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| | Sujet: Par soi-même Sam 24 Oct - 14:11 | |
| Haya avait passé plusieurs semaines à s’habiter à utiliser sa voix. Cela avait été plus rapide qu’elle ne l’aurait imaginé et dans les trois premiers jours, elle était capable d’aligner les mots sans que sa voix ne meure. Mais parler lui faisait toujours un peu mal à la gorge bien que cela ait tendance à s’atténuer ces derniers jours. Autour d’elle, les gens manifestaient surprise, plaisir et enthousiasme et Haya devait avouer que c’était exactement les sentiments qu’elle éprouvait. Elle avait su que sa voix n’était pas loin en revenant à son village natal. Alors qu’elle déambulait dans les chemins parcourus cent fois, qu’elle respirait l’odeur étouffée de la maison dans laquelle elle avait grandi… les souvenirs des mots échangés, des communications, des sentiments partagés… tout cela lui était revenu avec force et netteté. Elle avait laissé sa voix dans cette maison un an plus tôt, elle était venue la récupérer. Il s’agissait, Haya en était convaincue, d’une entreprise psychologique qui devait être menée à son terme. Parler n’était pas la fin en soi. Ce n’était pas si facile. En devenant muette, Haya ne s’était pas repliée sur elle-même, elle n’avait jamais cherché la solitude. Elle s’était fait des amis, des connaissances et quelques amours. Une autre forme de communication avait pris la place de sa voix et cela était parfait. Mais Haya ne pouvait tout simplement pas se permettre d’abandonner sa voix derrière elle, d’essayer de l’oublier pour tenter d’effacer son passé. Ce n’était pas si facile, non, certainement pas. Il lui fallait assumer de parler, reprendre ce risque. Les choses sont plus compliquées quand on peut parler normalement, ou alors c’est seulement qu’elle a perdu l’habitude. Ses amis, en particulier, l’aidèrent comme ils l’avaient aidé peut après qu’elle soit arrivée à kiri et qu’elle intègre l’académie, quand elle souffrait trop pour ne serait-ce que bouger la tête et qu’ils l’avaient raccompagné chez elle. Plusieurs fois. Ou quand ils étaient restés avec elle la nuit, parce qu’elle était paralysée et qu’elle ne pouvait ni se lever, ni se laver, ni se faire à manger. Cela avait duré des mois. C’était irrégulier, il y avait des pics d’intensité, mais ils restaient toutefois bien présents. Et ils l’étaient tout autant aujourd’hui. Haya sourit et se laissa aller sur le dos. Elle avait attendu ce moment patiemment et à cet instant précis, elle n’essaya pas de refouler les larmes qui lui piquaient les yeux. Il y avait quelque chose de terrible à se dire que malgré le retour de sa voix, elle ne parlerait plus jamais à ses sœurs, à son père, à sa mère ; parce qu’ils n’étaient plus là. Haya en avait fréquenté beaucoup, des jeunes de son âge qui avaient perdu toute leur famille. Ce n’était pas quelque chose d’inhabituel dans le monde des ninjas, et pour la plupart il s’agissait d’une motivation puissante. La vengeance, la quête de force, la volonté d’oublier sa faiblesse d’alors et de dévorer la distance, de la dévorer jusqu’à la faire disparaître entièrement. Les solitaires… Haya n’était pas comme cela, sans qu’elle ne parvienne à déterminer si c’était un bien ou un mal. Elle savait toutefois qu’elle ne voulait pas se venger, elle l’avait su dès son retour au village. Pas la vengeance, mais il est juste qu’ils meurent. Plus que de la justice encore, c’est dans l’ordre des choses. En survivant, ceux qui ont essayé de la tuer on créé un monstre. Ils l’ont amené à être recueillie par kiri. Ils l’ont amené à s’entraîner, à progresser, à dévorer la distance. Chacun devra assumer sa part de responsabilité ; Haya pour avoir accepté cet ordre des choses, eux pour l’avoir créé. Haya se redressa et quitta le toit sur lequel elle s’était réfugiée. Il était tard à présent, la nuit était tombée plus tôt qu’elle ne s’y était attendue et les lanternes dans les rues étaient déjà allumées. Haya les observa avec un œil nouveau et apprécia d’une façon différente aux autres soirs le vent qui soufflait dans ses cheveux et qui hérissait sa peau. Ce soir, elle saurait. La jeune fille s’était préparée pour cette rencontre. Elle avait attendu de retrouver sa voix pour enfin la concrétiser, car cela lui semblait important. Se présenter aussi entière que possible pour tout saisir, tout comprendre et être certaine de sa décision. Haya allait enfin savoir dans le détail qui était son père, ce qu’il était devenu, comment et pourquoi elle et ses sœurs ont été massacrées, en quoi kiri était impliqué… Elle serra dans sa poche le morceau de parchemin que lui avait confié Kajima. Il lui avait dit qu’elle ne pourrait comprendre son rôle que lorsqu’elle saurait qui avait été Kade Kasen. La vie et les gens qui la composent sont autant d’illusions, parfois un peu amères, parfois réjouissantes et ceux qu’on pensait connaître deviennent des inconnus, des énigmes. Kajima, mais son propre père, Kade… Quand il rentrait tard la nuit après des jours d’absences… Quand il avait la force de briser un arbre… Quand la maison avait été épargnée par une inondation… Une illusion réjouissante et un peu amère. Mais Haya ne voulait pas porter de jugement avant de savoir. Elle connaissait, pour l’instant, le début de l’histoire (son père ninja de kiri puis déserteur, sa mort qu’elle devinait maintenant avec une force glaciale) mais c’était le détail qui l’intéressait, le détail de chaque rouage qui a créé sa vie tel qu’elle est actuellement, qui a précipité les choses et les a laissé dans l’état où elles sont. Haya s’arrêta à la porte, leva la main et hésita l’espace d’une seconde. L’ignorance est une bénédiction, disait-on. Mais être aveugle aussi, dans ce cas. Et être muet… Haya frappa à deux reprises. La porte s’ouvrit dans les secondes qui suivirent sur une femme d’une quarantaine d’année, les cheveux châtains et ses yeux gris qui analysèrent Haya un instant et trahir une lueur d’émotion sincère. La jeune fille ouvrit la bouche mais la referma lentement. Tsuna - Haya Sasaki. Entre je t’en prie. J’ai beaucoup, beaucoup de choses à te dire ce soir.***** Cela pris plus longtemps qu’une seule nuit. Haya referma la porte derrière elle après s’être une nouvelle fois brièvement inclinée devant Tsuna. Le matin se levait à kiri, les lanternes nocturnes étaient cependant toujours allumées et seule une patrouille au loin se laissait deviner. Haya se passa une main sur les yeux, un peu étourdie peut-être. La vérité… c’était un sentiment étrange de se dire qu’on était passé à côté toute sa vie et qu’elle était enfin là, tangible et souveraine. Elle fit quelques pas et s’assit sur un banc un peu humide, les yeux clos et le souffle calme. Son père était mort. Elle n’éprouvait pas de réelle difficulté à l’imaginer en train de combattre, parce qu’il avait toujours eu ce quelque chose de guerrier en lui que même ses filles avaient remarqué sans vraiment mettre de nom dessus. Mais il avait un jour parcouru ces mêmes rues, respiré cet air, exécuter les mêmes entraînements qu’elle ; et cela la saisissait profondément. Puis il avait rencontré sa mère et il avait fondé une famille, mais pas à kiri, pas dans le village où il était ninja. Plus loin, comme s’il ne voulait pas que sa famille soit en contact avec cet univers. Que dirait-il aujourd’hui en la voyant intégré à kiri ? C’était une question qu’Haya s’était souvent posée. Sans doute le même sentiment que la plupart des parents, un mélange de fierté et de peur… Son père était détesté. Cela, peut-être, était le plus dur à encaisser. Naikin le lui avait déjà laissé entendre, mais Haya ne percevait pas encore toute l’horreur de cette situation. Kade s’était sacrifié pour kiri et au final, on ne gardait de lui que l’image honni d’un traître. Il avait tissé sa couverture pendant des années et des années, tourné vers l’unique but d’abattre un seul homme. Et il devrait porter son échec pendant toute sa mort, à jamais. Haya soupira et inspira à nouveau. Oui, Kade Kasen trouvera la paix prochainement. Haya ne laissera pas son image ternie par le village. Elle ne le permettra pas. Dans cette histoire, chacun devait prendre ses responsabilités. Elle, Nagata, ceux qui avaient échoué à la tuer, kiri. Son père sera réhabilité pour ce qu’il est, un héros du village caché de la brume, quelqu’un qui a sacrifié toute sa vie pour lui, qui en a perdu sa famille avant même d’en perdre sa vie. Haya savait ce qu’il lui restait à faire. Mais la vie a un curieux sens de l’humour. Il fallait qu’elle achève ce que Kade avait été à deux doigts de réussir, il fallait qu’elle tue Nagata Hideyoshi. Toutefois, elle ne le fera pas seule. Elle n’est sans doute pas aussi forte que ne l’était son père, et c’est peut-être là qu’elle puisera sa vraie force. Si kiri hésitait à prendre des mesures contre Nagata, Haya utilisera son temps libre pour provoquer sa perte. Une longue entreprise, et une entreprise illégale de surcroît. Ou peut-être pas. |
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| Sujet: Re: Par soi-même Lun 18 Oct - 19:09 | |
| Les troupes se mettaient en ordre dans la vaste cour vidée pour l'occasion. Des chefs de régiments aboyaient des ordres avec autorité, éprouvant avec un plaisir évident le pouvoir de leur propre voix. L'armée n'était pas très impressionnante, la femme en avait vu de bien plus importantes au cours des années écoulées. Celle-ci était même davantage un peloton ambitieux qu'une armée digne de ce nom, mais la puissance dégagée par l'ensemble ne pouvait cependant lui échapper. Il ne s'agissait pas de quelques paysans embrigadés dans quelque chose de trop gros pour eux, mais de guerriers et de tueurs. Certains de renom, d'autres oubliés par l'histoire. La femme ne les connaissait pas tous, mais ceux qui lui revenaient en mémoire lui laissaient un arrière goût aigre.
Yomi se releva et quitta le petit promontoire sur lequel elle s'était installée. Elle s’était trop attardée par ici. L'ombre des hauts murs du château s'abattit sur elle tandis qu'elle retournait auprès des côtes. Elle avait aperçu Nagata ce matin. Il avait vieilli, tellement vieilli ! Le temps où il n'était qu'un enfant aux yeux pétillants lui paraissait définitivement oublié. Elle savait alors, d'une façon diffuse et imprécise, ce qui se passerait si elle le mettait en garde contre le Guerrier à l'Âme rouge. Elle l'avait fait parce qu'il lui avait semblé que c'était la meilleure chose à faire, dans l'espoir d'invertir le cours des choses. C’était un espoir vain, Yomi connaissait trop bien sa propre force pour en douter mais, l’espace d’un instant, elle avait sincèrement souhaité que Nagata prenne un autre chemin, qu’il ne se transforme pas en la personne qu’il était amené à incarner. Une personne capable d’ordonner la mort de nombreuses familles pour assurer sa propre survie si misérablement humaine… si chaque homme disposait de sa propre échelle des valeurs (une échelle où il occupera généralement la place la plus haute), Yomi devait bien admettre ne pas se retrouver là-dedans. En grande partie parce que son humanité était quelque part dans ses souvenirs, dévorée par une créature monstrueuse et affamée. Son souhait n’avait pas été exaucé, le futur qu’elle avait approché s’était révélé tristement exact.
Ce sentiment en particulier l’épuisait. Au cours de sa vie, Yomi avait vu des centaines et des centaines de personnes supplier pour accéder à plus de pouvoir. Rarement, malgré les talents qui avaient croisé son chemin, Yomi en avait rencontré qui étaient écrasés par leur propre puissance. C’était pourtant son cas. Sa force était telle qu’elle l’empoisonnait sans parvenir à la tuer jamais, la laissant juste affligée et déçue. Il lui répugnait d’observer l’avenir car c’était un poids très lourd à porter. Elle pouvait alors faire ce qu’elle voulait, déployer la force qui était la sienne, rien de ce qu’elle ferait n’était jamais parvenu à influer sur le cours des choses. A partir du moment où elle attrapait dans le bleu de ses yeux la vérité, celle-ci s’imprimait dans le monde réel, n’attendant que l’heure de se révéler au grand jour.
Byakuei – Tu es mélancolique quand tu penses à tout cela.
La créature sembla s’étirer en elle, comme un long chat démoniaque. Yomi l’ignora. Quand elle concentrait son attention sur lui, elle les percevait. Les grattements. Depuis toutes ses années, Byakuei grattait les portes de son esprit sans relâche, sans faiblesse. Il n’y mettait plus toute la haine et la rage des premières semaines, il n’aurait jamais pu tenir ce rythme très longtemps et Byakuei est un orochi trop évolué et intelligent pour persévérer dans une quête vaine. Il préférait attendre l’unique instant de faiblesse de son hôte pour la tuer sans faillir. Pendant toutes ces années, il n’avait pas eu la moindre occasion à se mettre sous les crocs mais il savait que cela viendrait. Yomi s’était certainement éloignée de l’humanité, bien plus que qui que ce soit d’autre qu’il ait déjà rencontré, mais elle restait profondément humaine. Les sentiments qui l’avaient agité l’année passée, après avoir trouvé les filles de son sang massacrées dans cette petite cabane d’uke, Byakuei avait mugi de plaisir. Cette colère de Yomi, aussi terrible et glaciale soit-elle, lui avait semblé la plus douce des mélodies. Il suffisait d’une émotion incontrôlée (d’une pensée) et la femme était perdue.
Malheureusement, Yomi était avertie. Cela lui avait causé de nombreuses douleurs, mais elle n’avait jamais rien concédé à son orochi. Elle aurait certainement pu sauver Kade et toute sa famille si elle avait cédé aux avances de la bête, si elle lui avait laissé une ouverture suffisante pour s’exprimer. Mais prendre la responsabilité de relâcher un tel monstre, un monstre trop fort pour les hommes… ce n’était pas une faiblesse tolérable. Byakuei resterait lié à elle jusqu’à ce qu’elle meure et quand ce moment serait arrivé, Yomi prendra soin de l’amener avec elle et de partager un peu d’éternité avec lui.
Byakuei – Tue-le maintenant. Tu sais ce qui va se passer si tu le laisses vivre.
Yomi – Il n’y a pas de vision unique dans la galerie des miroirs. Seulement des nuances. Il suffit que Nagata éprouve une seconde de pitié et l’avenir du pays de l’eau en sera modifié à jamais. De pitié ou d’autre chose.
Byakuei – Tu as toujours fuis tes responsabilités. Tu regardes l’avenir mais tu n’agis pas.
Yomi créa un miroir et disparut à l’intérieur. Autour d’elle s’étendait à présent une forêt luxuriante d’un vert profond, avec de nombreuses touches colorées. La femme poursuivit son chemin sans prêter attention aux plantes qui s’accrochaient à elle.
Yomi – C’est la créature dominée depuis tant d’années qui me parle ?
Byakuei gronda mais se tut. Yomi savait qu’il avait raison cependant, mais elle savait aussi pourquoi il avait raison. Cela faisait longtemps que la femme avait choisi de ne pas intervenir dans les affaires du monde. Cela impliquait trop de choses. La différence entre connaître la réponse et donner la réponse l’avait frappée, à l’époque. La question ne lui était tout simplement pas toujours adressée à elle, le rôle de spectatrice lui était déjà attribué. Quand elle regardait l’avenir, il y avait quelque chose d’irrémédiablement impudique dedans, cela ne lui donnait pas le droit de n’en faire qu’à sa tête. Il n’y avait là aucune rébellion à avoir, aucun sentiment de révolte. Parfois, elle se sentait proche de ce qui se passait, mais comme si cela lui rappelait des souvenirs lointains. Il y avait d’autres personnes qui étaient mieux placées pour agir, c’était elles qui devaient prendre leur destin en main et l’affronter. Pas Yomi. Néanmoins, cela allait finir par changer.
Haya Kasen n’avait pas encore la force de son père, elle en était très éloignée. C’était une force différente, une force qui mettait plus de temps à croître. Kade avait été écorché et terrible, ses fulgurances ne pouvaient pas être suivies par n’importe qui. Cela lui avait toujours assuré une avance confortable sur ses concurrents. Il avait toujours paru plus doué que les autres parce qu’il se battait avec tout ce qu’il avait. Il mettait toujours sa vie en jeu, il la posait dans la balance et il jetait toute son énergie dans le combat. Et de l’énergie, il en avait à revendre. On ne peut pas lutter contre ce type d’adversaire avec des demi-mesures. Haya ne semblait pas disposer de cet esprit guerrier, il y avait chez elle un contrôle largement supérieur, une mécanique de glace encore un peu grippée, qui demandait encore à être éprouvée. Yomi avait pris le soin de l’observer. Il fallait qu’elle soit sûre de ne pas voir les mêmes erreurs répétées (elle ne le permettrait pas, pas deux fois). Haya ne savait pas encore ce qu’elle s’apprêtait à affronter, mais Yomi était certaine qu’elle mesurait pleinement l’importance de sa décision de porter la guerre jusqu’au cœur de yukan. Le sang allait couler et la terre en sera éclaboussée. Elle était bien entourée. Des amis fidèles qui ne la laisseraient pas tomber. Kade avait manqué d’amis, il les avait exclu de sa vie réelle pour ne leur laisser qu’un vague écho imparfait et déformé de ce qu’il avait été. L’armée de yukan est constituée spécifiquement pour être à même de résister aux ninjas. Kade avait réussi en son temps à lui infliger des dommages respectables, mais il avait à ses côtés les dieux du Bishamonten. Cela changeait sérieusement la donne. Haya semblait beaucoup trop jeune pour maîtriser une force pareille et quand bien même, il serait trop dangereux de lui laisser en faire l’usage. Kade avait eu le temps de mesurer le sacrifice nécessaire, il avait mesuré jusqu’au bout ce sacrifice. Mais une personne trop jeune, en expérience et en force, pourrait s’arrêter à la seule puissance proposée par les Bishamonten. La force doit être neutralisée par la force. De la même façon que Yomi dominait Byakuei, il fallait maintenir à distance l’empreinte des Bishamonten. Autrement, ils consumaient jusqu’à l’âme du aisu en quelques secondes à peine. A ce titre, la résistance de Kade avait toujours laissé Yomi perplexe. De sa vie, elle n’avait rencontré personne aussi acharné à ne rien leur céder, un lion contre des dieux. Il fallait une force morale à toute épreuve pour réaliser semblable exploit. Néanmoins, il paraissait improbable que les Bishamonten aident Haya dans l’immédiat.
Byakuei – Tu ne connais pas bien les spectres. Ce sont des dieux. Ils sont difficiles à comprendre, même pour nous. On ne sait jamais ce qu’ils peuvent faire. Mais je doute qu’ils sachent qu’il reste une Kasen de vivante. Kade n’a partagé son pouvoir avec personne, ils ne regardent plus le monde des hommes.
Yomi – C’est peut-être mieux ainsi.
Yomi disparut dans une longue succession de miroirs jusqu’à atteindre un petit parterre d’herbe fraîche. En contrebas, un village se dressait en silence. A plusieurs reprises déjà, la femme avait dû se rendre à kiri, la plupart du temps sans essayer de se faire connaître. Une seule fois elle avait rencontré Shinobu au sommet de sa puissance. Elle s’était toujours demandé s’il avait vu, lui aussi, que son frère serait celui qui le tuerait. Il était le seul, à sa connaissance, à pouvoir emprunter la galerie des miroirs dans la direction de l’avenir. Une voie si difficile qu’elle paraissait instinctivement impossible à n’importe quelle personne de leur sang. La maîtrise de Shinobu était avancée, mais parfois, il existe des vérités que l’on préfère se cacher même si on a la possibilité de les embrasser. Que Shinobu ait su ou non la vérité, il semblait avoir accepté de s’y soumettre. A l’époque, il était impressionnant, mais trop intéressé par sa propre force. Dès que Yomi avait rencontré son regard, elle avait deviné que l’orochi qu’il hébergeait avait gagné la partie depuis longtemps. Il s’agissait sans conteste d’une personnalité intelligente, mais il était né un peu trop tard pour la tromper. Ses intrigues politiques ne l’avaient pas intéressée alors et Yomi ne s’était plus approchée de ce qui affectait le pays, même si elle y prêtait toujours une oreille attentive quand l’occasion se présentait.
Aujourd’hui néanmoins, la donne n’était plus exactement la même. En refusant de redonner un peu de sa force et de son éclat à Byakuei, Yomi avait par là même pris la décision de condamner les filles de Kade. Elle espérait toujours pouvoir y parvenir, mais elle était arrivée avec de nombreuses heures de retard, comme si indépendamment des efforts qu’elle aurait pu déployer, le résultat était déjà connu. Cela ne voulait cependant pas dire que tout avait été perdu. Le message qu’elle avait fait parvenir à la famille de Kade avait été trouvé par Haya. Ce message avait éveillé ses pouvoirs latents, de façon à assurer sa survie sans même qu’elle ne sache alors par quel moyen. En survivant, Haya avait redistribué les cartes et le rôle de Yomi n’était pas achevé dans cette histoire. Elle n’avait jamais utilisé sa puissance pour s’opposer à quoi que ce soit, excepté lorsque sa vie était en danger. Mais cela ne signifiait pas qu’elle avait oublié comment l’employer pour détruire. Yomi ignorait encore exactement ce qu’elle ferait, elle savait seulement qu’il fallait qu’elle entre en contact avec Haya et le reste en dépendra. Si la jeune femme voulait de son aide, elle en bénéficierait le temps d’achever cette histoire. Il était probablement temps de confronter Nagata aux choix malheureux qui avaient été le siens. Le temps jugera ceux qui restent.
Yomi s’engouffra dans un nouveau miroir et apparut à quelques mètres d’une jeune femme endormie. Elle semblait paisible, le souffle lent et les paupières immobiles. A plusieurs reprises quand elle avait pu se le permettre, Yomi était passée observer que tout se déroulait convenablement. Elle ignorait ce qui pouvait arriver à la fille de Kade Kasen, étant donné l’histoire de ce dernier. Il lui avait été confirmé qu’elle courait des risques élevés, mais que son anonymat était garanti. Ce que Yomi avait pu voir avait suffi à la tranquilliser : l’adolescente avait des amis et des gens puissants s’assuraient qu’il ne lui arrive rien de plus grave qu’à n’importe qui d’autre ici. Le visage de la jeune femme avait pourtant sensiblement changé. Peut-être était-ce lié au fait qu’elle soit assoupie, mais ses traits étaient clairement apaisés. Plus évocateur encore, son flux interne n’était plus aussi chaotique. Elle maîtrisait sa force. Avait-elle déjà fait ses premiers pas dans le répertoire des aisu ? Yomi ne parvenait pas à le déterminer clairement.
Byakuei – Je ne vois pas ce que Shukkaku lui trouve.
Yomi – C’est un trophée. La dernière Kasen… la fille de Kade. Et la dernière à pouvoir manifester les Bishamonten, moi mis à part. De quoi alimenter la gourmandise de Shukkaku.
Les doigts pâles de Yomi se posèrent sur l’épaule de la jeune femme, qui sursauta si violemment qu’elle faillit se cogner contre le mur. Leurs regards se rencontrèrent presque aussitôt et, loin de paraître endormie, Haya la dévisageait avec deux yeux flamboyants. L’étincelle s’éteignit cependant très sensiblement à mesure qu’elle reconnaissait la personne qui lui faisait face. Elles ne s’étaient jamais rencontrées, mais Yomi imaginait qu’on avait dû lui parler d’elle.
Yomi – Bonjour Haya. Je suis Yomi. |
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| Sujet: Re: Par soi-même Mer 20 Oct - 19:37 | |
| Haya ne l’avait pas quittée du regard, une expression de franche incrédulité sur le visage. Même si la femme ne s’était pas présentée, Yomi aurait été le premier nom auquel elle aurait pensé. Tout son corps entrait en résonnance avec elle, comme si les deux femmes appartenaient au même monde, une impression étonnante qu’Haya ne se souvenait pas avoir jamais éprouvée, même en compagnie de personnes de sa famille. Qu’il s’agisse de son père, qu’elle avait certes connu lorsque ses pouvoirs étaient encore endormis, ou de Hyô et Iba. Elle était incapable de savoir pourquoi son corps était si enclin à la reconnaître et à l’accepter, mais d’après les quelques renseignements qu’elle était parvenue à se procurer, Yomi appartenait à une catégorie très distincte de personnes.
Haya – Bonjour… Elle hésité puis ajouta à demi-mots. Je ne sais pas trop quoi dire.
Yomi – Ce ne sera pas la peine, en vérité, c’est moi qui ai des choses à dire.
La jeune femme lui proposa de s’installer sur le lit. Par politesse, Yomi accepta, les mains posées sur ses genoux. Elle commença sans préambule.
Yomi – Certains d’entre nous naissent pour être gâchés. Notre famille a toujours eu cela en elle. Est-ce que tu connais un peu l’histoire de ta famille ?
Mal à l’aise, Haya haussa timidement des épaules. Il ne lui venait que de grandes généralités en tête. Iba lui en avait touché deux mots, Hyô aussi, mais la jeune femme avait du mal à les considérer comme des membres de sa famille. A ses yeux, sa seule famille c’était celle qu’elle avait perdu à mako, son père, sa mère et ses sœurs. Le clan des aisu, ce n’était qu’un lointain héritage, quelque chose dont elle se sentait résolument exclue. Hyô lui avait expliqué que le clan était éclaté à travers le monde, qu’il était particulièrement désuni depuis des décennies malgré les tentatives de Shinobu et d’autres de reconstituer un noyau dur. Il existait plusieurs familles différentes, les Geïrou, les Kasen, les Aisu… mais tout cela se mélangeait.
A sa grande surprise, Yomi sourit.
Yomi – Je pense que ton père avait ses raisons de vous dissimuler cela. Néanmoins, je peux te dire qu’il connaissait très bien l’histoire de sa famille et qu’il a pris une part importante dans son évolution. Il était déjà l’un des derniers Kasen, comme tu l’es toi-même aujourd’hui. Le gâchis dans notre famille peut remonter jusqu’à Shinobu et Karasu. Même au-delà. Mais ce sont Shinobu et Karasu qui sont restés dans l’histoire. Deux talents gâchés, ils auraient pu faire de grandes choses, mais ils se sont abîmés en chemin.
Haya – Shinobu a été mizukage.
Ses propres mots sonnaient creux et puérils à ses oreilles, sans qu’elle ne sache pour quelle raison.
Yomi – C’est vrai. Mais il n’en a rien fait. Le pouvoir exerçait une grande influence sur lui. Il a eu la faiblesse d’y céder, là où son intelligence aurait dû lui garantir une sécurité. Ce n’est pas très important. J’ai moi-même été gâchée par la possession de l’orochi qui m’a choisie, ma famille a dû s’écarter du reste du clan à cause de cela. Ton père a été gâché d’un bout à l’autre de sa vie, sauf dans ce qu’il a lui-même voulu créer : sa famille. Hyô, Iba… ils sont tous nés pour être gâchés. Et toi aussi.
Haya ne voyait pas du tout où voulait en venir Yomi. Mais elle ne pouvait pas prétendre ne pas suivre le raisonnement. Cela l’avait frappé, pour ce qui est d’hyô et d’Iba. Ils lui avaient toujours paru tristes, comme si un voile impénétrable les séparait du reste du monde, quelque chose qu’ils avaient probablement érigé eux-mêmes. Et pour son père… elle n’avait jamais rien suspecté du temps où il était vivant, mais rétrospectivement, la façon dont sa vie avait été transformée la mettait en colère. Peut-être était-ce parce que l’histoire lui avait été racontée, qu’elle ne l’avait pas vécue, mais les décisions de son père lui avaient toujours semblé dictées par la situation, jamais venues de son cœur et de son esprit. C’était cela le gâchis pour Yomi ?
Yomi – Mais, contrairement à nous tous, tu n’as pas encore accepté ce gâchis. Quelqu’un, Nagata Hideyoshi, a pensé pouvoir te retirer la vie, mais tu t’y es accrochée et aujourd’hui, tu n’es pas prête à abandonner la partie. Tu as des amis, tu accordes ta confiance et ton amour, et c’est quelque chose que ni moi, ni ton père, ni Shinobu, ni Hyô ni personne d’autre n’a été réellement capable de faire. Certains par choix, d’autres par concours de circonstance. Tu ne le perçois peut-être pas encore ainsi, mais cela demande beaucoup de courage.
Le regard de Yomi était complètement hypnotisant. Haya devait presque parfois se concentrer sur ses lèvres pour bien entendre ce qu’elle disait, mais toujours, elle relevait les yeux sur ce regard du bleu le plus parfait qu’il lui ait été donné de voir.
Yomi – Cela vient de tes propres insuffisances. Tu es beaucoup plus fragile que moi, je n’ai jamais eu besoin de l’aide de personne pour quoi que ce soit. Ton niveau, par rapport à ton père, est bas. Tu es très loin d’avoir le talent inouï de Shinobu ou d’Hyô. Pourtant, tu es sur le point de tous nous dépasser, pour atteindre un sol qui nous a toujours été interdit.
Durant la (longue) énumération de ses insuffisances, le visage d’Haya s’était considérablement assombri. Elle voulait bien admettre qu’elle n’était pas aussi forte qu’elle et qu’il y avait toutes les chances pour qu’elle ne le soit jamais, ou pour convenir qu’Hyô évoluait bien au-dessus d’elle, mais venir la réveiller d’une pénible nuit pour lui balancer tout ça… elle n’était pas certaine de vraiment apprécier cette Yomi.
Yomi – Notre solitude et notre isolement a été la source de nos plus grands gâchis. Ma famille s’est isolée, ton père était enfermé dans le mensonge, Hyô dans la célébrité, Iba dans le passé… tu refuses tout cela. Je n’ai jamais agi, dans ma vie, car je ne considérais pas cela comme étant mon rôle. J’ai la force de déséquilibrer la balance, si j’agissais, je pourrais renverser ce qui aurait dû se passer et je sais que cela ne doit pas être.
Haya – Vous voyez l’avenir...
Les mots étaient sortis de sa bouche sans qu’elle n’y pense.
Yomi – En effet. J’ai longtemps réfléchi à ce que cela impliquait. Je crois que mon attitude a toujours défini ce que je voyais. Mais, sur ton exemple, je vais tâcher d’y remédier. Je te propose mon aide, lorsque tu décideras d’attaquer Nagata sur son île. Je ne suis pas une guerrière, je pense toutefois pouvoir t’être utile.
Les yeux d’Haya s’agrandirent.
Haya – Vous… pourquoi ?
Yomi – Je suis intéressée par la perspective de changer la donne. Je veux ressentir à nouveau ce que cela fait de prendre une décision par soi-même, de s’élever au-dessus du chemin que l’on est censé suivre. Je n’ai pas eu l’occasion de choisir énormément, mais je choisis néanmoins de te prêter ma force. De plus, j’ai un problème avec ta famille et je ne veux plus répéter ces errances.
Haya – Quelles errances ?
Haya en avait une vague idée, basée sur le récit que Tsuna lui avait rapporté.
Yomi – Je sais que j’aurais pu vous sauver mais cela m’a effrayé. J’ai douté de moi et cette faiblesse a causé tes malheurs. Pour avoir une chance d’arriver à temps, il fallait que je libère Byakuei, mon orochi. Pas entièrement, mais suffisamment pour écraser mon poursuivant. Cette minuscule brèche aurait cependant été assez large pour que Byakuei me tienne tête. Je doutais d’avoir toujours la force en moi de le vaincre à nouveau au sommet de sa force, maintenant qu’il me connait si bien. Quand il s’est attaqué à moi la première fois, Byakuei ignorait que je maîtrisais aussi bien mes pouvoirs, il savait juste que j’étais une petite fille prometteuse. Je l’ai dévasté et dominé. Il a été à moi, incapable d’exercer la moindre influence néfaste ou positive sans que je l’y autorise.
Haya – Qui est Byakuei ?
Pour la deuxième fois, Yomi esquissa un mince sourire.
Yomi – Son histoire est encore plus longue et embrumée que la mienne. Je te la conterai un jour si elle t’intéresse. Je peux néanmoins te dire qu’il fait toujours partie des quelques orochi les plus puissants au monde, des orochi qui, d’ordinaire, ne sont pas intéressés par des pactes avec les humains. Ils sont au-dessus de cela. Et à vrai dire, pas grand-monde serait capable de soutenir leur présence.
Encore une fois, Haya devait admettre un certain flou. Tout ce qu’elle savait des orochi lui venait du récit de Tsuna, qui ne s’y attardait pas vraiment. Elle devinait qu’il s’agissait d’entités, mais de quoi elles se composaient, c’était un mystère. Mais pour ce qu’elle en avait entendu, elle n’éprouvait aucune envie d’en rencontrer un. Le silence s’installa entre les deux femmes, tandis qu’haya réfléchissait à ce que Yomi lui avait dit. Il y avait beaucoup d’informations à ingurgiter. Plus elle y pensait, plus cet assaut sur Yukan lui paraissait ambitieux. Mais elle n’allait certainement pas refuser l’aide de qui que ce soit, surtout d’une personne aussi énigmatique et fascinante.
Haya – D’accord. C’est un plaisir de vous rencontrer… j’aurais sans doute dû commencer par là.
Yomi – Je dois dire que j’ai hésité à venir. Je te surveillais, de loin en loin, pour m’assurer que tu ne courais aucun danger. Mais quand j’ai vu que tu avais des amis solides, j’ai su qu’il y avait des choses que je pouvais encore faire. J’ai mis du temps à me décider. J’observais Nagata, je repensais à l’avenir que je lui avais vu… et j’ai trouvé le rôle que j’avais à jouer.
Yomi s’était relevée.
Yomi – Il va falloir que je m’en aille. Je saurais te retrouver lorsque tu passeras à l’action, ne te soucie pas de moi.
Prise de court, Haya en fut réduite à bredouiller ce qui lui trottait dans la tête dès l’instant où elle avait reconnu Yomi.
Haya – Oh, heu, d’accord. J’aurais aimé vous poser une question.
Yomi lui indiqua de poursuivre.
Haya – Est-ce que vous avez bien connu mon père ?
Yomi – Non, déclara la femme sans la moindre hésitation. J’ai beaucoup voyagé. Je savais qu’il était à kiri, mais je n’ai pas eu le loisir de l’observer. Il y avait Shinobu, il prendrait soin de lui. Mais un jour, bien longtemps après et alors que j’étais très, très loin d’ici, j’ai entendu son appel. C’était quelque chose de très subtil, mais je pense que tous les Aisu l’ont entendu. Tous ne l’ont pas compris, cependant. Je ressentais toute la détresse de cet homme sur le point de mourir en ayant tout perdu. J’étais suivie par un homme très dangereux, si je faisais demi-tour, il finirait par me talonner. Mais j’ai fait demi-tour dans l’espoir de parvenir à temps à ton père. Le Traqueur me ralentissait terriblement, mais après de nombreuses heures, j’ai réussi à contacter Kade. Tu connais la suite. C’est la seule fois que nous nous sommes rencontrés, et ce n’était pas de visu. Sa détresse me suffisait cependant pour savoir ce qu’il y avait à connaître sur lui.
Yomi regardait le soleil qui faisait des reflets sur la vitre sans le voir.
Yomi – Les Bishamonten vont bientôt se manifester devant toi.
Le ton de la femme avait changé, d’une manière difficile à appréhender. Il n’y avait pas de nuance remarquable, mais peut-être une voix insensiblement plus sourde qu’à l’accoutumée.
Haya – Qui ?
Le regard bleu se fixa dans le sien avec une intensité redoublée.
Yomi – Les Bishamonten. Vous vous êtes déjà rencontré. Sur la plage, ceux qui ont pris ton ami. Il était gravement brûlé.
Les images confuses de la dernière mission avec son équipe lui revinrent en tête. Cela remontait à des siècles. Elle avait complètement oublié Akio et son triste destin (elle en éprouva une rapide honte). Ainsi, les créatures invisibles et mystérieuses avaient un nom. Bishamonten… Tsuna en avait parlé.
Yomi – Il faudra que tu prennes garde. Tu es jeune. Ils sont très, très puissants. Kade les a rencontrés alors qu’il était déjà un homme fait. Mais ce sont des gardiens digne de foi.
La femme s’interrompit brièvement puis reprit sur le même ton.
Yomi – Kade a refusé l’aide d’un orochi, mais il a accepté celle des Bishamonten. Est-ce que tu sais pourquoi ?
Haya secoua la tête.
Yomi – Les Bishamonten le condamnaient lui. Ils n’influent pas sur la famille. Ils ont été découverts par les Kasen et acceptent de pactiser avec cette branche, ou avec ceux que les Kasen désignent comme étant suffisamment solides pour être protégés par les Bishamonten. Mais généralement, ils n’ont besoin de personne pour vivre, ce sont des dieux sans fidèles. Les orochi, eux, peuvent influer sur la destinée de toute une famille. Shinobu et Karasu ont été vaincus par les orochi. Toute la famille des aisu a été brisée par l’action d’un orochi et elle ne sera sans doute jamais reconstruite. Il a accepté le marché des Bishamonten parce que cela vous protégeait, personne ne serait venu vous réclamer un dû. Les Bishamonten sont clairs : de l’aide pour une vie. Les contrats avec les orochi sont plus incertains.
Il y avait cette même nuance indéfinissable dans le ton de ses derniers mots.
Yomi – L’orochi qui tournait autour de Kade, Shukkaku, n’est pas n’importe quel orochi. J’abrite son grand frère en moi et si ce dernier était beaucoup plus féroce et puissant, Shukkaku avait un esprit naturellement gourmand. Il dévore ceux qui pactisent avec lui parce qu’il ne peut pas s’en empêcher. Il ne craint que deux entités au monde : son frère et les Bishamonten. Un jour ou l’autre, Shukkaku viendra te voir. Tu es la dernière Kasen, tu es très appétissante à ses yeux. Il te promettra beaucoup de choses. Peut-être qu’il viendra à toi au moment où tu as désespérément besoin d’aide. Quel que soit ton choix, souviens-toi que ton père a préféré mourir plutôt que de lui permettre de t’approcher.
La perspective de recevoir la visite de deux entités probablement immortelles et intemporelles n’avaient rien d’enthousiasmant. Ils avaient cependant un lien avec son père, ils avaient tous joué un rôle dans son histoire : Haya connaissait leur nom.
Haya – Vous avez réussi à vaincre un orochi pourtant. Il ne vous affecte pas. Vous êtes plus forte que lui.
Yomi – C’est une possibilité qui existe en effet. Mais je n’ai rien choisi. Byakuei est venu et je l’ai brisé. Il ne s’attendait pas à ce que j’y parvienne. Shukkaku est prudent et, sans vouloir t’offenser, tu n’es pas moi. Kade appelait Shukkaku le Mort-Vivant parce qu’il lui semblait naviguer entre les deux eaux. Shukkaku est une indécision. Personne ne peut tolérer une indécision, il nous faut toujours une réponse.
Yomi acquiesça pour elle-même et jeta un nouveau regard en direction de la fenêtre brillamment éclairée.
Yomi – Je dois vraiment partir. Nous nous reverrons bientôt. Conserve toute ta confiance en tes amis. Parfois, ils la malmèneront peut-être, mais souviens-toi que c’est pour cela qu’elle t’est précieuse… sa fragilité.
Un grand miroir translucide apparut dans la chambre et, avant même qu’Haya ait pu intégrer ses dernières paroles, Yomi avait disparu, ne laissant derrière elle qu’un froid irréel. |
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