute manière déjà souffert (yuma non, mais elle semblait s’en amuser plus qu’autre chose), ce fut la condition des enfants du patriarche qui acheva de tuer la moindre considération qu’elle aurait éventuellement pu, au hasard des pensées, lui accorder.
Elle avait l’impression de se trouver en présence d’une dizaine de mort vivants. Non pas qu’ils manquaient tous de caractères. Les hommes l’examinaient pour la plupart avec le même regard que leur père, comme si elle était une bête étrange et démoniaque dont il aurait mieux valu se débarrasser au plus vite, plutôt que d’endurer davantage sa présence. Les quelques femmes de la pièce (Kenta ayant demandé à une grande partie de son clan de se rassembler sous son toit pour donner une impression de force incompressible et redoutables, là où haiko voyait une vague bande de loqueteux en haillons, amaigris et sales) conservaient la tête docilement baissée, répugnant à croiser le regard des étrangères. L’une d’elle était grosse, son ventre clairement arrondi de plusieurs mois, mais ce n’était pas pour autant qu’elle était traitée avec le moindre égard, assise à même le sol et constamment dérangée par un homme qui ne cessait de sortir et de rentrer. Tout cela lui rappelait de mauvais souvenirs.
Haiko – Inutile de l’apprécier ma chérie. Kenta et son clan de miséreux nous mangent dans la main pour une poignée de pièces. Nous n’aurions pu trouver mieux ici ou ailleurs. Ils sont forts, malgré leur condition pitoyable.
Elle caressait d’un geste attentif les cheveux de son amante, lui ceignant la front d’une couronne de ses doigts, sa main libre lui caressant tour à tour le cou pour sentir les mots se former au fond de sa gorge et sur son sein, pour apprécier les battements puissants de son cœur au creux de sa main resserrée. Quand haiko pressait jusqu’à lui faire mal, la jambe pliée de yuma se tendait sur le matelas de toute sa longueur, les battements de son cœur s’intensifiaient nettement et son regard brillait d’une excitation renouvelée. Haiko souriait alors et relâchait tout doucement sa pression, attardant son ongle sur le téton raffermi de son amie.
Yuma – J’aimerais lui trancher la gorge et le regarder mourir sans se presser, voir au fond de ses yeux la conscience qu’il est en train de perdre quelque chose qui lui est précieux…
Haiko – Alors tu le feras ma chérie. Nous pouvons le remplacer par l’un de ses fils.
Yuma sourit. Elle hissa sa main jusqu’à la joue d’haiko.
Yuma – Il se montrera peut-être utile.
Haiko – Et on dit que tu es sans pitié ?
La jeune femme éclata de rire en se redressant à son tour avant de s’asseoir parmi les draps défaits.
Yuma – Une réputation surfaite, comme beaucoup d’autres ! Je suis douce comme l’agneau et câline comme un bébé.
Haiko – Au moins aussi bruyante couchée dans un lit.
Yuma – Plus sérieusement, qu’allons nous faire d’eux ?
Haiko surprit un sourire sur ses lèvres. Elle aimait quand yuma redevenait sérieuse, c'est-à-dire quand sa jeunesse s’effaçait au profit d’une expérience sincère des affaires qui les occupait, d’un intérêt réel pour tout ce qui pouvait y porter. Ici, à l’abri de cette chambre, Haiko se demanda comment elle aurait pu espérer autrement sa vie, comment celle-ci aurait pu lui offrir davantage qu’elle ne le faisait. En restant à kiri ? Non… ce n’était pas tant qu’elle conservait une rancune quelconque, même si elle en avait grandement voulu au village, à l’institution plutôt qu’aux personnes. Mais cette rancœur s’était effacée au profit d’une meilleure compréhension des enjeux, une compréhension désabusée, frustrée, mais une compréhension qui à défaut d’être complète lui proposait déjà un vaste aperçu. Kiri n’avait plus rien à lui offrir à partir du moment où Haiko l’avait rejeté hors de son cœur. C’était comme un amant. L’indifférence du départ cède peu à peu la place au désir puis, parfois, lorsque les circonstances s’y prêtent, à la passion la plus brûlante. Cette passion peut traverser toutes sortes d’épreuves en demeurant intacte pour celui qui la possède (Haiko avait aujourd’hui assez d’expérience sentimentale pour savoir que cette passion n’était pas nécessairement partagée, loin s’en faut), même les plus improbables, même des éléments de la vie qui aurait dû faire bondir et enrager. Parce que la passion est totale, autant dans l’amour que dans la haine, toujours une affaire de moments. Et puis elle s’estompe souvent. Parfois brusquement, sans prévenir, comme si elle n’avait jamais été présente. D’autres fois en une lente agonie douloureuse. La relation entre kiri et haiko s’était finie brusquement et sans retour en arrière possible.
Non, en ce moment même, haiko approchait au plus près du bonheur avec cette peur enfantine à la saisir, à la toucher ne serait-ce que du bout des doigts, mais s’y abandonnant de temps à autre lorsqu’elle n’y prêtait pas trop attention. Elle partageait sa vie et son existence avec une femme qui lui était devenue très chère en peu de temps, une femme qui avait su rapidement (immédiatement) briser les défenses cyniques et averties d’haiko pour la toucher là où elle était le plus sensible, sans qu’il n’y ait malice, trahison, faux-semblants et mensonges. Haiko ne redoutait plus de se livrer complètement à son amour, à remettre littéralement sa vie entre les mains manucurées d’une toute jeune femme, d’une assassin ambitieuse et amoureuse, et c’était là une richesse qu’elle conservait très précieusement.
Haiko – Rien, quand nous n’aurons plus besoin d’eux, ils retourneront dans leur huttes, les poches pleines d’or… qui s’en soucie ma chérie ?
Yuma plissa les lèvres. Elle finit par hausser légèrement ses épaules et se renfonça tout contre son amante, la joue posée sur le sommet de sa cuisse, l’un de ses doigts venant effleurer sans y penser les poils épars qui s’égaillaient à l’ombre de ses jambes.
Haiko – Quand Daigaku et Ayame shohuhi seront à la tête du pays du thé, nous pourrons laisser nos activités là où elles sont, nous installer quelque part.
Yuma sourit. Elle aimait quand haiko se laissait aller à partager avec elle la vision qu’elle se faisait de leur avenir commun, de ses rêves et de ses aspirations. C’était un secret très intime, en tout cas, c’était ainsi qu’elle le recevait. Comme si haiko pensait sincèrement, avec toute la puissance de son cœur, qu’elles n’étaient pas toutes deux destinées à mourir de mort violente comme tant d’autres. Yuma respectait trop haiko pour la croire naïve, au contraire, elle portait un merveilleux espoir que la jeune assassin essayait de son mieux de s’approprier, comme un enfant essaye d’attraper l’ourlet (trop haut) de la jupe de sa mère. Elle aimait se plonger dans ces pensées, se les faire siennes, renchérir sur les perspectives heureuses d’haiko. Jamais, absolument jamais, elle n’essayait de les tempérer vainement, de lui rappeler qu’elles pourraient mourir la minute suivante, traquées par n’importe qui t’attaché à leur décès. Haiko savait trop cela pour que yuma se souciât de l’assommer avec.
Yuma – Peut être qu’on restera au pays du thé… il n’est pas détestable.
Haiko – Avec ces serpents de shohuhi comme voisins?
Yuma sourit. Elle pinça sans méchanceté un poil isolé de son amante qui laissa échapper un petit cri joueur noyé dans un grand rire.
Yuma – Quelle vilaine amie tu fais… parler comme ça de nos heu… garants…
Haiko – S’ils ne nous font pas assassinées, nous pourrons nous estimer heureuses.
Haiko s’étendit dans les couvertures, reposant sa main sur l’épaule de yuma. Il y avait tellement de lames aux alentours avides de se ficher dans leurs chairs, de connaître un peu plus intimement leurs entrailles… l’argent suffirait peut-être. Kiri ne représenterait pas le plus gros problème, en tout cas, jusqu’à présent cela n’avait pas été le cas. Mais il pourrait très bien prendre au plus mal les affaires de contrebande et chercher à décapiter les têtes pensantes, même si Haiko avait été très prudente tout au long de sa… carrière pour éviter que trop de ses collaborateurs connaissent son visage ou son nom. Mais les ninjas étaient parfois très compétents. Yuma avait également de son côté glanées énormément d’inimitiés, dont celle de l’actuel daimyo. S’il tombait, cela serait une épée de moins au dessus de sa tête mais ce n’était pas la seule raison qui les avait poussées à favoriser les shohuhi. Oui, il était à peu près certains qu’ils chercheraient si tôt installés à se débarrasser de tous les éléments compromettants. C’était ainsi que leur monde fonctionnait. Haiko et yuma n’étaient jamais, à leurs yeux, que les petites mains qui se salissaient pour assurer leur survie au sommet. Ce n’était pas de leur faute, c’était ainsi qu’ils avaient grandi, au sein d’une famille riche, influente et qui respirait la puissance. Leur entourage, qu’il s’agisse de leurs parents bien installés, issus d’une lignée de grande qualité, immensément respectés (ayame avait avoué à haiko qu’elle avait longtemps considéré son père comme un idéal indépassable, sans savoir que c’était une pensée finalement assez commune qui ne la rendait ni particulièrement perverse, ni très aventureuse) ou de leurs amis, qui baignaient nécessairement dans un même milieu, tous participaient à dessiner leur personnalité, à esquisser leur champ des possibles virtuellement infinis. C’était ce dont ils devaient être convaincus pour un jour, à leur tour, s’élever en tête de ces empires économiques aux responsabilités énormes.
Néanmoins Haiko les avait prévenu dès le commencement de leur collaboration qu’il leur fallait abandonner toute idée de la doubler, à l’issue du parcours qu’ils feraient ensemble ou durant celui-ci. Ils n’avaient pas eu l’hypocrisie de prétendre ne pas avoir déjà cette perspective bien active dans leur tête, mais elle ne pensait pas qu’ils aient pris son avertissement au sérieux. Ayame, peut-être, Daigaku moins. Mais elle leur laissait la surprise de l’aventure, s’ils désiraient la tenter.
Yuma – C’est une chance que l’on se soit rencontrées.
Haiko – Au hasard d’une rue pluvieuse…
Haiko sentit les lèvres de son amante s’appliquer sur l’os de sa hanche pour y déposer un bref baiser.
Yuma – Peut-être que nous allons vraiment y parvenir, finalement. Malgré toutes nos blessures, avoir un peu de… de paix, non ? |
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| Sujet: Re: La fille des brumes | |
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