La toile de la tente ployait sous le poids de la rosée matinale, qui s’était déposée sur le tissu après la nuit fraîche qui venait de disparaître. Une goutte glissa, traçant arabesques liquides et changeantes sur le toit de cette éphémère protection. Le vent avait soufflé, fort. Et elle avait failli être emportée. Il soupira longuement. Il venait d’ouvrir les paupières sur le monde, s’éveillant d’un sommeil dépourvu de rêve. Il n’avait pas cauchemardé. Il ne cauchemardait plus. Depuis qu’il était en paix avec lui-même et avec son passé. Même si la situation était loin d’être réglée, les décisions qu’il avait prises lui permettait d’avancer avec moins de regrets. Moins de culpabilité, et une envie décuplée de réussir ce pourquoi il était venu à Konoha. Après tout, la mort - l’assassinat - de cette fillette avait été le déclencheur de tous ces événements. De son départ du clan pour Konoha... C’était pour elle aussi qu’il se battait dorénavant. Il avait ôté une vie, et comptait bien en épargner bien d’autres, lorsqu’il reviendrait victorieux, prendrait la tête de son clan, et changerait les choses. Il eut un petit sourire en suivant du regard le trajet de la petite goutte d’eau. Toi aussi, tu es seule... Seule à avancer au milieu de tes semblables ?... Mais toi, tu finiras à terre... Il rit doucement.
Son esprit était toujours embrumé. Il bailla longuement, levant une main pour se couvrir la bouche. Il plissa les yeux, la chaleur lourde du soleil levant l’assaillant sous la tente. Il était levé depuis déjà presque une heure, mais il faisait déjà chaud. L’absence d’air devait y être pour beaucoup. Il se redressa rapidement, et eut un moment de flottement alors que sa tête se mit à tourner. Il posa une main sur son front une seconde, intimant à son esprit le calme et la quiétude. Il chercha à tâtons son haut, un simple débardeur léger, de couleur rouge. Il l’enfila rapidement, ainsi qu’un pantalon en toile, marron. Il n’avait pas prévu de mission, ce matin, alors il voulait se sentir décontracté.
Soudainement, une douleur lui agrippa la poitrine. Il se recroquevilla et serra son haut d’une main, appuyant sur sa peau dans un espoir futile de faire disparaître le mal. Il eut du mal à respirer. Cela était déjà arrivé, et il se contenta donc d’attendre, car il savait que ça passerait rapidement. Il eut une difficile quinte de toux qui lui arracha les poumons, et il inspira longuement, cherchant l’air qui lui permettrait de retrouver un souffle normal. Mais ça ne s’arrêtait pas... Qu’est-ce qui m’arrive ?... Il ressentit un afflux étrange au sein même de son corps. Que ?... Il sentit son esprit partir, son âme quitter son corps. Il sentit son coeur accéléré soudainement, il eut l’impression que ce dernier allait finir par se stopper complètement. Lorsque l’inconscience l’effleura du bout des doigts, il eut ce qu’il prit pour une dernière pensée. Un visage...
Puis, tout s’arrêta.
Il écarquilla les yeux, se prenant la tête entre ses mains.
Que s’est-il passé ? Cette étrange énergie, cette réaction physique ?... L’éveil, déjà ?... Ou, tout du moins, le début ? Je ne comprends pas... Quelle douleur atroce... Et elle a disparu aussi soudainement qu’elle s’était manifestée... La malédiction me rappelle ? Non. Il n’y a jamais eu deux crises. Jamais l’histoire du clan ne nous relate un homme en proie deux fois à cette crise, c’est autre chose... Le Shukuchi ?... Non... Ou peut-être une préquelle... Je ne suis pas prêt à recevoir ce pouvoir. Peut-être a-t-il jaugé mon corps ? L’a-t-il pesé, mesuré, et jugé insuffisamment fort ? Oui. C’est ça...
Il inspira de nouveau, et cette fois la bouffée de fraîcheur ne lui brûla pas la poitrine. Il eut un sourire. Il ressentait, en tous les cas. Même si c’était uniquement de la douleur, elle était preuve que son corps n’était pas malade, et que ce n’était pas la mort qui était venu à lui. L’idée lui semblerait étrange, quand il y repenserait plus tard, puisqu’il n’avait aucune raison de mourir. Sa santé était bonne. Ce qui lui semblerait moins étrange, c’était l’identité de la personne à laquelle il avait pensé. Son sourire s’agrandit quelque peu. Elle occupait constamment ses pensées, ou presque. Il frissonna en se remémorant la magie de cette nuit-là...
L’espoir de la revoir ne s’éteindrait jamais. L’envie de goûter à nouveau ses lèvres... Framboises... Le rouge lui monta aux joues l’espace d’un instant. Les avait-elle terminé ?
Il secoua la tête. Il devait se lever. Ce n’était jamais bon de tant traîner au lit, et surtout, de tant s'appesantir sur le passé. C’était le présent qui comptait... Et le futur. Il la retrouverait, il s’en fit le serment silencieux en serrant le poing.
Il sortit la tête de la tente, passant une main dans ces cheveux blancs pour les remettre en forme. Il s’extirpa de la toile, se mettant debout devant elle. Il épousseta ses vêtements, puis regardant le sol, distingua une longue ombre s’étirant sur la sienne. Plissant les yeux devant cette étrangeté, il tourna la tête vers l’horizon, et arqua un sourcil de surprise.
Quelqu’un se tenait là, dos à lui, devant la falaise. La tête légèrement baissée, l’individu semblait observer le village. Il était immobile, debout. Droit et fier, furent les premiers adjectifs qui vinrent à l’esprit d’Akizuchi pour désigner l’inconnu. Il hésita un instant, puis décida finalement de s’approcher. S’il était un ninja, le garçon, car il lui semblait que sa silhouette était celle d’un homme et non d’une femme, l’avait sûrement déjà repéré. Il distingua enfin le symbole qui ornait le dos carré. L’éventail des Uchihas. Intéressant.
Akizuchi ne s’était jamais vraiment intéressé à ce clan. Ni même aux autres, d’ailleurs. Il savait seulement qu’ils jouissaient d’une haute réputation, et étaient mondialement connus pour le pouvoir de leurs yeux. Des yeux rouges cintrés de virgules noirs. Le jeune homme svelte se demanda un instant si la profondeur des iris Uchihas valait celle de son propre regard écarlate, qui émerveillait généralement ces interlocuteurs. Ou, leur causait une peur somme toute compréhensible. Comment expliquer la couleur de sang de ces yeux quand ce n’était pas un Dojutsu ? Il sourit doucement, puis, parla, d’un ton calme et assez neutre, même s’il était un brin curieux :
“- Il est rare de croiser des gens ici à cette heure... Pourtant, le lever de soleil est toujours magnifique, depuis ce panorama...”
Il leva les yeux vers le ciel, les plissant pour regarder une seconde l’astre du jour. Puis, il baissa la tête vers son interlocuteur, attendant une éventuelle réponse qui viendrait. Ou non...