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 La brume et la glace

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Haya Sasaki

Haya Sasaki


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MessageSujet: La brume et la glace   La brume et la glace EmptyMar 16 Mar - 21:59

Depuis la veille, il faisait très chaud sur kiri.

Haya observait la lumière blanche du soleil à travers les volets fermés de sa chambre, peu pressée de sortir dans le four. Toutes ses fenêtres étaient ouvertes, mais seules des bouffées de chaleur venaient de temps à autre agiter les rideaux. Ses vêtements reposaient sur le lit sans qu’elle n’éprouve la moindre volonté de les passer sur ses épaules. Elle se contentait de déambuler (et encore, quand elle le pouvait, elle restait assise dans sa cuisine les yeux fermés) avec des bandages de plus en plus poisseux sur la poitrine et une culotte qui lui collait à la peau d’une manière désagréable.

Ce devait être à cause du début de l’été, le pays se sentait obligé de le manifester bruyamment. Mais pour la première fois de sa vie, davantage encore que les fois où elle l’avait utilisée pour combattre, Haya appréciait réellement de pouvoir créer de l’eau à partir de rien. Quand Benihime l’avait entraîné la veille (une séance très pénible au départ, où Haya s’était sentie abominablement pataude et maladroite, comme si elle avait eu d’épais moufles aux mains et aux pieds et qu’on lui aurait demandé de danser avec grâce), Haya se jetait fréquemment des trombes d’eau sur le visage pour réveiller les parcelles brûlantes de sa peau. Les autres fois, Benihime s’en chargeait avec une bonhomie qui faisait plaisir à voir. Un peu moins quand sa cascade d’eau lui broyait la poitrine et la laissait à terre, le souffle coupé et la bouche grande ouverte pour essayer d’aspirer quelque chose, mais il en fallait plus pour entamer l’enthousiasme de Benihime qui l’enchaînait au sol sans ciller avec une énième cascade d’eau, et cela jusqu’à ce qu’Haya parvienne à se redresser pour riposter faiblement. Benihime était définitivement bien pire que Ryosen en cela, qui avait au moins la décence de proposer quelques pauses de temps à autre.

Ce n’était pas une surprise que ces deux là s’entendent si bien… Ils partageaient la même propension au sadisme raffiné et noble, qu’ils dissimulaient derrière des intentions louables. Haya ne les en remercierait probablement jamais assez.

La jeune fille s’étira et regarda l’heure. Il était bientôt six heures, il lui fallait quitter le confort relatif de son appartement pour s’aventurer dans la fournaise. Elle avait demandé (supplié) Benihime de modifier leurs horaires, en lui disant que de toute façon elle ne pourrait pas subir une deuxième séance aussi harassante que celle de la veille, coup sur coup, et remettre cela toute la semaine. Benihime avait fini par accepter de décaler leur rendez-vous de quatre heures, afin de l’aborder en début de soirée plutôt qu’en début d’après-midi. Elles devaient travailler jusqu’à onze heures ou minuit, mais cela ne gênait pas beaucoup Haya. Toute la matinée elle avait été proche d’un état comateux, couchée sur le ventre dans son lit, les couvertures rejetées depuis longtemps. Mais c’était encore pire la veille au soir, où elle n’avait rien tant attendu que le début d’un sommeil réparateur, qui déboucha sur une succession de réveils vagues et d’assoupissement de vieille femme. Cela étant, elle se sentait reposée maintenant. Cela faisait maintenant… deux, bientôt trois mois, qu’Haya s’entraînait sans relâche, avec Saeka tout d’abord, la petite amie de Koshiro, puis avec Ryosen. Elle n’avait eu aucune pause entre ces deux séries, pas plus qu’elle n’en avait eu pour embrayer sur les enseignements musclés et humides de Benihime. Elle ne s’en plaignait pas, loin de là, cela faisait longtemps qu’elle attendait une séance d’entraînement de ce type : intensive, épuisante mais qui resterait dans sa tête jusqu’à la fin de sa vie, qui la maintiendrait vivante dans les pires situations, parce qu’elle repenserait à ce qu’elle avait appris alors.

Si Benihime voulait qu’elle suive, alors que ses réserves étaient déjà sérieusement attaquées par le temps et qu’il allait falloir songer à reposer ce pauvre corps fourbu, il fallait au moins travailler à l’ombre et ne pas se laisser aller à la torture facile, tant appréciée par nombre de ninjas mais qui, aux yeux d’Haya, n’apportait strictement rien de concret. Ils avaient une réelle passion pour le repoussage de limites… mais pas dans le sens noble du terme, vraiment dans l’aspect de la torture personnelle la plus basique et la plus violente. Comme si souffrir un peu plus allait les faire progresser plus vite, leur apprendre autre chose. Haya n’était pas certaine qu’après s’être tué une semaine sous un soleil plombé qui crachait le feu et brûlait réellement la peau, on pouvait combattre dans de meilleures conditions si une situation similaire se présentait. Elle ne pensait pas, en fait, que dans une situation de péril mortel on s’arrête pour se dire qu’il faisait tout de même drôlement chaud. On combat, voilà tout, avec toute sa vie, que les conditions soient pénibles ou non. On ne pensera même pas, où alors seulement à travers une brève image, à cette fois où on a été assez stupide pour se tuer au travail de façon fictive et injustifiée, alors que là on risquait bien une mort concrète.

Haya repoussa ces pensées et se dirigea dans sa chambre. Ses vêtements sur le lit étaient encore humides de la veille, mais cela non plus n’était pas très dérangeant. Au contraire, elle frissonna de plaisir après avoir passé sa veste, qui lui apportait une fraîcheur moite revigorante. Fin prête, Haya quitta son appartement et sortit dans la rue. Elle s’avéra en grande partie vide ou plutôt désertée sur son axe principal. Il y avait bien quelques ninjas qui jouaient les fiers à bras (ils feront moins les malins quand ils seront à l’hôpital pour quelque chose d’aussi héroïque qu’une insolation) mais la plupart des civils avaient bien compris qu’il fallait attendre que cela passe. Haya se hâta vers la zone des lacs, un peu au-delà du village. Elle descendit en courant presque la pente ombragée qui débouchait sur l’endroit que la flamme jaune avait, par la force des choses, réservé. Benihime n’était pas visible où que ce soit, aussi Haya s’allongea-t-elle par terre, dans une herbe sèche aux teintes blanchies par l’intensité du soleil, qui semblait crisser sous son dos, à moins que cela ne soit un effet de son imagination. Elle passa les mains derrière sa tête, les yeux clos et se dit qu’elle aurait tout aussi bien pu s’assoupir un peu, en attendant. Qu’elle ne risquait pas un mauvais coup de soleil, ou pire… mais y a-t-il quelque chose de pire que d’avoir le visage rouge pendant une semaine, puis de connaître la douce humiliation de n’avoir qu’une partie du visage brûlée… Haya repensa aux activités de la flamme jaune, quelque part dans le pays du thé d’après ce que Beni lui avait la veille. Elle était visiblement très heureuse d’avoir quelques vacances à l’œil grâce à Haya, mais elle prenait son rôle très à cœur. A vrai dire, ce n’était pas un rôle, vraiment. Il s’agissait, d’une façon subtile et pourtant très concrète, de lui donner les moyens durables de se défendre et, mieux, d’attaquer en toute crédibilité. Si un jour elle devait prendre d’assaut Yukan, et cela n’était pas à exclure, il lui faudrait une puissance de feu similaire à celle de son père en son temps. Quelque chose qui terrifierait tellement ses adversaires que la mort de Nagata ne serait plus qu’une formalité. Elle n’ignorait pas ce qu’on racontait sur Yukan, sans pouvoir le vérifier officiellement, mais qui transpirait de partout. Il y avait là bas une armée non officielle, qui piétinait tous les traités, ceux-là même qui empêchaient kiri d’attaquer de toute la force de son bras. Haya s’était souvent posé la question de savoir comment elle allait faire face à cette armée, une fois qu’Encho Daisuke et les autres seront morts, une fois que Nagata n’aura plus aucun doute sur le fait que le Guerrier à l’Âme Rouge, comme il l’appelait, était bien vivant. Et que c’était une femme de toute façon, la même femme qu’il avait manqué tuer quelques années plus tôt, et qui se tenait là où se tenait son père… animée d’un sentiment d’équilibre… de justice, presque, mais le terme était impropre. Ce n’était jamais qu’une justice personnelle, à l’échelle de sa famille, et cela aurait tout aussi bien pu s’appeler vengeance. Or, ce n’en était pas, Haya en était convaincue. Il ne s’agissait pas de massacrer ceux qui l’avaient massacré, simplement d’équilibrer les choses, d’égaliser les angles. Les responsabilités, Haya. Chacun doit prendre ses responsabilités. Elle était devenue puissante par leur faute, parce qu’ils l’avaient conduit à kiri. Ils devaient assumer cette puissance, qui trouvait sa source dans leur choix de tuer ses sœurs, de briser leurs vies et, sans aucun doute, d’abattre son père, Kade Kasen.

Haya sentit quelque chose de très mouillé sur son front et se réveilla en sursaut, mais elle se retrouva incapable de bouger. Elle rouvrit les yeux pour voir Benihime penchée sur elle, un large sourire aux lèvres, l’immobilisant de tout son corps.

Benihime - J’espère que tu es en forme.. Déjà que tu m’obliges à empiéter sur mes heures de sommeil !

Elle la relâcha et se laissa aller sur le dos à ses côtés. Haya passa ses doigts sur son poignet.

Haya - Désolée… mais je crève de chaud en journée. Pas toi ?

Benihime - Non, du tout.

Haya - Tu es faite en quoi… en… en glaçon ?

Benihime - C’est toi le glaçon.

Les épaules d’Haya s’affaissèrent devant cette répartie fumeuse. Elle leva les yeux au ciel, ignorant la moue déçue de Benihime.

Benihime - Tu es moins douée que Ryosen ! On peut s’échanger comme ça pendant des heures sans se lasser.

Haya - Vous lassez tout le monde par contre…

Benihime - Parce que vous êtes des mauvais, c’est tout. Des mauvais glaçons.

Haya lui jeta un coup d’œil farouche.

Haya - Tu es lourde…

Benihime - C’est toi qui est lourde.

Les jeunes femmes se dévisagèrent. Benihime éclata de rire.

Benihime - Mais qu’elle est bougon aujourd’hui ! Qu’est-ce qu’elle a ma petite chérie ?

La jeune femme s’assit dans l’herbe et s’étira comme un chat. Haya n’avait pas grand-chose qui sortait de l’ordinaire, juste très chaud, même maintenant que le soleil était sur le point de se coucher (enfin, sur le point… il n’en finissait pas d’être sur le point). Un vent sec lui courait sur la peau, l’agaçait alors qu’elle aurait aimé pouvoir s’entraîner dans des conditions plus optimales. Un petit caprice de petite chérie bougon, probablement.

Benihime - Tu as des problèmes avec ton copain ?

Haya se redressa, piquée, et jeta un regard interloqué à Benihime. Elle se détendit.

Haya - Kinsuke n’est pas mon copain

Benihime - D’accord.

Elle se pencha vers elle avec des airs de conspiratrice, une main contre sa bouche pour étouffer sa voix.

Benihime - L’homme avec qui il t’arrive de coucher plusieurs fois par semaine, chuchota-t-elle, ce qui acheva de faire sourire Haya.

Haya - Non, ça va de ce côté, merci. C’est juste la chaleur, ça me tape sur le système. J’ai l’impression de cuire et d’être amorphe le reste du temps.

Benihime lui adressa un sourire, se remit debout et attendit qu’Haya se relève aussi.

Benihime - Ne t’en fais pas, d’ici la fin de la semaine, il fera à nouveau bon. De temps en temps il y a quelques pointes de chaleur, mais on s’y fait. Suffit de se promener à poil, et de bien penser à remettre ses vêtements en sortant, c’est juste un coup à prendre.

Elle désigna d’un mouvement de la tête les grands lacs, avant qu’Haya ne puisse répondre quoi que ce soit.

Benihime - En route !

*****

Haya se redressa, les deux mains dans le dos pour le sentir craquer. Elle avait vraiment des courbatures, cela devenait de plus en plus préoccupant. Depuis quelque temps maintenant, la sensation pesante que les mois étaient des années (des décennies ?) se faisait de plus en plus pressante. Depuis qu’elle avait commencé à s’entraîner avec autant d’acharnement, à bien y réfléchir. Mais il fallait dire que cela se justifiait assez, elle n’avait jamais eu l’impression de progresser autant. Sans doute son niveau n’était-il pas encore à même de rivaliser avec les meilleurs éléments du village (plus que sans doute, en fait) mais Haya se sentait beaucoup plus à l’aise que lors de sa première année à kiri. Cela s’était fait progressivement, sans hâte, le temps qu’elle prenne confiance dans sa propre force, sa capacité à se défendre et à s’assumer, en quelque sorte. Elle n’était pas encore parvenue à un aboutissement, mais cela viendrait.

Haya dissipa d’un revers de la main les bulles qui continuaient de lui pétiller juste sous le nez. Benihime s’était rapprochée et l’invita à se promener avec elle sur l’étendue du lac. Elles marchèrent en silence, sous le ciel étoilé, à profiter du calme. Le soleil s’était couché sans qu’elles ne s’en rendent compte et sans que cela n’interrompe ce qu’elles faisaient (à savoir, une tentative infructueuse pour Haya d’échapper aux infernales bulles de Benihime et, si l’image peut prêter à sourire, ce n’était pas du tout le cas une fois plongé dans l’action). L’air était beaucoup plus respirable, l’épuisante lumière blanche s’était évanouie et la température avait chuté de quelques petits degrés, bien qu’il fasse toujours excessivement chaud.

Benihime - Ryosen m’a dit que tu l’avais embrassé ?

Haya - Heu, oui, mais ce n’était pas un vrai baiser.

Benihime rit à nouveau.

Benihime - Ce n’est pas mon copain, ce n’est pas un vrai baiser, hé, tu es sûre que tu as une sexualité raisonnable ?

Haya - Je ne m’étais jamais posé la question comme ça en fait...

Mais ce n’était pas bête. Enfin, pour la partie qui concernait Kinsuke, pour Ryosen ce n’était vraiment pas un vrai baiser. Elle n’arrivait pas à le considérer comme son petit ami… mais elle était sûre que lui non plus ne la considérait pas ainsi. Ou peut-être que si ? Est-ce que cela devait nécessairement faire l’objet d’une discussion sérieuse et maladroite ? Haya ne savait pas du tout comment gérer ces situations. Elle avait l’impression d’être très gauche alors et un peu ridicule. Kinsuke était un peu plus âgée qu’elle, et cela finissait de la faire paniquer. Elle avait toujours (peut-être pas toujours, mais c’était ainsi qu’elle le voyait maintenant) considéré Kinsuke comme étant quelqu’un avec qui elle pouvait entretenir une relation de confiance, une première étape fondamentale. Elle se souvenait de leur première rencontre, quand il lui avait demandé s’il pouvait l’embrasser, et cela la fit sourire. Elle n’avait rien dit, elle ne se souvenait pas avoir dit quoi que ce soit en tout cas, mais il l’avait embrassé. Juste ses lèvres contre les siennes, pour la jauger, peut-être, pour la goûter.

Haya - Non peut-être que ça n’est pas encore très raisonnable.

Benihime acquiesça, comme si cela constituait une réponse tout ce qu’il y avait de plus satisfaisant.

Benihime - Et Ryosen alors ? Il n’a pas arrêté de nous saouler avec ça, il était là, oui, Haya m’a embrassé, genre… elle n’a pas pu résister à mon charme ténébreux. Et nous on voulait pas le croire d’abord, mais il avait l’air tellement sûr de lui qu’on se demandait pourquoi il irait inventer ça. Même Naikin était intrigué, alors qu’il n’a jamais témoigné le moindre intérêt pour ce qui se cachait sous nos couettes. Je l’en remercie d’ailleurs.

Haya haussa les épaules.

Haya - C’était plus un baiser de guérison qu’autre chose. Il m’a fait de la peine. Il était même plutôt triste. Il ne s’en rendait peut-être pas compte.

Benihime sourit sans rien ajouter. Elle avait le regard baissé là où elle mettait les pieds, sur l’étendue uniforme du lac la nuit. Il n’y avait plus aucun bruit autour d’eux, hormis celui du vent qui s’agitait dans feuillages ou, plus loin, quelques sons en provenance du village. C’était par ailleurs la seule source de lumière, qui créait des sortes de flammes brouillées à la surface de l’eau noire.

Haya - Après on est resté l’un contre l’autre pendant un long moment, sans penser à rien. Je me sentais fatiguée pour nous, et je me suis endormie.

Il devait être près de dix heures, soit encore un peu trop tôt par rapport au planning qu’elles avaient prévu, mais Benihime avait l’air plus souple sur les horaires que ne l’étaient Saeka ou Ryosen. Elle arrivait quand elle pouvait et elle repartait quand elle était fatiguée… c’était quelqu’un de très sain, à n’en pas douter. Elle s’arrêta brusquement et secoua faiblement la tête, avec toujours ce sourire aux lèvres.

Benihime - Un baiser de guérison... c’est bien trouvé.

Benihime la dévisagea avec une intensité qui surprit la jeune fille.

Benihime - Toi et Ryosen, vous devez être les deux personnes les plus blessées que je connaisse... j’aurais aimé être capable d’aider Ryosen, mais je ne peux rien faire de plus pour lui. Il a… ses propres démons à chasser. Mais je peux t’aider toi, et ça me fait doublement plaisir, parce que je sais que cela aidera Ryosen aussi.

Haya - J’essaye de me guérir, mais c’est long.

Benihime la prit dans ses bras, comme cela lui était arrivé lorsqu’elles étaient à Mako, dans le village natal d’Haya et qu’elle s’était mise à pleurer sans parvenir à s’arrêter. Benihime l’avait rejointe dans son lit pour la serrer contre elle, lui caresser les cheveux, lui embrasser les joues, le front, les tempes, lui murmurer des mots à l’oreille pour la rassurer, pour qu’elle ne se blesse pas davantage. C’était l’un des moments les plus forts et les plus intimes qu’Haya ait partagé avec quelqu’un.

Benihime - C’est pour ça qu’on doit t’aider. Retrouver les gens qui t’ont abîmé… mettre un terme à toute cette histoire. Pour que les plaies puissent enfin cicatriser. C’est important pour nous tous.

Haya rendit à Benihime son étreinte, les mains dans son dos, la tête sur son épaule, le regard fixé sur les herbes qui s’agitaient doucement.

Haya - Pour une raison différente pour chacun, non ?

Benihime - Plus ou moins, oui.

Haya - Quelle est la tienne ? Je ne suis pas sûre de la connaître.

Elle sentit le sourire de Benihime contre ses cheveux.

Benihime - Ce n’est pas très important. Ce n’est pas important du tout, même. Il est l’heure de rentrer, je suis fatiguée.

En tombant sur son lit, plus épuisée qu’elle ne l’imaginait, Haya mit pourtant de nombreuses heures à trouver le sommeil. Elle n’était pas pressée de retrouver la chaleur moite du lendemain, qui la surprendrait dès les petites heures et viendrait lui couler sur la peau. Un baiser de guérison.. la voix de Benihime resta dans sa tête jusqu’à ce qu’Haya s’endorme enfin.
Haya Sasaki

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MessageSujet: Re: La brume et la glace   La brume et la glace EmptySam 20 Mar - 16:39

Haya plissa les yeux pour essayer de discerner quelque chose dans l’épais brouillard, mais en vain. Elle ne disposait que de ses oreilles pour essayer de repérer un bruit, même ténu, qui ne soit pas le bruissement des feuilles et les murmures sourds alentours. C’était Benihime qui avait eu cette idée pour essayer d’atténuer la chaleur en cette fin d’après-midi, qui semblait encore plus féroce que la veille à la même heure, comme si le pays était engagé dans une surenchère terrible où le premier à fondre perdrait. Cela la fit sourire malgré elle. A l’époque où la flamme jaune n’était pour elle qu’une morose bande de salopards arrogants et méprisables, Benihime avait joué cette technique contre elle et la lui avait apprise peu de temps après. Cela remontait à si loin ! Il fallait vraiment prendre le temps de se poser et d’y réfléchir pour s’en rendre compte. Mais les mois s’étaient écoulés et au-delà, les sentiments s’étaient altérés, avec une profondeur étonnante.

Haya ferma les yeux et se concentra sur l’humidité en suspension, les particules d’eau qui l’entouraient pour essayer d’y déceler Benihime. Elle devait l’observer en cet instant même, prête à bondir si le besoin s’en faisait sentir, à lui fondre dessus, aussi, dès qu’elle sentirait le plus léger relâchement. Les choses avaient cependant évolué également, en plus des sentiments, et Haya pouvait se prétendre d’un niveau supérieur à ce qu’elle était capable de livrer alors. Si à cette époque, Benihime avait sans aucun doute possible la force pour la tuer ou la tenir éternellement en échec, cela n’était plus aussi vrai aujourd’hui et la jeune femme devait combattre avec un grand sérieux pour ne pas se faire prendre au piège, même si elle gardait une bonne longueur d’avance, aussi bien en puissance de feu qu’en expérience.

C’était bien là la visée première de ces séances, mettre en commun l’expérience de tous ces combattants pour qu’ils la partagent avec elle, comme un vaste bouillon de compétences qui n’avaient rien d’inaccessibles. Haya tendit brusquement les bras et fit éclater des trombes d’eaux sur une surface localisée qu’elle ne pouvait pas discerner de ses yeux nus tant la brume était épaisse, mais cela était quasiment anecdotique. L’eau ne mentait pas, et que ce soit sa réaction au chakra de Benihime ou d’Haya, elle pointait très clairement dans cette direction. Il y eut un mouvement très rapide puis la jeune femme apparut juste face à elle, soudain éclatante de beauté, tandis que les gouttes autour d’elle semblaient se figer le temps qu’elle frappe. Haya ne se laissa pas avoir, elle recula vivement et recracha quelques bulles maladroites que Benihime n’eut aucun mal à éviter. Une longue lame jaillit d’entre les bulles pour se ficher dans le flanc d’Haya de façon très partielle mais néanmoins piquante. La jeune fille saisit la lame d’un mouvement de chaîne très resserré et tira le plus violemment qu’elle put vers elle. Benihime fut projetée en avant et Haya profita de son très bref déséquilibre pour lui envoyer un coup de chaîne beaucoup plus ample, en tenant tout aussi fermement l’autre bout. Saeka serait sans doute très fière d’elle (elle était fière à partir du moment où Haya ne se prenait pas les pieds dans sa chaîne). Le tranchant passa bien au dessus du visage de Benihime, mais il fut quand même fouetté en plein et un claquement sec retentit et s’immobilisa dans les airs. Haya réunit ses mains libérées et propulsa une nouvelle vague qui s’écrasa sur la poitrine de la jeune femme, incapable d’esquiver l’attaque. Benihime ne se laissa toutefois pas démonter, feignit d’être déséquilibrée, laissa une large partie de son corps à découvert. Haya ne réfléchit pas plus avant et s’engagea. Elle s’avança de deux pas rapides pour placer un assaut optimal, mais Benihime se stabilisa brusquement sans qu’elle ne s’y attende, lui attrapa le poignet pour la tirer à elle. Elle sentit un genou s’écraser dans son ventre, puis un coude lui fracasser le sommet du crâne avec une force insoupçonnable. Benihime lui attrapa les cheveux, l’agita un instant pour l’éloigner d’elle et plaça une boule d’énergie de chakra concentré dans son plexus. Haya fut repoussée à une dizaine de mètres en arrière, rebondissant sur la surface de l’eau sans se blesser davantage.

Elle sortit la tête du lac et s’ébroua bruyamment, puis ranima son chakra dans le bout de ses bras et de ses jambes pour s’extirper de l’eau. Benihime se trouvait à l’endroit même où elle l’avait laissée, dégagée de toute brume à présent et occupée à reprendre son souffle. Haya se frotta la tête. Ce n’était tout de même pas très fairplay de lui tirer les cheveux… Les ninjas restaient assez grossiers dans leurs méthodes de combat et Benihime était de celles à privilégier l’efficacité au détriment de l’élégance. Un bon élément en somme… La jeune fille se releva, les vêtements trempés et avec une violente lance de douleur au sommet du crâne. Elle se dirigea vers la berge et s’écroula à l’ombre d’un arbre sans beaucoup de feuilles, imitée quelques secondes plus tard par une Benihime dégoulinante. Pendant un long moment, elles n’écoutèrent que le bruit qu’elles faisaient chacune à récupérer leur souffle.

Benihime - T’es devenue agressive ! Un vrai chien en colère.

Haya - Bientôt tu ne pourras plus me tirer les cheveux aussi facilement...

Elle se massait la poitrine, là où la boule de chakra l’avait heurté. Sa veste était un peu abîmée, comme si elle avait été violemment essorée par un tourbillon capricieux, et Haya pouvait sentir sa chair meurtrie en dessous. Cela lui faisait davantage l’effet d’une brûlure que d’un coup classique. La puissance de l’attaque l’avait projetée en arrière et Haya n’était pas mécontente d’avoir simplement rebondi sur l’eau plutôt que sur la terre ferme. Sa tunique était déjà suffisamment râpée de tout côté pour qu’elle évite d’en rajouter. De façon diffuse, la jeune fille se disait que c’était une attaque intéressante pour lorsqu’elle souhaiterait éloigner quelqu’un qui se serait un peu trop approché à son goût mais, en l’état, elle préférait rester là où elle était à récupérer.

Haya - Vous me crevez… lâcha-t-elle à mi-voix, comme par inadvertance, mais elle sourit aussitôt pour ne pas donner l’impression de se plaindre.

Benihime - C’est plutôt bon signe. Je dois dire que je suis satisfaite, parce que tu ne nous ménages pas malgré ton épuisement.

Le sourire d’Haya s’agrandit puis disparut peu à peu à mesure que la fatigue progressait. Elle ne savait pas bien si elle devait accuser la chaleur encore cruellement vivace, ses blessures récentes ou bien tout simplement l’épuisement accumulé comme le suggérait Benihime, mais elle se sentait plus lourde que jamais et ses paupières n’étaient pas pressées de se rouvrir. Il lui semblait même rêver, des images de sa pensée plus persistantes que de simples images, mais encore trop ancrées dans le cheminement de son esprit pour être de vrais rêves.

Benihime ne lui laissa pas la chance de s’assoupir et lui pinça méchamment le gras de l’épaule, manquant la faire sursauter.

Benihime - La pause est finie. On mangera un bout après notre échange suivant, j’ai une dalle à repaver kiri.

Haya se frotta vigoureusement les yeux.

Benihime - Elle est bonne non ? Repaver kiri... avec ma dalle… elle est bonne je trouve.

Haya - Si je dis qu’elle est excellente… on repave kiri tout de suite ?

Benihime - Je suis incorruptible, moi, pas comme Ryosen où il suffit de se pencher un peu en avant. On se motive !

Le pire, peut-être, c’était que Benihime était bel et bien incorruptible, malgré ses nombreuses petites faiblesses. Il arrivait que la résolution de Ryosen, surtout sur la fin des journées, faiblisse humainement. La qualité de son entraînement ne diminuait en rien, mais il adaptait son exigence à l’état progressif d’Haya qui avait tendance, malgré les efforts que la jeune fille déployait, à subir une chute drastique passée une certaine heure. Il était par ailleurs fascinant d’observer que cette chute, réellement impressionnante, avait chaque jour lieu quelques minutes plus tôt. Son corps lui disait simplement qu’il avait besoin de davantage de repos, d’une vraie interruption dans le travail, et pas uniquement de sommeil. Mais Haya savait qu’on ne la surmenait pas maladroitement. Elle vouait une confiance aveugle dans les qualités d’observation de la flamme jaune, ils savaient précisément où elle en était et ce dont elle était capable. S’ils la jugeaient assez forte pour continuer, elle continuerait.

Heureusement pour Haya, l’échange en question fut très court. Bien que tout à fait réveillée pour l’exercice, elle ne se sentait plus dedans, comme si elle subissait un très subtil décalage par rapport à son infatigable adversaire, qui la narguait tout autour en dansant presque sur la surface plane du lac. Haya rata ses deux attaques, ne parvint qu’à effleurer la jambe de Benihime avec la troisième, puis se retrouva engagée dans une situation chaotique où elle esquivait les attaques avec une demi seconde puis carrément une seconde entière de retard (en quelques mots, elle n’esquivait rien du tout). Son nez saignait après un léger choc du coude, elle avait l’épaule blessée par une langue d’eau dont elle n’avait pas soupçonnée la force et un violent choc à la tempe la laissa étourdie et impuissante lorsque Benihime lui envoya une nouvelle attaque qui acheva de saper ses maigres réserves. Haya s’écroula sur elle-même, comme un chiffon, et resta à la surface de l’eau à moitié inconsciente.

Benihime s’approcha sans hâte, en défaisant le nœud de sa queue de cheval et en dégageant les cheveux restés collés à son front ou sur ses oreilles. Elle s’agenouilla aux côtés de la jeune fille, qui avait les yeux entrouverts mais qui ne semblait pas désirer le moins du monde se relever. Benihime l’attrapa en douceur, un bras sous l’aisselle et l’autre sous les genoux, puis la porta jusqu’au rivage. Elle l’obligea à boire le contenu d’une petite gourde, qui lui rappela le goût de l’orange mais avec différents ajouts, des vitamines supplémentaires certainement (ou des composants plus douteux qui justifieraient l’entrain naturel de Benihime.. et d’autres choses). Haya resta un temps indéterminé dans une situation de grande faiblesse, puis sans que rien n’ait varié, elle se réveilla complètement. Mais il faisait nuit maintenant.

Haya - J’ai dormi ?

Benihime - J’appelle ça coma, moi, mais on peut dire ça.

Haya - Mais longtemps ?

Benihime, dans l’exacte position où elle l’avait quitté, secoua la tête.

Benihime - Non, moins de dix minutes. Tu as eu un petit coup de chaud, c’est même pas la fatigue. On va s’arrêter là pour l’instant, et puis, j’en ai marre de te défoncer, tu es bien meilleure en début de soirée !

Haya haussa les épaules, avec un soupçon d’insolence dans le geste et une ironie bon enfant dans le ton.

Haya - Navrée de te décevoir.

Les deux jeunes femmes retombèrent dans le silence. Benihime se cala contre un tronc à peine assez grand pour elles deux et ouvrit joyeusement son paquetage pour en sortir la nourriture. C’était un spectacle fascinant que d’observer les traits du visage de la jolie chuunin changer et s’éclairer de bonheur à mesure qu’elle sortait ses petites provisions. Haya sourit. Ce qui était le plus touchant, c’était certainement que Benihime était autant heureuse de pouvoir enfin assouvir son appétit que de partager son repas avec Haya.

Haya - Tu n’avais pas beaucoup d’amis, non ?

Benihime redressa la tête les yeux écarquillés et complètement figée. Haya se glaça, de peur d’avoir blessée son amie qui se contentait de la dévisager, avec une certaine froideur. Ses épaules s’affaissèrent un peu alors qu’elle tournait la tête vers les lacs figés et les forêts silencieuses que l’on pouvait deviner. Haya ferma résolument la bouche, effrayée d’enfoncer le couteau dans une plaie qu’elle ne soupçonnait pas.

Benihime - J’en ai eu… J’en ai eu pas mal, même. Ce doit être l’une des premières choses que j’ai été obligée de sacrifier, et sans doute la plus douloureuse. Quand tu as toujours été populaire… que tu vivais essentiellement dans le regard des autres… c’est terrible quand ils ne veulent même plus croiser ton regard. Que tu sens que ta présence les met mal à l’aise et, pour certain, les dégoûte.

Elle poussa un petit soupir indépendant de sa volonté, mais ne reprit pas ses activités. Haya se mordit les joues, se fustigeant d’avoir mis les pieds dans le plat avec une telle innocence. Encore une fois, elle ne savait qui désigner comme coupable, si c’était encore un ressors de sa fatigue résiduelle et continue, qui aurait élimé ses capacités à savoir quand il faut se taire et quand elle doit parler. Mais, plus grave encore, cela pouvait aussi bien être une certaine indifférence aux états d’âme des autres, à leurs blessures personnelles, à leurs sacrifices, parce qu’elle aurait trop l’habitude de regarder son propre nombril au point qu’elle serait étonnée d’en découvrir chez les autres. Comme si elle avait une certaine position de supériorité dans le degré de sa propre destruction et des blessures, et qu’accorder ce droit à d’autres qu’elle revenait à diminuer sa propre douleur. Haya ne pouvait pas y croire, cependant. Peut-être n’avait-elle pas bien saisi les douleurs de Benihime, parce que Benihime ne voulait pas qu’elle les saisisse ou qu’elle les voit, mais elle ne devait pas en être au point de s’imaginer être la seule à souffrir sur terre. Tout son parcours, tout ce qu’elle faisait ici, lui montrait que non. Et que même, elle ne se sentait pas si dévastée que cela, précisément parce qu’elle avait Benihime avec qui parler ce soir, avec qui partager un repas après une journée d’effort, mais aussi tous les autres chaque jour…

Haya passa ses bras autour de son cou et la ramena contre elle, un peu comme Benihime l’avait déjà fait pour elle par le passé… A sa propre surprise, la jeune femme se laissa faire, en secouant toutefois la tête.

Benihime - Hé ça va, je vais pas non plus me mettre à pleurer.

Haya - Non mais cela m’énerve de t’avoir blessée sans le vouloir.

Benihime - Bah, quand tu as voulu le faire tout à l’heure, tu n’y arrivais pas, il faut bien que tu te rattrapes de façon déloyale.

Haya leva brièvement les yeux au ciel. C’était de bonne guerre…

Benihime - Quand je suis entrée dans la flamme jaune, j’ai perdu mes amis. C’était comme ça. Il n’y a pas eu de discussion, pas plus que mes amis ne s’étaient concertés. C’est juste… que j’ai absorbé d’un coup le poids de la flamme, et je dois dire que je me suis vraiment brûlé les doigts. Sans Ryosen, je serai devenue folle. Chaque jour, je croise un ancien ami. Je ne le regarde plus. Je sens juste sa gêne. Est-ce que tu as déjà senti la gêne Haya ? C’est quelque chose de moite, de pesant et de lent, comme une petite limace qui te grimperait le long du cou. J’ai pris l’habitude de ces petites limaces… Mais à chaque fois ça fait mal, parce que je me rappelle de toutes les choses que j’aurais pu partager et qui sont mortes. Brûlées par la flamme…

Haya - Est-ce que tu as bien conscience que j’ai tendance à embrasser les gens qui me rendent triste ?

Benihime - Dans le genre pas farouche, tu dois avoir ton petit succès.

Benihime s’écarta et lui déposa un rapide baiser sur l’arête du nez.

Benihime - Va, ce n’est pas dramatique. C’est juste que… oui, je suis contente de partager tout ce repas avec toi, des choses que j’aime. Cela me rappelle de bons souvenirs et je suis d’un naturel joyeux, alors j’aime bien être contente.

Elle reprit son exposition de nourriture comme si de rien n’était, et tendit bientôt un paquet soigneusement emballé à Haya, qu’elle s’empressa de découvrir. C’était de délicieuses boulettes de viandes aromatisées au thym et à la sauge, pour ce qu’elle en reconnaissait. Elle fut agréablement surprise de les sentir fondre dans sa bouche, onctueuses.

Haya - C’est excellent. C’est toi qui les a faites ?

Benihime - Celles que tu manges oui, mais j’ai acheté la plupart du reste. Pas trop le temps de cuisiner en fait, même si j’adore ça.

Haya - On devrait essayer de s’entraîner à ça un jour. Je ne sais pas si ce sera moins sportif, mais on aura quand même quelque chose à manger au final.

Benihime - Fais attention quand même, je suis encore plus exigeante sur la bouffe. Je ne tolérerai pas que tu gâches du saumon et je sais me montrer impitoyable.

Haya acheva ses boulettes d’un coup de dent vif.

Haya - Est-ce que tu pourrais me dire pourquoi vous êtes détesté à ce point ? Enfin, je ne voudrais pas me montrer maladroite à nouveau…

Benihime attendit d’achever sa bouchée pour lui sourire finement.

Benihime - Je pense que tu connais la réponse, puisque toi aussi tu nous as détesté.

Haya - Ce n’est pas pareil ! Je veux dire… après vous avoir observé, je savais à quoi m’en tenir.

Benihime - Après nous avoir observé… mais la première impression qu’on laisse, c’est la haine. Ou quelque chose qui s’en rapproche. Et pourtant, tu n’es même pas de kiri, alors je te laisse imaginer les autres ! C’est très simple, en fait, mais subtil et très… enraciné dans l’histoire de kiri. Tu connais la plupart des éléments, mais peut-être pas dans le bon ordre.

Benihime reposa par terre les emballages et s’essuya les mains l’une contre l’autre. Elle s’installa face à Haya, légèrement penchée en avant.

Benihime - Tu vas devoir imaginer, parce que tu n’as pas vécu les choses aussi intimement que les autres personnes du village. Enfin, toi personnellement, parce que ton nom est plus que jamais lié à cette histoire.

Benihime leva son pouce devant elle.

Benihime - La pièce fondamentale, Darucha Gankkara. C’est lui la vraie flamme jaune, à la base. Il l’a imprégnée de toute son essence, avec ce qu’elle avait de beau et de nocif. Il ne s’agit pas, pour nous, de le juger, simplement de constater que sa force est encore dans l’esprit de la flamme aujourd’hui. Une force époustouflante. Tu sais que c’était une légende du village et de grands espoirs reposaient sur lui. C’est ça qui a contribué à faire de la flamme jaune ce qu’elle est aujourd’hui.

Haya - Le rassemblement des plus prometteurs d’une génération...

Benihime acquiesça.

Benihime - Oui. Quand on parle de promesse, ce n’est pas seulement la puissance, la capacité à dominer ou à résoudre des missions. C’est vraiment… porter les espoirs de son village, être comme la flamme qui bouge sans cesse, selon les désirs du village. La flamme jaune est kiri. Kiri s’aime et se déteste, alors il aime et il déteste la flamme jaune. C’est notre fatalité, nous ne pouvons pas la changer en claquant des doigts. Regarde les guerres fratricides, les procès, les clans… kiri est gangréné par sa haine. Nous en faisons les frais, mais sa survie passera par nous. Nous sommes le poison et le remède. Parce qu’un espoir peut aussi bien aboutir qu’être déçu… ou trahi. L’espoir est volage, comme la flamme, on ne sait pas s’il va s’éteindre sans prévenir, soufflé par le vent, ou s’embraser en un gigantesque incendie. On ne peut pas savoir. Darucha a trahi les espoirs de son village, le nom de la flamme était alors entaché par son crime. Un crime odieux, il a vendu et tué sa propre coéquipière… c’est… peut-être l’une des pires choses que peut faire un ninja comme Darucha. Imagine Naikin qui nous vend, nous, qui avons partagé tant de choses sincères avec lui. Comment tu te sentirais ? Tu nous aurais perdu nous, mais aussi Naikin, à jamais, mais aussi tous les espoirs que tu avais en nous, tout l’amour, je crois, que tu nous portais, tout ce qu’on représentait pour toi : le souvenir de ton père, les espoirs de ta quête, la confiance que tu nous as accordé, tout cela balayé par un seul homme. Tu haïrais le nom de la flamme jaune, parce que la flamme jaune t’aurais brûlée et trahie.

La jeune femme leva un deuxième doigt.

Benihime - Là-dessus, ton père, Kade Kasen. C’était déjà un salaud au moment d’entrer dans la flamme, mais il fallait être un salaud pour passer derrière Darucha, pour oser soulever le poids de cette équipe légendaire et destinée à la poussière et à l’aigreur. Mais Kade s’en moquait, il a fait resplendir la flamme dans tout le pays, il l’a ancré dans le cœur des gens. Je peux te dire qu’on crachait sur le nom de ton père, mais qu’on lui aurait baisé les pieds pour ce qu’il faisait avec son équipe. C’était une idole, avec tout ce que cela a de dangereux. Personne n’essayait de se voiler la face sur le personnage, mais il avait un charisme, une présence… je l’ai vu, quand j’étais plus jeune et il était fascinant. Un mélange de fierté, d’orgueil, de beauté pure, de tristesse… il était tout à la fois, même si au final, il ne devait être rien de cela. On a adoré ton père Haya, comme un dieu, véritablement. Quand il faisait le mal, on se disait qu’il était peut-être au dessus de cela. Et quand il faisait le bien, on se souvenait de pourquoi on l’aimait tant. Alors quand il nous a trahis… c’était comme une guerre civile, vraiment, le même choc. La haine sous jacente que chacun lui vouait, cette haine si proche d’un amour fou et irraisonnée, s’est embrasée. Là aussi, c’est le triste baiser de la flamme jaune. Une flamme qui détruit, mais qui cautérise par la douleur, un jour ou l’autre, avant de détruire à nouveau. Kade a tué les espoirs de tout le monde. Kiri perdait… un chef, quelque part, une image de lui-même. Il a haï Kade, et il te haïra aussi toi, crois-moi, quand il saura qui est ton père. De même qu’il a haï l’idée de la flamme jaune et ses représentants. Kiri aurait souhaité que la flamme soit enterrée avec ce qui restait de Kade.

Elle présenta un troisième doigt, alors qu'Haya commençait à voir où elle allait en venir.

Benihime - Mais Naikin ne l’entendait pas de cette oreille. Sitôt passé juunin, il demande à disposer de la flamme jaune. On lui a dit que cette équipe était définitivement marquée au fer rouge par la désertion de deux légendes, des légendes bien plus grosses que lui, et que c’était une blessure de laquelle la flamme jaune ne récupérerait jamais. Naikin s’en moquait. Il disait que l’espoir ne devait pas rester en berne à cause de deux connards. Enfin, je n’insulte pas ton père, Naikin ne l’a jamais détesté, mais il devait bien argumenter un peu. On lui a cédé la flamme. Tollé général. Naikin était sacrément bon, mais on le trouvait beaucoup trop jeune, beaucoup trop inexpérimenté pour une telle charge. Quand Kade a pris la direction de la flamme, il devait avoir trente ans, pareil pour Darucha. A peu près. Trente ans, imagine. On disait que l’esprit de la flamme était trop fort, qu’il n’avait pas les épaules pour le supporter. Naikin a recruté Koshiro, Ryosen, puis moi, et voilà, l’affaire était pliée. J’ai perdu tous mes amis à ce moment là. Tu ne peux pas comprendre… mais ils ne voulaient pas être blessés. Je ne leur en ai jamais voulu... j’ai essayé en tout cas. Ils préféraient me rendre étrangère plutôt que de continuer de s’attacher à moi, parce que dans leur esprit, j’allais fatalement les trahir. Et, je crois que je vais le faire, d’une façon ou d’une autre, surtout si je te suis jusqu’au bout, si je vais avec toi à Yukan pour honorer une dernière fois la mémoire de ton père, lui dire que son sacrifice n’a pas été inutile, que tu es là pour en témoigner et qu’il était plus qu’un grand homme pour nous. Et je te suivrais quoi qu’il arrive.
Haya Sasaki

Haya Sasaki


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MessageSujet: Re: La brume et la glace   La brume et la glace EmptyMer 31 Mar - 21:15

Haya émergea doucement de sa baignoire. Elle se cala confortablement contre le bord, ferma les yeux et sortit une jambe à l’air libre pour qu’elle puisse profiter, autant que possible, de la légère brise qui semblait s’être décidée à investir sa fenêtre. La chaleur s’était intensifiée, on racontait même que dans certaines parties très isolées d’Uke, des maladies avaient éclaté à cause d’elle. Ce n’était rien de très important toutefois, tout au plus de quoi mobiliser une ou deux équipes du village pour enquêter sur les lieux et s’assurer de limiter les risques d’une quelconque épidémie. Haya se demandait s’il faisait aussi chaud dans d’autres parties du monde, davantage réputées pour leur climat torride, comme le pays du vent et ses déserts, d’après ce qu’elle avait pu en comprendre. Ils devaient vivre plus souvent qu’à leur tour sous des périodes similaires. Haya ne les enviait pas, ce temps la limait et achevait ses maigres forces. La meilleure solution qui lui était venue à l’esprit ce matin restait le fameux bain froid qui lui donnait tout de même l’impression de se réchauffer lui-même…

Elle avait quitté Benihime dans une drôle d’ambiance, à la fois solennelle et détendue, comme s’il s’y était passé quelque chose de décisif. Cela n’était pas la première fois que la jeune femme disait à Haya qu’elle la suivrait jusqu’au bout, mais à chaque fois cela la touchait un peu plus. Il lui était impossible pour l’instant de savoir comment les événements allaient tourner, s’ils allaient bien se rendre à yukan, ou la façon dont ils allaient s’y rendre. En tant que déserteur ? L’idée la fit frissonner. Elle ne se sentait pas cette force, force que son père avait eu avant elle. Ce n’était pas seulement pour elle… est-ce qu’elle pouvait réellement impliquer tous ses amis dans cette trahison ? Avait-elle réellement le droit de transformer leurs vies à jamais ? Ces questions, Haya se les posait de plus en plus fréquemment. Dès qu’elle posait les yeux sur le papier où elle avait inscrit les noms des personnes qu’elle allait abattre, ses tortionnaires et le maître d’œuvre qui avait sans doute vu son père mourir, dans son île maudite. Pour l’instant, elle ne connaissait que le nom d’Encho Daisuke. Alors qu’elle était là, à se plaindre du soleil de kiri, ils étaient nombreux ceux qui le cherchaient. Naikin l’avait prise à part pour lui dire fermement que pendant qu’ils cherchaient, elle devait rester avec Ryosen puis avec Benihime pour croître en puissance, pour avoir la force d’assumer ses actions. Il lui disait que cela était le plus important, qu’elle devait se reposer sur eux pour trouver le salopard qui l’avait violé et avait failli à la tuer. Haya avait accepté cela, et elle ne pouvait pas dire qu’elle rongeait son frein, ou qu’elle désirait particulièrement être celle qui mettrait la main la première sur Encho. Rester ici avec Benihime… elle en comprenait tout l’intérêt. Jamais elle n’avait eu l’impression de progresser autant qu’avec Saeka, Ryosen et Beni. Être forte…

Haya se laissa aller à un profond soupir, s’étira de tout son long et retomba dans le fond de la baignoire. Il y avait beaucoup de choses dans le brouillard. Elle ne savait pas bien ce qui allait en sortir, quelle forme cela prendrait. Mais elle commençait à ressentir une certaine impatience à l’action, comme si elle faisait face à un flanc de montagne escarpé dont le sommet se défilerait à ses yeux, mais dont elle sentirait l’urgence de gravir les pentes. Ce n’était pas une tâche qu’on pouvait entreprendre seul. Enfin, son père l’avait fait, mais on disait qu’il était bien plus fort que ce qu’elle serait peut-être jamais. Haya ressentait un mélange de fierté, de frayeur et de chagrin à cette pensée. Au fond d’elle, comme toutes les petites filles sans doute, elle savait que son père était fort. De là à savoir qu’il était ninja au service de kiri depuis plusieurs années, qu’il était une célébrité dans son village et, pour ainsi dire, dans l’ensemble du pays… c’était différent. Si Haya s’était habituée à cette idée au fil des mois, après ses premières découvertes hésitantes, ses certitudes validées, cela continuait de la tirailler. Son père avait un jour vécu sous ce même soleil, et pourtant il paraissait beaucoup plus éloigné d’elle que lorsqu’ils partageaient des moments de complicité à Mako. Elle ne comprenait pas une chose cependant : la raison pour laquelle Kade avait choisi d’intégrer et de ressusciter la flamme jaune, en sachant déjà à l’époque qu’il allait la trahir. La raison pour laquelle il avait besoin d’attiser la haine derrière lui, en quoi cela servait son plan. Il devait y avoir une raison, quelque chose, mais cela lui échappait. Son père avait peut-être exécuté cette mission seul et par lui-même, sans ses amis qu’il avait laissé derrière lui, sans soutien d’aucune sorte… il avait peut-être préparé cela pendant des années, bien avant de concevoir Haya, Kaoru ou Murasaki… et il était sans aucun doute beaucoup plus fort qu’elle, plus mûr et plus expérimenté… mais il était mort maintenant. Et son échec claquait encore aux oreilles d’Haya, de jour comme de nuit, un échec qui avait évolué en fiasco complet à mesure que ses filles étaient massacrées… Haya sourit d’un pâle sourire triste. Non, son père n’était pas exactement le modèle qu’elle souhaitait suivre. Elle allait l’aider à retrouver la paix, à lui dire qu’elle ne lui en voulait pas, qu’elle ne lui en avait jamais voulu et qu’elle allait même l’aider à terminer cette mission, dont elle ne saisissait pas exactement l’importance nationale, mais c’était sans intérêt.

Kade avait fait des erreurs, Haya devait simplement ne pas les répéter et, si elle en avait la prétention, les réparer. Cela n’allait pas plus loin… Elle rouvrit les paupières et quitta le confort humide de sa baignoire. Il lui restait des choses à terminer chez elle, et c’était une bonne occasion de tester la méthode Benihime pour lutter contre la chaleur.

*****

Haya se redressa vivement, rayonnante.

Elle était beaucoup plus en forme que la veille et commençait à mieux appréhender les techniques que Benihime utilisait contre elle. Cette dernière quitta les brumes trempée de la tête aux pieds, en agitant une main impatiente devant elle, mais avec elle aussi un large sourire aux lèvres. Pour la première fois depuis que les deux jeunes femmes s’étaient mises en tête de s’entraîner ensemble et, en fait, depuis la première fois qu’elles se connaissaient, Haya était parvenue à tenir durablement en échec son aînée. Cela s’était joué de quelques cheveux, mais Haya lui avait bien dit que bientôt, elle ne pourrait plus les lui tirer aussi facilement. Un peu comme ce qui s’était passé sur cette île sordide peuplée de pirates, yagi, Haya était parvenue à briser l’une des techniques de Beni avec la sienne. Cette fois ci, cependant, la résistance avait été plus acharnée. Sans doute Benihime avait-elle un niveau supérieur au pirate, mais surtout Haya ne manipulait pas une vague d’eau de plusieurs milliers de tonnes d’eau, simplement un bête jet d’eau un peu plus stylisé (et puissant). Elle avait ensuite profité de sa courte victoire pour enchaîner la jeune femme et ne lui laisser que trop peu d’espaces pour poser véritablement son jeu. Cela s’était joué à peu de choses, vraiment, et Haya n’aurait pas juré pouvoir recommencer (elle pensait plutôt que non), mais cela lui faisait quand même plaisir.

Benihime - Tu es une vicieuse. Cela ne m’étonne pas que Ryosen t’aime bien.

Benihime secoua la tête énergiquement, projetant une quantité non négligeable d’eau tout autour d’elle. Elle se frotta les joues des deux mains sans cesser de marcher, puis fit craquer son dos une fois arrivée près d’Haya.

Benihime - Je dois dire que je suis surprise. Je ne pensais pas pouvoir perdre notre petit échange et cela m’a déstabilisé. Tu peux remercier le sang de ton père !

Haya sourit. Elle n’avait jamais senti quoi que ce soit de différent avec ce qu’on appelait ses capacités héréditaires. Peut-être parce qu’elle les avait toujours eu depuis qu’elle avait intégré kiri.. Elle se souvenait d’Iba qui lui annonçait qu’elle était comme lui… elle n’était pas sûre que ce soit le cas. En profondeur, du moins, car Haya n’en était plus à se dire qu’elle ne partageait pas les dons de son père. Ils ne s’étaient que brièvement fréquentés, mais Haya avait la sensation qu’elle suivait un chemin très différent de celui d’Iba, qui cachait ses blessures avec un certain talent. Elle aimerait bien le revoir un jour, mais il avait disparu de la circulation. Enfin, il était en compagnie d’Hyô. Quand elle lui avait parlé pour la dernière fois, Hyô lui disait qu’il allait partir dans une longue mission avec Iba. C’était un peu ses cousins, tous les deux, maintenant qu’elle y pensait… Elle sourit. A ses yeux, sa famille était morte maintenant. Sa vraie famille. Mais elle était heureuse de les savoir vivants et présents, quelque part dans ce monde. Cela, pour une raison qu’elle ignorait, lui donnait un espoir sauvage.

Haya - Je suis heureuse d’avoir toujours un peu de lui en moi… un peu de nous... je crois qu’il serait heureux de savoir qu’il continue à me protéger, d’une façon qu’il n’imaginait pas.

Les deux jeunes femmes se lancèrent dans trois nouveaux échanges, comme les appelait Benihime. Ils tournèrent tous à son avantage, d’ailleurs, mais Haya était quand même heureuse de se trouver sous la brume, malgré les blessures qui s’accumulaient. Elles finirent par rejoindre le rivage, trempées jusqu’aux os, alors que la nuit était bien avancée. Il devait être un peu plus de onze heures, tant elles avaient profité de la bonne forme d’Haya pour aller de l’avant. Elles discutèrent succinctement de l’une des techniques que Benihime n’arrêtait pas d’utiliser depuis la veille, qui attaquait ses sens et la laissait abrutie, pendant que Benihime avait tout loisir de placer des attaques plus redoutables encore.

Elles partagèrent un nouveau repas, sous les feuilles tranquilles et avec pour seul compagnon un vent chaud. Benihime disait que c’était bon signe, cela annonçait que la période de grosse chaleur arrivait à son terme. Haya ne pouvait que partager son optimisme. Après mangé, elles s’allongèrent dans l’herbe, les mains sur le ventre à observer les étoiles qui scintillaient faiblement au-dessus d’elles.

Benihime - Tu ne m’as jamais raconté en détail ta mission à Yagi.

Haya - Je n’en suis pas très fière en fait... murmura la jeune fille. Elle tourna la tête vers Benihime. Tu aurais une mission à me raconter ?

Benihime - Des tas… toutes les missions qu’on fait… bon, presque toutes, sont intéressantes. Mais c’est parfois sur du détail, alors je m’en rappelle pas bien… ou alors je les mélange. Si tu voyais mes rapports… souvent c’est Naikin ou Koshiro qui s’en occupent, parce que moi j’oublie les trois quart des choses importantes. Et Ryosen il trouve ça trop pénible pour lui. Mais je dois bien avoir une petite histoire pour toi, attend voir…

C’était il y a… disons, l’année dernière. On ne se connaissait pas encore toutes les deux, mais je pense que tu devais déjà être sur kiri. En tout cas, notre nouvelle flamme jaune existait depuis presque deux ans. C’était relativement peu, mais sans vouloir paraître prétentieuse, on a tout de suite été excellents. Il y a parfois des alchimies qui marchent tout de suite, les éléments se marient entre eux à la perfection. Et tu as une équipe monstrueuse. Souvent, on dit qu’il faut plusieurs années pour qu’une équipe se connaisse bien. C’est très vrai, il faut prendre le temps de vivre des choses fortes et intenses avec elle, prendre le temps de s’imprégner de ses équipiers, de les aimer. Mais on a pris un départ canon, et on ne s’est jamais arrêté. En fait, c’est comme un couple... ça met du temps et ça se nourrit des expériences communes.

Alors on ne nous refusait pas les bonnes missions. Au contraire, on nous poussait à les prendre. Tout le monde voulait savoir jusqu’où on pouvait aller, parce que je peux te dire qu’ils étaient étonnés de nous voir aussi bons. Il faut se replacer dans le contexte aussi, Kade était parti seulement trois ans plus tôt. C’était encore très frais dans l’esprit de tout le monde. Au moment où Darucha a trahi, il avait fallu huit ans pour que la flamme jaune revienne sur le devant de la scène, et on peut dire que ton père a fait les choses en grand. On a été un peu plus discrets... sur le plan des exploits, en tout cas, parce qu’on ne parlait que de ça à ce moment. La flamme jaune revient... mélange d’excitation et de frayeur... Enfin. Il n’y avait pas de stress pour nous, Naikin gérait les choses à son rythme. Il nous demandait toujours notre avis sur nos missions, il ne jouait pas au chef autoritaire. Il faisait son boulot et en attendait autant de nous.

On s’est lancé dans une mission de rang a. C’était ce que j’adorais, on allait devoir s’infiltrer dans un poste avancé sur Tohoku, contrôlé par une organisation mineure du pays, la saboter, puis revenir dans le village qui était directement exposé pour le défendre le temps que deux équipes de soutien nous rejoignent. Je veux dire, c’est quand même le genre de missions héroïques qu’on adore... enfin, moi et Koshiro on les adore, Naikin et Ryosen étaient un peu plus frais. Ils trouvaient cela plus intéressant de saboter le poste avancé, puis de le prendre d’assaut directement, sans soutien. Mais on ne pouvait pas le faire, parce qu’on nous avait informé qu’il était possible que le poste avancé ait des annexes souterraines, et qu’ils en profiteraient pour s’échapper, d’une part, puis pour raser le village pendant qu’on les massacrait au mauvais endroit. En fait c’était une information erronée, il y avait bien des annexes, mais elles étaient condamnées à partir de la base. C’était plus... des sortes de bunkers souterrains partiellement désaffectés.

Plus que la mission elle-même, c’était toute la préparation qu’elle demandait qui était mortellement excitante. Avec Ryosen, on s’était dessiné des tonnes de sceaux sur le corps... mais quand je dis des tonnes, c’est des tonnes, on aurait dit du camouflage de guerre tellement on était bariolé de partout. Une bonne moitié s’est révélée inutile ou pas adaptée, mais on était prêt à parer à toutes les situations. Naikin nous avait donné une liste de sceaux impératifs, pour la communication principalement. Le reste, c’était comme on voulait. A ce moment, on était déjà complètement en phase, mais on avait tendance à fonctionner par binôme : moi avec Ryosen, Naikin et Koshiro ensemble. C’était les affinités qui voulaient ça, et cela s’était révélé efficace et pratique jusqu’alors. Mais si je me souviens aussi bien de cette mission, c’est parce qu’on a véritablement fonctionné comme une équipe, pour la première fois peut-être. Cela donnait l’impression d’être un mécanisme où les rouages se conjuguaient juste parfaitement, au bon moment. En fait, il n’y a pas énormément de choses qui séparent une victoire totale d’une débâcle. Ce sont des petits détails... c’est rare qu’une équipe compétente foire tout du sol au plafond, même si cela est déjà arrivé. C’est qu’il y a eu un problème à l’intérieur de l’équipe, ou alors une mésinformation, voire carrément une trahison ou une erreur qui a tout précipité. Mais c’est rare. Parce qu’une équipe compétente répétera toujours un schéma régulier, sa propre routine, née de l’expérience des membres entre eux. Actuellement la flamme jaune opère d’une certaine façon, adopte une certaine... philosophie, même si cela peut paraître prétentieux. C’est ce qui fait sa force. Ce serait très long à expliquer, et pas très intéressant, mais pour donner un exemple, il est impossible qu’on choisisse de condamner l’un des nôtres. On peut se sacrifier individuellement, l’équipe s’inclinera devant la décision, même s’il n’est pas certain qu’elle le laisse faire si elle pense qu’il y a d’autres moyens. Mais on peut accepter cela. On ne prendra cependant jamais la décision de condamner l’un des membres pour assurer un objectif. C’est juste... impossible. Cela a toujours été la base de notre entente, et c’est pendant cette mission qu’on en a véritablement pris conscience.

On était à l’intérieur. Rien d’exceptionnel, il y avait des ninjas parmi nos adversaires, mais ils occupaient certains postes clefs et on avait déjà une liste fiable. L’idée c’était de trafiquer les générateurs indépendants d’électricité et de simuler une explosion dans les quartiers résidentiels, qui étaient les moins surveillés. On a réussi les deux opérations, puis on a essayé de se replier. Mais il y avait ce... je ne sais toujours pas ce que c’était, Naikin disait que c’était un sceau protecteur, dans tous les cas, il y avait un champ de force qui s’était activé au moment de l’alarme. Ce n’était pas prévu, le problème c’est que cela nous empêchait de fuir et, pire, nos ennemis nous traquaient grâce à notre chakra. C’était pénible. Même les téléportations étaient sans effet. Pour te représenter la scène, le poste avancé devait faire... disons, un petit tiers de kiri... oui c’était un grand poste. Il devait y avoir une centaine de personnes dedans. Je n’arriverais pas à rendre justice à l’ambiance particulière... mais imagine un début de soirée humide (oui, c’est dur avec cette chaleur), dans une sorte de jungle inextricable, avec des insectes qui crissent partout, cet avant-poste entièrement barricadé comme s’il s’attendait à voir débarquer tout kiri du jour au lendemain, et nous qui nous nous faufilions dans les rangs ennemis, écoutant parfois leurs conversations le temps de reprendre notre route en silence. C’était juste énorme. Enfin, on était concentré comme pas possible, on surveillait chacun de nos gestes, on se lançait de longs regards éloquents... et c’était génial ! Quand l’alarme a retenti, on n’a pas été averti... parce qu’elle n’a pas retenti, tout simplement. On s’apprêtait à partir quand Naikin s’est arrêté juste face au champ de force. On était piégé de l’intérieur et il y avait fort à parier que toute la base s’était refermée sur elle-même. D’ailleurs, il y avait de l’agitation au dehors, même si on n’y discernait plus grand-chose maintenant que le soleil était couché.

Cette session dans les couloirs de la base, puis dans ses souterrains, est à jamais gravée en moi. On était furtifs, silencieux, on tuait rapidement les patrouilles ou les bonhommes qui couraient au hasard, on cachait leur foutu corps dans l’ombre et on poursuivait notre route pour sortir de cet endroit. Ryosen a été attaqué dans le dos par un ninja, genre pas très inquiétant, mais sournois ! Le type lui a brisé le bras, et on n’avait pas le temps pour des soins, parce que les renforts arrivaient et que dans l’idéal, on préférait éviter de devoir affronter cent personnes en même temps. Généralement, c’est une mauvaise idée, surtout que dans un couloir, il suffisait de nous envoyer un gaz pour nous endormir ou nous paralyser et on était faits. Alors on a continué à s’enfuir, Koshiro et Naikin étaient en tête, et moi j’étais avec Ryosen qui traînait. Je lui ai dit merde, tu as la jambe en sang et tu ne dis rien ! Il me disait de continuer et de me taire, mais enfin, c’était ridicule. Naikin s’était arrêté et il nous observait. Tu dois connaître ce regard... tu ne sais pas exactement où il veut en venir à te dévisager comme ça, s’il t’insulte, ou quoi. Il a demandé à Ryosen de prendre le temps de se remettre sur pied, et je voyais bien que Ryosen était vraiment agacé qu’on le prenne comme ça. Tu as parlé à Ryosen, tu sais combien c’est important pour lui d’être bon... d’être excellent même, et il avait l’impression de tout faire foirer. Il nous a demandé de continuer et qu’il nous rattraperait, mais Naikin l’a saisit par le col, l’a rapproché, et lui a demandé à nouveau de se soigner. Ryosen a obéit. Naikin disait qu’il n’y avait aucun intérêt à abandonner l’un des siens derrière lui. Que si kiri nous crachait dessus et nous portait aux nues à la fois, que si nous agissions parfois comme de parfaits salauds, nous n’en étions pas et nous n’allions pas commencer à raisonner ainsi. Que la confiance qu’il avait en nous, ce n’était pas de se dire qu’on arriverait à le rattraper après avoir été laissé derrière. C’est qu’on ne serait jamais laissé derrière. Enfin, on était sur le point d’être rattrapé par un petit détachement de la base et j’étais plus émue que pour mon premier baiser ! On a livré un gros combat après ça. C’est peut-être la chose qui nous a le plus lié, cette espèce de silence qui suivait le discours de Naikin, les espaces qu’il prenait dans ses mots, l’absolue conviction qu’il avait dans ses propos et sa sincérité troublante. Ce n’est pas si fréquent, d’avoir un chef sincère, tu sais... enfin, tu as Satoshi, et dans le genre sincère, il est plutôt énorme aussi pour ce que j’en sais...

C’est troublant de se dire qu’aujourd’hui encore, ce sont ces mots qui nous portent. Cette mission a été fondatrice pour nous, pour la flamme jaune, mais aussi un peu plus profondément que cela. C’est comme si on avait adopté une philosophie capable de nous protéger. Tu me parlais de mes amis, et oui cela m’avait longtemps blessé. Mais je savais que je pourrais toujours compter sur ces trois personnes, qu’elles ne me laisseraient pas tomber quoi que je fasse, et c’était inestimable. J’ose à peine imaginer ce qu’ont ressenti les deux autres flammes jaunes au moment de la trahison des chefs, surtout la première, Darucha qui exécute sa propre équipière... c’est pour ça que l’image est traumatisante pour des ninjas. S’il y a beaucoup de personnalités différentes de ninjas, même si en vérité il n’y en a pas forcément beaucoup de vraiment différentes, c’est avant tout parce qu’ils ont tous des histoires, des expériences et des philosophies propres. Pour certains, la position de Naikin serait stupide.. pour d’autre, elle serait idéale et ne pourrait être appliquée dans toutes les situations. Moi je sais qu’ils ont tort parce que j’ai pu goûter à cette philosophie, et que je la partage. Ton père avait ses propres philosophies, et sa flamme jaune la suivait. Elle devait ressembler à la nôtre, pour avoir duré aussi longtemps, mais je n’en sais pas beaucoup plus. Et toi-même, tu as déjà tes propres pensées, puisées autour de ton expérience personnelle, et tu tisseras des liens similaires avec tes équipiers, tes amis, et les autres.
Haya Sasaki

Haya Sasaki


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MessageSujet: Re: La brume et la glace   La brume et la glace EmptyVen 14 Mai - 16:33

Benihime la souleva littéralement du sol et la fit tourner au moins deux fois dans les airs toute serrée contre elle. Haya était toujours étonnée par la force de la jeune femme. Quand elle la reposa à terre, un peu hébétée mais souriante, Haya découvrit le visage ravi de son amie rayonner comme elle l’avait rarement vu. Elle fut émue d’apercevoir le début de larmes de pure joie dans ses yeux, et Benihime riait en la serrant à nouveau dans ses bras.

Haya - Je suis vraiment, vraiment contente pour toi Beni. Tu le méritais depuis longtemps.

Benihime s’écarta pour se passer une main sur le visage. Elle avait les joues un peu plus roses que d’ordinaire.

Benihime - Carrément ! Ils m’ont fait attendre tout ce qu’ils ont pu, mais c’est enfin fait. Ryosen aussi d’ailleurs, il était très fier ce matin. On s’est à peine croisé mais pour une fois, il ne boudait pas son plaisir !

Haya - J’avais oublié que vous étiez seulement chuunin. C’est une super promotion !

Benihime se frotta les yeux en souriant. Elle était venue directement se présenter à son appartement pour lui annoncer que l’entraînement était annulé, et même si elle essayait de prendre un air grave et pénétré, Beni n’arrivait pas à dissimuler son immense satisfaction. Aussi loin qu’Haya se souvienne, elle ne l’avait jamais entendu se plaindre du fait qu’elle restait figée parmi les chuunin, alors que ses talents dépassaient ceux d’autres juunins et qu’elle appartenait à l’une des équipes les plus populaires du village. Elle était légèrement plus âgée qu’Haya (une affaire de mois), aussi Haya n’hésitait pas à dire qu’elle était gênée de partager le grade de Ryosen et de Benihime, tant la différence de classe la frappait à chaque fois. Ce n’était pas seulement une question de techniques ou de stratégies, c’était avant tout une expérience hors du commun. Mais Benihime ne s’en était jamais souciée en apparence, elle lui disait que les grades étaient surtout une question de responsabilité avant d’être un évaluateur fiable de puissance ou même, mais à une moindre mesure, de compétence.

Benihime - C’est bien pour l’équipe aussi, on est enfin une équipe officiellement supérieure.

Haya - Entre. Tu as le temps ?

Haya s’écarta de sa porte, où elles étaient restées un moment. Benihime lui emboîta le pas.

Benihime - Oui, oui. J’ai toujours du temps pour toi ma chérie. Le reste de la flamme est repartie en mission à quelques kilomètres d’ici, mais ils reviennent dès ce soir si tout se passe bien pour qu’on fête cela. Tu es invitée bien sûr.

Benihime se laissa tomber sur le flanc, sur toute la largeur du canapé et s’étira comme un chat. Haya leur servit deux boissons très fraîches, pour tenter de lutter contre la chaleur étouffante. Elle se remercia mentalement d’avoir pensé à s’habiller malgré ses sérieux doutes sur la question quelques heures plus tôt, et même si ce n’était pas très couvert, c’était toujours mieux d’éviter d’être envoyée nue dans les airs (en tout bien tout honneur) sur le seuil de sa porte.

Haya - Comment ça se fait que vous soyez restés chuunin aussi longtemps ?

Benihime finit sa gorgée, les yeux fermés. Elle reposa son verre et haussa les épaules.

Benihime - Je n’en sais rien. Ils n’y pensaient probablement pas. Il faut dire qu’il y a eu pas mal de choses à gérer ces dernières années... j’imagine. Mais honnêtement, même si je suis super contente, je ne courais pas après.

Haya - Pourquoi ?

Benihime - Je ne sais pas, ce n’est pas la première chose à laquelle je pense en me levant. Mais ça fait plaisir de voir que notre efficacité est reconnue à sa valeur. Pour Ryosen, c’est plus important que moi. Il était... transcendé, il n’essayait pas de le cacher pour une fois. Cela m’a fait plaisir pour lui, et si je m’étais écoutée, je lui aurais laissé le baiser de sa vie. Naikin et Koshiro aussi étaient fiers. Tu sais, c’est comme si les rêves de Naikin étaient réalisés. Comme si kiri reconnaissait notre valeur, même si les gens ne nous aiment pas forcément. C’est important pour nous.

Haya sourit. L’idée de les revoir tous dès ce soir lui faisait plaisir. Cela faisait longtemps, maintenant, qu’elle n’avait plus eu l’occasion de se poser avec eux, voire même de seulement les apercevoir. Depuis ce surprenant début de canicule en fait (Haya n’était pas à kiri depuis des années, mais de l’avis de tous, c’était relativement rare), elle ne les avait pratiquement pas vu à part Naikin, très brièvement, qui lui avait juste fait un clin d’œil complice avant de disparaître vers des aventures plus palpitantes. C’était un peu de son fait s’ils étaient privés de Benihime... et si Beni était privée d’eux, d’ailleurs.

Haya - Je n’arrive pas à comprendre le lien qui t’unit à Ryosen.

Benihime - Je n’arrive pas à comprendre le lien qui t’unit à Kinsuke, lui répondit elle avec un clin d’œil.

Haya ouvrit la bouche, stupéfaite, puis sourit.

Haya - Ce n’est pas très dur à comprendre pourtant. Il a fait beaucoup pour moi, discrètement et sans éclats. Ce n’était pas quelque chose d’impressionnant, de me redonner confiance en l’humain. Je ne savais même pas que je ne lui faisais plus confiance. C’est pernicieux. On ne se réveille pas en se disait, tiens, je déteste les gens. Mais Kinsuke le savait, alors il m’a appris à avoir confiance dans les autres. C’est grâce à lui qu’on parle en ce moment, parce qu’autrement, j’aurais peut-être continué à vous détester ? Continuer à être muette ? Je ne sais pas. Je lui dois beaucoup et il ne me demande rien. Alors, Kinsuke, pour moi, c’est quelqu’un en qui j’ai confiance, avec qui j’essaye d’être honnête.

Benihime - C’est un peu de l’amour non ?

Haya secoua doucement la tête.

Haya - Je ne le dirais pas comme ça. On peut... je crois, être amoureuse sans avoir confiance nécessairement. Je ne pense pas avoir déjà été amoureuse. C’est vraiment basée sur la confiance.

Benihime - C’est un peu de l’amitié alors.

Haya - Oui, c’est de l’amitié. Mais je ne vois pas ces éléments s’exclure les uns les autres. J’aime Kin, je t’aime toi aussi, Ryosen, tous les autres. Amour ou amitié, c’est un sentiment pareil pour moi. Dans l’idée.

Benihime - Sauf que tu couches avec Kinsuke et pas avec moi... Quoique, tu as bien embrassé Ryosen.

Haya éclata de rire.

Haya - C’est vrai. Pour Ryosen, baiser de guérison, pour Kinsuke... amour de guérison...

La jeune fille but une longue gorgée d’eau glacée, puis se laissa aller contre le fauteuil, les jambes étendues sur sa table basse.

Haya - Et alors, pour Ryosen et toi ?

Benihime sourit.

Benihime - Je te l’ai dit, moi et Ryosen on se connait depuis longtemps, c’est tout. On est forcément amis et liés et je l’aime forcément, sinon, je ne serais pas fourrée avec lui.

Haya - Et vous n’êtes pas un peu attirés l’un par l’autre ?

Benihime - Ryosen est attiré par tout ce qui a des seins et de longues jambes, même s’il arrive plus ou moins à cacher son jeu. Et moi... je te l’ai dit, je l’aime forcément.

Haya - Je ne parle pas d’amour mais d’attirance.

Benihime rit de bon cœur.

Benihime - Tu as tout ton vocabulaire à ce que je vois. Donc tu es attirée par Kinsuke ou pas ?

Haya - Répond d’abord.

Benihime observait tourner son verre vide, dont les glaçons s’entrechoquaient bruyamment. Elle resta silencieuse un moment, puis laissa échapper un sourire.

Benihime - Non, Ryosen ne m’attire pas. Mais je ne suis pas très garçons, alors je ne saurais pas dire.

Haya - Tu veux dire que ta proposition de me faire l’amour était plus sérieusement qu’elle n’en avait l’air ?

Benihime - Je ne suis pas très filles non plus, si cela peut t’éviter de stresser à l’entraînement ! Pour te dire la vérité, quand j’ai perdu mes amis, j’ai un peu tout perdu. J’avais, moi aussi, mes amours, mes fantasmes, et d’un coup, j’ai tout perdu. Alors je ne sais pas. Avant que ça n’arrive, je n’avais pas eu l’occasion de me faire une opinion très sûre, maintenant... j’ai d’autres soucis en tête.

Benihime fit un signe dans la direction d’Haya.

Benihime - A toi.

Haya prétexta d’aller remplir leurs verres, même si cela n’avait rien d’un prétexte à ses yeux. Elle avait simplement peur de mourir déshydrater sur son fauteuil, ce qui, pour quelqu’un de son sang, était un peu ridicule et pas très digne de la mort sans doute héroïque de son père, ni de la mort de ses sœurs par ailleurs.

Haya - Oui je suis attirée par Kinsuke. Je pense que j’aurais du mal à faire l’amour sincèrement autrement. Tu vois, il n’y a pas beaucoup de mystères sur ma relation avec Kin. Je suis certaine qu’il pense la même chose.

Benihime - Vous n’en avez jamais parlé ?

Haya secoua la tête. Elle n’en avait jamais ressenti la nécessité, à ses yeux, les choses étaient bien établies et fonctionnaient bien. Il fallait revenir sur ces éléments quand quelque chose n’allait pas, non ? Pourquoi s’ennuyer à discuter de cela, de trouver comment s’y prendre et tout le reste, s’il n’y a aucune nécessité absolue et nécessaire. Mais s’il y avait bien une chose qu’Haya ne voulait pas, c’était de blesser Kinsuke sans s’en rendre compte. La seule idée de l’affecter par excès de ce qui pourrait passer pour de l’indifférence la mettait mal à l’aise.

Benihime - Cela m’a fait plaisir de discuter un bout avec toi. C’était un beau cadeau même si tu n’en savais rien, mais cela me rappelait du temps où je pouvais passer mes journées chez des amies pour leur parler de tout ça. Merci.

Haya - Tu dois plaisanter, après tout ce que tu as fait pour moi. C’est même insultant que tu puisses t’imaginer que discuter avec toi puisse être une corvée !

A la porte, Benihime rappela ses recommandations.

Benihime - Je viendrais te chercher à sept heures. On va aller dans un endroit un peu spécial, tu verras. Bisou.

A la réflexion, Haya était soulagée d’avoir enfin une journée de pause complète. Elle en profita pour dormir, longtemps, même si cela ressemblait toujours autant à de l’inconscience et que lorsque par miracle elle émergeait, elle ne distinguait jamais qu’un vague univers flou qui ne lui inspirait pas confiance, alors elle retournait sur la plage rose sans soleil de son rêve, et c’était très bien comme ça. Aux alentours de six heures cependant, Haya se réveilla, pris une longue douche et s’installa devant ses armoires. Benihime ne lui avait rien précisé sur l’endroit où ils iraient. Devait-elle s’habiller correctement ? Elle n’allait quand même pas y aller habillée en ninja, cela faisait un peu convenu (même si Haya n’avait pas à rougir de sa tenue de combat). Sans compter le plaisir de ne pas porter pendant vingt quatre heures entières cette fameuse tunique, qui aurait dû lui coller à la peau tellement elle l’avait conservé ces derniers mois. Haya se décida pour s’habiller élégamment, si cela faisait trop habillée, elle faisait confiance à Benihime pour l’avertir et ne pas la laisser s’humilier publiquement, mais c’était placer beaucoup d’espoir en Benihime. Une robe d’été d’un rose très pâle, qui lui arrivait un peu au dessus des genoux, assez élaborée, avec un décolleté un peu trop important pour ce qu’Haya avait à montrer, mais cela ne lui paraissait pas très grave. Elle tourna plusieurs fois sur elle-même pour s’observer sous toutes les coutures et grimaça en se rendant compte qu’on voyait un peu trop clairement les cicatrices sur son dos. Il y avait le H de Haya et le SA de Sasaki qui dépassaient, même si la robe était relativement couverte au niveau du dos, ce n’était pas un déshabillé ou quoi que ce soit. Haya essaya d’arranger sa robe du mieux qu’elle put, mais le H et le S restaient partiellement visible, et à moins de mettre des épingles (qui raccourciraient considérablement sa robe pour un résultat un peu bâtard), il n’y avait pas d’autres options.

Haya opta pour les épingles. Elle se piqua plusieurs fois les épaules, mais trouvait en toute objectivité ses efforts fructueux. Il n’y avait qu’un trait de H qui dépassait, le S avait été entièrement vaincu par le tissu. Sa robe s’était raccourcie de près de dix centimètres et lui arrivait à mi cuisse, ce qui serait peut-être pour le coup un peu trop juste. Mais si elle voulait être prête, il fallait se dépêcher. Haya se maquilla longuement, d’une façon plus marquée que d’ordinaire. Elle se regarda et fut soulagée de ne pas avoir l’impression de faire trop poupée d’enfant. Il était plus de sept heures quand Benihime sonna. Haya enfila ses talons et courut ouvrir.

Il ne fallait pas mentir, alors que les doutes d’Haya sur la façon de s’habiller ou sur la longueur de sa robe fondaient au soleil: Benihime était splendide. Elle portait une robe qui descendait jusqu’à ses chevilles, amplement fendue à chacun des côtés, une magnifique robe jaune soleil qu’Haya n’avait bien sûr jamais eu l’occasion de voir. Benihime paraissait presque autre avec cette robe, si ce n’est son large sourire et ses yeux pétillants. La robe s’arrêtait à sa poitrine, laissant ses bras et ses épaules nues, et quand Haya la fit tourner doucement pour l’admirer entièrement, elle découvrit un superbe dos musclé et satiné, presque intégralement découvert. Benihime avait également un collier qui scintillait sur sa poitrine et deux bracelets d’argent au poignet droit, ainsi que pas moins de cinq bagues différentes. Même si Haya avait peu l’habitude de la voir ainsi, elle ne parvint pas à trouver ces agréments trop chargés, cela faisait partie du tout.

Haya - Tu es juste magnifique Beni !

Benihime - Arrête, tu es superbe, j’adore te voir en robe, cela me fait plaisir pour toi.

Haya - Je crois que je ne t’ai jamais vue en robe.

Benihime sourit simplement. Haya passa son doigt au dessus de la poitrine de la jeune femme. Elle avait une marque noire.

Haya - C’est quoi ?

Benihime - Un sceau. Je ne les ai pas tous retiré, celui là est important.

Haya acquiesça doucement, pensive, puis revint à l’instant présent.

Haya - On doit partir tout de suite ? Je n’ai pas encore mis de bijou.

Benihime - Prend ton temps ma belle, les garçons se font beaux. Il y aura Saeka aussi, elle est à tomber par terre. D’ailleurs, ajouta-t-elle pendant qu’elles s’enfonçaient dans l’appartement d’Haya, cela me fait penser qu’elle a une robe bleue, magnifique. Tu crois qu’on a fait exprès de choisir une robe qui allait avec nos cheveux ?

Haya se toucha les cheveux machinalement (cheveux qu’elle avait passer une bonne demi heure à coiffer convenablement, pour les attacher vers le haut en arrière avec une petite lanière d’argent, qui lui arrachait à chaque fois des petits gémissements de douleur au moment de l’ôter, mais qui ressortait bien avec ses cheveux, alors, c’était en quelque sorte un sacrifice nécessaire pour les occasions qui le méritaient). En entrant dans la chambre d’Haya, Benihime laissa échapper un sifflement d’admiration.

Benihime - Wahou, tu es plutôt équipée !

Haya - Une partie des vêtements sont à une amie à moi, mais j’avoue que j’aime assez les vêtements et... tout ce qui va avec en fait.

Benihime l’aida à choisir ses bijoux, notamment un collier qu’Haya trouvait un peu trop voyant (Haya argumenta en disant que sa poitrine n’était pas exactement l’endroit où il y avait le plus de chose à regarder, Benihime lui répondit que cela ferait un bon contrepoids avec les regards qui auraient tendance à rester sur ses jambes. Ce fut Benihime qui gagna). Là-dessus, s’ajoutèrent deux bagues discrètes et de grandes boucles d’oreilles rondes, parce qu’à la réflexion elle trouvait celles qui tombaient trop lourdes pour ses lobes déshabitués à cette charge. Fin prêtes, les jeunes femmes sortirent.

Il y avait quelque chose de grisant et d’intimidant à remonter la rue de kiri ainsi parée. Haya commença à jeter de fréquents coups d’œil à Benihime, qui s’avançait très sereinement dans la rue, en pestant à moitié contre le dallage qui n’était pas fait pour les talons, ce qui, en soit, n’était pas un étonnement. Mais les nombreux regards qui se tournaient vers elles ne l’intéressaient pas le moins du monde, aussi Haya prit elle le parti de faire comme son amie. Elles se dirigeaient vers un endroit qui lui était inconnu et qui s’avéra, une fois la porte passée, être le vaste appartement de Naikin. Il était là pour les accueillir avec Ryosen, dans un grand salon cossu. Ils étaient impeccablement habillés, avec un costume gris et blanc pour Naikin, très élégant, avec de longues chaussures en cuir. Pour la première fois, Haya remarqua qu’il avait l’oreille droite percée (elle le remarqua surtout parce qu’il portait une boucle très petite qui, après un examen un peu plus approfondi, se révéla être une pierre précieuse qui lui échappait). Ryosen avait quant à lui troqué son costume habituel pour un autre, pourpre et noir, avec cependant toujours une cravate blanche et des gants de la même couleur. Il portait une chaîne d’argent au cou. Haya ne se l’expliquait pas, mais elle vivait la scène comme s’ils se voyaient tous pour la première fois, comme s’ils avaient porté un masque pendant plusieurs longs mois et qu’enfin ils partageaient leurs identités, que ce soit leurs visages ou leurs appartements. Naikin et Ryosen lui firent la bise, et Ryosen profita du mouvement pour refaire la bise à Benihime, comme ne manqua pas de lui faire remarquer la jeune femme. Haya sourit plus largement encore en le voyant. C’est vrai qu’il y avait quelque chose de changé en lui, une lumière plus éclatante encore. Une lumière victorieuse.

Ryosen - Saeka est en train d’habiller Ko. Ou de le déshabiller, parce que vu le temps qu’ils mettent...

Naikin les conduisit jusqu’au salon, où ils s’assirent sur des canapés exceptionnellement confortables. Il leur servit un petit apéritif alcoolisé, et demanda très civilement à Haya si elle préférait autre chose.

Benihime - On n’est pas trop pressés, on a toute la soirée !

Ryosen - C’est vrai. D’ailleurs, il faut qu’on éclaircisse un point très épineux. Les couples.

Haya - Quels couples ?

Ryosen regarda Benihime.

Ryosen - Tu ne lui as pas dit où on allait ?

Benihime - Non. C’est une surprise.

Haya - Faire de l’échangisme?

Benihime - Une bonne surprise. J’espère.

Haya - Non mais je vous fais confiance, je demandais juste.

Naikin - Je propose Beni avec Ryo, moi avec Haya.

Benihime rit en passant son bras sur les épaules de Ryosen et de l’amener contre elle.

Benihime - Tu croyais que tu allais pouvoir tâter Haya, hein !

Ryosen - Mais pas du tout. Je te tâterai, je te tâterai.

Saeka apparut, Benihime n’avait pas menti. Haya l’avait elle aussi toujours vue avec ses vêtements de travail, sans avoir jamais prêté une attention extrême à la beauté de ses traits et à l’équilibre de son corps. Il n’y avait que la grâce de ses mouvements qui, déjà à l’époque, n’avait pu lui échapper. Sa robe d’un bleu profond qu’un léger dégradé éclaircissait à mesure qu’elle descendait arrivait à peu près au même endroit que chez Haya, mais cette dernière avait l’impression que cela faisait moins robe raccourcie chez elle... ses talons étaient incroyablement longs et, si tôt après qu’elle se soit installée pour les saluer et avertir que Koshiro finissait bientôt, Haya lui demanda comme elle pouvait tenir là-dessus.

Saeka - J’avais un peu perdu l’habitude de ces talons ci, mais ce sont des choses qui reviennent vite. C’est juste une question de perspective.

Haya - Tu sens bon. Vraiment, je ne m’attendais pas à te voir aussi... canon...

Saeka - Merci, je dois dire qu’en ce qui me concerne, je ne suis pas étonnée de te voir comme tu es. Tu es toujours très jolie.

Koshiro arriva à son tour, en tirant sur son col comme un malheureux. Il salua tout le monde, puis laissa Saeka l’arranger une énième fois, posément assise sur ses genoux. Haya passait sa main sur sa veste en cuir d’un gris aux reflets noirs. Elle sentait très bon elle aussi. Le col rebelle était celui de sa chemise, qui lui arrivait au niveau de la mâchoire et qu’il n’arrivait pas à ajuster à sa convenance. Ryosen ricanait en lui faisant remarquer qu’il était plus lent que les trois filles assemblées, ce qui lui valu d’être pincé par Benihime.

Haya - Wahou, c’est quoi ces chaussures ?

Koshiro - Terribles hein ? Je les ai acheté il y a trois mois dans le pays de la foudre.

Saeka - Heureusement que tu danses suffisamment bien pour que je ne m’inquiète pas de l’avenir de mes pieds.

Naikin - Vous êtes prêts ?

Saeka quitta les genoux de Koshiro après un rapide baiser sur le front et le jaugea du regard avant d’acquiescer. La flamme jaune se releva à son tour, suivit d’Haya. Naikin la prit par la main.

Haya - Où est-ce qu’on va ?

Naikin - A Taki.

Haya - Taki? Taki le pays ?

Koshiro - Bien, oui.

Naikin réunit ses mains, il y eut un grand cercle bleu dans son salon, puis ils disparurent.
Haya Sasaki

Haya Sasaki


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MessageSujet: Re: La brume et la glace   La brume et la glace EmptyMer 19 Mai - 12:14

Haya s’était cramponnée, par réflexe, au bras de Naikin. Elle ne le lâcha pas tout de suite et prit le temps d’observer les lieux autour d’elle, tandis que Saeka rajustait élégamment sa bretelle, juste devant elle. C’était un vaste dôme de verre, où on pouvait voir à l’extérieur de denses forêts sombres l’encercler sans jamais pénétrer son seuil. De lourdes arches aux reflets blancs le soutenaient, et seul le centre, que l’on pouvait discerner un peu plus loin, était ouvert au vent. Haya sourit. Il y avait quelque chose de beau et de touchant à voir le firmament étoilé sous ce dôme, comme si le monde au dehors appartenait à une autre réalité. La lumière des étoiles se reflétait sur le sol marbré, mais en y regardant de plus près, Haya remarqua que ce n’était qu’une illusion du dôme (ce qui, en soit, était plus logique ainsi). La jeune fille finit par lâcher le bras de Naikin pour faire quelques pas en regardant autour d’elle, ses talons retentissant sèchement. Ils n’étaient pas les seuls sous le dôme, une bonne trentaine de personnes discutaient et marchaient, qui vers l’extérieur, qui dans un autre dôme, presque invisible de là où ils étaient. Quelques regards s’étaient tournés vers eux, avant de revenir vers ce qui les intéressaient.

Ryosen - C’est ici qu’on avait fêté notre nouvelle équipe quand on a tous été réunis par Naikin. Franchement... on ne fait pas mieux.

Haya - Je ne savais même pas qu’il existait des endroits comme ça.

Benihime - Je confirme que ce n’est pas à kiri que tu trouveras ce genre de chose.

Ils s’engagèrent dans un deuxième dôme, qui s’ouvrait lui-même sur plusieurs gangues de verres similaires. La couleur de certaines d’entres elles variaient subtilement, Haya pouvait en voir une couleur nuit et une autre légèrement rosée. Les deux autres, celle d’où ils sortaient tout juste et celle qui lui faisait directement face, étaient de la teinte classique du verre. Haya en déduisit qu’ils se trouvaient dans une sorte de salle de liaison, un hall communicant entre les différentes salles. Il était difficile de voir lesquelles étaient bondées et lesquelles étaient plus calme, mais la jeune fille pouvait dire sans se tromper que le dôme couleur nuit était de loin le plus bruyant. Il lui semblait même que le volume de la musique, qui était encore étouffé par la distance relative, faisait trembler le verre. C’était par là qu’ils se dirigeaient d’un pas vif, et ils n’étaient pas exactement les seuls.

Contrairement à ce qu’Haya avait imaginé, la musique ne lui fit pas exploser les tympans (elle avait mentalement fait une croix sur son ouï). Elle était forte, sans doute au point de devoir crier pour se faire entendre, mais curieusement bien proportionnée. Haya n’avait d’ailleurs jamais entendu de musique semblable, mais son expérience musicale était ridiculement réduite et là où les autres semblaient parfaitement à l’aise dans cet environnement, Haya regardait autour d’elle avec des yeux ronds en se demandant par quel procédé on pouvait créer ces sons. Vraiment, il y avait des gens qui s’étonnaient de voir quelqu’un produire de l’eau avec sa bouche, mais ils seraient stupéfaits de savoir qu’ils avaient eux-mêmes la capacité à surprendre des ninjas.

Le dôme était bien plus vaste qu’Haya ne l’aurait cru de l’extérieur. Le hall qu’ils venaient de quitter aurait pu tenir au moins trois fois dans l’étendue qu’elle voyait et encore, l’obscurité ambiante l’empêchait de voir le fond de la bête. Comme si cela ne suffisait pas, plusieurs étages se superposaient. Haya se pencha contre la rambarde circulaire et jeta un œil en bas : trois étages par le sol, peut-être cinq ou six de plus par le haut. Mais qui pouvait bien avoir suffisamment de patience pour créer ça ? Il fallait sans doute plusieurs générations pour arriver à ce résultat, pour un seul des dômes. Le mystère de taki se dissipait à mesure qu’Haya s’émerveillait : forcément, si le budget du pays était passé dans la construction de bâtiments similaires (voire dans l’achèvement de celui-ci), ce n’était pas une surprise que le village de taki n’ait jamais fait parler de lui. Ils devaient se battre avec des cuillères en bois et des oreillers en mousse, tellement l’argent leur passait au dessus de la tête. Haya ne pensait pas avoir déjà entendu parler de quoi que ce soit de similaire dans le pays de l’eau... peut-être s’agissait il de deux philosophies différentes. Le pays de l’eau avait traversé plusieurs guerres et se spécialisait chaque jour un peu plus dans la guerre civile. C’était presque un sport national maintenant que kiri s’y mettait. Haya ne connaissait pas grand-chose au sujet de taki, mais elle ne se souvenait pas de guerres précises. Un pays peut-être davantage tourné vers ses civils que vers son armée, un pays dans lequel son père et beaucoup d’autres n’auraient certainement jamais eu à faire des choix impossibles.

Ryosen - Viens on va chercher une table.

Haya sursauta. Ryosen venait juste de lui hurler dans l’oreille plus fort qu’il ne le fallait et, sans lui laisser le temps de réagir, la prit par le bras et la traîna dans les profondeurs du dôme. La masse de gens au mètre carré avait de quoi faire frémir, Ryosen s’enfonçait gaiement dans les lignes adverses en jouant du coude (très vite cependant, il se répandit dans le dôme une sorte d’instinct bestial généralisé : les gens s’écartaient avant que Ryosen n’ait l’occasion de les pousser de son chemin, une sage décision du reste quand on était capable de fissurer un mur avec son index), pour rattraper le reste du groupe. Ils montèrent de deux étages et s’installèrent à une large table vide, que Benihime avait visiblement réservée ce matin même. La musique semblait beaucoup plus douce d’ici, Haya remarqua que c’était surtout dans les étages du bas que les gens se dandinaient, tandis qu’en haut ils discutaient ou... faisaient des choses étranges dans le noir en... bref. Haya se retrouva assise entre Naikin et Saeka, plusieurs bouteilles apparurent sur leur table, apportées par deux hommes que Benihime observait faire d’un air gourmand. Naikin et Koshiro s’occupèrent du service. Haya n’arrivait pas à se souvenir de la dernière fois où elle avait vu des flutes de champagne. Les occasions d’en boire, elles, avaient été très réduites : trop jeune du temps de son père, trop occupée depuis kiri. Mais pour une raison qu’elle ne s’expliquait pas, les bulles qui pétillaient l’avaient toujours fait bien plus rêver que les autres alcools.

Naikin - Beni, Ryo, toutes mes félicitations. C’est une nouvelle étape de franchie pour notre flamme jaune : la reconnaissance de nos pairs. C’est important pour chacun d’entre nous, compte tenu des choses que nous avons dû sacrifier pour en arriver là. Saeka, Haya, merci de partager ce moment avec nous.

Haya - Bravo à vous deux, vous l’avez vraiment mérité !

Koshiro - Chaque sacrifice consenti apporte quelque chose de nécessaire, j’en suis fier quand je vous vois, alors merci.

Benihime souriait de toutes ses dents, sa longue flute tournant entre ses doigts.

Benihime - Un Ko philosophe ce soir !

Koshiro eut un léger mouvement des lèvres.

Koshiro - Hmm, un Ko qui va boire et danser, oui ! Santé.

Si Koshiro vida d’un trait son verre, Haya jugea plus prudent de se contenter d’une gorgée. Les bulles étaient peut-être appétissantes de l’extérieur, mais une fois dans sa bouche (et dans son estomac) elles lui donnaient légèrement le tournis. Pendant plus de trois heures, Haya vit défiler pas moins de six bouteilles même si elle en restait à une misérable moyenne de deux verres bus. Ryosen avait une descente qui tenait du merveilleux : elle avait perdu le compte, mais il enchaînait les gorgées à un rythme étourdissant, sans marquer le moindre début de fatigue ou d’ivresse. Une constitution de roc pour une attitude pas très médicale, comme le lui fit remarquer Benihime.

Ryosen - Non, tu te trompes. Une attitude médicale c’est... laisse tomber. On va danser ?

Benihime - Je vais te faire suer Ryo, fais moi confiance, tu n’auras plus un gramme d’alcool dans le sang quand j’en aurais fini avec toi.

Ryosen eut un grognement ravi.

Ryosen - J’y compte bien !

Il quitta la table, se redressa et s’attacha à chasser des poussières imaginaires sur son costume. Benihime vida son verre et se pencha vers Haya (qui lui faisait directement face à la table circulaire, ce qui ne facilitait pas les échanges).

Benihime - A tous les coups on revient dans cinq minutes, Ryo est une chochotte.

Ryosen - Ah... ah... ah. Tu vas me supplier de rester danser avec toi et, si tu ne le fais pas, je laisserais les dizaines de filles énamourées laissées dans mon sillage me rejoindre.

Benihime - Attention Ryo, je dois te prévenir que nous ne sommes plus dans ton lit et que tu marches dans le monde réel.

Ryosen - Tu vas revenir dans mon lit plus vite que tu ne le crois, sans com...

Leurs voix finit par se noyer sous la musique et le bruit alentour. Haya les suivit du regard tandis qu’ils descendaient les étages, en grande conversation (sans doute sexuellement explicite), jusqu’à ce qu’ils disparaissent tout à fait de son champ de vision. Son regard rencontra celui de Saeka qui lui sourit gentiment. Elle consulta Koshiro du regard et lui murmura quelques mots à l’oreille. Il hocha la tête et termina son verre lui aussi.

Saeka - Nous allons nous dégourdir les jambes un peu aussi, mais pas ici.

Haya - Vous vous téléportez ailleurs ?

Saeka - Non, on va juste dans le dôme à côté, pour les danses plus calmes. On reviendra ici dans une heure pour continuer à danser.

Haya glissa un regard sur les longs, longs talons de Saeka et acquiesça évasivement.

Haya - Tu arrives vraiment à danser avec ça sur ça, demanda-t-elle en désignant les étages du bas.

Saeka sourit tranquillement.

Saeka - Je n’étais pas mauvaise il y a quelques temps de cela. Dans le doute, je préfère aller m’échauffer à côté.

Koshiro - Un peu kitsch le dôme rose par contre. Ils distribuent des gâteaux en forme de cœur, je n’ai jamais réussi à savoir ce qu’ils mettaient dedans.

Saeka - Maintenant ils offrent aussi des préservatifs. C’est moins propice à la poésie.

Koshiro - Des gâteaux qui collent aux dents ne sont pas non plus trop portés sur les vers. Ou alors, pas ceux auxquels tu penses.

Ils s’éloignaient lentement, et Haya ne pouvait s’empêcher de les admirer. Non seulement parce que Saeka portait les talons aussi bien que ses tuniques de combat, alors qu’Haya aurait juré sur tout ce qu’elle avait de plus fort que la jeune femme ne devait pas être très intéressée par les effets de mode. Mais aussi parce que d’une façon plus générale, Koshiro et Saeka parvenaient à être amoureux dans un univers qui, d’aussi loin qu’Haya pouvait en juger, ne s’y prêtait globalement pas. Ce n’était pas qu’elle pensait qu’un ninja ne pouvait pas être amoureux ou avoir une vie sociale digne de ce nom, pas du tout, mais elle avait cru remarquer qu’en règle générale, ce n’était pas quelque chose qui intéressait les ninjas. Elle se souvenait du tournoi chunin à konoha, ce n’était pas exactement des vacances dans l’esprit de personne. Peut-être que cela devait leur paraître idiot à tous, mais Haya s’était imaginée, même dans le cadre d’une compétition officielle, qu’il pourrait y avoir un petit parfum de vacances, avec des rencontres, des amourettes aussi, des amitiés... mais non, cela était resté très officiel du début jusqu’à la fin, avec toujours une odeur d’acier et de sable. Haya ne partait pas avantagée par la nature, elle voulait bien le reconnaître, et il n’était pas forcément évident à une muette de fraterniser avec d’autres ninjas (qui n’étaient jamais que des ennemis potentiels, dans l’esprit de tous les groupes). C’était une logique qui lui échappait. S’il fallait les tuer un jour, est-ce que cela serait plus facile s’ils ne se connaissaient pas ? Bien sur. Mais s’ils se connaissaient, est-ce qu’il n’y aurait pas une autre solution que les tuer ? Ce n’était pas un prisme en vogue, à kiri, mais aussi, Haya le présumait, ailleurs.

Pourtant, Saeka et Koshiro arrivaient à être amoureux. Haya se souvenait de ce que lui avait dit Saeka à propos de leur relation, Ko qui mettait un peu plus de temps à tomber amoureux. Cela la refit sourire. Elle but une petite gorgée.

Haya - Je dois t’avouer que je ne suis pas du tout une danseuse.

Naikin - Moi non plus. On va marcher à la place ?

Haya - D’accord !

Naikin quitta son siège et fit un léger signe de tête à l’un des serveurs tout proche. Sans doute un code secret pour le prévenir qu’ils ne comptaient pas s’enfuir sans régler l’addition. Naikin aida très civilement Haya à se lever, ce qui lui arracha un nouveau sourire. Ils quittèrent en silence le vaste dôme bleu et son agitation, sans parvenir à apercevoir ni Benihime, ni Ryosen. Il y avait peut-être encore plus de monde qu’en arrivant, si bien qu’il ne leur était pas même possible d’apercevoir la sortie. Mais Naikin avançait sans se presser et sans avoir à jouer des coudes, d’un pas régulier et assuré. Ce ne fut qu’une fois totalement dehors que l’air frais les surprit vraiment, comme si une chape de chaleur humaine venait de se lever. Haya s’étira et respira à plein poumons, puis emboîta le pas de Naikin, qui gardait les mains dans les poches et le regard porté vers l’avant.

Haya - A la réflexion, je ne sais pas grand-chose de toi. A part que tu n’aimes pas danser.

Naikin - Ce n’est pas que je n’aime pas, mais que je sais pas. Mais si tu as des questions, j’y répondrais avec plaisir.

Haya - Même des questions indiscrètes ?

Naikin sourit. Il indiqua d’un signe de tête que oui.

Haya - Tu es avec quelqu’un en ce moment ?

Naikin - Non. Cela ne me manque pas vraiment.

Haya - Tu as déjà été amoureux ?

Naikin - Oui. Elle a arrêté de me parler quand j’ai pris la tête de la flamme jaune. Je l’apprécie toujours, de loin.

Haya - Pourquoi ?

Naikin - Parce que c’était une fille superstitieuse. Elle m’avait dit de toute façon que si je prenais la tête de la flamme, elle ne me parlerait plus. C’est une fille de parole, c’est bien. Je lui ai répondu que quand je serais devenu le héros de son village, je lui laisserai une dernière chance de me parler.

Haya - Tu l’aimes toujours ?

Naikin - Non. Je ne peux pas être amoureux d’une lâche.

Haya acquiesça en silence. Naikin en parlait sérieusement, sans essayer d’imiter une prise de distance, un désintérêt. Il paraissait absolument sincère dans ce qu’il disait, cela ne semblait pas l’affecter plus que cela en apparence. Haya se doutait que Naikin avait été blessé de la même façon que Benihime l’avait été et qu’il ne pardonnerait probablement jamais tout à fait à cette fille. Mais il lui reparlerait. Parce qu’il était amené à devenir un héros du village, c’était dans le sang de l’équipe et dans l’esprit de ceux qui l’animaient.

Haya - Il y a eu d’autres amours ?

Naikin sourit à nouveau.

Naikin - Je vois que c’est surtout ma vie sexuelle qui t’intéresse. Il y a eu deux autres amours. J’avais huit ans pour le premier, quatorze pour le deuxième. Ah, et de douze à seize ans, j’étais fou amoureux de Tachibana Aya.

Haya - Je suis censée la connaître ?

Naikin - C’est une enseignante de taijutsu. Cheveux bleus, yeux gris, gracieuse ?

Haya - Ah... ah! je vois. Je me souviens. C’est vrai qu’elle a beaucoup de charme. C’est étonnant pour un garçon non ?

Naikin - De?

Haya - Fantasmer sur Aya.

Naikin - Fantasmer sur Haya ?

Haya rit.

Naikin - Je ne sais pas si c’est étonnant. On n’est pas vraiment maître de ses fantasmes j’imagine.

Haya - D’habitude, on cite plus facilement Lya.

Haya n’était pas mécontente de pouvoir citer de tête un professeur de l’académie. Elle devait sa maigre connaissance à Satoshi ou à Akio, elle ne savait plus lequel l’avait citée.

Naikin - C’est vrai. Mais elle ne m’aime pas beaucoup. J’ai toujours trouvé sa poitrine un peu agressive. Je préfère les poitrines qui tiennent juste dans ma main, si tu veux savoir. Elle a quand même du charme. Mais c’était Aya que j’aimais en secret.

Haya - Tu fais du taijutsu ? Cela fait... je ne sais pas combien de temps qu’on se connait, et je ne connais toujours pas ta spécialité avec précision !

Naikin - Je fais du genjutsu et du ninjutsu. J’utilise aussi quelques sceaux, mais très spécialisés.

Haya avait dû assister à une bonne partie des dernières séances d’entraînement de la flamme jaune, mais jamais la spécialité de Naikin l’avait frappée. Elle savait qu’il manipulait le ninjutsu, mais il ne faisait pas usage de l’eau, ou alors pas un usage visible et ses entraînements étaient surtout physiques. Il ne s’était jamais employé totalement, pour ce qu’Haya pouvait en juger. Elle repensa au sceau sur la poitrine de Benihime, et se demanda si c’était un sceau qu’ils partageaient tous.

Haya - Quels sont tes liens avec le reste de la flamme ?

Naikin - Je les aime comme mes frères et mes sœurs. Peut-être plus encore. Il n’y a rien au monde qui pourrait m’obliger à condamner n’importe lequel d’entre eux, pour n’importe quelle mission. Je ne suis pas leur chef, je suis le chef de la flamme jaune. Je les aime et je les respecte infiniment. Ils ont tout abandonné pour me rejoindre. Tout. Ils ont dû reconstruire leurs vies. Grâce à eux, on est ce qu’on est. Au-delà de la flamme jaune, il y a ce que l’on construit par rapport à elle. Saeka, toi... votre amitié nous renforce plus que vous ne pouvez le penser. On a souffert de la solitude, même si on a eu des gens qui nous vénérèrent très vite. Il n’y avait pas de sentiment d’amitié, de complicité. Mais toi et Saeka, vous nous aidez à refaire cela, à nous apprivoiser, à partager vos mondes avec le nôtre. C’est un grand bonheur pour nous, vraiment.

Ils restèrent silencieux un moment. Ils étaient sortis de l’enceinte des dômes, où s’ouvrait la forêt enténébrée. Naikin finit par s’adosser à la balustrade qui surplombait le paysage, car Haya remarqua pour la première fois qu’ils se trouvaient légèrement en hauteur.

Naikin - Je t’ai beaucoup admiré dès le début, quand tu revenais nous voir sans cesse. Je me disais, c’est vraiment la fille de son père, putain. Elle a des couilles à venir sur notre terrain comme ça, alors qu’elle est encore toute fragile. Beaucoup d’admiration.

Haya posa de but en blanc une question qui la travaillait depuis un moment.

Haya - Tu as aimé mon père ?

Naikin - Oui. Oui j’ai aimé Kade. Je ne l’ai jamais rencontré en personne. Je n’aimais pas ce qu’on disait sur lui, mais je l’aimais, lui. Pour moi, il y avait des vérités cachées, et je ne comprenais pas pourquoi personne ne les cherchait. Pourquoi tout le monde préférait cracher sur une idole plutôt que de l’élever.

Un groupe les rejoignit sur le balcon, à l’autre bout. Ils fumaient tranquillement en chuchotant, tournés vers l’horizon. Cela faisait plaisir à Haya de voir des gens s’amuser autour d’elle, profiter de leur vie. Ce n’était pas si courant. Elle se baissa pour rajuster le lacet de l’un de ses talons et, se faisant, dévisagea l’un des jeunes hommes de dehors qui la regardait comme Benihime regardait un plat de viande après une journée d’entraînement. Haya eut une pensée pour la viande en question : c’était une situation angoissante. Elle se redressa et se rapprocha insensiblement de Naikin.

Naikin - C’est amusant que tu m’aies parlé d’Aya. Mais c’est à cause d’elle que la danse me fait peur.

Haya - Pourquoi ?

Naikin - Elle danse exceptionnellement bien. Je me sentais ridicule quand j’essayais. Alors j’ai laissé tomber.

Haya - C’est dur de t’imaginer avoir honte de quelque chose !

Naikin haussa les épaules, comme si cela était loin derrière lui maintenant. Ce qui n’était probablement pas faux, du reste.

Haya - Quel a été ton passé ?

Naikin - Ce serait à la fois trop long et trop court pour que je te le raconte. Il ne m’est rien arrivé d’extraordinaire.

Haya - Mais pourquoi devenir ninja ? Pourquoi la flamme jaune ? Pourquoi être celui que tu es maintenant ?

Naikin - J’aime l’idée d’incarner les espoirs du village. L’idée de suivre les traces de Darucha et de Kade, pour en briser la malédiction. C’est mon ambition. Elle est médiocre et peu honorable, mais c’est la mienne.

Haya se laissa aller contre lui en douceur. Naikin lui rendit son étreinte, ses mains caressant doucement sur son dos. Elle sentait ses doigts passer sur ses cicatrices sans s’y arrêter, il les sentait lui aussi et cela ne lui faisait pas honte.

Haya - Nous allons faire des choses terribles je crois, Naikin. Merci pour tout ce que vous faites pour moi. Vous me donnez de la force, vous m’aidez à accomplir ce qui doit être fait. Je vous en suis reconnaissante. Je ne sais pas comment le dire...

Naikin - Tu n’as pas à nous remercier. C’est un honneur pour nous d’être amis avec la fille de Kade Kasen et, plus encore, d’être amis avec Haya. Tu es une fille bien, là où d’autres moins vertueux auraient cédé à la facilité. Tu aurais pu devenir une fille froide, méprisante, brisée par la vie et sans volonté de rejaillir autrement que par une vengeance glaciale. Mais tu es forte. Alors si on a un rôle à jouer dans cette force, si on peut t’aider à rester une fille bien et à réaliser ce que tu dois faire, voit cela pour ce que c’est : quelque chose de naturel et qui nous fait plaisir. On n’a pas beaucoup d’amis. Si on peut prendre soin d’eux, tant mieux.

Naikin la serra un peu plus fort. Haya releva la tête pour rencontrer ses yeux brillants dans la nuit, son visage pénétré de mystères partagés, et il était ce beau guerrier increvable au milieu de la bataille, ou de la bataille à venir.

Naikin - Nous ferons ce qui doit être fait. Tout ce qui doit être fait.
Haya Sasaki

Haya Sasaki


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MessageSujet: Re: La brume et la glace   La brume et la glace EmptyVen 21 Mai - 18:56

Haya... allez lève-toi... mais bon sang, lève-toi ! Tu en peux déjà plus ? C’est juste de l’échauffement. Lève-toi Sasaki ! Je ne veux pas croire que ce combat est déjà fini, attends, tu as tenu plus longtemps la première fois qu’on s’est battues ensemble. Et ce n’était pas brillant ! Bouge de là !

Il y avait cette voix, ou des émanations de cette voix, qui l’entourait. Haya ne parvenait pas à se concentrer sur une direction précise, c’était comme si Benihime était partout autour d’elle. Elle lui parlait, sans doute juste au-dessus de sa tête, pour qu’Haya ne sombre pas dans l’inconscience. Pour qu’elle s’accroche à cette voix, peu importe ce qu’elle disait, et trouve la force de se relever. En réalité, Haya savait qu’elle ne risquait plus de perdre connaissance. Elle avait dépassé ces vingt secondes de néant absolu, ou la tentation de tomber et d’oublier est terrible. Comme un peu l’envie de vomir... on sait que ça va être sale... mais on sait aussi qu’on se sentira un peu mieux après, et qu’après tout, on s’en moque d’être sale... Haya se sentait vraiment nauséeuse, aussi repoussa-t-elle de son esprit les comparaisons un peu trop tendancieuses. Elle ne risquait plus de s’évanouir, mais rester couchée là où elle était tombée lui paraissait très convenable.

Ses blessures n’étaient probablement pas très extraordinaires, mais elle avait atteint ses limites. Benihime avait bien le droit d’essayer de piquer son orgueil : le combat avait duré un peu moins de trente secondes. Un coup dur après tous ces soi-disant progrès. Mais Haya ne cherchait pas non plus à se réconforter dans l’amertume. Il n’était pas concevable qu’en l’espace de quelques mois, elle atteigne le niveau que Benihime avait mis des années à atteindre. Ce n’était pas de la prétention, quand Haya lui demanda de la combattre sérieusement. Un vrai combat, pas un entraînement. Elle lui avait spécifiquement dit de faire comme si elle voulait vraiment la tuer, comme si elle était l’ennemi à abattre. Rien que le fait que Benihime accepte lui faisait plaisir. Cela signifiait qu’elle avait bel et bien progressé, par rapport au temps où la jeune femme n’aurait pu concevoir une telle confrontation. Et même si le résultat ne semblait pas l’indiquer, Haya avait la sensation de ne pas s’y être trop mal prise. Peut-être aurait-elle dû se montrer plus agressive... mais ce serait pour une prochaine fois.

La sensation de ses plaies en contact direct avec l’eau l’apaisait, curieusement. Ce n’était pas aussi désagréable qu’avec de l’eau de mer. Peut-être même aurait-elle pu s’endormir, si Benihime ne s’était pas mise à la gifler sans ménagement. Haya lui recracha un peu d’eau sur le visage et prit appui sur son épaule pour se maintenir, avant de se dresser au prix d’un effort qui lui parut prodigieux sur les genoux. Benihime se passa une manche sur le visage (elle souriait).

Dans tous les cas, le combat était bien terminé cette fois ci. Benihime l’aida à revenir sur le rivage, l’étendit par terre et s’allongea à ses côtés, les bras derrière la tête, comme si elles s’apprêtaient à pique-niquer... Haya avait repris son souffle (elle n’avait pas vraiment eu le temps de le perdre, mais pour une raison qui lui échappait, pendant un temps elle l’avait retenu) et maintenant ses blessures la piquaient. Elle avait les deux épaules écorchées, la droite plutôt profondément, mais c’était dû à un entraînement antérieur. C’était surtout au niveau des côtes, la totalité de sa tunique sur tout le côté droit avait été tranché, laissant apparaître sa chair à vif ainsi qu’une rude blessure encore sanglante et tiède. Son dos la foudroyait. Cela lui rappelait vaguement les jours où elle se retrouvait paralysée dans son lit à cause de ce foutu dos, mais Haya savait que le temps lui avait fait oublié la formidable douleur d’alors. Ce n’était pas comparable. Quand elle était dans son lit et que son dos la torturait, elle avait parfois souhaité que cela soit suffisant pour qu’elle perde enfin connaissance et qu’elle se réveille seulement plusieurs heures après, quand cela se serait apaisé, et jamais si cela ne devait jamais s’apaiser. Il y avait tout ce désespoir de la douleur qu’Haya n’avait pas tout à fait oublié, celui qui insinue qu’il n’y aura jamais d’accalmie, que la souffrance sera toujours là et qu’on n’a peut-être jamais rien connu d’autre...

Benihime - Comment ça va ?

Haya laissa la question glisser sur elle. Elle ne se sentait pas la force d’ouvrir la bouche, d’articuler des mots... puis elle se dit que cela lui évoquait décidemment beaucoup trop le temps où son dos la tuait, avec ses vieilles blessures qui ne voulaient pas disparaître (qui n’avaient d’ailleurs toujours pas physiquement disparu, et qui ne disparaitrait peut-être jamais, comme si Haya était condamnée à porter son nom écrit au couteau sur son dos), et sa voix qui refusait de s’élever encore, alors elle fit l’effort de marmonner quelques mots.

Haya - Pas si mal...

Son dos ne la faisait presque plus souffrir maintenant, ce qui acheva de dissiper l’impression de ressemblance avec ce qu’elle avait déjà vécu. Benihime avait réalisé cette technique qui compressait du chakra, l’avait écrasé sur sa colonne vertébrale, et l’avait envoyé s’écraser quelques mètres plus loin. Elle avait, avec une rare précision, déduit l’endroit où Haya arriverait, s’était téléporté, et avait frappé une dernière fois. Et après, cette fameuse tentation de perdre connaissance...

La nuit était tombée, et la pesante odeur de chaud qui les avait accompagné tout le long de la journée s’était progressivement dissipée. Là où Haya était née, parfois, il lui arrivait en été d’entendre des criquets crisser largement au-delà de sa maison. C’était un bruit qui la faisait rêver, sans qu’elle ne sache pourquoi, comme s’il était annonciateur de quelque chose de profondément positif.

Hier à cette heure là, elles étaient à plusieurs centaines de kilomètres de là, sous un dôme de taki. Après sa discussion sur le balcon avec Naikin, ils étaient retournés sous le dôme de liaison. Ils étaient restés silencieux à simplement profiter de leur soirée, puis ils s’étaient mis en tête de discuter des gens qui les entouraient, d’essayer de deviner quelles étaient leur vie. Naikin avait réussi à repérer deux couples insoupçonnables, et même contradictoires, mais c’était comme un super pouvoir : même si l’homme avait sa main sur les reins d’une fille, Naikin savait qu’il était en couple avec l’autre au fond. Et ça avait été le cas. Deux fois. Ils avaient aperçu Saeka et Koshiro quitter leur nid d’amour rose bonbon, et le couple les avait rejoints. Ils discutèrent plus d’une heure de tout et de rien, avant que Saeka ne parvienne à persuader Naikin de faire quelques pas de danse avec elle. Même Naikin ne pouvait pas lutter, quand Saeka le demandait comme elle le demandait, avec son léger sourire luminescent et ses longs cheveux bleus qui cascadaient sur ses épaules. Koshiro convainquit Haya d’une façon beaucoup moins noble, en lui laissant entendre qu’elle serait déçue à la fin de la soirée d’avoir été la seule à ne pas avoir dansée (ce qui commençait à être un petit peu vrai). Après avoir observé Naikin et Saeka enlacés se déplacer lentement en cercles, Haya s’était dit que cela ne devait pas être si compliqué que cela et qu’elle pouvait faire une exception à ses abominables souvenirs de danse (qui remontaient à loin maintenant).

Cela fut bref, mais pas désagréable. Koshiro était réellement bon, beaucoup plus doux qu’elle ne l’aurait pensé. C’était un petit peu caricatural sans doute de s’en tenir à une estimation aussi basique que: taijutsu, brutes épaisses. Mais Haya n’avançait pas cette idée sans une petite expérience, Akio et Satoshi, chacun à sa façon, représentait pour elle une certaine idée de la brute. Et il ne lui serait jamais venu à l’idée de danser avec l’un des deux (le premier, parce qu’il aurait sans doute eu un peu trop tendance à laisser ses mains errer plus que de raison, le second... parce qu’on ne danse pas avec Satoshi). Il lui disait qu’il dansait bien avant d’être avec Saeka et que cela avait toujours été un passe temps agréable pour lui. Il n’alla pas jusqu’à préciser le fond de sa pensée, mais Haya en déduisit que cela ne devait pas marcher si mal que ça avec les représentantes du sexe opposée.

Benihime - A quoi tu penses ?

Haya - A hier.

Benihime - Ah...

Benihime s’étira comme un chat et se tourna vers elle, appuyée sur son coude.

Benihime - C’était bien, hein ?

Haya - Très ! Cela s’est bien passé avec Ryo ?

Benihime - Très bien. Il ne regardait pas les autres filles.

Elle acquiesçait pour elle-même, comme si c’était une information très, très importante.

Benihime - On dansait, puis on allait boire, puis on dansait, puis on allait boire. Tu sais qu’il y a des gens qui nous ont reconnu ? Il y a une fille qui a demandé à Ryosen un autographe sur ses seins.

Haya - Il l’a fait ?

Cela ne l’aurait pas beaucoup étonnée. Benihime se moquait peut-être beaucoup des hormones de son partenaire mais pour ce qu’Haya avait pu en voir, ce n’était pas totalement infondé (ce qui, en soit, était très naturel et très rassurant, en fait).

Benihime - Non. Il a dit qu’elle garderait sa robe plus longtemps.

Haya - Il a dit qu’elle garderait sa robe plus longtemps que ses seins ? Hmm...

Benihime haussa les épaules.

Benihime - L’argument a satisfait tout le monde.

La jeune femme se relaissa aller sur l’herbe craquante et bailla à s’en décrocher la mâchoire.

Benihime - Dis...

Haya - Hmm ?

Benihime - Il danse comment alors Naikin ?

Haya rit.

Haya - Il n’a pas à rougir. Il m’a parlé de son traumatisme de danse.

Benihime - Tu imagines ça toi ? Naikin, qui tremble à l’idée de danser avec Aya. Surtout qu’Aya est un sucre, même s’il lui saute sur les pieds elle lui dira qu’il était merveilleux. Tu sais qu’une fois il a donné une claque à un élève qui avait dit devant elle que son cours était pour les petites filles ? Une claque, par terre, et il est parti.

Haya - Tu es sûre qu’ils ne couchent pas ensemble sans que tu n’en saches rien ?

Benihime - Il faudra que j’espionne Aya. Ils cachent bien leur jeu en tout cas.

Haya avait fermé les yeux, mais elle ne se sentait plus aussi fatiguée. Juste encore un peu étourdie par sa retentissante défaite de laquelle Benihime ne s’était pas trop moquée, passé le passage rituel de la provocation pour voir si elle ne pouvait vraiment plus se lever. Ces derniers mois commençaient à peser sur les muscles d’Haya, ce n’était pas comme si elle avait travaillé toute sa vie à se constituer un corps de rêve en acier trempé, paré aux conditions les plus extrêmes d’entraînement.

Benihime - Il fait chaud. Je veux retourner à taki...

Haya - Moi aussi. On va réveiller Naikin pour qu’il nous emmène ?

Benihime - Arrête on va l’interrompre pendant qu’il roucoule avec Aya.

Haya laissa un petit rire lui échapper, les mains en croix sur son ventre. Cela ne l’avait pas frappée alors, mais c’est vrai que maintenant qu’elle y pensait, il faisait largement meilleur à taki. On disait autour d’eux, à kiri, que le beau temps allait bientôt se terminer. Ce n’était pas du beau temps. On n’imaginerait pas un rôti dire qu’il fait beau dans un four. Alors d’accord, ils avaient de l’eau à kiri, mais tout de même, ce n’était pas raisonnable cette chaleur. Benihime s’agitait à côté, Haya entrouvrit les yeux pour apercevoir le dos nu de la jeune femme.

Haya - Qu’est-ce que tu fais ?

Benihime - Me baigner. J’en meurs d’envie depuis qu’on s’entraîne, j’ai l’impression de surchauffer.

Haya - Hé...

Haya se redressa et passa un doigt le long de la colonne vertébrale de Benihime. A cause de l’obscurité relative, et sans doute aussi parce qu’elle avait gardé les yeux à moitié fermé, elle ne l’avait pas aperçu tout de suite, mais Benihime avait à n’en pas douter un tatouage sur une partie du dos. Il dessinait un cercle parfait, qui allait des ses omoplates jusqu’au creux de ses reins, avec des motifs complexes au milieu.

Benihime - Ah, un des sceaux dont je te parlais. Je les ai tous remis, même si je ne suis pas en mission. On ne sait jamais quand on peut avoir besoin de moi.

Haya - Il est beau.

Benihime - Oui. Il est de Naikin. Celui aux bras est de Ryo, deux secondes.

Benihime acheva de passer le reste de sa tunique par-dessus ses épaules, se retoucha les mèches folles et lui présenta ses mains.

Haya - C’est le même que le mien. Non ? Si, sur les doigts. Joukaku, c’est ça ?

Benihime - Tu deviens bonne tu sais. Tu vois, si Ryosen disait cela, ce serait louche.

Haya eut une moue sceptique.

Haya - C’est louche même si c’est toi qui le dit...

Benihime rit en finissant de se déshabiller. Haya s’assit totalement, la tête sur les genoux. La sensation des mains de Naikin sur son dos lui revint. Après Hakame et Kinsuke, c’était le seul à avoir touché, sans les voir lui, ses cicatrices. Benihime avait déjà atteint l’eau et poussa un long soupir de contentement.

Benihime - Tu devrais venir, elle est à point !

Haya grimaça. Ce n’était pas juste de montrer ses cicatrices qui la dérangeait. Ou peut-être que si. Elle se rappelait que l’une des premières fois où elle avait fait l’amour avec Kinsuke, elle avait pleuré à cause de ses cicatrices, parce qu’elle n’aimait pas l’idée que Kinsuke la voit comme cela. Elle ne savait toujours pas quelle conduite adopter par rapport à elles, comme si elles ne faisaient pas tout à fait partie de son corps, mais n’étaient jamais que des voyageuses indésirables et persistantes. Haya n’avait jamais pris le temps d’y réfléchir complètement. Elle avait pourtant pris le temps de réfléchir à beaucoup d’autres choses. C’était la seule chose qui lui restait de la nuit du cinq décembre, le symbole de sa mort et de sa renaissance. Une grande, grande humiliation. Quand on voyait ses cicatrices, Haya ressentait cette humiliation. Quand elle les voyait elle-même, elle ressentait cette humiliation, mais étant dans son dos, elle n’avait jamais l’occasion d’y poser les yeux. Elles se laissaient oublier... Haya retrouvait un peu du goût de mort qui lui avait empoisonné la bouche alors. La sensation du couteau qui découpait sa chair avait disparu. Mais pas l’humiliation. Ce n’était pas seulement le fait qu’elle ait été marquée, qu’elle porte sur elle ces preuves, c’était un ensemble. Ces cicatrices signifiaient tout : la mort de ses sœurs, leur cauchemar à toutes les trois, l’échec de leur père, la quête d’Haya, l’avenir d’Haya... ce n’était pas quelque chose qu’elle essaierait de retirer de son corps, de supprimer comme si cela n’avait jamais existé, comme si son dos était toujours parfaitement lisse et doux. Cela ne pouvait pas se passer ainsi. Hakame lui avait dit qu’il y avait certainement des gens capables de l’aider à récupérer totalement son corps d’antan. Elle avait récupéré sa voix, grâce à des gens (Kinsuke, la flamme, Shimuka, son équipe), elle avait récupéré son corps, grâce au temps qui passait et à l’entraînement... elle n’avait jamais perdu son esprit. Il ne restait plus que ses souvenirs et son dos. Ryosen lui avait laissé entendre, quand ils s’entraînaient ensemble, sans avoir l’air d’y toucher, qu’il existait des techniques pour supprimer des souvenirs de son esprit. C’était terrifiant.

Haya refusait d’oublier quoi que ce soit de cette nuit là. Cela ne serait jamais qu’une fuite en avant, seul le temps, de nouveaux souvenirs plus heureux, du bonheur, pouvait réellement s’imposer face à l’horreur. Il lui fallait triompher de son mal, pas seulement le faire disparaître, ce n’était pas aussi facile. Le reste, elle le savait, ne lui laisserait jamais que ce goût de mort et de vide dans la bouche et dans le cœur. Alors, les cicatrices resteraient. Haya Sasaki. Sasaki mon cul, il avait dit. Elle n’avait pas compris. Bien sûr, je ne m’appelle pas Sasaki. Je suis Haya Kasen, fille de Kade Kasen. Cela ne change rien. Je suis toujours Haya Sasaki.

Haya retira lentement ses vêtements, sans se presser, frissonnante sous le vent. Elle les laissa en tas par terre et rejoignit Benihime qui l’attendait, immergée jusqu’au bassin. Elle lui tendit une main qu’Haya attrapa en souriant.

Benihime - Tu as un très beau corps. Viens.

Elles s’avancèrent un peu plus profondément, puis Benihime plongea et elles se laissèrent aller au milieu de vagues inexistantes, sous un ciel dégagé de tout nuage. Privée de son ouï à cause de l’eau, toutes ces étoiles avaient quelque chose d’angoissant, comme une force innombrable qui ne craignait pas même le temps qui passait. Une force morte, en somme. Haya pensait mieux cerner ce qui lui avait échappé dans les premiers mois de son arrivée à kiri, avec toute l’incompréhension, l’hésitation, les inconnues multiples et la peur. On ne pouvait pas se contenter de prendre le bon dans une vie. Ce qui en faisait une force réelle et puissante, c’était sa finalité qui la lui conférait. Tout ce qu’ils vivaient, les moments de paix comme ceux de terreurs, tout avait une fin. On pouvait faire le choix de vivre au nom d’un seul de ces événements, mais il fallait pour cela sacrifier tous les autres. Haya n’avait pas souhaité prendre ce tournant. Si elle avait voulu la vengeance, si elle avait voulu faire du cinq décembre la dernière date de sa vie, cela n’aurait jamais été qu’un aveu d’impuissance. Elle aurait sacrifié sa vie pour un événement tragique du passé. Il n’y aurait plus jamais eu d’autres date dans son cœur, rien que le cinq décembre, l’immensité du cinq décembre pour l’écraser jusqu’à ce qu’elle rende son dernier soupir, une libération, enfin. Ce n’était pas la vie qu’elle avait voulu. Elle voulait une vraie vie. Ne pas laisser cinq connards décider pour elle de ce qu’elle devait penser et faire, de ce que devait être sa vie. La date d’hier était importante pour Haya, elle garderait une place dans son cœur. A côté du cinq décembre, oui, mais à côté de beaucoup d’autres dates. A côté de la date des morts de chacun de ses tortionnaires, oui, mais à côté de sa rencontre avec Kinsuke, de la fois où Beni l’avait tuée, des essayages de robes avec Shimuka, de ses entraînements avec Saeka, du souvenir de Saeka en robe, de son baiser avec Ryosen et de l’émotion qu’elle avait ressenti, des bras de Beni autour d’elle, quand elle pleurait après être revenue à son village natal... tout cela, c’était autant de dates importantes pour Haya et le jour où on lui avait gravé un nom qui n’était pas tout à fait le sien alors, qu’elle s’était approprié depuis, ce jour là n’était qu’un de ces souvenirs.

Haya se releva et s’ébroua. Son amie regardait le ciel, pensivement, debout dans l’eau. Haya posa son doigt sur sa poitrine, où on voyait nettement sous la lumière de la une les dessins d’un sceau.

Haya - Tu disais qu’il était important pour toi.

Benihime acquiesça.

Benihime - Ce sont deux sceaux. Celui là, c’est un sceau d’amitié qui m’unit soit à Naikin, soit à Ryosen, selon les cas. Il est très important, car si Naikin a besoin de moi un jour, il doit pouvoir me faire venir à lui immédiatement. Et celui là... Benihime sourit largement. C’est un sceau d’amour, qui me lie à Ryosen. Hé, ne me regarde pas comme ça, je sais ce que tu vas dire. Mais Koshiro et Naikin partagent le même sceau entre eux. On fonctionne par couple. Moi et Ryosen, liés, Koshiro et Naikin, liés. En quelque sorte... je les ai tous dans la peau, littéralement.

Haya - Ce sont de belles symboliques.

La jeune fille regardait pensivement les dessins. Il fallait y regarder de très près pour discerner qu’il s’agissait de deux tatouages différents mais, quelque part, cela allait dans l’idée de la symbolique. Il n’y avait pas vraiment de limite définie entre l’amitié et l’amour ici. C’était ce qu’Haya avait dit à Benihime, quand elles discutaient entre filles, chez elle.

Haya - Tu veux le voir, demanda Haya, plus vite qu’elle ne l’aurait voulu.

Benihime regardait Haya tendrement, un sourire simple aux lèvres.

Benihime - Ce n’est pas si je veux, c’est si tu m’y autorises.

Haya - Ce n’est pas... secret, ou quoi que ce soit. Mais j’ai honte qu’on les voit. Je dois gérer les choses progressivement, sinon elles m’auraient dépassé. D’abord je me suis occupé de mon corps, trop faible, avec mon dos et mes muscles qui me lançaient. Puis je me suis occupé de ma voix. Vous m’avez tous aidé à faire ces deux choses. Mes cicatrices ont disparu, sauf elles.

Haya se tourna et se passait la langue sur les lèvres, angoissée à l’idée que Benihime découvre la partie la plus intime de son corps, celle qui ouvrait directement sur la fille qu’elle était, brisée et reconstruite, une image qu’elle n’arrivait pas elle-même à supporter complètement. Ces marques avaient été un viol plus long que les autres, une humiliation définitive, quelque chose qui la destinait à quelque chose. Parce qu’Haya n’aurait pas dû survivre, elle aurait dû mourir avec son nom gravé dans le dos. Mais elle avait survécu, toujours avec son nom gravé dans le dos. Elle n’avait pas eu de mal à coucher avec d’autres hommes après son calvaire, mais jamais jusqu’à Kinsuke elle n’avait laissé le moindre d’entre eux voir son dos, ni même le toucher.

Benihime l’effleurait sans la brusquer. Haya pouvait deviner son regard déchiffrer les caractères de son nom, comme s’ils laissaient un sillage brûlant dans les canaux des idéogrammes. Haya Sasaki. La voix d’Encho résonnait encore dans son esprit, une voix désagréable et odieuse, de la craie sur un tableau usé ou un couteau sur son dos. Cette voix ne gagnerait pas la primeur de ses souvenirs, certainement pas. Il lui fallait se réapproprier la dernière partie de son corps qui lui échappait encore. Être entière, pour finir ce qui avait commencé sans elle, faire ce qui doit être fait. Benihime la serra contre elle, ses mains attrapèrent les siennes et les pressèrent doucement. La jeune femme lui déposa un baiser sur l’épaule et sur la joue.

Benihime - Tes blessures seront nos blessures, c’est ce que m’a dit Naikin quand il m’a demandé de rejoindre la flamme. Je savais ce que j’allais abandonner, mais je savais que je ne serais pas seule, qu’on ne me laisserait jamais tomber. Alors, Haya, tes blessures sont mes blessures, murmura-t-elle dans son dos.
Haya Sasaki

Haya Sasaki


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MessageSujet: Re: La brume et la glace   La brume et la glace EmptyLun 24 Mai - 17:20

Haya contemplait son corps dans la grande glace qui trônait au fond du salon de Naikin. Elle souriait. C’était le corps d’une guerrière qu’elle avait sous les yeux, couverte de ses peintures de guerre, prête à recevoir du sang sur ses genoux. Une ligne remontait de ses doigts jusqu’à ses bras, une longue ligne noire. Un petit triangle sur la main droite se laissait surprendre. Deux sceaux sur la nuque, visibles uniquement parce qu’Haya retenait ses cheveux en arrière. Une importante concentration sur la poitrine, qui dissimulait presque entièrement le coup de katana d’Encho, un coup qu’elle avait reçu il y a plus d’un an de cela. Elle suivit la ligne de l’index, du sein jusqu’au début de ses côtes. Elle se souvenait que la ligne plongeait vers sa hanche par le passé, mais maintenant, même en y regardant de très près, c’était devenu indiscernable. Comme si son corps avait recouvert ses forces, que lui aussi était fin prêt au combat qui s’annonçait, prêt à s’engager dans cette quête de sang et de mémoires. Il n’y aurait pas de repos et pas de rémission dès l’instant où Haya s’y sera engagée. Elle rencontra le regard de Benihime dans la glace et lui sourit. Saeka posa sa main sur ses reins et désigna, sur la glace, la poitrine d’Haya.

Saeka - Il faudra conserver cela maintenant.

Haya - Je m’y habituerai. Ce n’est pas très envahissant.

Benihime - Parce que tu as de petits seins.

La jeune femme rencontra le regard de Saeka dans le miroir.

Benihime - Tu ne peux pas le nier !

*****

Il leur fallut près de deux semaines pour qu’Haya puisse se considérer comme ayant des bases correctes pour tout ce qui relevait des sceaux. La jeune fille devait bien avouer que la flamme jaune ne laissait rien au hasard : Benihime la suivit tout du long, mais Naikin prit lui aussi une semaine pour la faire travailler. La flamme jaune fonctionnait alors avec seulement deux membres, Ryosen et Koshiro, qui se contentèrent d’une mission de routine comme ils disaient, avant qu’ils n’intègrent avec eux Saeka et décrochent un contrat plus ambitieux. Ils repartirent directement, en prévenant qu’ils estimaient la mission à une petite semaine. Naikin passa donc cette semaine avec Benihime et Haya, pour une session intensive d’entraînement.

Il faisait toujours chaud, mais beaucoup moins qu’au début du mois. Naikin avait abandonné sa tunique habituel et restait la plupart du temps en tshirt, qu’il retira un beau jour pour montrer ses sceaux (et rien d’autre). Il précisa que, dans le cadre de leur entraînement, il s’était préparé comme s’il s’apprêtait à exécuter une mission particulièrement délicate, mais qu’en temps normal, il ne portait jamais autant de sceaux. Et, en effet, Haya émit un long hochement de tête admiratif : la peau de Naikin était noyée sous l’encre... ou quoi que ce soit.

Naikin - Notre flamme jaune fonctionne par duo. Moi avec Ko, Beni avec Ryo. Ensuite on a l’ensemble : la flamme jaune entière.

Il posa le doigt sur le sceau sur son cœur.

Naikin - C’est le sceau amour que je partage avec Ko. Cela me permet de me téléporter auprès de lui, et vice-versa. C’est plus souvent vice-versa, d’ailleurs, Ko a une défense en acier blindé là où je préfère maintenir la distance. Dans le cadre de notre duo, c’est mon stoppeur. Ryo est le stoppeur de Beni. Quand moi ou Beni sommes en danger, notre stoppeur doit venir nous aider. On a suffisamment travaillé ensemble pour savoir quand l’un d’entre nous est mis à mal, et quand il peut endurer le contact sans problème. Mais même si on venait à se tromper, il ne faudrait pas plus d’une seconde à notre stoppeur pour intervenir.

Haya se contentait d’acquiescer frénétiquement. Elle avait souvent été au contact avec les stratégies internes de la flamme jaune, mais elle n’aurait jamais imaginé qu’elles étaient liées aux sceaux. Quand elle pensait stratégie, elle imaginait davantage des plans de bataille ou des tactiques à employer dans des situations précises. Ce qui était le cas, dans une certaine mesure, mais cela n’influait pas aussi complètement sur le jeu d’une équipe. Ce système de stoppeur lui paraissait bien pensé, tenant compte des profils et de l’équilibre naturel de l’équipe. Elle sourit, en voyant mieux comment Naikin avait été amené à faire ses choix pour sa flamme jaune, ce qu’ils entendaient par les plus prometteurs d’une génération. Cela faisait partie d’une mécanique d’ensemble.

Naikin - Ko a un sceau amitié en plus, avec Saeka. Beni en a un avec Ryo.

Haya - Tu as un sceau d’amour et d’amitié avec Ryo ?

Benihime haussa les épaules, distraite.

Benihime - Et quoi ? Je préfère me tenir prête !

Haya - Mais c’est le même sceau, non ?

Naikin - Pas exactement. Dans l’idéal, si on en avait la possibilité, il faudrait que nous ayons tous ces deux sceaux, entre chaque membre. Mais tu imagines bien que ce n’est pas possible, alors on fait des choix. Beni et Ryo ont choisi cela parce que, comme aujourd’hui par exemple, il leur arrive d’être séparé, mais il arrive que j’applique un sceau amitié sur Beni à la place quand j’en ai la possibilité. Ainsi, Beni ne saurait pas que Ryo a besoin d’elle. Mais Ryo pourrait l’invoquer quand même.

Haya - Même si elle est sous la douche ou... occupée... ?

Benihime éclata de rire.

Benihime - J’aime ta conception pratique de la stratégie militaire Haya. Elle sourit. Mais dans la pratique, oui. Je peux bien me battre nue, tu sais ! Imagine par contre tout le pouvoir que Ryo possède sur moi... ça fait froid dans le dos.

Haya - Tu peux aussi l’invoquer, non ?

Benihime secoua la tête.

Benihime - C’est à sens unique. Il faudrait que je pose un sceau amitié sur Ryo, mais je ne connais pas ce sceau. Enfin, je ne sais pas le faire.

Haya hocha plusieurs fois la tête pour assimiler ces informations éparpillées. Elle en profita pour boire trois longues gorgées d’eau fraîche. Ils étaient assis sous le feuillage timide d’un petit arbre, et on pouvait clairement voir le ciel d’un bleu uniforme au dessus d’eux.

Naikin déplaça son index sur son sternum, où se concentrait un sceau plus stylisé que le précédent, plus aiguisé aussi.

Naikin - A la place, j’ai shindouseiki. Un sceau de vie, très exigeant. Je n’ai jamais eu à l’utiliser pour l’instant, et je ne suis pas impatient de devoir l’activer. Il tire sa force de la vitalité de son porteur et chaque utilisation épuise infiniment le corps.

Son doigt descendit sur son torse

Naikin - Un sceau de pureté et un sceau de communication qui serait normalement partagé par le reste de la flamme. Ici...

Il tapota sur un petit cercle à la base de sa hanche.

Naikin - Tu peux voir le début du sceau de protection contre le mal.

Il montra son bras droit.

Naikin - Une autre partie ici, et encore une autre sur ma jambe. Celui-là aussi, partagé par tout le groupe. Il est très puissant, la flamme jaune serait invulnérable s’il s’activait.

Haya - Complètement invulnérable ?

Naikin - Oui. Mais il faut que je sois inconscient pour qu’il fonctionne.

Benihime sourit.

Benihime - Il ne s’est jamais activé non plus, d’ailleurs.

Naikin repassa son tshirt par-dessus ses épaules.

Naikin - Au travail.

Quand la flamme jaune et Saeka revinrent de leur mission (une petite mission b, indiqua Ryosen, et Haya leva les yeux au ciel en pensant à sa propre petite mission b qui avait été un long cauchemar éveillé), Haya était absolument lessivée. Ce n’était pas tant le niveau physique de l’entraînement aux sceaux qui puisait en elle que la succession des entraînements, à un rythme effréné que même Naikin commençait à regarder d’un œil prudent. Il avertit Haya qu’il ne lui conseillait pas de pousser davantage, mais plutôt de prendre quelques jours de repos complet pour laisser le temps à son corps de récupérer totalement et à son esprit d’assimiler ce qu’il avait appris. Haya accueillit cette proposition avec la plus grande des bienveillances. Benihime en profita pour prévenir qu’elle ne désirait pas spécialement repartir en mission tout de suite et qu’il ne fallait pas laisser Haya toute seule de toute façon, ce sur quoi Ryosen embraya en prétextant que cette petite mission b l’avait davantage fatigué qu’il ne l’imaginait de prime abord, et qu’il était injuste que Benihime soit la seule à se la couler douce pendant plus d’un mois.

Naikin haussa les épaules.

Naikin - Une semaine de vacances pour la flamme jaune alors. Cela nous laissera le temps de nous occuper de l’administratif.

Benihime lui lança un regard profondément navré.

Benihime - Ta conception des vacances est atterrante Nak...

Ils étaient réunis à proximité des lacs, à leur endroit habituel. Le soleil s’était couché, alors ils restaient en cercle à discuter simplement. Saeka reposait sa tête sur l’épaule de Koshiro, en souriant à la description de la mission dont les gratifiait Ryosen. Comme un vaste cercle d’amis, heureux de se retrouver après une mission, et encore plus heureux de la perspective de passer une semaine tranquille. Haya ne pouvait qu’admirer le principe de la flamme jaune : Naikin disait que c’était les vacances, et les vacances arrivaient. Une technique plus puissante que le sceau amour, à n’en pas douter. Il était neuf heures quand ils se décidèrent à aller manger, Naikin les invita chez lui. Ils s’arrêtèrent en chemin pour acheter des produits à cuisiner et une joyeuse pagaille s’empara rapidement de l’appartement de Naikin. Il était plus de onze heures quand le repas fut fin prêt. La salade de Saeka était parfaite, les brochettes de Koshiro cuites à point... la soupe de Naikin, une franche catastrophe qui réussit le tour de force à être froide avant même d’être servie, mais ils finirent par s’apercevoir qu’ils avaient simplement oublié de la mettre au feu. Les hors d’œuvres d’Haya avaient été dévoré depuis bien longtemps, en particulier par une jeune femme blonde qui avait réalisé un véritable carnage sans en avoir l’air. Ryosen, qui devait se charger du plat d’accompagnement, n’hésita pas une seconde à prétendre que Benihime avait tout mangé tellement c’était appétissant. Il était plus de onze heures quand ils finirent par passer réellement à table, après avoir fait réchauffé les brochettes, et fait chauffer tout court la soupe (qui s’avéra très bonne, même s’il y avait des bouts étonnamment craquants que personne, pas même Naikin, ne parvint à identifier clairement).

Il était deux heures du matin quand ils avaient fini de manger et de discuter. Benihime avoua avoir encore un petit creux, aussi Naikin distribua-t-il des gâteaux, car personne n’avait réellement envie de repasser derrière les fourneaux pour expérimenter la cuisson hasardeuse de cookies. Ils passèrent dans le salon (toujours aussi grand, Haya s’y promena un peu sur les coups de quatre heures) et reprirent leurs discussions sans s’arrêter. A cinq heures, Saeka et Ryosen s’étaient endormis et Haya somnolait. Naikin céda sa chambre à Koshiro et Saeka, son autre chambre à Benihime et Haya et se partagea le salon avec Ryosen (il laissa lâchement Ryosen dormir sur son fauteuil pour s’approprier d’autorité le canapé... mais il y avait deux canapés de toute façon). Benihime se déshabilla rapidement et s’effondra sur le lit comme une masse.

Benihime - J’ai trop mangé.

Haya - Si tu m’avais dit que tu avais encore faim... j’aurais appelé les urgences.

Benihime - Par pitié n’appelle pas Ryosen quand je suis à moitié nue. Tu n’as pas envie de le voir comme ça. Et moi non plus !

Haya éteint les lumières et se coucha à ses côtés sans plus de délicatesse. Pour un lit secondaire, c’était un lit secondaire exceptionnellement confortable.

Haya - Naikin est riche ?

Benihime - Plutôt oui.

Haya - Naikin voudrait m’épouser ?

Benihime lui pinça le bras.

Benihime - Je savais que tu étais une fille vénale.

Haya - Bien sûr. Après tout... je suis venue vous voir en premier... juste parce que vous étiez... forts...

Benihime sourit, prit une Haya déjà endormie dans ses bras et ferma les paupières à son tour.

*****

Haya posa les doigts sur sa poitrine. Il y avait ce cercle stylisé, le même que Naikin portait au même endroit. A chacun des points cardinaux, le trait s’accentuait en pointe, de sorte que le sceau lui recouvrait presque entièrement le sein. Il s’arrêtait peu avant l’aisselle et touchait le sternum, où s’étiolait l’autre sceau. Seule une moitié de téton restait d’une teinte colorée, environné de noir. Haya relâcha ses cheveux en souriant.

Haya - Cela me fait plaisir de le partager avec toi Saeka.

Saeka - Et cela me rassure de savoir que je pourrais t’épauler n’importe quand. Surtout, n’hésite jamais à l’utiliser.

Benihime - Même si elle est sous la douche.

Saeka présenta à Haya sa tunique, que la jeune fille passa sur ses épaules en se tortillant. Elle lissa les plis et se regarda à nouveau. Les sceaux étaient entièrement cachés sous le tissu, hormis ceux qui recouvraient ses bras. Il y avait un étonnant sentiment de paix à savoir que sous sa peau courait cette énergie là, qu’elle avait sur elle la capacité à faire intervenir ses amis. Pour la première fois depuis qu’elle avait débuté ses mois d’entraînement, avec Saeka tout d’abord pour apprendre à manier sa chaîne et à utiliser son chakra de façon polyvalence, puis avec Ryosen qui lui avait montré certains sceaux, et enfin avec Benihime pour revenir aux bases et approfondir l’usage des sceaux... pour la première fois Haya se sentait prête à partir en guerre.

*****

Haya jeta un regard derrière elle. Uke s’éloignait lentement, à mesure que les voiles du bateau se gonflaient de vent. Elle soupira, la main posée sur le cœur. Saeka était partie en mission sur yagi, tandis que la flamme jaune achevait tranquillement sa semaine de pause. Elle espérait qu’ils ne lui en voudraient pas trop mais, en lisant les mots d’Hakame, il y avait eu en elle un sentiment d’urgence qu’il n’aurait pas été possible de tempérer ou de retarder.

Elle était prête à partir en guerre. La guerre commençait maintenant.

Fin.
Shinji Azechi

Shinji Azechi


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