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| | Sujet: Rugissements Jeu 29 Oct - 2:01 | |
| Il monta les marches difficilement. Le poids de son corps, alourdi par toute cette fatigue qu’il avait accumulé durant ces six derniers jours, lui pesait et à chaque pas ses épaules balançaient de droite à gauche, puis de gauche à droite. Iki soupira. Il soupirait encore, pensant à la marche qu’il venait d’escalader, et à celle qu’il devrait escalader ensuite. Puis à celle qui suivrait encore, ce jusqu’à ce qu’il arrive jusqu’au dernier étage de la Tour Hokage, qui n’avait de Tour Hokage plus que la forme, voire la fonction. Lorsqu’il arriva enfin en haut, il prit quelques secondes afin de retrouver une respiration digne de sa qualité de shinobi, de guerrier, et se remit droit sur ses deux pieds. D’un geste rapide de la main il écuma toute la poussière et les diverses saletés qui s’étaient accrochées à sa veste puis, dans une grande inspiration, il déboula dans le couloir. Keira était là, sagement assise. Elle ruminait quelque chose dans la barbe qu’elle n’avait pas mais qu’elle méritait d’avoir, pour toutes les couilles qu’il lui fallait afin de diriger Konoha. Parfois Iki se demandait comment une femme pouvait avoir tant de courage. Lorsque ses yeux rencontrèrent le regard de la conseillère, il comprit que ça n’avait rien à voir avec son sexe. Mais juste avec la taille de ses griffes et de ses dents. Comme une bonne vieille tigresse d’âge mur ; elle vous croque sans même y penser. [Keira] – Tu n’as pas bonne mine.Comment lui expliquer que depuis deux nuits il dormait dehors ? Elle ne comprendrait très certainement pas. En vérité, peu de gens le comprendraient, lui. Pas parce qu’il était si différent d’eux – oh il l’était, mais ça n’avait rien à voir – mais parce qu’il devait bien être le seul idiot à laisser son ex-copine dans son propre appartement et lui à dormir dehors afin de la laisser en paix. Il y avait un semblait de logique à tout cela, pensa-t-il. Il l’aimait, et il lui avait fait du mal. A ses yeux, il payait pour son égoïsme. Il payait pour à peu près tout ces derniers jours, de toute manière. [Iki] – Les femmes me fatiguent …Elle dédaigna lui sourire, moqueuse. [Keira] – Les femmes fatiguent beaucoup de monde. Mais je te pensais au dessus de ça.[Iki] – Il faut croire que non. Mais je ne suis pas venu pour ça.Elle s’en doutait. Elle n’avait rien de la bonne tête sympathique d’une psychologue et la consultation était gratuite. C’étaient deux arguments favorables au fait que Keira n’avait rien à faire de ses problèmes et qui lui, en retour, n’avait pas envie de les partager avec elle. Ni avec personne d’autres, en fait. [Iki] – J’aimerais avoir une permission. Quelques semaines tout au plus.La conseillère grimaça. D’un côté, elle lui devait bien ça. De l’autre … la tentation d’exploiter un si bon filon comme elle avait souvent su le faire par le passé lui tendait les bras et criait avec férocité son nom. [Keira] – Je saurais où te contacter ?Iki réussit à sourire, malgré la fatigue qui tiraillait son visage. [Iki] – Vous saurez, oui.Sans dire un mot de plus il s’en alla. L’espace d’un instant, il douta de la confiance que Keira avait en son propre jugement. Mais si jamais elle avait eu la sottise d’oublier son dossier alors qu’elle l’avait feuilletait quelques jours plus tôt, alors soit elle se foutait bien de sa gueule soit … Elle retrouverait ce dossier et chercherait avec ses petites pattes de tigresse dedans afin d’y trouver un nom qui leur paraisse assez logique à eux deux. Le sourire d’Iki se volatilisa très vite. Il avait du chemin à faire et énormément de choses à penser. Penser, c’était déjà trop fatiguant, se dit-il pour lui-même. Shimenu, ce n’était pas si illogique de sa part. Il avait, pour la première fois depuis trois longues années, l’opportunité de revenir chez ses paires, dans le petit village du sud du Pays du Feu et d’y parfaire sa formation s’offrait à lui. Ses compétences avaient montré ses limites et Iki s’était très vite refuser à utiliser la moindre technique utilisant son potentiel génétique. Il trouvait cela à la fois horrible et douloureux, comme si le conditionnement de ses gênes n’était pas total. Comme si on lui perçait deux fois le cœur chaque fois que sa peau s’ouvrait et qu’une arme d’os sortait de son organisme. Et puis, au fond de son cœur, quelque chose le rattachait à l’Ecole des Six Lions. Quelque chose de plus profond qu’une simple relation d’élève à maître, ou qui ressemble à de l’ambition et à la volonté d’avoir un pas de plus sur tous les autres shinobi pratiquant le taijutsu. On l’avait éloigné durant trop longtemps de la source, il y revenait avec l’intention d’y faire de grandes choses. Et la première de toute, serait de tuer Kane. *** Le chemin était faiblement délimité. C’était un petit monticule de terre sablonneuse qui s’élevait autour d’une immense zone d’herbe qui entourait sans cesse les pieds des grands troncs bruns. L’immense forêt du Pays du Feu s’étendait et s’étendait encore, jusqu’à toucher le râle de la mer et la violence salée de ses vagues ; comme une grosse langue qui déracine le monde à chaque fois qu’elle lèche sa peau. Iki aurait aimé un peu plus d’originalité, mais les obstacles étaient rares, et puisqu’il n’y avait rien d’autre que des arbres, il filait comme le vent : droit, plat et sans discontinuité. Parfois, là où les ramures se faisaient moins denses, l’herbe avait poussé un peu plus profitant de l’éclat plus intense du soleil et recouvrait la terre. Mais il suffisait à Iki de se redresser et de porter son regard un peu plus loin pour retrouver le bout du chemin qu’il avait perdu à ses pieds. Il ne cessait donc jamais de marcher. C’était presque devenu un reflexe. Ses pieds avançaient touts seuls, sans que sa tête ne les commande vraiment. Lorsqu’il n’était pas perdu dans ses pensées, Iki fermaient lentement les yeux et les laissaient se reposer pour ses jambes qui elles, ne s’endormaient jamais. La monotonie le prenait sans qu’il ne puisse rien faire. Toutefois, un courant d’air plus chaud se démarqua de tous les autres et vint chatouiller ses oreilles. Une âpre odeur de moisissure s’empara de son nez et, lorsqu’il esquiva les arbres du regard, il découvrit les vieux murs de pierre d’une ancienne auberge dont il avait quasiment oublié l’existence. Quasiment, mais pas tout à fait encore. Il sourit. On l’appelait le « Renard Cinglant ». Du moins c’était ce qui était écrit en caractère gothiques sur la pancarte de bois qui remuait aux grès du vent et dont la pluie avait progressivement lavé le bois de l’encre. Si bien que ni le «r » ni le « g » n’étaient plus visibles, rendant le nom de l’auberge un peu plus morbide qu’il ne l’était déjà. La petite taverne reposait sur quatre murs dont la pierre avait largement subi le temps. Longuement effrité par la pluie et par le vent, tout un pan du mur qui donnait à l’ouest s’était effondré. Miraculeusement, les fondations avaient tenus si bien qu’il s’était juste déplacé vers l’arrière dans une architecture original et laissant au toit un forme arrondie. La dernière fois qu’Iki était passé au « Renard Cinglant », l’état de l’auberge était le même. C’était dire combien il était encore possible d’y vivre. Ou d’y survivre. Iki s’avança vers la petite porte de bois moisie et l’ouvrit lentement. Les battants de métal rouillés délivrèrent un son perçant et la lumière pénétra violemment dans la chaumière. Un mélange de poussière et de saletés s’envola, illuminé par les rayons du soleil. Iki la referma aussitôt après lui, de sorte qu’à défaut de ne pouvoir passer à travers la crasse, il ne puisse au moins pas la voir. Quelques troches éclairaient le comptoir, laissant les trois ou quatre seuls clients dans la pénombre, dans le secret, et dans l’assurance que personne ne pourrait voir leur visage. Aussi étrange que cela puisse paraitre, Iki appréciait ce lieu. Il essaya une dernière fois de sourire mais n’y parvint pas. Dans un dernier soupir, il capitula et laissa à son visage une expression exténuée, aux traits tirés et au regard sérieux et perdu à la fois. Il posa silencieusement ses deux coudes sur le comptoir, son pied gauche sur la petite barre de métal qui la longeait et laisse tout son corps se reposer sur ces trois appuis-là, appuis qu’il n’avait pu trouver depuis la veille, jour où il était parti. Il sortit difficilement son paquet de cigarette de sa poche et en alluma une. Tout paraissait immensément lent, mais tout était fait avec une assurance et un calme parfait. Iki se mit à jouer avec le foyer rouge orangé qu’il pouvait distinguer dans l’obscurité, jusqu’à ce qu’un homme de haute taille sorte d’une petite porte derrière le comptoir. Il s’était naturellement baissé pour y passer et Iki avait pu remarquer ses os se plier et se déplier. L’homme n’était pas bien épais mais l’expression de son visage n’était pas amicale. Iki sourit intérieurement : un nouveau ? Chouette. Il ne dit rien et le laissa venir lentement à lui. Il continuait de tirer sur sa cigarettes et de jouer en paix avec son âme, comme les trois autres lurons assis derrières lui, buvant depuis des lustres la même bière dans le même verre. Avec les mêmes lèvres dépourvues de chair. […] – Je peux vous aider ?Iki ne comprit pas tout de suite pourquoi l’homme empruntait un ton si peu accueillant. Il se rendit très vite compte que malgré la crasse qu’il portait sur lui, malgré la pénombre et l’était de son visage, il ressemblait encore à un shinobi. La plaque de métal sur son bras gauche n’étincelait pas mais elle était là, bien présente et luisait d’une douce lueur argentée. Il sourit intérieurement en pensant à sa mort : il mourrait shinobi, c’était presque une certitude. [Iki] – Rokuemon est-il simplement absent ou a-t-il enfin décidé de mourir ?L’aubergiste haussa un sourcil. Iki ne le vit pas, mais il le devina facilement. Peut-être parce que l’homme avait tellement la peau sur les os que s’il plissait son front, la peau au bout de ses doigts se tendaient. Ou peut-être parce que c’est ce qu’il aurait été à sa place, simplement étonné qu’un shinobi arborant l’insigne du village caché de la feuille pénètre avec une telle assurance dans son auberge et demande un nom que personne n’a demandé depuis des lustres. L’homme prit un verre entre les mains mais ne répondit pas. Iki se demanda s’il devait avoir peur, s’il devait craindre quelque chose. Chez certains, le manche d’un katana servait à cela : poser sa main dessus et se rassurer, à son seul contact. Iki trouvait cela idiot. Il n’avait qu’à fermer le poing et à l’enfoncer dans la tête de son interlocuteur. Et à la vue de son épaisseur, il y avait forte à parier qu’il lui fracturerait le crâne d’un seul coup, sec et net. L’homme ouvrit le robinet d’eau qui cracha d’abord, puis passa lentement le verre dessous. Lorsque sa main droite fut libre, il la leva et, du pousse, il indiqua à Iki la porte par laquelle il était entré quelques minutes plus tôt. Sans se presser, Iki fit le tour du comptoir, posa sa main sur le poignet et tira généreusement sur sa cigarette avant de la tourner. Il baissa finalement la tête, débloqua le loquet et passa dans les cuisines. Une épaisse vapeur d’eau colportait une odeur nauséabonde de ragout et tapissait le plafond de plusieurs centimètres. Iki se releva et marcha jusqu’à un homme de petite taille mais de corpulence généreuse. Il posa sa main sur son épaule et lorsque celui-ci se retourna, il lui souffla toute la fumée de sa cigarette au visage, un large sourire aux lèvres. [Iki] – T'as pas changé d'un pouce mon vieux. |
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| Sujet: Re: Rugissements Jeu 29 Oct - 22:42 | |
| Rokuemon cligna des yeux. Son étonnement se lisait sur son visage. Son bonheur aussi, même s’il prenait une place moindre. Rokuemon avait vu quantité de shinobi de par le passé. Il en avait vu de tout village, portant en eux toute sorte d’ambition, bonnes comme mauvaises. Il leur avait à tous apporté à mangé, proposer et le logis, et le repos. Rokuemon était parfaitement au courant de l’état de son auberge et de son affaire plus généralement, néanmoins le Renard Cinglant avait toujours accueilli quiconque passait sa porte avec la même attitude, la même froideur et la même qualité dans le service. Une qualité moindre, mais le respect lui, n’était pas optionnel. C’était sûrement parce que Rokuemon se fichait du passé des gens. Il n’avait cure non plus de leur avenir et les raisons qui les poussaient à passer par ici et à s’arrêter devant son auberge ne l’intéressait pas. Ils étaient là et pour lui, c’était une aubaine. Il pouvait enfin sortir ses petits plats, allumer quelques bougis et faire bouillir l’huile dans sa casserole. Une douce odeur de friture prenait alors sa cuisine et ceux qui connaissaient bien Rokuemon savaient que lorsqu’une telle odeur envahissait la taverne, le bonhomme se mettait à chanter. Paisiblement, on l’écoutait. Rokuemon ne chantait que très rarement, mais chacune de ses tirades méritaient l’admiration chez ses paires. Iki était resté des heures à l’écouter murmurer des rimes bien ficelées, des phrases aux tentations si magnifiquement tissées qu’il en émanait des émotions cachées que l’homme réveillait. Rokuemon esquissa une larme qu’il sécha aussi rapidement du revers de la main. Il allait chanter et, juste pour cela, il était heureux de revoir un jeune homme qu’au-delà de ça, il appréciait. [Rokuemon] – Mon jeune ami, tu apprendras très vite qu’à mon âge, tant qu’on gagne, on joue.Iki essaya de sourire. [Iki] – Il faut croire que j’ai beaucoup perdu, Rokuemon. Mais je ne m’arrêterais pas de vivre pour autant, tu le sais bien.Le sourire de Rokuemon s’élargit. Le bonhomme un peu rustre affichait un visage bouffi dont la barbe recouvrait très certainement la plus grande partie. Ses deux yeux étaient profondément enfoncés dans leurs globes et son front avait pris un sacré coup de vieux. Toutefois, Rokuemon semblait toujours en forme. Il avait souvent répéter à Iki que lorsqu’on fait ce qu’on aime, on reste éternellement heureux. Cette phrase lui revint en mémoire mais il la balaya rapidement. Il y a belle lurette qu’on ne fait plus ce qu’on a envie de faire vieil homme. Mais ici, reclus du monde extérieur, il ne te sert à rien d’être réaliste. Rokuemon laissa tomber son couteau dans l’évier et ouvrit ses bras. Il serra Iki fermement contre son torse et ne le lâcha pas durant quelques secondes. Et Iki ne résista pas. Sa poigne, son contact, son odeur ; tout était plaisant. Plus qu’un simple cuistot qu’on rencontre lors de voyages dans le plus grand des hasards, Rokuemon ressemblait à une sorte de figure paternelle. C’était une valeur sûre qui ne pouvait tromper Iki, puisqu’il n’avait aucune raison de le faire. Ici, il n’avait de nouvelles du monde que lorsque le monde frappait à sa porte et demandait un repas ou un lit. Et le monde avait trouvé depuis bien longtemps de belles sources de nourritures et de repos bien plus appétissantes et confortables que le Renard Cinglant. Sa confiance était aveugle. Et puisque Rokuemon ne trahissait personne, il ne méritait pas qu’on le trahisse. Les passants alimentaient cette cécité qui faisait sa force et qui donnait espoir au bonhomme de trouver le bonheur chaque fois qu’il se levait pour une nouvelle journée, aussi vide soit-elle. Etrangement, l’image d’un enfant souriant et aimant vint à l’esprit d’Iki. Un enfant qu’on a envie de serre contre soi et de lui répéter que tout va bien. Que tout va toujours bien. Mais Rokuemon n’était pas un idiot et s’il ne savait pas à quel point la réalité extérieure était terrible, il l’imaginait très bien. Mais chaque fois ses petits yeux ronds s’ouvraient et son regard perçait les moindres hésitations. Il le relâcha finalement de son étreinte. Son sourire toujours large, dévoilait deux rangées de grosses dents bien blanches, preuve qu’il ne négligeait même pas son hygiène. Rokuemon gérait sa vie comme il gérait son auberge : terriblement bien. [Rokuemon] – Iki-kun. Je suis heureux de te revoir.Iki trouva une chaise juste à sa gauche et s’y assit. Il s’y effondra, plus précisément. [Iki] – C’est un plaisir partagé vieil homme. Tu vois, je ne t’ai jamais vraiment oublié.[Rokuemon] – J’espère bien gamin ! Quelle honte tu ferais au monde d’ignorer Rokuemon et son affaire.Iki ricana. Le monde, ce magnifique connard. Il s’en ficherait bien. Mais Rokuemon avait très certainement raison, il n’était pas question de le contredire. On ne contredit jamais la sagesse incarné. [Rokuemon] – Cela fait longtemps que je ne t’avais pas vu, tu lui as manqué.Le cuistot passa une main nostalgique sur ses ustensiles de travail. Son mouvement se termina sur le bord métallique de sa table de travail. A l’époque, ce devait être un formidable outil de travail, se dit Iki. Mais déjà, la première fois qu’il avait rencontré Rokuemon, la poussière, la rouille et la saleté l’avait envahi comme un cancer vicieux. Mais le bonhomme se battait et, souvent, il gagnait. [Iki] – Je vois ça. Si tu m’accordes une nuit et une journée, Rokuemon-san, je te promets que je ferais en sorte de rattraper tout ce temps perdu.Rokuemon ricana dans sa barbe. [Rokuemon] – Rattraper deux ans ? Eh, gamin, j’ai quand même plus de clients que ça ![Iki] – Alors disons que je comblerais une partie de ma dette.[Rokuemon] – Disons ainsi gamin. Une journée et une nuit, et toi et moi, on va revenir au bon vieux temps.Iki sourit et s’effondra. *** Il ne se souvenait pas avoir monté les marches qui menaient vers l’étage. Il ne souvenait pas non plus avoir eu la force de se débarrasser de ses vêtements et de pénétrer aussi calmement dans un lit dont la couette chaude et agréable au touché était parfaitement bordé. Lorsqu’Iki ouvrit les yeux, il sourit en dévisageant la petite chambre dans laquelle Rokuemon l’avait porté. Ses vêtements avait été plié dans un rituel presque processionnel et les rideaux manifestement tiré en prévision de la longue nuit qu’il tirerait jusqu’au milieu de la journée. Le soleil éclairait faiblement ça et là, profitant des trous que les mites avaient creusés à même le tissu mais ne le dérangeait pas. Il sourit une nouvelle fois et inspira lentement une grande quantité d’air ; il était vivant et en forme. C’est une satisfaction, pensa-t-il. Il se tourna sur le ventre. Le lit grinça et le matelas haut d’une bonne trentaine de centimètre rebondit logiquement. Iki appréciait l’ambiance qui régnait dans le « Renard Cinglant » : le lit de bois meurtri, le vieux plancher, cette ambiance calfeutré et calme qui semblait arrêter le temps dans sa délirante folie. Evidemment, Iki se serait contenté de n’importe quel lit, du moment qu’il puisse y dormir et qu’il n’y aurait personne pour le réveiller le lendemain matin, il n’empêchait. L’odeur de la rosée qui alourdissait les feuilles des grands chênes au dehors, le son des casseroles au rez-de-chaussée, le calme naturel des oiseaux qui s’agglutinaient autour du petite bol d’eau et de cochonneries que Rokuemon sortait chaque matin avec la même étincelle de joie dans le regard ; rien n’était plus à même de proposer à Iki un si formidable repos. Il plia ses jambes et le fit glisser le long du lit. Il s’assit sur le matelas un inspira à plein poumon. Il se leva, étira ses deux bras et ses deux jambes, puis il passa un bas noir assez large pour passer trois fois ses jambes et assez long pour qu’il puisse y remonter le bout à l’intérieur de ses chaussettes. Il passa ses pieds dans ses sandales, et ses chaussettes reprirent leur forme naturelle : pliées entre les deux premiers doigts. Il enfila un T.Shirt rouge qui lui collait presque à la peau et scruta du regard ses abdominaux, plutôt satisfait. Souriant, parce qu’il avait retrouvé la force de sourire, il descendit sereinement les escaliers de bois. Plusieurs fois il crut que la rambarde cèderait sous son poids, mais chaque fois, elle tint bon. Les clients de la veille avaient quitté la grande salle principale ou dormaient encore. Seul le serveur qu’Iki avait rencontré meublait le décor. Et il le meublait plutôt bien. Iki s’assit tranquillement à l’une des tables que deux bougies éclairaient et où un bol de thé fumant entouré de deux croissants et d’un peu de marmelade avaient été placés à son effet. Il ne dit rien et mangea lentement, profitant de la pâte encore chaude des croissants et de la douceur sucrée de la confiture. Il avala finalement son thé et se leva. Il poussa doucement la porte de bois et sortit, sans rien dire. Dehors l’air était frais, léger et agréable. Iki fut étonné de constater qu’un peu de vapeur d’eau sortait de sa bouche lorsqu’il expirait, mais il se rappela combien le temps autour du « Renard Cinglant » était particulier. Caché entre les hauts arbres, le soleil n’avait pas le temps de chauffé le sol si bien que les nuits particulièrement froides rafraichissaient très vite la région. Il marcha au bord du chemin qu’il avait emprunté la veille puis s’en sépara, quelques minutes plus tard. On aurait dit qu’il ne savait pas où il allait, qu’il avançait aléatoirement, cherchant seulement à s’immerger dans un autre monde, mais il n’en était rien. Iki comptait ses pas avec concentration. Ses lèvres bougeaient parfois, afin qu’il n’oublie pas là où il en était. Il s’arrêta au bord d’un gros rocher sur lequel un arbre immense s’était enraciné. Sa posture était intrigante : il avait posé son pied au sommet du gros caillou et ses racines descendaient le long de sa paroi, bien visibles, et descendaient encore, jusqu’à rencontrer le contact de la terre. Là, il y puisait les ressources nécessaires à survie. Loin du monde malheureux, le chêne poussait lentement mais tranquillement, sa cime attirée par le ciel et par le soleil. Il surpassait tous les autres, surtout parce que ça base était plus haute de trois bons mètres. Iki s’y adossa et souffla doucement. Il s’en écarta finalement et ancra ses deux pieds dans la terre, sous une couche de feuilles mortes qui se mêlaient au sol. Son bras se tendit vers l’avant et tourna sur lui-même de sorte qu’Iki puisse rabattre la paume de sa main vers lui. Lentement, ses jambes s’arquèrent et son bras gauche se leva, parallèle à ses épaules. Il respirait avec insistance, néanmoins ses poumons se gonflaient et se dégonflaient presque entièrement. Ainsi, Iki avait toute la force nécessaire à disposition. Il ferma les yeux, se remémora les dernières rimes de Rokuemon et étira un sourire sur ses deux lèvres. Deux pupilles couleur cuivre apparurent lorsqu’il rouvrit ses paupières. Iki se mit en action presqu’instantanément, parce que cela lui paraissait plutôt logique. Il imaginait facilement un adversaire à sa taille devant lui, trouant l’air rempli de feuilles tombantes. Le vent dessina le visage de Kane mais paradoxalement, Iki n’essaya pas de repousser cette image de ses pensées. Cela représentait aussi le fait qu’il avait le changé. Sa respiration ne changea pas malgré cette apparition, seule sa détermination prit un grand coup dans l’aile et gorgea ses muscles de plus de sang et de plus d’oxygène qu’ils n’en avaient réellement besoin. Iki se mit en rage, seul entre les arbres. Ses mouvements étaient fluides, et chacun d’eux impliquait celui qui précédait comme dans une danse maintes et maintes fois répétés. Une danse qu’Iki improvisait pourtant. Une danse pourvue de pas qu’il improvisait et que le flux de la force qui le transperçait lui indiquait de faire. Il savait qu’il n’avait rien perdu des enseignements de Kawazi mais il devait progresser. C’était pour cela qu’il était revenu. Parce qu’il était encore trop faible. Et un peu aussi parce qu’il avait quelques pans de sa vie à revoir, à découdre et recoudre comme il lui convenait. Ses pieds s’arrêtèrent subitement après plusieurs enchaînements particulièrement puissants. Son bras termina sa lancée et son poing frappa violemment l’écorce d’un vieil arbre presque mort. L’écorce vola en éclat mais le visage d’Iki ne souffrit d’aucune douleur. Il sourit même, satisfait. « Kane Hasegawa, je te tuerais. »Iki prit le temps de reprendre sa respiration. L’exercice qu’il venait d’effectuer était commun à tous les lions. C’était une manière de retenir ses coups dans une danse improvisée et particulièrement maîtrisée. Il demandait une énorme concentration, un sérieux à toute épreuve et surtout un contrôle quasiment total de son corps et de ses membres. Cela faisait bien longtemps qu’Iki n’avait pas pratiqué le kitsume, mais il n’avait pas perdu grand-chose de cet art. C’était nettement plus difficile de retenir sa force lorsqu’on pense à quelqu’un qu’on hait plus que tous les autres, mais il y était arrivé, et seul le résultat comptait. Lorsque son effort ne fut plus qu’un souvenir, Iki contourna le gros rocher, toujours en comptant ses pas. Il s’arrêta au cent douzième. Là il posa un genou au sol et plongea ses deux mains dans la terre. Pendant plusieurs minutes, il creusa, retirant d’abord la couche de feuilles mortes, puis quelques centimètres de terre humide et meuble. Quelques cailloux lui écorchèrent le bout des doigts mais il ne cessa pas de creusa. Lorsqu’il rencontra le contact du métal, il se releva quelque peu, et sourit. Il continua de creuser et sortit une petite boite dont la couleur argentée était salie par la terre, par les larves et par la pluie qui s’était infiltrée jusqu’à elle. Le soleil tombait déjà. Iki avait oublié combien le temps près du « Renard Cinglant » était différent du reste du Pays du Feu. Mais cela faisait son charme et, même s’il ne savait pas réellement pourquoi, Iki appréciait énormément cette monotonie qui ressemblait en tout point à l’automne Konohéen, la température en moins. Il posa la petite boite sous son bras et reprit le chemin de l’auberge. Lorsqu’il arriva devant la grande porte, il posa son présent sur un rondin de bois posé contre le mur et s’empara de la hache qui trainait dessus. Durant une petite heure il coupa les grosses buches que les arbres morts donnaient gratuitement à Rokuemon et à sa petite affaire, afin que celles-ci puissent le chauffer. Il rentra avec plusieurs d’entre elles et jeta une allumette dans le cheminée. Un gros siège moelleux – mais ouvert par endroits – s’offrit à lui et Iki s’y jeta. Les pieds devant les flammes, il regardait les braises se consumer puis se raviver dans le même temps. Leur rouge pétillant l’étonnait de vitalité. Vraiment, il ne savait pas quand il rentrerait. |
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| Sujet: Re: Rugissements Mer 4 Nov - 20:46 | |
| Rokuemon poussa la vieille porte de sa cuisine. Il décrit du regard la salle vide. Ce soir encore, il serait au chômage. Ou en vacances. Iki était là, il préférait bien largement ce terme. Les flammes crépitaient dans l’immense cheminée de bois. C’était une habitude chez le shinobi. Ni Rokuemon ni son homme à tout faire n’allumait jamais de feu, sinon dans les longues nuits d’hiver, lorsque le toit ne les protégeait plus assez du froid. Mais cela restait un fait rare. Et puis, le vieil homme n’avait plus la force de couper les grosses buches qui parsemaient son terrain. Ou il n’en avait plus le courage. Quelque part, il préférait laisser cela à quelques rares moments qu’il pouvait se délecter avec plus d’intensité que si c’étaient ses gros bras musclés qui s’en chargeaient. Il n’y avait aucun plaisir à poser ses yeux sur le feu dansant dans sa solitude. Iki, lui, s’en contentait. Rokuemon restait épaté par l’étrange mode de vie de son jeune ami. Peut-être parce qu’il était certainement le seul à s’être imposé dans le « Renard Cinglant » comme un véritable ami, à apprécier ce lieu pour autre chose que pour ce que à a quoi il servait en premier abord : un lieu de boisson, de repos. Un lieu de passage. Comme un rite qu’on observe dans la plus grande des nécessités. Iki était arrivé à la veille. Il aurait pu partir le matin-même, aux aurores. Mais il était toujours là, profitant de la nuit, de la matinée pour s’endormir et de chaque autre minute pour se remémorer son passé, celui qu’il avait entreposé ici. Rokuemon ne savait pas exactement de quoi il s’agissait, mais il savait qu’il y avait un part de ses mémoires qui pesaient lourd dans la balance du shinobi. Et puis il y avait ce mode de vie, reclus, paisible, tranquille. Loin de tout et à la fois si près du reste.
Il posa sa main nervurée de multiples vaisseaux sanguins saillants et bleutés sur la dossier du vieux siège.
[Rokuemon] – Tu as trouvé ce que tu cherchais ?
Iki ouvrit doucement les yeux. Il bougea ses pieds chauffés et les tourna afin que le feu ne le brûle pas, qu’il apporte plutôt son confort sur l’autre face.
[Iki] – Oui. Je n’ai rien oublié tu sais.
[Rokuemon] – Je n’en doute pas une seconde.
Rokuemon s’empara d’un petit tabouret de bois et s’assit dos au feu, presqu’en face d’Iki. Il sourit paisiblement et parut intrigué. Iki le questionna du regard mais le bonhomme ne dit rien. Il se contenta de regarder le reflet du brasier dans les yeux pourpres du juunin.
[Rokuemon] – La forêt n’a pas changé. Elle est toujours aussi belle.
Iki sourit mais resta silencieux un instant. Il laissa ses paroles se morfondre tranquillement dans sa tête, prendre l’ampleur, la force et la sagesse qui leur convenait et jouir de leur beauté. Oh, il n’y avait rien de transcendant dans son contenu. Mais l’intonation de la voix de Rokuemon, l’ambiance qui les enivrait et l’image des grands chênes autour de lui, tout cela assemblé était si passionnant.
[Iki] – Il y a toujours cette tristesse qui pleure en elle. Elle est là, elle ne s’efface pas. J’ai beaucoup trop souffert dans ses bras pour ne plus la voir.
Il s’arrêta et alluma une cigarette.
[Iki] – Tu as raison, elle n’a pas changé. Je l’aime telle qu’elle est. J’aime à peu près tout ici. J’ai l’impression d’oublier tout le reste. Mes problèmes, mes envies. Je n’ai rien besoin d’autre que de m’assoir et de regarder les pas des flammes sur la grande scène. Keira ne serait pas contente. Non, pas du tout.
Rokuemon et Iki partagèrent leur regard et soudainement, se mirent à rire.
[Rokuemon] – Keira ne sait pas. Elle ne saura jamais.
[Iki] – Oh tu sais, elle s’en foutrait. Après tout, je n’ai plus besoin de personne pour me dire ce qui est bien ou ce qui est mal. Je suis là, j’en ai envie. Qui pourrait m’en empêcher ?
[Rokuemon] – Toi seul, probablement.
Etrangement, Iki avait mis quelques temps à se convaincre de venir dans les pâturages du « Renard Cinglant ». Rokuemon ne le saurait très certainement jamais, mais il avait hésité. Et puis, au dernier moment, ses envies avaient pris le dessus sur tout le reste. Sur le passé notamment. Il lui en voudrait probablement, mais Rokuemon n’est pas homme à haïr très longtemps. Non qu’il soit trop influençable et trop naïf, mais si cela devait ainsi se passer, alors il lui raconterait ce qui s’était passé dans ces contrées, deux ans plus tôt. La dernière fois qu’ils s’étaient rencontrés, à vrai dire. Il lui avait sauvé la vie, et il avait failli perdre la sienne, mais cela non plus, il ne le saurait jamais. Iki lui raconterait et Rokuemon serait touché, au plus haut point. L’idée que quelqu’un d’autre que lui-même ne défende sa terre l’horripilait. Il avait trop d’honneur pour demander de l’aide. Non, Rokuemon n’était décidemment pas un homme mauvais. L’honneur avec qui il s’était lié le tuerait simplement. Un jour, certainement. Le temps avait raison de tout. Mais face à une menace bien humaine, bien plus dangereuse que celle que l’âge donne aux hommes comme lui, il aurait pris ses grands couteaux et il se serait battu. C’en aurait été alors terminé du « Renard Cinglant », de Rokuemon et de sa petite affaire pas bien rémunératrice mais si humaine. Il serait mort dans le plus grand des secrets et jamais plus on entendrait parler de lui. Iki n’avait pu se résoudre à cela. Et puis il y avait d’autres critères, d’autres données.
C’étaient ces dernières qui avaient mises le doute dans l’esprit d’Iki. Devait-il renouer avec des moments de sa vie qu’il s’efforçait d’oublier. Machinalement, il repensait à cette petite boite de métal qu’il avait enterré deux ans plus tôt et qu’il déterrait tout naturellement. Quelque part, il n’aurait jamais pu faire le deuil de cet échec, cette boite enfouie quelque part dans la moelle de la terre. Il avait creusé un trou pour elle, avec ses propres mains. Il avait creusé dans l’espoir certain de venir un jour récupérer son bien et remettre dans le droit chemin les ficelles de sa vie. Konoha avait été un problème plus grave, il avait alors mis tout cela de côté et s’était chargé de le régler. C’était chose faite. Mais le village n’était qu’un point insouciant d’une marée de haine, de colère et d’injustices. Iki n’appréciait pas la vengeance mais si, paradoxalement, il comprenait ceux qui l’utilisaient. Il ne voyait pas là une raison de les excuser, mais simplement de les pleurer. Kawazi l’appelait « la plus vieille maladie du monde ».
Rokuemon avait raison. Lui seul pouvait l’empêcher de revenir ici. C’était d’autant plus vrai qu’il était devenu juunin et qu’une manière ou d’une autre, il trouverait le moyen de devenir plus autonome encore. Il y avait la puissance, une donnée importante mais qui ne remplissait pas toutes les conditions. Parfois même Iki se demandait si elle n’avait pas l’effet inverse. Il reviendrait bien nécessairement avec un écart de taille par rapport à ce qu’il représentait aujourd’hui. C’était le but de son voyage, après tout. S’endurcir. Découvrir. Et amoindrir. Le corps, la science, la peur, trois pions dont il devrait également s’occuper. Il ne se cacherait cependant pas et Keira oserait en toute légitimité l’envoyer aux quatre coins du monde. Parce que lorsqu’on est une montagne, on se doit de proposer de l’ombre à tous ceux qui en ont besoin. Iki avait fait ce choix. Il aurait très bien pu faire machine arrière, mais ce choix, il ne l’avait pas fait.
La main ferme de Rokuemon se posa sur son genou. Le bonhomme sourit.
[Rokuemon] – Il est temps, mon jeune ami.
Sept coups sonnèrent sur la vieille horloge juste à côté d’eux. Les maillons de ses rouages crissaient depuis des années mais jamais l’horloge ne s’arrêta. Le temps ne semblait pas avoir d’emprise sur elle, comme Dieu ne peut en avoir sur ses envoyés. Ne sont-ils pas, chacun à leur manière, leurs instruments ? Leurs protégés ?
Iki hocha doucement de la tête et dessina un large sourire. Payer son dû. C’était finalement quelque chose qui revenait souvent ces derniers temps. Mais de tous ceux qu’il aurait à payer, celui de Rokuemon n’était guère le plus terrible. En vérité, il était certainement le plus sympathique d’entre tous. Ne le lui avait-il pas proposé lui-même ?
Ils se levèrent d’un même concert. L’un et l’autre s’en allèrent vers les cuisines sans dire un mot de plus, installant un silence presque processionnel. Iki accrocha un tablier le long de ses hanches et s’empara d’un large couteau argenté. Il le fit crisser dans de vifs mouvements contre le rebord de l’établi et se retourna machinalement. Rokuemon ouvrit un grand placard et en jeta quelque chose dans les mains du shinobi. Iki attrapa facilement l’oignon et le posa sur sa petite plaque de bois. Lentement, il posa la pointe de son couteau sur le bois. Il inspira et regarda la pellicule blanche avec concentration. Son poignet céda et d’un coup rapide il le coupa en deux. Un sourire satisfait étira ses lèvres. Il expira. Il reposa la pointe de la lame sur la tablette et ricana. Il répéta le mouvement avec beaucoup plus de rapidité, si bien qu’on ne pouvait clairement plus voir sa main et le couteau. Rokuemon lui lança quelques poivrons et d’autres condiments qu’Iki trancha en quelques secondes.
[Rokuemon] – Tu ne m’as jamais expliqué où est-ce que tu as appris à cuisiner comme ça ?
Iki sourit et, d’une main, posa sa cigarette sur la plaque. Il tourna alors un bouton et alluma le gaz. L’établi prit feu. Rokuemon y posa une grande poêle et déversa à l’intérieur quelques cuillères à soupe d’une huile jaunâtre.
[Iki] – L’Ecole des Six Lions impose les travaux manuels. C’est une manière d’acclimater le corps et l’esprit. Et Shimenu vit en partie grâce à cela. J’ai appris à cuisiner – à couper le bois, à monter des toitures, à pendre des façades – là-bas.
Il poussa les poivrons et les oignons émincés dans la poêle. L’huile bouillante frémit et gicla un peu partout autour d’eux.
[Iki] – Tu parais soucieux, Rokuemon-san. Quelque chose ne va pas ?
Le bonhomme souleva facilement l’immense cuvette de métal et la remplie d’eau chaude. Avec un peu plus de difficulté il la transvasa sur une plaque allumée et jeta quelques poignées de sel à l’intérieur. Il posa ses deux mains sur le rebord de la petite table de bois et soupira.
[Rokuemon] – Il y a tant de choses que j’ignore de toi …
Iki sourit et régula un peu le feu sous la poêle.
[Iki] – Je te rassure, tu n’as pas envie d’en savoir plus. Mais je te comprends, Rokuemon. Sache simplement qu’il n’y a rien qui pourrait te faire du mal dans ce que je suis.
Absolument rien, ajouta-t-il pour lui-même, comme s’il n’en était pas réellement convaincu.
[Rokuemon] – Et dans cette petite boite de métal que tu as caché il y a deux ans, Iki, et que tu viens de récupérer ? Que s’est-il passé ?
Iki versa doucement le riz dans la grande cuve métallique. Il se retourna soudainement et fixa son vieil ami du regard, insistant.
[Iki] – Ce sont des affaires personnelles. Je te le promets, il n’y a rien qui puisse t’inquiéter.
[Rokuemon] – Bien.
Iki se remit à l’œuvre, presque contrarié. Il ne lui en voulait pas, l’homme qui était devant lui n’avait probablement aucune connaissance du monde extérieur. Il vivait dans cette bulle, il y vivait bien et les gens qui avaient la chance d’y être accueilli trouvaient un étonnant confort. Un confort qu’ils n’auraient pu imaginer au premier abord. Iki n’avait aucune envie de bouleverser ce schéma-là. Il avait déjà sauvé Rokuemon à son insu. Il serait idiot de sa part de lâcher à ce moment-là.
Rokuemon s’était rendu compte qu’un secret tournait autour d’eux. Quelque chose dont il n’était pas au courant et qu’Iki lui cachait. Cela n’avait peut-être aucun rapport avec lui, néanmoins, si le cuisinier ne s’aventurait jamais au-delà de ses terres, il savait toujours ce qui s’y passait, en leur sein. Rokuemon gérait son petit royaume d’une main de maître, et chacun de ses sujets s’y complaisait. Tout comme Iki, il ne changerait pour rien au monde son affaire, mais il ne se doutait pas que dans l’esprit du shinobi, la même idée faisait mouche. Conscient qu’il venait de jeter un grand froid dans la cuisine embrumée, il dessina un sourire sur ses lèvres et s’avança vers le shinobi.
[Rokuemon] – Comment va Yasu ? Je ne l’ai pas revu depuis votre premier passa …
Iki tira généreusement sur sa clope. La colère et la stupeur sur son visage avait probablement terminé la phrase de Rokuemon.
[Iki] – Non, c’est vrai, je comprends que tu veuilles changer à tout pris de sujet mais, par pitié, pas elle.
Rokuemon sourit niaisement.
[Rokuemon] – Elle était sympathique.
[Iki] – Elle l’est. Là n’est pas le problème.
[Rokuemon] – Alors quel est-il ?
Iki soupira.
[Iki] – Disons qu’après m’avoir misérablement drogué et laissé au bras du monstre Okugane, j’ai été obligé de prendre quelques … distances. Tu vois ?
Le vieil homme ricana dans sa barbe.
[Rokuemon] – Assez oui. Elle ne changera donc jamais ?
[Iki] – Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas, Rokuemon.
La main du tavernier se posa sur le menton d’Iki. Il serra très fort et ramena son visage près du sien.
[Rokuemon] – Yasu-chan est une femme très intelligente. Et je crois que tu l’apprécies un peu plus que tu ne veux l’admettre.
Il le relâcha.
Iki se retourna et se concentra sur l’odeur des épices qui passaient sous sa lame. Il l’aurait retrouvé de toute manière. Hizu l’avait lâché. Il était seul. Ouais, il l’aurait retrouvé. |
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| Sujet: Re: Rugissements Ven 6 Nov - 0:23 | |
| Ils avaient probablement cuisiné toute la nuit. A Konoha, personne n’était vraiment au courant. Personne ne s’y intéressant vraiment non plus. Mais même Jisuga ou Hizu n’avaient jamais vu Iki s’attabler à se préparer quelques bons petits plats. Bien au contraire, le juunin se nourrissait exclusivement de plats tout préparés, ou préférait simplement se déplacer jusqu’au restaurant le plus proche pour y commander un repas quelconque. Manger n’était pas réellement un plaisir. La seule sensation des condiments qu’il découpait sous sa lame, des odeurs qui émanait de la cuisson, de la viande encore rouge et des légumes et féculents qu’il arrangeait un peu comme il voulait l’amenait à attacher son tablier autour de son cou, ou de ses hanches. C’était peut-être cela, la différence : il était paradoxalement libre de faire ce qu’il voulait d’un peu de riz, d’un peu de viande blanche et d’un peu tout le reste. Un plat des plus basiques, comme une recette complexe que seule l’expérience, l’imagination et le culot étaient à même de créer. Iki était un shinobi, et de liberté il n’en avait que très peu. Lorsqu’on lui proposait de la prendre, cette liberté, il se l’accaparait et ne là lâchait pas. Rokuemon lui avait demandé pourquoi il n’en jouissait pas à Konoha. Il avait simplement répond qu’entre un peu de pain et d’eau croupie et des boulettes de riz et du poulet au curry, en prison, il n’y avait pas énormément de différence. Pour ne pas dire aucune, sinon la sensation de raviver le bonheur d’être dehors, de l’autre côté des barreaux. Naturellement, le bonhomme s’était étonné de la qualité du poignet et du palet d’Iki. Il ne comprenait pas comment il avait si peu perdu durant toutes ses années où son estomac se contentait de merdes chaudes. Oh, si, il comprenait tout à fait, mais Rokuemon essayait tant bien que mal de peler le masque que porte les hommes qui l’entourent. Il aimait cela et Iki ne pouvait pas lui en vouloir. Comme tout art qui s’apprécie et qui se respecte, la cuisine, ça ne se perd pas. Au pire, ça se vomit. Iki s’était endormi sans s’alléger de ses vêtements. L’odeur des oignons frits, du riz au curry, de la viande qui frissonnait dans l’huile l’accompagnaient dans ses rêves. Il se réveilla le lendemain matin, aux aurores, avec ce mélange désagréable dans le nez. Il pénétra dans la douche, se déshabilla et fit couler l’eau chaude sur son corps brun. Ses deux mains se posèrent sur les parois carrelés dont quelques carreaux avaient cédé, et se reposa dessus, comme exténué. L’eau frappait directement sa nuque. Elle le fouettait violemment, détendant chacun de ses muscles. Iki sourit et resta là durant quelques minutes pleines. Une multitude d’idées, de concepts, de pensées, de souvenirs se répétaient dans sa tête, comme un ballet à la fois superbe et violent. Il sentait chacun des danseurs rebondir dans sa tête comme sur le parquet de la scène, et frapper méchamment son crâne. Il remua sa tête et changea de position. Un morceau de savon glissa jusque dans sa main et il s’en badigeonna longuement. Il leva les yeux vers la toiture de bois et imagina le grand ciel bleu, couvert par les cimes des arbres qui entourait l’auberge. Iki sortit de la douche et se rhabilla, enfilant les habits qu’il avait délaissés lors de son arrivée. Logiquement, ici il se permettait de se vêtir avec plus ou moins de sérieux, délaissant son insigne et l’officielle cuirasse qu’il avait récemment acheté. Il rassembla ses affaires et ferma son sac à dos. Lorsqu’il eut refait son lit comme il se souvenait l’avoir trouvé en entrant, il laça le tissu qui supportait son bandeau autour de son bras et serra fermement le nœud. Il était fin prêt. Partir, encore une fois. En bas, Rokuemon l’attendait avec une petite touche de tristesse qui ne s’exprimait pas sur son visage, mais bien au fond de son cœur. Iki s’arrêta sur la dernière marche et l’entendit hurler dans un long et sinistre grincement. [Iki] – Rokuemon-san … Merci pour tout.Iki sourit définitivement et posa sa puissante main sur l’épaule nervurée de muscles du bonhomme. [Rokuemon] – Ce fut un plaisir, comme d’habitude.Les deux hommes se serrèrent chaleureusement la main et Iki s’avança jusqu’à la porte de bois aux armatures de métal qui donnait directement sur la petite clairière. [Rokuemon] – J’espère te revoir très vite mon garçon.Iki ouvrit la porte puis fit pivoter sa tête vers le cuisinier. Il hocha verticalement de la tête, le même sourire pour lui affirmer combien il l’appréciait. Puis, il disparut et Rokuemon s’en alla vers ses cuisines en chantant. L’instant d’après, il l’avait oublié. Il était ainsi, Rokuemon. S’il devait garder dans son cœur tous les souvenirs des gens qu’il aimait, il serait déjà mort. De solitude. *** La fumée de sa cigarette s’envola dans les airs et entoura momentanément la crinière des deux lions. Seuls leurs crocs acérés se distinguaient de leur tête embrumée, donc la crinière semblait s’accroitre selon leur puissance, leur sagesse. Leur prestance. La faible brise du soir emporta les restes des petits nuages et Iki retrouva les deux statues de bois avec un sourire satisfait. Il avait marché durant toute la journée. Lorsqu’il avait passé la porte du « Renard Cinglant », il ne s’était pas retourné, de peur d’être pris de regrets et d’une certaine nostalgie qui le pousserait à s’arrêter puis à revenir sur ses pas. Cela n’aurait pas été une mauvaise décision, rien n’était mauvais dans ce petit coin reclus du reste du monde. Mais il ne fallait pas qu’il se retarde plus qu’il ne l’était déjà. Littéralement, il avait perdu trois ans. Techniquement, il n’avait qu’une petite heure de sommeil de trop qui n’avait aucun impact réel sur son heur d’arrivée. Il lui avait suffi de courir tranquillement, enjambant les épaisses racines qui sortaient de terre et zigzagant entre les immenses troncs, jouissant d’une foulée régulière, presque imperturbable, pour se remettre dans le temps. Au pire, il arriverait après que la nuit ne soit tombée. Et si cela n’était pas spécialement agréable de voyager de nuit – même si, finalement, ce n’était pas plus désagréable pour autant – il avait déjà perdu trois longues années … Iki n’était pas si pressé qu’il essayait de s’en persuader lui-même. Le chemin était revenu comme par enchantement sous ses pieds et, étrangement, il semblait bien mieux défini que lors de son départ de Konoha. Quelques cailloux limitaient même les risques de se perdre dans un morceau de terre qui le mènerait à tout, sinon à Shimenu. Iki était finalement posté là, devant les portes du village. La grande barricade de bois s’étendait devant lui, alors que les portes ouvertes étaient faiblement éclairées par deux torches qui toussaient des flammes bien fébriles. Les deux sculptures de bois, représentant des lions en plein rugissement étaient taillé à même la matière. Iki sourit, satisfait et pénétra dans le village. Les rues avaient toujours la même forme et la même odeur. Vides, quelques rares torches les éclairaient ça et là, afin d’éviter que le village soit plongé dans un noir total et effrayant. Les pavés lui faisaient toujours aussi mal aux pieds, mais il appréciait leur contact froid et humide, la sensation de glisser au moindre moment de déconcentration prenante et fatigante à la fois. Iki traversa le village rapidement, sûr de lui et en même temps effrayé de renouer avec une grande partie de son passé qu’il avait momentanément mis dans un petit coin de sa tête, quelque part loin, très loin. Au fond de lui, il redoutait la réaction de ses amis, de son maître et de tous les autres lions, même s’il ne voyait aucune raison à ce qu’on lui en veuille. Mais tout le monde n’est pas à même de connaître sa situation à Konoha. C’était peut-être ça, la pire des sensations, être oublié. Quitte à choisir, Iki préfèrerait être haï, qu’on lui veuille pour une raison ou pour une autre. Mais pour rien au monde il n’appréciait l’idée qu’on ne se souvienne plus de lui, qu’il rentre dans ces locaux et qu’on ne se retourne pas sur son passage. Cela n’avait rien à voir avec de l’orgueil. C’était justement admettre une partie de sa faiblesse : Iki ressentait soudainement le besoin d’être couvé, protégé. D’être rassuré dans sa situation, qu’on lui rappelle qu’il mérite d’être un lion, qu’il mérite de vivre comme un lion. Il avait jusqu’alors tout fait pour qu’on le considère ainsi, et son arrivée à Shimenu dans des circonstances étranges ne l’avait certainement pas aidé. Mais comme il l’avait toujours fait tout au long de sa vie, il s’était battu. Il se battait si bien que de son nom, il en ressortait du respect. Ni plus, ni moins que tous les autres. Egal aux lions, c’était tout ce qu’il demandait. L’idée que partir si longtemps l’ait rayé de l’histoire de la Rokushishi Ryu le terrifiait. Même à Konoha, il avait tant bien que mal essayé de conserver les traditions et les modes de vie que Kawazi lui avait enseignés. Bien sûr, cela n’avait pas été facile et maintes et maintes fois Iki avait craqué. La douleur d’être séparé des siens, sa haine contre Okugane et se colère contre Konoha y étaient pour beaucoup. Celui qui savait le comprendrait. Le doute était en fait une sensation des plus désagréables. Le Juunin tira sans y prendre attention sur sa cigarette et s’arrêta devant les portes de l’école. « Il faut être un lion pour être un lion ». Elle était toujours là, cette phrase qui symbolisait leur vie, gravée dans le bois, juste au dessus de l’entrée du dôjo. Il sourit et se demanda subitement si ce qu’il entreprenait de faire était réellement une bonne idée. Il sourit à nouveau et s’élança sans trembler. Oui, c’en était une. Sans conteste possible. Ses pas se démêlaient avec assurance. Iki perforait les couloirs sans prendre gare aux éventuels lions qu’il pourrait rencontrer ; et il n’en rencontra aucun. Le plan du dôjo se dessinait simultanément dans sa tête, comme s’il le connaissait par cœur ; et il le connaissait par cœur. Il s’arrêta machinalement devant les portes qui fermaient le conseil. Il soupira, écrasa sa clope dans un petit bol au sol et sans frapper, il les poussa comme s’il n’avait jamais perdu l’habitude de les pousser, avec ce même charme, cette même prestance et ce respect indéniable ; cette habitude, il ne l’avait jamais perdu réellement. Comme à chaque fois qu’il pénétrait dans ces lieux, sa respiration s’arrêta soudainement, son cœur s’emballa et ses yeux perdirent durant quelques secondes l’impression d’être ouvert. Kawazi et Horishin étaient confortablement assis dans de simples sièges de bois. Rien n’a changé, tout est comme avant, se dit Iki. Et rien n’avait véritablement changé. Iki aimait cette sensation d’immortalité, qu’importe ce que le temps daignait céder, qu’importe ce que le monde portait comme malheurs. La pénombre cachait son visage, mais Iki ressentit l’étonnement crisper le visage de Kawazi. Et dans la voix d’Hiroshin, il y avait toujours cette même sérénité, quel que soit l’astre qui lui tombait sur le coin de la figure. Le grand lion parut sourire, mais Iki n’en était pas totalement sûr. [Hiroshin] – Bonsoir, Iki-kun. Bienvenue chez toi. |
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| Sujet: Re: Rugissements Ven 6 Nov - 16:05 | |
| Iki s’inclina profondément. Il reste quelques secondes la tête baissée, même si cela lui parut des heures. Kawazi bougeait nerveusement sur sa chaise. La surprise, le bonheur peut-être, agitaient son âme plus qu’il ne l’avait pensé. Lentement, il se releva et resta immobile et interdit devant la petite porte de la salle du conseil. Malgré les relations qu’il avait lié avec Kawazi, Iki restait son élève, et comme tout élève, il se devait de respecter son maître et les traditions qui les séparaient. S’il n’en tenait qu’à lui, qu’à eux, ils se seraient jeté l’un et l’autre dans les bras, narrant ces trois dernières années séparés par une autorité supérieure. Hiroshin sourit. Iki n’avait à priori pas perdu les bases de leur enseignement. Cela lui satisfaisait pleinement. [Kawazi] – Tu … Pourquoi ne nous as-tu pas averti de ton retour ? La fierté qui émanait de Kawazi était juste assez puissante pour cacher son étonnement. Sa faiblesse émotionnelle. [Iki] – Il semblerait que je n’en ai pas eu le temps, Kawazi-sama. Et puis … Iki afficha un petit sourire amusé. [Iki] – Sincèrement, j’ai préféré courir jusqu’ici le plus vite possible. Evidemment. Hiroshin resta silencieux, buvant chacun des faits et gestes du lion qu’il avait en face de lui. A ses côtés, Kawazi faisait tanguer nerveusement ses jambes de haut en bas, apparemment trop excité. Légèrement tendu. [Kawazi] – Est-ce que nous devons nous inquiéter de ton retour ? La question lui parut idiote. [Iki] – Non. Sauf si vous ne voulez plus de moi auquel cas je ferais le chemin inverse et je rentrerais à Konoha. Hiroshin leva un doigt amusé. [Hiroshin] – Tu seras toujours le bienvenue ici, Iki. A moins que Kawazi y voit un inconvénient …Il se tourna rapidement vers son homologue et lui sourit au nez. De là où il était, Iki ne pouvait pas voir une certaine forme de peur se mêler au bonheur et à la surprise sur le visage de Kawazi. Hiroshin, lui, connaissait trop bien l’homme pour ne pas sentir ses craintes chaque fois que son âme les exprimait au plus profond de son regard. [Kawazi] – Non, bien sûr. Je me demande juste comment tu as pu arriver ici alors que tu n’as jamais réussi à revenir à Shimenu en trois ans. Iki sourit. Enfin, sa venue prenait l’entière saveur qu’il avait imaginée dans ses rêves. Il allait tout lui expliquer, Kawazi comprendrait, et il apporterait des réponses. Mais il ferait cela une autre fois. Là, sur l’instant, il n’avait qu’une envie. Dormir. [Iki] – Konoha, Konoha et encore Konoha. Il fallait s’en douter n’est-ce pas ? L’impact de son discours était plus intense dans ses pensées … [Iki] – Okugane est mort. Oh, pas littéralement. Je l’ai défait, il y a six jours. Un immense virus a envahi le village. Il devait faire des choix. Il a payé pour son incompétence. Il a été poliment remercié et j’ai été promu Juunin. Je ne suis pas libre à proprement parler, mais j’aurais plus de temps pour moi. Pour nous. Le Haut Conseil m’a également offert une permission. Et me voilà. [Hiroshin] – Bien. Tu ferais mieux d’aller te reposer, Iki. Nous aurons l’occasion de parler de tout cela dans les jours qui viennent. Il n’y a rien que je ne veuille ignorer de ces trois dernières années mais ce n’est pas vraiment le moment pour aborder cela. Tu as l’air exténué et je n’aime pas m’entretenir avec des lions fatigué. Demain, Kawazi et toi, vous aurez tout le loisir de rattraper le temps perdu. Et vous n’en avez perdu que trop, pensa-t-il tout bas si bien que même son âme ne parut pas entendre cette pensée. [Hiroshin] – Nous sommes réellement heureux de te revoir parmi nous. Bonne nuit, Iki-kun. Hiroshin baissa machinalement la tête de quelques centimètres, incitant le lion à l’imiter. Iki se redressa subitement et plia son corps au niveau des hanches avec cette sensation de pouvoir à tout moment tomber en avant. La fatigue lui jouait de biens mauvais tours, il était temps pour lui de rejoindre sa chambre. Leur chambre, rectifia-t-il. Cela aussi lui était sorti de la tête. Ils étaient deux. Du moins, l’espérait-il. Il s’inclina enfin en direction de Kawazi qui répondit de la même manière et sans se retourner, il passa les portes de la grande salle et s’en alla dans les couloirs. *** Sa main chatouilla le bois des murs qui bordaient le couloir du dortoir. A l’intérieur même du dôjo quelques lions avaient établi campement avec l’autorisation d’Hiroshin, et profitaient des nombreuses chambres aménagées au fond du bâtiment. Iki, peut-être parce qu’il était arrivé étrangement tôt à Shimenu et qu’il était d’une jeunesse rare, avait été admis directement dans les locaux, sous la bénédiction de Kawazi et donc, inéluctablement d’Hiroshin. La plupart des lions peuplaient le reste du village dans des maisons que les générations précédentes avaient construites de leur propre main, comme les Six Lions avaient dessiné les façades de ce qui existait alors, et de ce qui existerait sûrement demain. C’était là toute la dure réalité de la vie à Shimenu. Une réalité que, en vérité, tous appréciaient. Comme ils pouvaient certes, parfois certains craquaient ou ne se complaisaient simplement pas dans ce mode de vie, mais la plupart rentraient dans le jeu que les lions imposent à leurs élèves et lorsqu’ils ont les deux pieds dedans, les mains accablées à la fois par le travail, par la rigueur du temps et par la violence des coups, très rarement ils en sortent. Parce que finalement, la force sage et sereine qui en émane est bien plus puissante que toute autre ambition ou orgueil qui fausserait le jugement. Shimenu avait ça dans la peau, dans les fondations même de son existence : quelque part dans le village, il y a toujours quelqu’un à même de vous faire redescendre sur terre. Et très souvent, cela arrive plus vite qu’on ne peut le croire. Iki poussa la porte de la chambre qu’on lui avait attribuée, quinze ans plus tôt. Elle se défila sous sa poigne sans grincer, dans un silence étonnant vu son âge et son état. Le bois coulissa, parfaitement équilibré. Son regard se porta naturellement sur sa couche, un matelas plus ou moins épais, simplement recouvert d’un drap posé à même le sol. A côté, dans l’autre coin de la pièce, un autre lit accueillait un lion en plein sommeil. Aiko … Il était donc toujours là ? Il n’avait pas quitté l’école depuis son départ. Il devait être extrêmement puissant alors, bien plus qu’Iki ne devait l’être. Parce que paradoxalement, Konoha ne lui avait absolument rien appris. Iki était venu là-bas avec ce qu’il savait, il avait utilisé tout ce savoir pour le village – et un peu pour lui aussi, pour continuer de vivre, de survivre – et il était reparti. Vidé. Au fond de lui-même, il l’enviait. Et sa haine pour Konoha, pour l’avoir emmené ainsi, sans même lui demander ce qu’il en pensait, se refit belle au devant de son esprit. Non, il ne pouvait plus. Plus maintenant en tout cas. Du revers de la main, il épongea son front transpirant et balaya ces pensées saugrenues qui l’avaient trop longtemps détruit. Un sourire déchira ses lèvres. Iki regardait Aiko comme l’enfant qu’il était avant. Qu’ils étaient avant. Malgré l’enseignement méthodique qu’ils subissaient et les rituels de la vie presque processionnels auxquels ils devaient s’astreindre, ils avaient tout de même largement profité de leur enfance. Tout n’avait pas toujours été facile mais ils avaient réussi à trouver le temps nécessaire pour devenir ami, simplement. Il sourit en imaginant l’homme qu’il était devenu maintenant. Un peu comme lui. Son sac chuta bruyamment sur le sol. [Aiko] – Hé ? [Iki] – Salut ma biche. Aiko se releva sur ses coudes. [Aiko] – Iki ? [Iki] – Tu ronfles mon vieux. [Aiko] – Iki …Aiko s’assit et entoura ses genoux de ses bras. Ses yeux clignèrent, fatigués. [Aiko] – Qu’est-ce que tu fiches ici ? [Iki] – J’aime ton sens de l’accueil tu sais. [Aiko] – Je dois rêver. Bonne nuit. Aiko se rallongea durant quelques secondes. Iki alluma une cigarette. Il ferma la porte et s’assit contre elle. Son compagnon se releva finalement. [Aiko] – Mince, tu n’es pas virtuel. Iki sourit et laissa un peu de fumée s’échapper de sa bouche. [Iki] – Bordel non. [Aiko] – Et toujours aussi grossier, à ce que je vois …[Iki] – Bordel oui ! Aiko poussa le drap qui recouvrait son corps et se leva, à demi nue. Il passa une main le long de sa nuque et remit en ordre ses mèches blondes. Il s’avança jusqu’à lui, et baissa son regard. Ses yeux se plissèrent, pas encore assez acclimaté à la lumière et finalement, un sourire rayonna sur son visage. Iki tira généreusement sur sa clope et se leva également. Lentement, ils se regardèrent. Aiko ouvrit ses bras et Iki s’y engouffra, dans une longe empoignade. [Iki] – J e sais, moi aussi je t’aime Aiko-kun. Iki sentit la paume de la main de son ami pousser son estomac. Son dos frappa la porte bruyamment et un petit ricanement termina de tuer le silence. [Aiko] – Je ne pensais pas vraiment te revoir un jour. Mais, merde, ça fait plaisir ! [Iki] – Je ne le pensais pas non plus, tu sais. Mais faut croire qu’on est plus fort que le destin. Aiko leva les yeux vers le ciel, couvert par le plafond, prit dans ses pensées. [Aiko] – Le destin n’a rien à voir là-dedans …Iki afficha un sourire sinistre. [Iki] – Effectivement. Mais j’aime bien me rappeler que c’est un imbécile faible et influençable. Aiko rit, apparemment heureux. [Aiko] – Tu comptes rester ici longtemps ? [Iki] – Assez pour te rattraper mon vieux ! [Aiko] – Hum, y’a du boulot, affirma-t-il dans un sourire faussement hautain. Les deux lions avancèrent jusqu’à la fenêtre de leur chambre qui donnait sur un petit jardin confiné dans le dôjo. [Iki] – Konoha a cédé. Beaucoup de choses ont changé pour moi. C’est grâce à cela que je suis là. [Aiko] – Ici, tout est pareil depuis que tu es parti. A part peut-être …Iki l’interrogea du regard, presque intéressé. Tapotant sur le bout de sa cigarette de l’index, il déposa la cendre sur le rebord de l’ouverture. [Aiko] – Kane est revenu il y a quelques semaines. |
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| Sujet: Re: Rugissements Sam 14 Nov - 20:28 | |
| Kawazi sourit. On ne pouvait guère savoir pourquoi, même si Iki avait bien sa petite idée sur la chose. Il s’inclina respectueusement et toisa ses pieds pendant quelques secondes d’une intensité dont il avait oublié la sensation. Autant, à Konoha, on se targue de quelques accolades polies, presque trop traditionnelles, autant à Shimenu, chaque acte avec un fond, un sens et il était interdit à quiconque de l’oublier. Sous peine d’être vaguement exclu. Iki s’était réveille de la même manière que tous les autres jours où il s’endormait dans l’enceinte de l’école : la langue sèche, l’esprit calme et le corps reposé. Ses muscles crièrent lorsqu’ils se détendirent subitement et que le jeune homme sortit naturellement de son lit. Toute la fatigue, toute la tension qu’il avait accumulée ces derniers jours remontaient à lui comme une vague de soif. Une immense vague qui vous surprend, qui plonge entre vos côtes pour satisfaire ce petit bout de chair, cet organe vivificateur et pur. De cœur, les lions en avaient. Iki ferma les yeux et se remémora le nombre de fois où il avait plongé ses mains dans celui de son adversaire. Et que, inévitablement, il lui avait ôté la vie d’une manière dont il n’appréciait pas le gout, s’il fallait apprécier d’une quelconque façon la désagréable saveur de la mort. Iki ne s’en voulait pas particulièrement. Il en voulait à tous ceux qui lui donnaient l’occasion de tuer. Des imbéciles.
D’une main discrète, il décolla son large pantalon noir de ses cuisses, comme attiré par sa peau humide et tira doucement sur son haut rouge qui claqua contre la peau de son abdomen. Il se releva. Les deux lions se tenaient droits, l’un en face de l’autre dans l’une des grandes salles du dôjo. Elle était ronde, entourée de murs d’un bois nacré de brèves sculptures indiquant la majestueuse crinière des lions sans que cela soit pour autant quelque chose d’écrit, de surfait. Il n’y avait rien d’explicite ni de concret, mais la sensation qui émanait de cette pièce maîtresse restait la même à quiconque désirait y pénétrer : les rugissements royaux, les cris furieux et sages à la fois des grands fauves sonneraient à leurs oreilles et s’ils n’avaient pas la capacité de surmonter un tel foudroiement, ils partiraient. Les tapis posés à même le sol comme s’ils en faisaient intégralement partis amortissaient chacun de leurs pas. Kawazi avança d’un pas et laissa son sourire s’inscrire dans la mémoire de son élève. Un élève, voilà une idée saugrenue. Le lion avait maintenant dix neuf ans, peut-être même vingt et il avait passé tellement d’années à ses côtés qu’il doutait lui-même de la pertinence de leur vouvoiement. Toutefois, l’un comme l’autre tenaient à cette règle. Parce qu’en briser une, c’était se permettre de se remettre en question face à toutes les autres. Et de cela, il n’était absolument pas question.
[Kawazi] – T’es toujours aussi mignon qu’autrefois dis-moi.
Les puissantes mains de Kawazi s’établirent de part et d’autres de ses hanches et le lion arbora un large sourire – encore plus large que le précédent – qui dévoila ses dents blanches et correctement alignées.
[Kawazi] – Pas encore autant que moi, mais si, t’es bien conservé. Tu as travaillé un peu toutes ces années n’est-ce pas ?
Iki s’inclina en signe de remerciement même s’il savait, au plus profond de lui-même, comme si une petite voix consciencieuse le lui indiquait, qu’il n’était pas tout à fait ce qu’il devait être, qu’il y av ait beaucoup trop de questions sans réponses et que sa vie ne restait qu’un livre dont on aurait oublié d’écrire une ligne après la précédente. Et qu’il y aurait, comme ça, de multiples sauts incompréhensibles dont l’auteur ne ressentirait pas la nécessité d’en faire part au lecteur.
Les yeux d’un bleu profond de Kawazi se posèrent sur Iki avait la ferme intention d’en écrire une mince partie. Une partie si infime que celui qui voudrait s’y accrocher ne pourrait que tomber. Une partie juste assez épaisse néanmoins pour que son protagoniste y saisisse les éléments clés, les poignés les plus solides et dont le mur lui offrirait toute la joie et toute la complicité de l’aider dans sa lente ascension.
[Kawazi] – Bon, soyons clair, tu n’es plus très, très frais. Mais tu n’es pas mort, et ça, ça oui ça, c’est déjà un bon gros point de pris. Je suis content que tu aies pu revenir me voir.
Iki ronchonna.
[Iki] – Arrêtez, on dirait mon grand-père. J’ai d’autres problèmes plus importants pour le moment.
[Kawazi] – Tu n’as pas de grand-père … Je le prends très mal.
Iki porta une cigarette à sa bouche sans essayer de croiser le regard de son professeur. Il découvrait très certainement son aversion pour le tabac, même si’il avait peut-être eu l’occasion de sentir ses vêtements imprégnés de l’odeur nauséabonde de la fumée qui en émanait. Toutefois Kawazi ne dit rien. Le lion fier et puissant avait vu assez de jeunes pousses aujourd’hui grandies faire toute sorte de bêtises, comme fumer. Il se souvenait particulièrement de Satoshi, qui n’était plus ici mais dans le village de Kiri. Il ne comprenait pas comment il ne lui était pas revenu en mémoire, tellement certains traits de caractères se confondaient dans leur personnalité, à Iki et à lui.
Son sourire taquin s’effaça. Kawazi était ainsi, à la fois immensément puissant, fier et appliqué, d’un sérieux étonnant, poussé jusqu’à l’extrême, la réussite la plus parfaite et parfois, ses yeux pétillaient d’une lueur qu’on ne lui connaissait pas, ses lèvres se dépliaient en un interminable sourie et sa langue fourchait étrangement dans sa bouche. Ceux que le grand lion savait ne pas détruire par la simple épaisseur de ses muscles et par la profondeur de son regard bleuté caché sous ses mèches blondes, il le attrapait par quelques phrases parfaitement ponctuées qui, si elles ne déstabilisent pas, savent mettre mal à l’aise. Souvent, cela faisait rire Hiroshin. Mais il fallait s’appeler Kawazi pour se permettre ce brin d’audace. Iki s’en contentait vainement même s’il lui arrivait rarement de mâcher ses mots devant quiconque que se soit, exception faite à son « vieux » maître, à Hiroshin et à Keira.
[Kawazi] – En fait je sais ce qui a vraiment changé : tu fais une de ces tronches !
Il avala sournoisement la fumée qui venait à lui et l’expulsa vers Iki.
[Kawazi] – Il est passé où l’élève qui gronde tout le temps, qui gueule quand ça lui semble juste et qui sort tout un tas de conneries devant des mecs trois fois plus épais que lui ? Konoha t’a mangé mon jeune ami, tu n’es plus qu’un vieux légume.
[Iki] – C’est pour cela que je suis là. Mais j’apprécie votre façon de voir les choses.
Kawazi haussa un sourcil. Il décelait une pointe d’orgueil qui n’avait plus sa place dans le ton d’Iki. Du moins, le jugeait-il ainsi. Autrefois, à un âge très peu avancé, Iki faisait d’énorme progrès, il était techniquement et physiquement en avance sur beaucoup de monde. Mais comme le temps passait, comme il partait ça et là un peu partout dans le monde, ceux qui le suivaient tendirent à le rattraper, « même si cela ne marche pas vraiment ainsi », pensa-t-il. Certes, chez la majorité des élèves, la progression reste la même et tend à s’affaiblir, si bien qu’un lion moins faible qu’un autre ne pourra pas rêver le devenir plus si ce dernier arrête soudainement de s’établir dans les frontières du village. Ainsi, à cinquante ans, un vieux lion peut toujours être plus faible qu’un gamin de dix neuf balais. Mais Iki avait perdu cet avantage. Il était bon, c’était certain, mais il n’avait plus cette pointe de folie qui pétillait dans ses pupilles, enfant. La furie de ses poings, la danse de ses pieds sur le parquet des salles de combat ou sur les grands tapis du dôjo ; les Six Lions avaient perdu l’habitude de le regarder jouer de son corps toutes ces années. De preuves, il se devait d’en reconstruire. Même si cela ne prendrait qu’un jour ou deux, se dit Kawazi, et il l’espérait profondément, il faudra le faire.
Et cela commençait maintenant.
[Kawazi] – Frappe-moi.
C’était presque un ordre. Dans la position de Kawazi, il n’y avait aucune hésitation, aucun doute et une assurance déroutante. C’était cela, la réelle force du lion. Jouer si subtilement et si rapidement entre la taquinerie et un sérieux terrifiant.
[Iki] – Quoi ?
[Kawazi] – Frappe-moi.
Il leva la paume de ses mains vers le plafond afin de rendre l’incompréhension d’Iki plus idiote qu’elle ne l’était déjà. Un lion ne refuse jamais le combat. C’est sa moelle, une partie intégrante de sa vie et une règle incontournable. Il s’en nourrit et s’en assèche à la fois. Et la seule façon de prévenir cette soif, c’est de se battre, encore et encore. Kawazi voyait ainsi son mode de vie et c’était tout naturellement qu’il demandait à ses élèves de l’appliquer avec lui.
Iki s’élança. Ses pieds décollèrent du sol et sa cigarette vola dans les airs, fermement entourées par ses deux lèvres. La fumée s’étala sur toute la longueur qui séparait les deux combattants et se tut, finalement. Il arma son bras. Tous ses muscles se contractèrent d’un seul tenant et ses veines grossirent affreusement. Son bras tendu se plia, ses épaules se tournèrent afin d’entamer une brève rotation qui donnerait à son poing plus de vitesse, plus de pénétration et donc plus de force et Iki courut jusqu’à Kawazi. Lorsque sa main refermée sur elle-même allait atteindre le buste musculeux, le grand lion aux mèches blondes leva son bras et de sa main droite, il arrêta l’élan de son élève. Les pieds fermement ancrées dans le sol, Kawazi n’avait pas bougé, pas même d’un demi-centimètre en arrière sous l’impact. Sa main s’était refermée sur le poing d’Iki et sans sourciller, elle lui broyait progressivement les os – même s’ils savaient tous deux que cela n’aurait aucun effet, et qu’à part la douleur, son ossature serait remise deux à trois secondes après la fracture.
[Kawazi] – Même le Iki d’antan, aussi faible soit-il, m’aurait obligé à reculer. Rien que sous le choc …
Iki ferma les yeux et tira sur sa cigarette. La fumée sortit de ses deux narines et une larme de douleur et de tristesse pointa le long de sa joue.
[Kawazi] – Ton corps est fort. Il pourra supporter d’atroces souffrances et des douleurs inimaginables, mais ce qu’il y a là-dedans … Il montra sa tête de son autre index. Ce qu’il y a là-dedans est plat, fébrile. Ce n’est pas toi, ça ne pétille plus, ça ne boue plus, il n’y a plus rien à part une sorte de résignation morbide voire amoureuse. Tu as quelqu’un dans ta vie ? … Je rigole. Je n’aime pas te voir comme ça et pour être franc, tu as bien fait de venir me voir. Je sais que tu n’en as pas eu l’occasion et que tu as fait aussi vite que tu as pu mais j’apprécie le geste. Cela prouve que tu es conscient de tes problèmes et que tu souhaites les régler. J’aime ça. Et je vais t’aider. Ou non, je ne vais pas t’aider.
Il desserra son emprise sur le poing d’Iki.
[Kawazi] – Je vais faire de toi le lion que tu as toujours mérité d’être. Nous avons perdu trois ans, et je crois qu’il est temps de faire de toi ce que tu devrais être aujourd’hui, même si cela prendra du temps et très certainement un peu de ton sang et beaucoup de ta sueur. Tu me connais, Iki-kun, j’irais jusqu’au bout et si tu le mérites – et je sais que tu le mérites – je ne lâcherais rien. Je te conseille d’aller te reposer même s’il est encore très tôt. Une nouvelle nuit de sommeil ne te fera que le plus grand bien. Profites-en pour te remettre en question et pour réfléchir à tout ça. Bonne nuit mon vieux.
Kawazi avait dit cette dernière phrase sur un ton amusé. Souriant, il passa juste à côté de lui, Iki put sentir son épaule effloré la sienne, un peu moins haute et bien moins imposante. Iki plia et déplia son poing le visage crispé et le bras tendu. Un peu par la douleur, beaucoup par la déception. De son autre main, celle libre, il entoura sa cigarette, tira dessus et la laissa se consumer seule.
[Iki] – Bonne nuit … |
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| Sujet: Re: Rugissements Mar 17 Nov - 2:27 | |
| La rosée matinale arrosait ses doigts de pieds, fermement enlacés dans le cuir de ses claquettes. Le temps était plutôt humide, comme si une mauvaise pluie s’annonçait, en vain. Parce qu’il y avait toujours cette légère brise chaude qui repoussait les nuages vers l’extérieur. L’extérieur du Pays du Feu. Le soleil, radieux illuminait avec la même intensité les dalles qui entouraient le dôjo de Shimenu et ses rayons, fiers et lumineux, s’épanouissaient avec plaisir sur la peau du Lion. Iki ne se sentait pas particulièrement bien. Mais il alluma une cigarette et presque immédiatement, il se rendit compte à quel point il ne l’était pas. Vraiment. Le morceau de tissu qui recouvrait son buste se colla à sa peau. La transpiration imprégnait le vêtement et dégageait une odeur neutre, presque plate. Lentement, la main de Kawazi s’empara de son col et le souleva dans les airs. Il manquait de déchirer son T.Shirt et Iki n’aimait pas cela. Qu’on nuise à ses vêtements. L’immense poing de Kawazi s’abattit subitement au niveau de son estomac. Iki tomba. Il tombait de toute manière assez souvent face à son maître, même s’il avait oublié la saveur que cela procurait. Une sensation de fierté et plénitude. Et puis cette douleur qui s’empare de l’estomac et qui le serre violemment et qui lui donnait régulièrement envie de vomir. [Kawazi] – Tu t’es mis à fumer ? Il esquissa un sourire peu amusé, presque déçu et frappa encore. [Iki] – C’est une question rhétorique ? [Kawazi] – Presque. [Iki] – Cela vous étonne ? Kawazi ricana. [Kawazi] – Tu me prends pour qui. Il le souleva un peu plus haut et lentement il le balança sur le sol. Le mouvement était lent, mais la chute, elle, recouvrait un semblant de violence qui fit grincer quelques côtes d’Iki. [Kawazi] – Je savais que cela devait arriver un jour ou l’autre. *** [Kawazi] – Je ne t’ai jamais raconté cette histoire qui me passionne tant. Iki tira sur sa cigarette sans même s’en apercevoir et sourit. [Iki] – C’est vraiment utile ? [Kawazi] – Comment pourrais-tu le savoir, tu ne l’as pas encore entendue ! [Iki] – Les contes pour enfants … ça finit trop souvent bien. Et puis j’ai passé l’âge des belles morales. Kawazi leva sa main dans les airs et la laissa tomber sur l’épaule de son élève, assis sur le petit muret qui bordait la petite cour dans laquelle ils s’étaient tous deux entraîné toute la matinée. [Kawazi] – C’est l’histoire d’un garçon. Un petit garçon, un peu musclé, assez mignon pour tout te dire. Il arborait une magnifique chevelure rousse et des yeux profondément ancrés dans son visage. Des yeux d’un brun extraordinaire. Cet enfant n’avait qu’un défaut : son intangible passion pour la puissance. Il voulait tout ! Et sur le champ ! Il désirait la force, la sagesse, la rapidité, le savoir, alors qu’il y avait tant d’autres choses bien plus importantes qui devaient normalement le passionner. Lorsqu’il eut l’âge et la force de supporter les péripéties du temps et des hommes, il décida de partir de son petit village et de parcourir le monde. Il pensait bien faire. En fait, il pensait surtout qu’il rencontrerait toute sorte d’hommes et de femmes qui seraient amenés à partager leurs savoirs et leurs techniques et que de ces rencontres, il découlerait un partage qui le tirerait bien évidemment vers le haut. Et le haut du la butte, c’était tout ce que gamin cherchait. Il partit donc, de son petit village natal, et parcourut les chemins, les routes et les vallons pour découvrir ce monde qui s’ouvrait à lui sans qu’il ne lui demande rien en échange !
Le premier soir, il se coucha dans une petite clairière avec l’intention d’y dormir. Bien vite, il comprit qu’il n’était pas capable de faire un feu. Mais ce n’était pas grave ! Il s’allongerait simplement dans les hautes herbes, protégé par la lumière de la lune et par sa taille encore petite, quoique bien grande pour son âge et il dormirait jusqu’au petit matin. Et c’est ce qu’il se passa. Le soleil passa la cime des grands arbres et l’enfant se réveilla le dos humidifié par la rosée. Il reprit, plutôt fier de lui – clairement fier de lui – sa route vers une destination qui lui était encore inconnue. Le deuxième soir, il du encore s’arrêter afin de se reposer. Et de la même manière que la jour précédent, il profita des bras tendus de la nature pour s’y coucher à l’abri de tout danger. Mais il y avait une menace auquel l’enfant n’avait pas fait attention et qui planait au dessus de lui sans qu’il en ait réellement conscience. Elle était plus vicieuse que les loups, plus violente que les brigands et plus rapides que les serpents. L’enfant la rencontra le lendemain matin, en s’étirant sereinement d’une bonne nuit bien fraîche, lorsque son estomac se tordit de douleur. La faim. Le troisième jour, il courut plus vite. Son souffle perdit en intensité et la fatigue vint à lui bien plus tôt, alors que le soleil rayonnait encore bien haut dans le ciel. Ses pieds continuaient de le trainer mais il sentait peu à peu leur contrôle lui échapper. Lorsqu’enfin la nuit arriva, il ne trouva pas le sommeil, parce que la faim le tenait fermement entre ses petites mains sournoises et qu’elle remontait peu à peu le long de sa gorge. Le quatrième jour, épuisé, il s’effondra à quelques centaines de mètres d’un petit village pas plus grand que Shimenu.
Ce fut un paysan qui le retrouva. L’homme était sorti des masures, sa hache sur l’épaule, s’en allant chercher un vieux troncs que le temps avait laissé périr, trouvant que l’occasion était assez bonne pour l’en débarrasser et pour profiter de sa chaire entre tendre et ferme pour y confectionner son propre mobilier. Il le trouva là, allongé sur le sol, encore en vie, bien sûr. Le paysan prit soin de l’enfant et durant quelques semaines, alors qu’il courut sans s’arrêter pendant quatre jours, sinon pour dormir un peu, il l’accueillit dans sa petite famille, composée d’une femme aux formes bien rondes mais au sourire tout autant charmant, et de ses deux fils, l’un plus âgé, l’autre non. L’homme lui apprit à chasser les bêtes, à pécher les poissons et à cueillir les fruits rouges, et non les noires. Il lui enseigna également les rudiments de la culture de la terre, du bois, de l’eau et du feu. Quelques mois plus tard, l’enfant remercia son hôte d’une puissante accolade et décida de continuer son voyage. Il considérait que grâce au paysan, il pouvait maintenant se débrouiller seul dans la nature et malgré les réticences du village à laisser partir l’enfant sur des chemins escarpés et peut-être pas tout à fait sûrs, ils cédèrent au rêve du gamin de devenir un grand guerrier.
On n’eut plus de nouvelles de lui pendant plusieurs semaines jusqu’à un matin où l’enfant devenu adolescent pointa le bout de son nez devant les portes de Shimenu. Il y pénétra avec une assurance presque insolente mais un sourire sincère. Il fut tout d’abord étonné de voir autant d’activité dans le village et, il est vrai, de nombreux hommes puissamment bâtis – et d’autres non – construisaient en différents endroits des maisons, des commerces, des palissades et d’autres structures de bois et de pierres qui font aujourd’hui l’ossature du village. Mais il fut ensuite complètement conquis par le dôme du dôjo qu’un homme immense et très musclé avait monté de ses propres mains quelques années auparavant avec l’aide de ses partenaires. Il y avait également d’autres hommes à l’aspect un peu particulier qui portaient des uniformes et une plaque de métal avec un signe qui l’intriguait. Mais son attention se reporta sur ceux qui pénétraient tous les jours dans le dôjo et qui, en guise d’entraînement, s’y battaient. Le rêve de l’enfant paraissait donc se réaliser. Il avait trouvé son paradis, un village où la simple motivation de se lever le matin était celle de lever ses poings contre l’autre, dans la sueur et dans le sang. Mais il n’était pas complètement idiot et il savait qu’il devrait faire ses preuves avant. Il proposa alors ses services à l’un des hommes qui s’intéressaient à la construction du village en lui narrant sa petite histoire, son voyage, son apprentissage. L’homme semblait plutôt optimiste mais ne promit rien et embaucha l’enfant. Et je te le dis, il ne fut pas déçu ! L’enfant grandit ici et vit le village s’étendre doucement. Il manipula le bois, la pierre et de multiples autres techniques manouvrières. Son corps grandi, sa musculature s’épaissit et lorsqu’il fut pleinement intégré au village et qu’on le considérait comme un habitant de Shimenu, il décida de rencontrer le bonhomme qui gérait le dôjo. Ici, on l’appelait Hiroshin Kessuke.
Il toisa le jeune homme du regard, le décrit des pieds jusqu’à la tête et sourit. D’une voix profonde, presque caverneuse – celle que tu connais bien – il l’accepta, mais lui assura qu’il devrait faire ses preuves et sans cesse travailler, travailler et encore travailler. Et il travailla, énormément ! Il faut dire, l’enfant s’avéra très vite être un génie qui maîtrisait son corps et les techniques enseignées par Hiroshin lui-même avec brio. Il pensait son rêve se réaliser et vit son importance dans le dôjo s’accroitre un peu plus chaque jour. Il lui arrivait parfois de mettre à terre des hommes bien plus puissants que lui, et bientôt, il prit une toute autre aura dans l’Ecole. Il en demandait toujours plus à Hiroshin qui ne cessait de lui raconter de longues histoires très sages qu’il clôturait par l’apprentissage d’une technique ou par un entraînement très poussé. Mais le jour vint où le jeune homme eut atteint sa limite physique et où son maître lui annonça aussi simplement qu’il ne pourrait plus lui apprendre rien, sinon ce qu’il ne savait déjà. Qu’il ne voulait pas, en vérité. Il s’exclama, il ne comprit d’abord pas et partit dans une colère dévastatrice qu’Hiroshin contrôla plus ou moins facilement. Ce soir-là, il passa son immense bras autour de ses épaules et l’emmena juste à l’entrée du dôjo, là où il est marqué : « Il faut être un Lion pour être un Lion. » Il pointa du doigt cette phrase que les Six Lions avaient faite marqué au tout début de leur création et ajouta d’un air rassurant : « Un Lion ne crie pas mon jeune ami. Il rugit ».
Cela n’était peut-être pas évident au premier abord, mais il y avait une différence très importante dans cette phrase. Durant toute la nuit, Hiroshin lui expliqua les règles de vie auxquelles il se tenait personnellement et auxquelles chaque lion devait se tenir pour devenir et être des lions. La patience, la concentration, le respect de leur force et la sagesse ; c’étaient ainsi que Hiroshin voyait leur vie, dans le travail, dans l’application et la force, aussi brute soit-elle. L’enfant comprit alors, qu’il était trop impatient, trop ambitieux et que la puissance qu’il avait acquiert, si elle était utilisée dans de telles conditions était dangereuse et inutile. Il lui apprit à prendre le temps de faire les choses et à les faire dans le bonne ordre, parce qu’il y a un ordre à toutes les choses. Cette sensation de puissance était pour le jeune homme plus qu’une passion, mais un besoin, une nécessité dont il ne pouvait plus se passer et qu’avec l’aide d’Hiroshin, il apprit à contrôler. Iki expulsa un petit nuage de fumée et sourit. [Iki] – Où voulez-vous en venir, maître ? Kawazi haussa les épaules et sourit, amusé. [Kawazi]- Peut-être nulle part. Il me faut une excuse pour te raconter une histoire sympathique ? [Iki] – Je croyais oui. Nous, les Lions sommes capables de trouver un enseignement dans le néant, pourquoi n’y en aurait-il pas un dans cette histoire-là ? [Kawazi] – Il y a bien quelque chose à retenir, mais cela me semble évident. Iki se leva et fit quelques pas avant de se retourner. [Iki] – Bien sûr. Ce qui l’est moins, c’est le lien avec mon histoire, à moi. Kawazi leva les yeux aux ciels et soupira. Pourtant, son sourire ne se dissipa pas et son regard se posa finalement sur le lion qu’il avait en face de lui et qu’il appréciait particulièrement. [Kawazi] – Je vais t’enseigner une technique qui risque de modifier considérablement ta vision de ce monde. Je suis sûr que tu seras assez fort pour la contenir – quoi que, tu parais un peu mauviette ces derniers temps … humour. J’aimerais simplement que tu n’oublies pas cette histoire une fois cela fait. Iki afficha un sourire presque orgueilleux et posa sa cigarette entre ses deux lèvres. [Iki] – Je n’oublie jamais vos petites anecdotes farfelues, ça vous donne un petit côté grand-père que j’aime bien. |
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| Sujet: Re: Rugissements Mar 17 Nov - 19:32 | |
| Il enferma son visage entre ses deux mains. La douleur était intense, presque insoutenable mais Iki ne trouvait pas la force de l’y extraire de sa tête. Elle puisait dans son crâne la puissance de le torturer. Ses genoux touchèrent le sol plus violemment qu’il ne l’avait imaginé, mais l’insistance avec laquelle son crâne gonflait progressivement l’atténuait presque entièrement. Kawazi ne souriait pas, mais dans son regard une petite pointe de fierté contrôlée luisait. Il l’avait pourtant prévenu et même si Iki l’avait écouté, il n’avait pu se préparer à cela. Comme la première fois, cette technique l’étonnait et le transformait à la fois.
Kawazi sentit son élève bouillir, perdre peu à peu le contrôle de lui-même, de son corps comme de son âme. Il se souvenait ce que cette technique avait engendré la fois précédente fois. Huit ans plus tôt. Elle s’était révélée à Iki sans son aide, simplement parce que parfois, les Rois Lions décident de choisir leur descendance et qu’il en est ainsi. On n’y pouvait trop rien, avait-il dit à Hiroshin qui l’écoutait d’une oreille attentive mais intriguée.
[Kawazi] – N’oublie pas ce qu’ils sont et ce qu’ils t’accordent.
Il s’approcha doucement d’Iki et posa presque ses lèvres sur son oreille.
[Kawazi] – Tu n’as pas le droit de bafouer leur confiance, aussi dangereuse soit-elle.
Iki cria et se releva subitement avant de tomber en arrière. Ses mains ne se décollèrent pas de son visage, cachant de la lumière ses pupilles pourpres. Elle lui était trop agressive et son expression se distinguait d’un hâle blanc azuré dont la vue était insoutenable. Comme foudroyé par un éclair sans chaleur ni électricité. Une simple faille dans le ciel qui l’éblouissait de haut en bas et qui argentait le monde sur toute sa superficie. Iki n’avait eu qu’une seconde pour s’en rendre compte. Puis il s’était mis à crier.
Le visage de Shaeru apparut. La jeune femme s’élança vers eux, curieuse et attirée par le bruit des cris qui perçaient à travers les parois du dôjo et sourit lorsqu’elle reconnut Iki au sol, Kawazi se tenant assis à côté de lui. Le lion continuait de gesticuler de temps en temps, par période, comme de vulgaires spasmes qui l’animaient. Le reste du temps, il paraissait comme mort et seul son buste se levait et descendait au rythme de sa respiration irrégulière. Une fois, Kawazi crut que s’en était terminé, même si cela le faisait presque rire.
[Shaeru] – Qu’est-ce qu’il fait ?
Kawazi leva un doigt amusé et lui demanda de le rejoindre silencieusement.
[Kawazi] – Je n’avais jamais vu quelqu’un réagir ainsi au Gin Gan.
[Shaeru] – Ah … tu ressors cette vieille histoire du placard.
[Kawazi] – On dirait que le corps d’Iki ne le supporte pas, mais qu’une fois qu’il le maîtrise, il en tire une puissance accrue. C’est très étrange.
Shaeru parut sourire mais le cou crispé d’Iki dont les veines ressortaient lui donnait un tableau peu réjouissant de la situation.
[Shaeru] – Tu ne devrais pas le bousculer comme ça et prendre le temps de l’y entraîner.
Il sourit.
[Kawazi] – Ca fait assez longtemps que nous travaillons ensemble … il y arrivera, ne t’inquiète pas.
Shaeru hésita. Kawazi la regarda, sourit, puis se détourna à nouveau.
[Shaeru] – Je n’ai jamais vraiment apprécié ta manière de faire les choses, Kawazi. Mais je t’aime bien, toi, alors je vais te laisser le bénéfice du doute.
Kawazi fronça les sourcils. Il se demandait comment la jeune femme pouvait encore douter de ses performances. Mais il ne lui rendait aucun compte et ce qui avait de l’importance à ses yeux était là, juste devant lui.
Iki se releva subitement. Il cligna nerveusement des yeux puis les ferma définitivement afin de se laisser le temps à sa respiration de reprendre son rythme habituel. Il fit tourner sa tête sur lui-même et inspira jusqu’à ce que ses poumons ne puissent plus se gonfler plus que ce qu’ils ne l’étaient déjà. Il sentait ses paupières s’enfoncer dans ses yeux fatigués et usés, ses pieds creuser le sol tellement son corps paraissait lourd et immobile et ses bras s’allonger tellement ses mains étaient attirées vers le sol. Il sourit lorsqu’il reconnut l’odeur agréable de Shaeru mais ne dit rien.
La seconde qui suivit, ses yeux s’ouvrirent et ce poids qui nouait son estomac et qui le tordait fuit. Iki n’attendit pas de constater à quel point le monde avait changé de couleur et d’odeur pour foncer sur Kawazi qui s’était logiquement relevé, préférant anticiper toute réaction de la part son élève. L’espace d’un instant, il se rappela combien il avait bien fait. Shaeru s’écarta rapidement, ne désirant pas prendre part à ce qui se préparait entre un lion en découverte et un autre qu’elle n’avait plus à découvrir.
Les pupilles d’Iki se perlèrent d’une pointe d’argent qui se densifiait à chaque seconde. Le lion s’élança sur Kawazi, les yeux pleinement ouvert. Il se mordillait la lèvre inférieure tellement la pression s’accaparait en lui et le pressait vers son homologue.
[Kawazi] – Voila quelque chose qui me plait.
Iki rebondit sur le sol.
Il vit son adversaire décaler de quelques centimètres sa jambe droite, celle qui portait le poids de son corps, puis son bras gauche se porter vers l’avant. Il connaissait tellement bien cette position qu’il en frissonnait déjà et qu’il voyait ses chances de le toucher et d’en ressortir indemne s’effriter chaque fois qu’il faisait un pas. Néanmoins il n’était pas question de s’arrêter. De toute manière il était lancé et s’il se freinait il n’aura qu’une surprise un peu différente de celle que Kawazi lui préparait : il s’empalerait sur son poing, perdrait ses appuis et se ferait démolir comme un vulgaire insecte qu’on écrase de la plante du pied. Sa main se referma sur son bras qu’il tendit et colla le long de son buste de sa cuisse. Iki sentait le débit de son sang dans ses veines qui traversaient tous ses muscles.
C’était un mouvement qu’il n’avait pas réussi le soir précédent. Peut-être parce qu’il était fatigué et pas bien en forme. Le paysage pourtant identique à la veille semblait avoir pris une nouvelle configuration, presque folle. Iki touchait à peine ce sol glissant qui l’amenait jusqu’à Kawazi. L’air qu’il respirait était pur et juste assez frais pour qu’il n’en souffre pas et chacun des membres de son corps répondait avec une telle vitesse et une telle efficacité qu’il crut encore rêver de quelques performances impossibles. Il sourit et continua à se mordiller la langue inférieure qui s’ouvrit finalement et fit gicler un peu de sang le long de son menton. Il arma son bras et se baissa encore si bien qu’il pouvait le contact des tapis sur ses phalanges qui ressortaient, le poing clos sur lui-même. Shaeru aurait aimé Kawazi sourire, parce que c’était ainsi que la majeure partie du temps il se battait : une assurance, et une domination qui ne trompait personne et dont la seule expression sur le visage pouvait faire taire n’importe quel adversaire un peu trop belliqueux. Mais Kawazi restait d’un sérieux décevant, concentré et répondant. La jeune femme en était certaine maintenant, il ne prenait pas ce combat à la légère, même s’il y avait une très faible probabilité qu’il perde. Longtemps, elle avait cru que l’on pouvait calculer les chances d’un homme et elle avait travaillé plus longtemps encore pour perdre cette habitude. Le combat n’est pas une question de chance, mais de condition. Elle s’en voulait de l’avoir momentanément oublié.
L’arc que décrit le bras d’Iki était presque parfait. Il visait sans le cacher le menton de Kawazi qui, s’il n’avait pas été préparé à ce cou, se serait peut-être détaché du reste de son corps avec une violence inouïe. Le lion n’avait pas réellement eu l’occasion de remarquer les progrès de son élève simplement parce que celui n’avait pas eu celle de les lui montrer. Mais depuis quatre jours que Iki était revenu à Shimenu, quatre jours durant lesquels il avait repris sa condition d’antan et qu’il avait médité sur les paroles de Kawazi – étrangement ressemblantes à celles de Yasu qu’il n’avait jamais vraiment écouté soit dit en passant – il s’était remis en question et avait entrepris de retrouver celui qu’il avait perdu en partant à Konoha. Qu’il avait laissé ici, bien au chaud. Dans les bras de Kawazi. Les bras de sa mémoire. Ses puissants yeux bleus se détournèrent de leur destination et Kawazi fit un bref pas en arrière. Il pu sentir tout de même le poing d’Iki qui chatouillait modérément les prémices d’une barbe que le lion coupait régulièrement. Pas assez pour ne pas souffrir apparemment.
Iki tomba lourdement. Le pied de Kawazi avait trouvé sa cheville et son poing s’était contenté de frappé son dos avec un peu de retenu. Juste assez pour le mettre au sol. Et il ne se releva pas. Lentement, de sorte qu’aucun mouvement brusque ne montre au lion qu’il en voulait encore, sa main s’empara du paquet de cigarettes que le juunin cachait toujours dans sa poche et en extirpa une qu’il alluma aussitôt. Toujours avec la même attitude, il se retourna et releva son dos dont la douleur commençait à l’irriter. Du revers de la manche, il essuya le sang qui coulait par à-coups de sa lèvre et il soupira. D’un immense bonheur. Celui de se battre. Pour rien, au final, puisqu’il n’y avait aucun enjeu à cela, sinon celui d’être renvoyé aussi vite qu’il était venu.
Shaeru applaudit ironiquement. La méthode de Kawazi passait toujours mal dans sa gorge fine et blanche, mais elle connaissait juste assez Iki – de loin – pour l’apprécier sa juste valeur et se contenter de la satisfaction de le voir toujours en vie, et du bon côté de la barrière qui les séparait des hommes qui ne cherchaient la puissance que pour assouvir leur domination sur les autres, et uniquement pour cela. Il en existait, elle le savait. Elle l’avait vécue.
[Iki] – Je ne pensais pas que ce serait si …
[Shaeru] – Dur ?
Iki regarda la fumée de sa cigarette s’envoler dans les airs.
[Iki] – Emmerdant. Bonjour, Shaeru.
[Shaeru] – Iki.
Elle s’inclina une brève seconde et lui, hocha de la tête aussi simplement.
[Kawazi] – Comment tu te sens ?
[Iki] – Comme un mec qui n’a pas dormi ni mangé depuis deux jours et qui se senti visiter par une force étrange qu’il ne comprend pas mais qui a l’air bien sympathique. Alors il la laisse faire tranquillement.
Kawazi sourit. Il leva les yeux au ciel, remerciant une entité qui n’existait pas de lui avoir rendu celui qu’il chérissait tant, avec la certitude qu’il n’y avait de félicitations que pour lui et que seul son assurance et sa confiance en Iki était à remercier. Mais pour une fois, juste pour une fois …
Il décida de se taire. |
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| Sujet: Re: Rugissements Sam 30 Jan - 18:51 | |
| Il sentit comme une ombre embraser son corps. Elle le léchait depuis quelques minutes, rampant sur les pavées des ruelles de Shimenu. De temps à autre, un morceau de terre venait combler quelques lacunes d’aménagements, ou se superposaient simplement à la roche finement découpée qu’on avait placée sur le sol quelques années auparavant. Le lion ne rugit pas et continua sa lente marche vers la porte arborant un fier lion de cuivre que la pluie avait partiellement rouillée. D’une main puissante, il la poussa et s’arrêta sur son pas boisé. Le jeune homme gonfla soudainement ses poumons et s’immisça dans l’air alcoolisé de la taverne. L’idée de se retourner subitement et de découvrir qui pouvait bien ainsi déclencher en lui cet étrange sentiment de paranoïa lui traversa l’esprit, mais il n’en tenu pas compte. Il s’avança dans la taverne comme si de rien n’était. Une chape de fumée grisâtre couvrait le plafond. L’homme s’enfonça entre les quelques clients et s’assit à une petite table munie de deux bancs de bois aux augures peu confortables. Juste derrière lui, les braises mourantes d’un feu presque éteint rappelaient de belles et vives flammes qui réchauffaient sans nul doute la totalité de la grande salle et qui par la même occasion l’éclairaient très certainement, lacéraient encore son dos d’une chaleur accablante. Le lion ôta soigneusement son grand manteau blanc et le posa avec le même souci de ne le salir ou de ne l’abimer à ses côtés. Sur le bois brun et poli. Le puissant homme qui campait derrière son bar, porta à sa bouche une grande pipe à la tige longue et fine mais au réceptacle exceptionnellement grand. Il tira une bouffée de fumée qu’il expira sans l’ôter de sa bouche. Lentement, il chassa le torchon de son épaule et s’avança vers l’homme, un grand verre à la main. Il le posa doucement sur la table. Le lion hocha discrètement la tête en guise de remerciement et retint le patron par la manche lorsque celui-ci s’apprêta à retourner à ses occupations habituelles. L’homme grimaça mais se retourna sans autre forme de procès, comme s’attendant à une telle altercation de la part de son client. Le lion ne lâcha pas la manche et la tira à lui jusqu’à ce que le visage du second soit assez proche de sa bouche pour qu’aucun de ses mots ne sortent de ses oreilles. […] – Est-il passé ?Le barman sourit à peine. […] – Oui. […] – Il n’a rien laissé ? L’homme se releva, malgré la main puissante qui s’était peu à peu refermée sur son poignet et qui le retenait fermement, chose qu’il ne semblait apprécier guère. Calfeutré dans l’ombre, il plissa ses yeux et inspira lentement une longue bouffée d’air que le tabac grillait sans remords. La forme ronde de son visage indiqua un non muet. Le lion grogna un rugissement qui grondait jusque dans sa gorge. Mais il lâcha l’homme et entoura le verre de ses dix doigts. Lentement il l’amena à ses lèvres et le descendit avec un soupçon de déception et de colère mélangée dans son regard. […] – Il est là. Le choc du verre contre le bois surprit quelques clients qui se retournèrent pour appréhender la source de leur surprise – et de leur mécontentement. Le lion se leva sans rien dire et s’approcha de l’homme jusqu’à ce qu’il puisse sentir sa respiration rauque et profonde lécher les poils de ses sourcils. […] – Où est-il ? Le barman porta sa pipe à sa bouche et projeta violemment la fumée sur le visage de son interlocuteur. Le lion resta là, impassible, puis fronça les sourcils en guise de mécontentement. Le premier se retourna et s’en alla d’un pas nonchalant vers le comptoir. Le second le suivit, une pointe d’impatience perlant dans ses poings qui se fermaient s’ouvraient avec assez de violence pour faire ressurgir des veines déjà bien apparentes. Les deux hommes passèrent la porte des cuisines et s’enfoncèrent dans un dédale d’étagères remplies de produits désordonnés où régnait une désagréable odeur de moisissure, d’humidité et de vomi. Le lion se retint pour ne pas régurgiter et passa son bras devant son visage, sinon d’en écarter l’odeur, afin de l’atténuer. Le barman ouvrit une petite porte coincée entre deux grands meubles fermés dont le bois suintait de gouttes brunes et baissa la tête afin d’y pénétrer. Le lion le suivit sans rien dire. Un escalier les mena à l’étage, dans une partie de l’auberge qu’il ne semblait ne pas connaître. Un bref salon avait été aménagé dans ce qui semblait être à l’origine un vieux grenier. Rempli de toiles d’araignées et d’une épaisse couche de poussière qui s’était déposée sur les grandes nappes blanches qui recouvraient une grande majorité de tous les meubles entreposés là, seule une petite table basse et quelques coussins paraissaient d’une propreté plus acceptable. Sur la table, deux longues bougies brûlaient et illuminaient d’une lumière fluette l’ensemble de la pièce. Au fond, sur un vieux fauteuil décrépi, un homme était assis, ruminant ce qui semblait être une chique molle. Le barman remua légèrement les lèvres et d’un signe de la tête indiqua un coussin posé à même le sol au lion, qui préféra rester debout. L’homme sortit. Le lion s’assit. […] – Tu es en retard. L’homme dont le visage était masqué par une grande capuche rousse, ricana. […] – Il ne faut pas presser le temps. […] – As-tu ce que je t’ai demandé ? Le lion put déceler une pointe d’ironie dans le sourire facilement descriptible à la seule lumière des bougies. L’homme étendit ses mains de part et d’autres de son profond fauteuil et s’y enfonça un peu plus, pliant ses jambes l’une sur l’autre. Il racla le fond de sa gorge et, pendant quelques secondes, toisa son interlocuteur du regard. […] – Non, je ne l’ai pas. Le lion bondit et en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, il fut sur son opposant. Il prit appui sur l’accoudoir et porta sa seconde main le long de sa gorge qu’il lécha du bout des doigts. […] – Il y a quelque chose que je déteste plus que l’échec. L’homme ricana. […] – Kiri ? […] – Qu’on se moque de moi ! Sa main se serra le long de sa carotide et le lion le souleva dans les airs. D’un puissant coup de main, il le mit contre le mur de bois et colla son visage contre le sien. Lentement, il s’imprégna de l’odeur de son interlocuteur le toisa du regard. […] – Allons, allons, tu sais bien ce que je risque dans cette histoire. Nous sommes dans la même galère toi et moi, alors lâche-moi. Si je ne l’ai pas trouvé, c’est qu’il n’y était pas. Le lion le laissa tomber. L’homme passa une main rapide sur sa gorge et toussota difficilement. […] – Comment cela peut être possible ! Il n’y a que nous deux qui étions au courant de sa position ! […] – Je ne t’avais jamais vu en colère ainsi mon ami. Le lion se retourna, furieux et gronda quelques paroles incompréhensibles. […] – Nous n’étions pas seuls, il était là également. D’ailleurs, n’est-ce pas lui qui l’avait caché là-bas ? […] – Il devait être bloqué à Konoha. Il ne devait … Il ne pouvait pas en sortir. C’était impossible. L’homme se releva et alluma une cigarette. […] – Il faut croire que non. Quelqu’un m’a devancé. La terre était retournée, l’endroit avait été fouillé. Et pas n’importe où, très précisément à l’endroit exact où il avait été enterré. Le lion frappa un des meubles recouvert d’une des grandes nappes blanches et passa une main dans ses cheveux bruns. […] – Qu’est-ce que tu comptes faire maintenant ? Il ouvrit la petite porte par laquelle le barman l’avait fait entrer et, sans se retourner, adressa ses dernières paroles. […] – Ce que j’aurais du faire il y a six ans. S’il tombe entre les mains d’Hiroshin ou de qui que ce soit d’autre au dôjo, tu sais très bien ce qui suivra. Il y a trop longtemps qu’Iki souille ce monde. Trop longtemps. *** L’ombre avait repris son oppressante poursuite. Le lion avait accéléré subitement le pas et filait entre les courtes ruelles du village, se dirigeant tout droit vers le dôjo. Pourtant elle était toujours derrière lui, à sa poursuite. L’espace d’un instant, il crut son esprit lui jouer quelques tours dont il avait perdu l’habitude d’appréhender. Elle s’était échappée, quelques secondes seulement. Mais comme un vulgaire parasite, elle était revenue à lui et ne le lâchait plus. Elle semblait sûre d’elle et momentanément, il émit l’hypothèse qu’elle connaissait parfaitement son chemin. Le lion fronça un sourcil, se haïssant que l’on puisse lire aussi facilement lire dans son esprit et ainsi être si prévisible. Mais il ne s’arrêta pas. Il longeait discrètement les murs, l’allure du personnage confortée par sa puissante armature musculaire. Il passa toutefois les portes de l’Ecole avec un certain soulagement. Il se sentit respirer lorsque la paume de ses pieds toucha enfin les grandes dalles froides qui menaient vers le bâtiment, lorsque l’odeur de l’herbe humide enivra ses narines et la sueur des combats humecta son front. Demain, il règlerait tout ça, et tout serait alors terminé. Un bras massif entoura sa gorge alors que le lion sentit son bras craquer sous une pression invisible et se coller contre son dos. Il se pencha dangereusement en avant et rugit de douleur. La respiration de son agresseur était contenue, parfaitement régulière. Il sentit deux doigts remonter doucement la manche de son manteau, puis la pointe d’une lame glaciale s’enfoncer dans la peau de son épaule. Le sang coula alors que l’agresseur terminait son œuvre. Etrangement, il ne put rien faire. Ni voir le visage de celui qui dessinait à même sa peau, ni entendre le son de sa voix. Ni même se défaire de son emprise et l’affliger des coups puissants qu’il donne pourtant avec une violence presque exemplaire. C’était ce qui le surprenait le plus. Alors il resta là, bouchée-bée, éberluée par ce bras qui le retenait aussi facilement et cette lame qui déchirait sa peau avec une simplicité déconcertante. Un dernier coup sur sa nuque l’acheva et il tomba sur le sol. Lorsqu’il se releva, l’ombre s’était éteinte, disparue. Il rehaussa la manche qui était retombée le long de son bras. La cicatrice imbibée de sang laissait apparaitre quatre traits, parfaitement parallèles deux à deux et un cinquième, qui les barrait nettement. L’insigne de Kiri. Celle des traîtres. |
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| Sujet: Re: Rugissements Jeu 4 Fév - 17:12 | |
| Chaque lion attendait ce jour avec une pointe d’impatience à laquelle se mêlait sans condition l’appréhension de décevoir. De se décevoir soi-même, la plus grande crainte que le roi ne pourrait jamais avoir. De la confiance à l’arrogance, la limite était facilement franchissable, et puisque l’arrogance apportait une dose d’assurance d’autant plus grande, la chute n’en était que plus conséquente. Pendant toute leur intense formation, on leur avait, à tous, appris de ne pas franchir cette limite et à croire en soi. Croire en cette bonne dose de confiance. Même si croire n’était pas le terme le plus adéquat. La question était de faire en sorte que cette assurance ne s’efface jamais. En fait, il s’agissait de ne jamais chuter. De ne jamais perdre. Mais il vient alors un jour où la défaite montre le petit bout de son nez, où elle se pointe entre deux montagnes de succès.
L’Ecole des Six Lions menait depuis sa création un classement. Celui-ci attribuait un numéro à chacun de ses élèves afin qu’il puisse se rendre compte de sa place au sein de Shimenu, qu’il en prenne conscience. Un numéro à un seul chiffre signifiait purement et simplement une puissance presque indétrônable que seuls ceux chez qui l’exercice se mêle avec insistance au talent peuvent rêver d’arborer un jour. Ce classement évoluait régulièrement lorsqu’un lion défiait l’un de ses congénères à la position plus élevée et s’emparait aussi sec de son numéro. Il ne suffisait alors pas de grimper les échelons, mais bien d’en défaire un pour détruire tous les précédents. La question pour chaque lion était de savoir jusqu’à quel palier il pouvait se vanter d’arriver sans rompre soudainement la réalité de la chose d’une arrogance affolante. Connaître sa force et avoir foi en elle, c’était un combo presque mortel qu’Hiroshi et tous les anciens enseignaient avec une furieuse passion.
Iki s’était joué de chacun de ses opposants. Parfois, il avait mordu la poussière, mais il s’était toujours relevé et s’était battu avec un peu plus de hargne à chaque fois. Akio et Kawazi l’observaient d’un œil intéressé, impatients de découvrir l’issu de son duel. Iki avait eu la précaution de ne pas utiliser les pupilles d’argent que son entraînement lui avait cédé et qu’il avait appris à maîtriser même si cela portait sur son corps une certaine tension et une fatigue qu’il avait du combler par un exercice encore plus intense. Il portait le numéro quinze avec une certaine touche de fierté même s’il ne s’en vantait que rarement. C’était plutôt cette rapide ascension qui animait son envie. Partir du bas de l’échelle alors qu’il avait en face de lui quantité de lions dont la vie n’était rythmée que par l’entraînement alors qu’il avait du passer trois longues années à flâner dans les ruelles de Konoha ou à risque sa vie loin du monde, dans des missions parfois dangereuses. Souvent ennuyeuses.
Un peu de sang coula le long de son menton. La lèvre largement ouverte, il adressa un sourire amusé à Akio et s’appuya de fatigue sur le mur de bois. Le grand dôme avait accueilli sa dernière joute et l’on sortait son adversaire comme on pouvait. La lumière tardait à apparaitre dans le hublot central, calfeutré par un verre tamisé. Le lion passa sa main le long de sa bouche et cracha une gerbe de sang sur le sol. Il remua son épaule douloureusement touchée et grimaça. Son regard se porta sur la petite porte qui donnait accès à l’arène. Il crut y apercevoir un visage dont il aurait reconnu les traits entre cent autres. Tant bien que mal il se redressa et, profitant toujours de l’aide du mur sur lequel il s’appuyait, il pressa le pas. Akio s’empressa de s’inquiéter mais la main puissante de Kawazi se posa fermement sur son épaule et le retint. Il y avait des choses, comme cela, qui devaient se passer ainsi, lui expliqua-t-il d’un profond regard. Iki passa le couloir et marcha jusqu’à la petite cour, suivie par ses deux congénères. Quelques lions s’étiraient un peu loin, proches de la lisière. Ils leurs jetèrent un rapide coup d’œil, mais ni le sang, ni le regard ténu et violent qu’Iki lançait vers un autre et puissant lion ne les surprirent.
[Kane] – Tu es revenu.
Iki eut un sourire moqueur pour seule réaction.
[Iki] – Toi aussi. Il indiqua l’épaule de son homologue, qu’un épais bandage blanc recouvrait étrangement. Et tu n’as pas l’air au mieux de ta forme.
Kane se retourna et plongea son regard dans celui d’Iki.
[Kane] – Formalité de parcours.
Le sourire narquois du Namikaze se prolongea si bien que, malgré sa douloureuse blessure à la lèvre, quelques dents s’illuminèrent de leur émail brillant. Kane s’avança et se redressa juste devant lui. Il n’apparaissait aucune envie chez lui de faire un semblant d’humour. Iki avait pensé retrouver le vieil ennemi espiègle, violent et emporté qu’il avait laissé trois ans plus tôt. Mais il n’en était apparemment rien.
[Kane] – Pourquoi n’as-tu encore rien dit ?
Il tenta un bouffonnement moqueur mais il n’émit qu’un souffle rauque et effrayant.
[Iki] – De quoi voudrais-tu que je parle ?
[Kane] – Tu sais très bien. Tu l’as. Et je suis toujours vivant. Pourquoi ?
[Iki] – La question que je me pose, Kane, c’est puisque tu sembles être au courant de quelque chose dont je n’ai pas la moindre information mais qui semble compromettre jusqu’à ta vie, pourquoi es-tu toujours en face de moi ? Il s’arrêta un instant et d’un sourire orgueilleux, il reprit. Tu n’es plus la larve ambitieuse et fougueuse que j’ai connue Kane. Kiri t’aurait-t-elle ramolli ?
Kane recula de quelques pas et inspira. Il ne semblait pas soulager mais simplement en proie l’incompréhension. Dans son esprit, trop de choses s’emmêlaient. Lorsqu’une information lui paraissait sûre, une autre venait réfuter sa crédibilité. Son regard s’emplit d’une brume floue et dangereusement instable.
[Kane] – Tu as changé toi aussi.
[Iki] – L’air frais de Konoha, Kane, seulement Konoha. Tu sais, ce village m’a appris une chose.
Le lion s’alluma une cigarette et tira férocement dessus.
[Iki] – Ne compter que sur soi-même.
Le juunin repensa à toutes ces missions qu’il avait effectuées, à toutes les fois où il n’avait pu compter que sur la simple force de son corps et la confiance presque aveugle qu’il avait en lui. Effectivement, il avait changé, énormément changé. Il était tenté de résoudre ses problèmes seuls. Il avait toujours fait ainsi, sans compter sur Yasu, sur Hizu et encore moins sur Okugane. Même ici, dans un lieu où il avait passé la plus grande partie de sa vie, il ne savait pas s’il pouvait faire confiance à tout le monde. Il regarda Kane et sourit intérieurement. Cet homme devrait déjà être mort. Il y a trois ans, il avait tué un de ses camarades pour son seul profit et personne ne l’avait jugé pour cela. Aujourd’hui, il était là, juste devant lui, entouré de quantité de lions et de pontifes de Shimenu et malgré tout, aucune de ses erreurs n’étaient parvenus jusqu’à lui. Même Satoshi, qui vivait à Kiri, ne semblait être au courant de rien. Iki ne lui en voulait pas, il ne n’en voulait à personne, peut-être parce que Kane est une affaire qui le concerne et qui ne concerne que lui, cela depuis bien longtemps. La seule impression de nager dans une eau trouble, même s’il ne s’agissait que d’une goutte d’huile, l’empêchait de mettre dans les mains d’un autre une affaire qu’il pouvait résoudre seul.
Kawazi lui en voudrait très certainement d’avoir agi seul. Mais il comprendrait.
[Kane] – Hakito était un très bon adversaire.
Iki releva les yeux vers le lion, presque surpris. Puis, un sourire se dessina sur son visage.
[Iki] – Pas assez, probablement.
[Kane] – Jusqu’où comptes-tu aller comme ça ?
[Iki] – Un certain numéro neuf.
Kane pouffa de rire.
[Iki] – Il n’y a rien de drôle Kane. Tu es déjà à moi. |
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| Sujet: Re: Rugissements Sam 6 Fév - 22:02 | |
| Kawazi l’intercepta presque immédiatement.
[Kawazi] – Il est encore en vie Iki … Enfin, je crois.
Malgré ses nombreuses blessures et la douleur qui le tenait de part en part, le jounin émit un sourire plaintif.
[Kawazi] – Qu’est-ce qu’il voulait ?
[Iki] – Hakito. Quelques anecdotes florissantes de détails.
Le lion fronça les sourcils.
[Kawazi] – Qu’est-ce que tu me caches ?
Iki se redressa comme il put et prit un air faussement offusqué.
[Iki] – Moi ? Mais rien, espèce de vieux paranoïaque. Tu sais bien à quel point parler avec un ami d’enfance est un plaisir !
[Kawazi] – Ou bien sû …
[Iki] – Où est Satoshi ?
Le regard de Kawazi changea du tout, bousculé par cette question à laquelle il ne s’attendait apparemment pas.
[Kawazi] – Aucune idée … C’est important ?
[Iki] – Non, non. En fait, j’avais déjà un début de réponse.
[Kawazi] – Je pourrais savoir ? …
[Iki] – Oh, il n’est pas à Kiri. Ou alors, il va falloir commencer à s’inquiéter de la dose d’alcool qu’il enfile chaque soir. Renseigne-toi vieux sage, ce serait dommage qu’il rejoigne les rangs obscurs de son plus vieil ennemi.
Le jounin s’enfila dans le couloir, s’aidant toujours de son bras disponible pour supporter le poids de son corps. Kawazi le suivit, à la fois curieux et inquiet.
[Kawazi] – Son plus vieil ennemi ?
Iki s’arrêta un instant et prit un air sarcastique.
[Iki] – Himosi ? Hisa … Hisaquelque chose. Ce n’est pas son plus vieil ennemi ?
[Kawazi] – Comment le conna …
[Iki] – Je croyais pourtant. J’ai du me tromper.
[Kawazi] - …
Iki sourit à peine et reprit sa déambulation.
[Iki] – J’étais à Konoha lorsqu’il l’a attaqué. Et puis, il faut bien admettre que les dossiers de Shimenu sont biens moins cachés que ceux de Konoha. Tu devrais peut-être en parler à Hiroshin d’ailleurs, c’est un problème.
Iki se souvenait parfaitement bien de l’épaisseur de l’homme en question, même s’il avait partiellement oublié la longueur de son patronyme. Il avait également en mémoire la force de ses coups et les tremblements que provoquait chacun de ses pas sur le sol. Et puis cette forte odeur d’alcool qui empestait sa voix et qui imbibait ses yeux d’un reflux sanguin. Les pupilles de Satoshi, un lion qu’il ne connaissait que très peu, avait changé vers un argent glacial dont il ne connaissait pas encore la consistance ni même l’utilité.
Kawazi leva les yeux au ciel et rattrapa le retard qu’il avait sur son élève. Iki passa la porte de la chambre qu’il partageait avec Akio et s’assit sur le petit tabouret de bois. Il retira son haut et enfila quelques bandages le long de son bras, puis sur son abdomen. Lorsqu’il eut terminé, il se pencha vers l’évier et colla son visage contre le miroir afin de constater les dégâts de son dernier combat.
[Kawazi] – Explique-moi pourquoi parle-t-on de Satoshi.
Le jounin se releva et s’allongea sur son matelas. Là, il alluma une cigarette et plia ses jambes.
[Iki] – Imagine le tableau. Shimenu forme un lion particulièrement talentueux. En âge de se débrouiller tout seul, on lui accorde le privilège d’intégrer un village caché, et pas n’importe lequel. Là-bas, on le laisse plus ou moins libre, celui-ci revient de temps à autre pour parfaire sa formation et pour régler quelques problèmes qu’Hiroshin aura décréter plus important que les ambitions puériles du village.
[Kawazi] – J’imagine plutôt bien oui …
Iki toussota et émit un gloussement en guise de rire.
[Iki] – Maintenant, imagine que ce lion fasse des erreurs.
[Kawazi] – Quel type d’erreur ?
Iki haussa faussement les épaules.
[Iki] – Qu’est-ce que j’en sais moi ? Un meurtre, de la contrebande, qu’il déserte … Tu sais à quel point un village caché est chiant ?
[Kawazi] - …
[Iki] – Hum hum … On dirait que non. Ma question est : à quel moment Shimenu serait averti ?
Kawazi leva des yeux dubitatifs.
[Kawazi] – Immédiatement.
[Iki] – Evidemment. Maintenant, imagine que ce même lion … déserte. Il part en mission, il file et cache ses traces. Là où le village le croit occupé, il est déjà très loin. Sa venue ici ne vous inquiète pas plus puisque personne n’aura pris la peine de prévenir son village.
[Kawazi] – Pourquoi cela, répondit-il, essayant de suivre le raisonnement du jeune lion.
[Iki] – Oh c’est simple, vous êtes bien trop contents de nous revoir lorsqu’on revient. Il faudrait en plus que vous trouviez une raison à cela ?
Kawazi sourit.
[Iki] – La conclusion dans tout ça, c’est qu’il est tout à fait possible que le dôjo accueille un déserteur.
Le lion fronça les sourcils, perplexes.
[Kawazi] – Tu es en train de me dire que Satoshi a déserté de Kiri ? Tu te rends compte des accusations que tu fais là ?
Iki se leva et sourit, presque satisfait. Il s’avança jusqu’à Kawazi et s’arrêta à sa hauteur. Là, il posa une main fébrile sur son épaule.
[Iki] – Ce n’est qu’une histoire, Kawazi. Les lions adorent raconter des histoires, tu me l’as appris un jour.
***
Ieyasu rentrait calmement du dôjo. Il marchait avec tranquillité dans les petites rues de Shimenu, passant de temps à autres une main rageuses sur son front humide. La lune commençait à chatouiller le plafond noir du ciel et une chape de fraicheur s’était emparé de l’air. Il avait revu Kane aujourd’hui encore et ils étaient partir courir quelques heures dans les bois environnants avant de terminer par un petit combat. Rien de bien méchant, pensait-il, presque amusé. Néanmoins, le cas de son élève le préoccupait. Ses poings lui semblaient moins sûrs et donc nécessairement moins efficace. Il avait essayé de trouver un sujet de discussion avec Kane, mais comme toujours, le lion n’avait de parole qu’un cri rauque et puissant – et c’était pour cela qu’il l’appréciait tant. Toutefois, son esprit semblait tourmenter et Ieyasu savait mieux que quiconque ce qu’une âme hésitante savait produire au combat : de la faiblesse. Kane parlait peut et ne paraissait par aucun autre sujet de conversation que son prochain combat ou son prochain enseignement pour que Ieyasu puisse aborder aucun sujet de la vie de son élève.
Il changea de direction et regarda d’un œil désabusé une torche se consumer à quelques mètres de lui. Il haussa un sourcil et continua son chemin jusqu’à ce qu’une ombre atteigne ses pieds. Sous la lumière salvatrice des flammes, l’armature d’un corps carré et puissamment bâti se tenait doucement adossé au mur de brique. Il ne s’en inquiéta pas et continua de marcher. L’odeur nauséabonde du tabac qui brûlait dérangea toutefois ses narines et le lion décida de s’arrêter, reconnaissant un visage, quoi que caché par la noirceur du ciel, qu’il avait cru oublier.
[Iki] – Ieyasu Saigo.
Un fin sourire duquel s’extirpa un rond grisâtre déchira l’ambiance froide et tendue. Ieyasu recula d’un pas et plissa ses grands yeux bruns. Il répondit par un sourire faussement heureux.
[Ieyasu] – Iki … Cela faisait longtemps.
Le sourire du juunin s’élargit jusqu’à laisser apparaitre deux rangées de petites dents blanches.
[Iki] – Trop, bien trop à mon gout. Je suis déçu que tu n’aies pas dédaigné venir me saluer plus tôt.
[Ieyasu] – Etait-ce vraiment nécessaire ?
[Iki] – Un lion reste un lion, quoi qu’il arrive.
[Ieyasu] – Certes.
Iki se redressa et tira férocement sur sa cigarette. Il se rapprocha du lion et colla son visage contre le sien.
[Iki] – C’est faux.
[Ieyasu] – Modère tes propos, Iki. Tu sais très bien à qui tu t’adresses. Je n’ai pas envie de te faire une leçon de moral … Tu t’en ficherais.
[Iki] – C’est vrai. Tu t’améliores !
Il se recula et repris un visage détendu, bien plus juste.
[Iki] – Tu as toujours mes « fausses » accusations de meurtres en travers de la gorge ?
Ieyasu gémit un gloussement qui resta cloitré au fonde de sa gorge.
[Ieyasu] – Donne-moi la preuve que tu mérites que je pardonne ton comportement.
[Iki] – C’était il y a trois ans, j’étais jeune et …
Et Kane l’avait bel et bien tué, pensa-t-il très fort. Mais il se tut.
[Ieyasu] – Tu as certainement raison. Il faut vraiment que je rentre. Nous nous reverrons bientôt je crois, « numéro quinze ».
Iki laissa tomber sa cigarette et l’écrasa d’un geste ferme et insistant du pied. Un rire cynique s’échappa de sa gorge alors que Ieyasu se retournait et s’enfonçait dans la ruelle.
[Iki] – Tu as eu des nouvelles de Kane lorsqu’il était à Kiri ?
Le lion s’arrêta, la question lui laissant l’étrange impression d’un sous-entendu dont Iki avait la fâcheuse habitude d’user. Néanmoins, ce point étrange de leur relation l’avait toujours plus ou moins tiraillé intérieurement, même s’il n’avait rien dit. Il ne se retourna pas et haussa les épaules.
[Ieyasu] – Kawazi en as-t-il eu de ta part ?
[Iki] – Han, j’ai ma réponse je crois. J’ai été amené à Konoha. Kane est parti de lui-même. C’était son choix, Ieyasu.
Il ralluma une cigarette.
[Iki] - Je commence à trouver étrange que personne ne sache ce qu’a pu faire Kane pendant ces deux dernières années … Mais oublie. C’est peut-être rien et cela ne me regarde pas. A très bientôt Ieyasu-san.
Iki sourit et tira sur sa cigarette avant de tourner le dos au lion et de faire quelques pas dans la direction opposé.
[Iki] – Ah au fait … Quoi que tu en penses, Kane a bien commis ce meurtre il y a trois ans. Alors ton pardon … J’en ai absolument rien à foutre.
Iki sourit, puis disparut. La fugace envie de le détruire traversa l’esprit de Ieyasu. Il avait, de toute manière, toujours été plus ou moins contre l’intégration d’Iki à Shimenu, cela depuis le début. Il avait bien entendu appris son retour à la première heure et on lui avait dit que ce lion avait changé.
Il s’arrêta l’espace d’un instant et se retourna. L’image d’Iki adossée contre le mur, son sourire arrogant et narquois imprégné de la fumée de sa cigarette ; simplement nauséabond. |
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| Sujet: Re: Rugissements Dim 7 Fév - 23:50 | |
| […] – Il y a quelque chose que je ne comprends pas.Le foyer de la cigarette apparut momentanément dans la petite pièce close. [Iki] – Dis-moi tout. […] – Pourquoi est-ce qu’on ne l’arrête pas ? Iki laissa échapper un rond de fumée et sourit. Il s’enfonça un peu plus dans son fauteuil et passa une main le long de son front, ses doigts cognant contre ses yeux fermés comme pour lutter contre la fatigue. Il revoyait le visage de sa cible. Kane. Cet immonde traître, ce meurtrier. Il n’avait qu’une envie, c’était de lui mettre la main dessus, d’enfoncer ses doigts le long de sa nuque, paralyser chacun de ses mouvements et d’un sec mouvement du bras, briser sa colonne vertébrale. [Iki] – Il n’est pas seul. Tu étais avec moi ce jour-là, oui ou merde ? L’ombre sembla affectée par cette remarque, mais elle se tût. [Iki] – Si Kane marche à Shimenu en toute impunité, c’est que Kiri n’est au courant de rien. Satoshi non plus, à priori. […] – Il y aurait une taupe ? Il gémit un rire grave. [Iki] – Simple concours de circonstances. Ieyasu semblait étrangement affectée par notre dernière conversation. […] – L’agresser n’a jamais rien arrangé, Iki. Iki releva subitement et lança un regard interrogateur à son interlocuteur. Un sourire feignit son visage. [Iki] – Tu étais là ? […] – Bien sûr. Tu me prends pour qui ? Le juunin grimaça, laissa tomber sa tête entre la paume de ses deux mains puis rit, à nouveau. Evidemment, qu’il était là. […] – Tu ne m’as pas répondu. [Iki] – Tu me fais chier avec toutes tes questions ! Ils étaient trois, bordel ! Seul Kane est à Shimenu. Il me faut les deux autres. […] – Ils ne sont pas notre problème. Kane n’est pas mon problème non plus d’ailleurs, c’est le tiens. [Iki] – Alors pourquoi es-tu là ? L’ombre haussa les épaules. […] – Un service est un service. Et comme tu l’as dis, j’étais là. C’était notre mission, tu ne t’en souviens pas ? Iki sourit. *** Le poing d’Iki atteint sa mâchoire. Elle craque, mais Kane se relève, avec une simple rivière de sang qui coule le long de sa lèvre inférieure. Il grimace, mais ne crie pas. Il affiche un sourire amer, Iki ne bouge pas. Immobile, il scrute son adversaire avec une concentration qui surprend et qui effraie le lion. Il ne connait pas l’homme qui est en face de lui. Dans son esprit, seuls les coups de colères lui sont coutumiers, les grands coups de canons dans le torse, les bras cassés, les côtes brisées, les doigts en miettes. De combats, ils en ont fait des dizaines et des dizaines encore, sous la sérieuse observation de Kawazi et de Ieyasu. Le visage d’Iki, tiraillé par la colère et par la joie, celui d’autrefois, d’il y a six ans, se transforme aujourd’hui en un effrayant masque de concentration et de maîtrise. Iki a donc bien changé. Mais la mollesse de son âme, contrairement à Kane, n’affecte en rien la cadence et l’intensité de ses coups. C’est quelque chose de présent, d’actuel, dont il ne pouvait se défaire et qu’il était impossible d’inscrire dans le passé. Trois ans, c’est finalement bien trop long pour le lion qui n’a aucune idée de ce qui a bien pu s’y produire. Kane n’a pas peur. Il tremble juste d’incompréhension. Derrière lui, Ieyasu grimace. Il s’en fiche. Il y a longtemps qu’il n’a plus aucune importance à ses yeux. Kane se bat pour lui. Il n’a d’autre objectif que lui-même. [Iki] – Tu es seul, Kane …Il sourit, ironique et sarcastique. Presque pessimiste. [Kane] – Depuis quand parles-tu autrement qu’avec tes mains ? Iki passe sa main droite, pleine de sang, le long de son front où de nombreuses gouttes de sueur perlent sans cesse. [Iki] – Elles ne servent qu’à tuer. [Kane] – Tu t’attends à me laisser en vie ? Les deux pieds du juunin décollent du sol. Le lion s’élance. Le premier balaye le sol et soulève une chape de poussière. Le second frappe l’air à vide et bouscule l’ordre des choses. Technique trop simpliste aux yeux de Kane. Il répète encore et toujours le même schéma tactique. Il l’a touché, la dernière fois. Mais c’est il y a trois ans. Tant de choses ont changé. Le regard de Kane s’aiguise. Ses pupilles couleur bronze parcourent le terrain avec une rapidité effrayante, comme s’il est pris d’une subite crise. Mais il ne voit rien. Les mains d’Iki surgissent. Où sont-elles ? Rien derrière, rien à gauche ni à droite. Il fonce en fait droit devant lui. Pourquoi ferait-il une chose si idiote, alors qu’il peut arriver par biens d’autres chemins ? Parce que la réponse est dans la question, Kane, la réponse est dans la question. Un leurre ! Iki n’a projeté le sable que pour brouiller les pistes : il n’a qu’une idée en tête, foncer tête baissé devant lui. Kane crie. Il sent ses côtes se serrer, son estomac se contracter et son foie ployer sous la douleur. Huit des dix doigts d’Iki viennent de s’enfoncer dans le haut de son abdomen. [Iki] – Tsume. La douleur s’intensifie, la pression devient insupportable. Tsume. Il connait ce mouvement. [Iki] – Shikketsu. Le sang jaillit et peint à nouveau les mains d’Iki. Kane retient un dernier cri. Il sent sa peau se perforer au contact des griffes de son adversaire. Il se sent ployer. Cela ne le tuera pas. Il a simplement peur. Surpris ? Oui, il ne pensait pas Iki capable de cela. Mais cela n’a en fait rien à voir. Tsume. Shikketsu. Kane venait de se remémorer le nom du troisième et dernier mouvement. *** L’ombre bougea ses jambes et plia ses bras l’un sur l’autre. […] – Je pensais que seule la vengeance t’animait. [Iki] – C’est le cas. Il fronça les sourcils. […] – Alors pourquoi devrions-nous attraper les deux autres ? Iki remua les lèvres et renifla discrètement. Il tira sur sa cigarette et en extirpa une grande bouffée de fumée. Cela lui semblait logique, trop logique en fait. A sa guise, il se serait contenté de révéler au grand jour les actes de sa cible, mais étrangement, il ne savait s’en satisfaire. [Iki] – Parce qu’aussi étrange que cela puisse paraitre … J’ai une conscience morale. […] – Toi ? Il ria doucement. […] – Je ne te crois pas. Iki leva les yeux au ciel, désabusé. [Iki] – Ca aurait été plus simple. Tu m’emmerdes tu sais. […] – Qu’est-ce que tu me caches ? Il y avait trop de monde qui lui posait cette question ces derniers temps. Mais il prit cela comme un compliment. Il avait finalement bien fait son travail. [Iki] – Rien que tu n’aurais pas pu trouver. Son bras se déplia et trouva un petit dossier confortablement caché par une chemise cartonnée. Iki s’en empara et le jeta sur la table basse qui les séparait. [Iki] – [color=crimsonQuelques semaines après notre retour de Sawa, j’ai trouvé plusieurs rapports des autorités frontalières mentionnant des braquages et un meurtre au nord du pays. [/color] […] – Cela concerne Kiri, Iki. Que Kane soit ton – notre … - problème, je le conçois. Mais les deux autres …Iki sourit. [Iki] – Au nord du Pays du Feu, idiote. L’ombre resta absente quelques instants. Effectivement, cela remettait en cause plusieurs points de son raisonnement. Plusieurs points centraux, en fait. [Iki] – Je me suis penché sur le dossier. Dedans, tu trouveras des données que tu reconnaitras. […] – Comment le pourrais-je ? Iki posa une dernière fois sur sa clope avant de la laisser tomber et de l’écraser du pied. Ses lèvres s’ouvrirent en un sourire satisfait qui laissait apparaitre quelques unes de ses dents. [Iki] – On n’oublie jamais un homme qui a failli nous tuer. Kane est bien trop intelligent pour laisser un seul indice, mais les deux autres … je ne les connais pas. Il est ici, alors j’en profiterais. L’ombre se tassa dans son siège, s’effaçant un peu plus de la lumière. Elle semblait réfléchir, perdue dans ses pensées. Ils restèrent là, tout-deux, l’un à attendre, l’autre à méditer. […] – Tu es en train de me dire que ton retour à Shimenu n’est mué que par une mission pour … Pour Konoha ? Iki gloussa à nouveau. [Iki] – Je suis vraiment obligé de répondre à cette question ? […] – Cela changerait pas mal de choses sur ton comportement. [Iki] – Comme quoi ? L’ombre se redressa alors et laissa apparaitre une longue chevelure lisse et brune. […] – Je ne pensais pas que Konoha prendrait un jour tant d’importance dans ta vie. Iki se releva et continua d’ironiser. [Iki] – Tu réfléchis trop ma belle, tu réfléchis trop. *** Kyo … [Iki] – Kyohi. Ses doigts se retirèrent si violemment que Kane cria. La plante du pied d’Iki s’enfonça dans la blessure, là où huit trous avaient creusé l’abdomen de son adversaire. Kane s’envola sous le choc et retomba quelques mètres plus loin. Kawazi regardait son élève se mouvoir dans son élément avec une certaine satisfaction ; celle de voir que son entraînement de ces dernières semaines avait porté ses fruits. Ieyasu avait un tout autre regard de la finalité vers laquelle ce combat semblait être destinée. Néanmoins, il connaissait les ressources de Kane. Et il connaissait plus que tout son adversaire et quelle haine l’animait à son égard. Il l’avait finalement reconnue. La technique. Trop tard. Elle n’était pas particulièrement puissante, simplement dérangeante et malicieusement utilisée. Son ventre lui faisait atrocement mal et le sang qui coulait le long de ses paupières l’aveugla. Il se relevait à peine, et déjà Iki était sur lui. Dans l’esprit de Kane, il n’était alors plus question d’hésiter – si tant est qu’il hésita ne serait-ce qu’un instant. Ses yeux se rouvrirent avec un vif éclat d’argent. Le regard surpris d’Iki et la seconde durant laquelle il réduit son allure redonnèrent à Kane un brin de confiance en lui. Le lion arma son poing et frappa directement sur la tempe d’Iki qui, malgré un semblant d’esquive, ne put parer la violence et la rapidité du mouvement. Il perdit ses esprits, l’espace d’un instant. D’un trop long instant. Un premier coup dans l’abdomen l’atteignit. Le second toucha directement de l’autre côté de ses tempes, fracturant par la même occasion un morceau de son crâne, dont le choc émit un bruit passablement désagréable. Kane était sûr de lui. Il avait réussi à contracter deux de ses plus puissants enchaînements. Profitant de l’étourdissement de son adversaire, il arma son poing pour délivrer un dernier coup qui mettrait très certainement fin au combat. [Iki] – Tu pensais vraiment me surprendre ? Kane écarquilla les yeux. Ceux d’Iki avaient pris la même couleur argentée, mais bien plus douce, plus confortable. Presque agréable, elle donnait au visage du lion une certaine sagesse qu’il n’avait jusqu’à alors jamais eu. Il ne devait pas se réveiller, il devait rester endormi, le coup était trop féroce, trop lourd et trop profondément inscrit dans son crâne. Et comment connaissait-il le Kin Gan ? Comment avait-il réussi à l’apprivoiser si férocement en si peu de temps ? Leurs jambes s’entrechoquèrent et Kane tomba lourdement sur le sol. Iki posa fermement son genou sur son dos et rabattit son bras derrière lui. De son autre main libre, il enfonça la tête de Kane dans le sol, juste assez fort pour qu’il souffre et pour qu’il puisse encore parler. [Iki] – J’aurais peut-être du t’arrêter dès le premier mouvement. [Kane] – Tu as …Iki sourit tant bien que mal, faisant jouer sa mâchoire. [Iki] – Tu croyais réellement que tu m’assommerais si facilement ? Oui, j’ai feinté. Juste assez pour avoir une ouverture. Il lança un coup d’œil rapide à Kawazi et à Ieyasu. Ils ne l’entendraient pas à cette distance. [Iki] – Où sont-ils, Kane ? Où se cachent-ils ?! Le lion toussa et gémit. [Kane] – De quoi tu parles putain ! Iki sourit un peu plus, amusé. [Iki] – Tes deux connards de compères. Vous étiez trois, Kane, et vous l’êtes toujours, j’ai une monticule de rapport sur le sujet. Il n’en avait aucun. [Kane] – Alors tu l’as …[Iki] – Bien sûr que je l’ai. Deux ans, c’est long, je pensais que tu l’aurais récupéré bien avant moi. Tu as été imprudent … encore une fois. [Kane] – Ta gueu …Il enfonça sa tête un peu plus fort et se mit à crier. [Iki] – Où sont-ils Kane ! Quels sont leurs noms ! Je veux tout savoir, tu m’entends ! Tout ! La main de Kawazi se posa sur l’épaule douloureuse d’Iki et le repoussa vivement. Il jeta en lui un regard froid et souleva Kane. Iki sourit difficilement et se tourna vers le grand couloir noir par lequel tout avait commencé. Et par lequel tout se terminera. *** […] – Lorsque nous aurons terminé, nous pourrons donc rentrer ? Iki ria, amusé. [Iki] – Tu rentreras. Moi je resterais. Ce sera comme un petit cadeau fait à Keira. Comme pour lui montrer ma bonne volonté. Tu vois ce que je veux dire …L’ombre parut tristement rassurée. Iki se leva et posa sa main sur son épaule avant de quitter la petite pièce. [Iki] – Je serais toujours un lion. Ne l’oublie pas, Yasu. |
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| Sujet: Re: Rugissements Lun 15 Fév - 8:48 | |
| Yasu pensait l’avoir oublié. Son visage. Elle se rendit compte qu’il n’en était rien lorsqu’elle l’aperçu dans la petite auberge de Shimenu et qu’aucun de ses traits n’avait disparu depuis la dernière fois qu’ils s’étaient croisés. Dans un bain de sang. C’était un homme puissant, peut-être bien la trentaine. Malgré son imposante carrure, il se distinguait par un pas lent et discret. Quelque chose dans ses yeux de malsain ruisselait et renforçait le contraste qui existait entre son allant et son paraitre. Il avait de longs cheveux blonds et des yeux profondément ancrés dans leurs orbites. C’était ce qui rendait ce personnage si obscur. Et plaisant à la fois. Elle sourit intérieurement. Yasu avait toujours aimé les paradoxes. Principalement lorsqu’ils se révélaient intéressants. Un long manteau couleur rouille tombait jusqu’à ses rotules et une capuche laissait son visage clairement visible, reposant contre son dos. Elle était là, assise devant le comptoir dans le plus pur des hasards. Mais le visage de Kane, elle ne l’avait jamais oublié. Iki y tenait trop, il prenait trop de place dans ses souvenirs pour qu’elle puisse y faire abstraction. Le juunin possédait de nombreuses histoires. Kane en était la plus longue, la plus dense. Et très certainement la plus dangereuse. Quoi qu’il l’avait vaincu, apparemment. Le lion ne titubait. Il buvait le peu de souffle qu’il lui restait. Ses nombreuses blessures étaient recouvertes par des bandages dont le sang s’imprégnait abondamment. Elle sourit. Les Lions n’ont pas pour habitude de creuser des blessures saillantes, pensa-t-elle, satisfaite. Il n’a pas du y aller doucement. Il n’y était pas allé doucement. Heureusement, elle n’était pas en mission. Pas officiellement. De toute manière, même mandatée par le village, elle préférait retirer tout apparat qui tisserait un lien, aussi infime soit-il, avec Konoha. C’était une tueuse. Pas une vulgaire pièce d’une vitrine. Kane ne lui jeta pas même un coup d’œil lorsqu’il pénétra dans l’auberge. Elle était la même pute que toutes les autres. La même catin, cherchant dans quel foie il y aurait le plus d’alcool et dans quelle bourse elle trouverait le plus d’argent. Il y en avait tant … des femmes comme elle. Même à Shimenu. Elles passaient, comme un coup de vent. On ne le revoyait plus. Quelques mois plus tard, parfois. Jamais, souvent. Le lion s’assit doucement en face d’un homme et c’est là, qu’elle le reconnut. Il était le second. Celui qui avait porté le second coup, certainement le plus douloureux. Mais c’était un effet d’optique, se dit-elle pour se rassurer. Le premier n’est jamais qu’une mise en bouche. Le second accuse. La masse hocha fébrilement de la tête. Elle aperçut même les bribes d’un sourire lorsqu’il vit l’état de son coéquipier. Ce n’était qu’une esquisse, comme si les conséquences de cet échec lui revenait soudainement à l’esprit. Il a récupéré un numéro unique, cet enfoiré, pensèrent-ils d’un même concert. Et Kane, et Yasu, et le troisième larbin. D’une traite, elle finit son verre, lança quelques pièces sur le comptoir et sortit aussi inexistante qu’elle y était entrée. *** [Kawazi] – Quelque chose ne va pas avec Kane ? Dès son arrivée, les deux garçons avaient fait semblant de se haïr. C’était un pacte qu’ils avaient conçus pour eux deux, et seulement pour eux deux. Il découlait principalement d’une interprétation relativement vague et précoce des enseignements qu’ils subissaient tous deux et d’une mauvaise reproduction du système sur lequel l’école se basait. Ils se détesteraient, parce que c’était le meilleur moyen de progresser. De progresser rapidement. Kane et Iki avaient toujours eu cet objectif là en commun : être le meilleur. Et ils l’étaient presque devenus. Mais ils avaient du rivaliser d’effort, de combats et de souffrances. Si bien qu’un jour, ce faux semblant n’en était plus un et les deux lions avaient oublié la première de toutes leurs règles : ce n’est qu’un jeu. Un jeu sordide, mais un jeu tout de même. Iki avait certainement été le premier à l’enfreindre, parce que Kane progressait vite, très vite. Mais cette colère mutuelle et bien sincère qui les animait tous deux apparut aussi tôt chez l’autre. Iki sourit. Il avait atteint un objectif dont il avait oublié la signification même. Il possédait un numéro unique, le neuf. Mais plus que tous les autres, il s’était approprié son numéro. Celui de Kane. [Iki] – Ce n’est pas nouveau. Le rire de Kawazi fut exagéré, afin de bien en montrer les traits ironiques. Presque sarcastiques. [Iki] – Rien ne va jamais avec Kane. Le regard sombre de Kawazi l’oppressa. [Kawazi] – Alors qu’y a-t-il de nouveau ? Iki tenta de sourire, malgré ses blessures. Cela devenait presque une habitude. [Iki] – Je ne suis plus le seul à vouloir sa mort. Il y avait trop d’informations incohérentes. Des informations qui devaient avoir un sens mais qui, dans la bouche d’Iki, n’en prenait aucun. Il y avait un message, une explication, Kawazi en était maintenant certain, aussi sûr que son élève lui cachait des choses. Toutefois, il n’arrivait pas à en saisir et le début, et la fin. Il avait ce milieu flottant qui l’énervait, qui l’empêchait presque de dormir. Il se redressa et avança de quelques pas dans la petite chambre du juunin. Là, il colla son visage contre le sien, et ne dit qu’un mot. [Kawazi] – Qui ? Iki soupira. [Iki] – Konoha a mis un contrat sur sa tête. Il y a quelques mois. *** Elle en bouscula deux, peut-être trois. Il était toujours étrange de voir un lion malmené par une femme, aussi frivole que Yasu. Elle avait toujours eu cette impression – et cette satisfaction – lorsque l’Anbu passait à Shimenu. Mais elle courrait trop vite. Pour être rattrapée. Pour entendre les bougonnements plaintifs des hommes. L’information était, de toute façon, bien trop grosse, bien trop importante, pour être importunée par quelques problèmes qui n’en étaient en réalité pas. Yasu poussa violemment la porte de la chambre de son partenaire. [Yasu] – Il est ici ! Takana est à Shime … Elle s’arrêta, essoufflée, et sourit faussement. [Kawazi] – Yasu. L’Anbu haussa les sourcils. [Yasu] – Mauvais timing. *** Hiroshin paraissait, sinon en colère, extrêmement contrarié. Quelque part, c’était tout à fait compréhensible. Ils étaient dans la bibliothèque, à l’écart des bougies et du feu de cheminée qui éclairait l’avant de la pièce. Kawazi se tenait assis à côté de Ieyasu, qu’on avait fait expressément demandé. Yasu et Iki étaient droits, juste devant le puissant lion. [Iki] – Il y a deux ans, Yasu et moi étions en mission à Sawa, pour des raisons qu’il est inutile d’expliquer. C’est tout à fait par hasard que j’ai reconnu l’odeur de Kane. Nous étions dans une petite auberge dans un village côtier et il était assis là, avec deux de ses acolytes. Nous étions en infiltration et il n’était pas question de nous mêler de cela. D’autant que je savais Kane occupé par les ordres de Kiri, et logiquement les deux autres formaient son équipe. [/color] Il alluma une cigarette et en inspira la fumée comme un soulagement. [Iki] – Lorsque nous avons terminé notre mission, nous sommes repartis sans demander notre reste. C’est sur le chemin qui nous mena à la frontière du Pays du Feu qu’il nous reconnut. Yasu toussota. [Yasu] – Tout est parti de là. De cette rencontre. Et de leurs bandeaux. [Hiroshin] – Qu’avaient-ils ? Iki sourit. [Yasu] – Ils portaient bien l’insigne de Kiri. Mais ils étaient rayés. Ieyasu cligna nerveusement des yeux. [Ieyasu] – Etes-vous sûrs de ce que vous avancez ?! [Yasu] – Je suis une Anbu, je n’ai pas l’habitude de négliger les …[Iki] – Ils étaient rayés, Ieyasu. Aussi rayés que celui-ci. De sa poche, Iki extirpa une plaque de métal à l’effigie du village caché de Kiri et qu’un trait grossier mais assuré tailladait de part en part. [Iki] – C’est celui de Kane. [Yasu] – Lorsque Kane reconnut Iki et que nos yeux s’étaient portés sur leur marque de traitrise, aucun de nous n’a hésité. Ils n’étaient pas question pour eux d’être démasqué. Et il n’était pas question pour nous de laisser filer des déserteurs. Je ne crois pas qu’aucun de nous ne soit ressorti indemne de ce combat. Mais Kane avait perdu son bandeau et Iki l’avait récupéré et caché. Le silence se fit. Chacun tentait de comprendre la logique des choses. Hiroshin reprit soudainement la conversation. [Hiroshin] – Pourquoi ne pas les avoir poursuivis ? Et pourquoi Kiri n’était-elle pas au courant ? [Iki] – Elle l’était. Mais quelque chose a mal tourné et personne ne vous a fait part de la désertion de Kane. De notre côté, il n’était pas question que nous déployions des moyens pour une affaire qui ne concernait pas directement Konoha. Bien sûr, j’aurais détruit si j’en avais eu l’occasion, mais j’avais bien d’autres raisons pour cela. Toutefois la situation a changé. Plusieurs rapports sont arrivés des autorités du pays, mentionnant des braquages et un meurtre au nord et bien qu’aucun nom ne soit mentionné, il n’y avait pour moi aucun doute sur l’identité des malfaiteurs. Le juunin tira doucement sur sa cigarette. [Iki] – Avant de revenir à Shimenu, j’ai repris en ma possession le bandeau que j’avais caché, quelques jours avant que Kane n’en trouve la cachette. Si Kane n’est pas mort aujourd’hui, c’est parce qu’il a deux coéquipiers, et qu’il est impensable qu’ils continuent à vivre aujourd’hui. Yasu est arrivée il y a quelques jours afin de mettre tout cela au clair avec moi. [Hiroshin] – Qui sont les deux autres ? [Yasu] – Ils sont tous deux originaires de Kiri. Le premier est Roiji, un chuunin, mais nous n’avons aucune idée de sa localisation. Le second est Takana, un puissant Eisei. Il est actuellement ici, je l’ai appris … ce soir. Le regard de Kawazi et d’Hiroshin se croisèrent. *** Il n’y avait qu’une chose que redoutait Kane. Une seule et infime chose. La mort. Sentir son sang se glacer, son corps se raidir et cette nauséabonde révélation : ne plus pouvoir progresser. Iki le savait, il ne se laisserait pas tuer. Il se débrouillerait, quoi qu’il arrive. La prison ne l’effrayait pas, il y avait toujours l’idée qu’un jour il en sortirait. La blessure n’était également qu’un rite de passage, dans l’espoir qu’un jour il s’en remettrait. Le corps décapité du lion fut comme un choc. Dans la petite chambre de l’auberge, le sang tapissait le parquet et deux têtes grondaient leur colère, bien loin de leur corps d’origine. Iki soupira. Il regrettait juste de ne pas la leur avoir coupée. Kawazi posa sa main sur son épaule, comme il le faisait si souvent. Hiroshin contemplait le carnage avec un certain dégout tandis que Yasu aspergeait déjà de questions les clients et les serveurs. Ils faisaient mention d’un homme qui serait sorti très vite et que personne n’avait probablement jamais vu. Mais cela n’avait que très peu d’importance. [Kawazi] – Pourquoi n’as-tu jamais parlé de tout ça ? Iki haussa les épaules. [Iki] – Cela regardait Konoha, Kawazi, et personne d’autre. Je partirais à la recherche de Soiji demain, à l’aube. Le lion baissa la tête poliment et sortit de la chambre. Soiji était venu ici. Il avait parlé à ses deux compères. Il avait vu que rien ne pourraient plus les sauver parce que lui, contrairement aux deux autres, avait reconnu Yasu. C’était un espiègle, un vicieux mais un individu très intelligent et extrêmement dangereux. Iki sourit. Il se souvenait encore de cette sensation de noyade qu’il lui avait infligée dans les grands marais de Sawa. Kawazi parut dépité. [Hiroshin] – Tu devrais être fier. [Kawazi] – Comment ne peux-tu pas te sentir tromper ? Dans ton propre dôjo, Hiroshin, il a préféré Konoha et il nous a caché tout cela. Le puissant lion sourit malgré le spectacle macabre. [Hiroshin] – Il a préféré faire ce qu’il croyait être juste. Vraiment, tu devrais être fier. |
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| Sujet: Re: Rugissements | |
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