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 Dans le Chaos des Choses

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Isei Nagashi

Isei Nagashi


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MessageSujet: Dans le Chaos des Choses   Dans le Chaos des Choses EmptyMar 9 Juin - 15:09

Isei était né dans le plus grand des chaos. En effet, ce jour-là, la clinique de Konoha avait enregistré un taux record de… de participation. Si l’on peut dire ainsi les choses. Des multitudes de couples remplissaient les couloirs et, logiquement, les chambres. Les médecins braillaient leurs conseils et leurs recommandations un peu partout et à toute allure dans un pas lent et assuré alors que les infirmières s’activaient un peu comme elles pouvaient, passant d’une chambre à une autre, des dizaines de médicaments ou de seringues dans les bras. A l’accueil, on leur demandait de patienter, comme si le nouveau-né lui, pouvait attendre quelques heures de plus dans son petit cocon douillé. Mais non, comme tout être humain, le bébé est déjà impatient, il veut de la nouveauté et il y a cette petite porte tout en bas, qui lui promet un avenir meilleur. Nui et Nade étaient là, assis en face du comptoir attendant qu’enfin des cris jaillissent de l’une des multiples salles et que le couple ravi se libère de ses obligations. Alors ils se lèveraient de leur position et ils se précipiteraient afin que leur enfant ne patiente pas une minute de plus.

Un grand médecin tout fin et tout frêle avait baissé la tête pour passer la porte et pénétrait dans la petite chambre. D’un sourire mitigé il s’adressa au couple leur expliquant le processus avec une assurance mitigée. Nade jeta un coup d’œil à l’infirmière qui lui répondit par un sourire un peu plus sincère et fit signe d’un hochement de tête. « Nous vous inquiétez pas Monsieur, il est parfait ». Comme s’il fallait l’aval d’une subordonnée pour autoriser un médecin qualifié à pratiquer… un accouchement. Nade s’était toujours dit qu’il ne pourrait jamais, vraiment jamais faire accoucher sa future et possible femme. Lors de son mariage il avait cette horrible image en tête qu’était sa tête entre les deux jambes de son épouse et criant avec acharnement « POUSSE ! Respire… POUSSE ! ». Non, vraiment il n’aurait pas pu. Le médecin apporta une cuvette d’eau chaude dans laquelle il trempa ses mains avant de les essuyer sur un linge parfaitement blanc.

Mais qui ne le resterait guère longtemps.

Nui poussa comme elle put. Contrairement à son mari, elle, n’avait jamais eu d’appréhension à l’idée de mettre au monde son premier enfant. L’image lui paraissait trop belle pour qu’une simple impression physique puisse la contrarier dans son bonheur. Un enfant, c’était un peu la concrétisation d’une aventure. C’était un cadeau parmi mille autre que le mariage et la vie en commun pouvait procurer. Un cadeau mille fois plus magique que tous les autres à vrai dire. Elle en était rapidement venu à se demander si elle ne repousserait son mari au second plan - ce qu’elle ne fit, à son grand étonnement et bonheur, jamais. L’alliage de leurs trois vies donnait à cette équation une drôle de tangente et l’inconnu, celui du lendemain, celui des explications de la veille et des appréhensions d’aujourd’hui, cet inconnu là disparaissait dans un amour un peu plus renforcé encore. Les contractions devenaient de plus en plus violentes et Nade ne pouvait plus supporter les cris de souffrance de sa femme. Son front dégoulinait de sueur et dans un sourire compréhensif Nui l’excusa pour cette légère faiblesse. Courte faiblesse qu’est la beauté de la nature. D’un signe de la tête il s’excusa auprès de l’infirmière afin d’alléger la conscience qui lui restait en abandonnant sa femme au bras d’un… d’un médecin - c’était ce qu’indiquait très nettement la blouse blanche du grand béat mais Nade n’avait aucune confiance en la qualification qui l’honorait - et sans dire mot il poussa la porte battante et sortit de l’hôpital en trombe.

Derrière l’hôpital, il y avait ce petit coin de repos où quelques bancs accueillaient des fesses endoloris. Le bac de sable indiquait clairement qu’il y avait possibilité de fumer et Nade en fut soulagé. Il ne s’assit pas, il se laissa tomber, comme une grosse pierre dans une marre boueuse. Il mit une cigarette dans sa bouche et l’alluma. Un « Bonjour » cinglant le surprit et le jeune homme découvrit un autre bonhomme à l’allure particulière - on aurait dit un espèce d’oiseau un peu tordu, c’était ce que ce nez crochu lui donnait comme impression en tout cas - qui tirait sur ce qui lui restait comme cigarette. Un fin sourire se superposa à l’entrée en matière, mais Nade ne répondit pas. Intrigué et percuté dans son orgueil et son honneur - si honneur et orgueil il devait avoir - l’homme souffla et revint à la charge.

Nade - Ecoutez. Je ne vous connais pas. Et je n’ai rien contre vous, rien de personnel. Mais aujourd’hui ma femme va accoucher de notre premier enfant. Il m’importe donc peu de savoir si vous allez bien ou si je passe une bonne journée. Compris ?

Homme - Ah ! L’appréhension de la première naissance. C’est magique.

Nade souffla par le nez qui poussa la fumée vers la sortie en deux colonnes grises. On aurait dit un taureau, un vrai. Il ne manquait que ses yeux injectés de sang pour rendre le tableau un peu plus vrai. Il inspira, tranquillement et se calma. Il n’en restait pas moins extrêmement tendu et dans une tourmente qui n’arrangeait en rien ses affaires. Qu’est-ce qu’il aurait donné pour être seul à cet instant précis.

Nade - Ecoutez... Fermez-la, et tout se passera bien.

L’homme bougonna un petit quelques chose mais ne chercha pas à rendre la réplique. Face à l’agressivité, la répartie et la sensibilité n’avaient rarement eu l’effet escompté. En vérité, Nade avait rapidement que cette manière d’aborder les sujets les rendait un peu plus agressif encore. Ce conseil, il aurait aimé le lui donner mais l’homme ne dit plus rien, pointa le bout encore incandescent de sa cigarette vers le sable et l’enfonça dans le bac.

Homme - Au revoir, finit-il par lancer, d’un ton sec et froid. Histoire de montrer que même face au terrorisme rhétorique, il ne pliait pas. Il aurait pu partir ainsi, lui, sa clope et son parfum de cigarette écrasé, et ne rien dire. Partir simplement. Il aurait peut-être du, d’ailleurs. Nade termina sa cigarette et comme si de rien n’était, il en alluma une seconde. Le ciel ne cessait d’être bleu et il n’en fallait pas plus pour que le Nagashi le lui reproche. A vrai dire, cette journée serait spéciale. Et il comptait bien le faire comprendre à tous ceux dont il croisait le regard. Et ce ciel… Bordel, ce ciel n’arrêtait pas de l’épier ! De ses yeux malins, la chape océan le narguait. Nade aurait aimé crié après lui, lui dire ses quatre vérités et rétablir un semblant d’égalité dans ce monde qui ne l’aidait pas, vraiment. Mais on l’aurait certainement pris pour un fou. Et il ne voulait pas donner cette première image à son fils. Ou a sa fille.

Une infirmière déboula des portes automatiques et fit de grands signes des bras tout en s’avançant vers lui. Enfin, c’est ce qu’il pensait. Parce qu’elle criait tellement dans tous les sens, ses gesticulations n’aidant en rien à la compréhension de cette situation, que Nade mit quelques secondes à saisir le nom qu’elle prononçait. Qui était le siens, tout compte fait. Dans un charabia inaudible, l’infirmière lui fit comprendre que le médecin voulait absolument lui parler. Elle insista clairement sur le terme « absolument » et sur le mot « urgent » qui venaient tout droit de sa propre bouche. Le futur père mit quelques secondes à réaliser qu’il fallait qu’il monte les deux étages en vitesse et qu’il imagine déjà tout ce qui pourrait permettre à un médecin - normalement qualifié - de caractériser ses recommandations d’absolues, et d’urgentes. Plusieurs questions venaient à lui, notamment quant au sexe de son futur enfant, mais aucune ne dépassa le stade de « l’absolu » et de « l’urgent ». Sinon celle qui donnaient sur les réponses : fausse-couche, problème vasculaire, enfant malformé, handicapé, étouffé, mort-né. Et Nui ? Allait-elle bien ? Avait-elle souffert ? Qu’est-ce qui lui avait prit de partir ainsi, pourquoi n’était-il pas resté pour lui tenir la main et souffler avec elle, ne lâchant jamais son rythme, poussant même comme tous les autres maris. Nade n’avait pas fait tout cela et quelques minutes après l’heureux évènement, il le regrettait déjà.

La porte de la chambre 315 claqua et Nade apparut, en sueur. D’un coup d’œil rapide il capta le regard de son épouse qui, en sueur, souriait. C’était un bon signe, n’est-ce pas ? Dites-le, c’est un bon signe ? De dos, le médecin se retourna pour faire face au jeune homme et haussa un sourcil.

Médecin - Vous voulez le conservez, lui demanda-t-il, arborant toujours ce pâle sourire d’imbécile heureux et pas bien rassurant.

Nade - De quoi est-ce qu’il parle ?

Il consultait Nui du regard mais il n’eut pour unique réponse qu’un sourire un peu plus conforté. Il se déporta sur cet idiot de professionnel et, d’un air méprisant, insista. N’ayant cure de la situation dans laquelle Nade le mettait, le médecin gardait ce même calme agar et béta et releva les deux mains à hauteur de visage. Deux mains qui soutenaient un espèce de tube irrégulier.

Médecin - Eh be, le cordon ombilical, répondit-il, l’air de rien.

Nade souffla bruyamment, mais ne répondit pas. Curieusement, Nade hésita. Il ne savait pas quelle attitude adopter ni quels réflexes avoir, quelle réaction serait légitime ou justifiée. Bien plus tard il apprit que les médecins et le staff médical n’attendaient de nouveaux parents, absolument rien. Sinon qu’ils crient, qu’ils pleurent, qu’ils posent toute sorte de question. On apprenait aux enfants qu’être adulte, c’était être mature. L’adulte redescendait très vite sur terre en s’apercevant qu’il existait encore un monticule de choses qu’il aurait à découvrir tout au long de sa vie. Et que la naissance d’un enfant était toujours une expérience déroutante. Mais une expérience qui en valait la peine, évidemment.

Isei Nagashi était nait dans ce chaos-là, dans les environs de treize heures à l’intérieur même du chaos de toutes ces choses. Ses premiers cris furent décisifs et lorsque Nui posa sa main douce et charnelle sur son enfant, il n’avait plus qu’à respirer pour conquérir ses parents.

Ce même midi, Nade décida de tout arrêter.


Dernière édition par Isei Nagashi le Jeu 11 Juin - 23:59, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Dans le Chaos des Choses   Dans le Chaos des Choses EmptyMar 9 Juin - 16:56

Il y avait de nombreuses choses qu’Isei ignorait encore à ce jour, notamment sur son père. Nade considérait qu’il y avait un temps pour tout et que, de tous les secrets que chaque personne portait en lui, il n’avait pas à bousculer son passé. D’un accord commun, lui et son épouse décidèrent de cacher certains faits, certaines choses pour le bien de leur relation. Pour le bien de leur petite famille qui s’était agrandit, quelques jours auparavant. Nade avait plongé son regard dans celui de son fils et se l’était juré : jamais plus il ne recommencerait. Il n’était plus question de partir des journées entières et de revenir assommé, sombrant dans les bras de sa tendre et chère. Nui avait survécu au métier de ninja, mais il était impensable d’essayer cela sur leur enfant. Combien de fois avaient-ils mis leur mariage en danger à cause de cela ? Nade ne le comptait plus et il était décidé à ne plus répéter ces erreurs-là. Il avait délaissé sa femme bien trop souvent, préférant servir son village. Dans le meilleur dans comme dans le pire, Nui avait fait le choix d’attendre son mari, quoi qu’il lui en coute. Elle ne pouvait faire ce choix pour son enfant.

Les premières années d’Isei furent exténuantes. Physiquement et mentalement. Non, bien sûr, l’enfant ne faisait que ressentir cette tension qui s’immisçait entre ses deux parents mais il ne la subissait pas. Nade avait fait des choix de vie louable et le village ne pouvait l’empêcher de fonder une famille. Lorsqu’il avait remis sa démission, c’était avec une chaude poignée de main et un faux sourire que le chargé d’administration - son supérieur - déblatéra un discours pathétique sur les qualités du Nagashi et que jamais - ô grand non jamais ! - on ne demanderait à un ninja du village caché de la Feuille de préférer son devoir professionnel et moral à l’ambition, bien humaine, de former une famille et de vivre paisiblement dans le village. A la recherche d’un bonheur novateur - il fallait comprendre : différent de celui de tuer, de torturer et de souffrir, que l’Académie des Ninja de Konoha ne manquait pas de mettre en avant, comme une vieille propagande sortie du placard - dans l’enceinte du village, non cela il ne pouvait s’y opposer sans quoi Konoha tomberait dans les frais d’une dictature militaire qui ne lui ressemblait pas - mais dont Nade savait pertinemment que certains haut-gradés aspiraient avec passion. Il ne manqua pas d’ajouter combien cette vie-là lui serait profitable et agréable, notamment grâce aux superbes forces militaires dont il faisait partie, il y avait encore quelques jours. Un dernier coup de semonce. « Vous nous quittez, Nade Nagashi ? Bien. Je vous souhaite une merveilleuse vie dans le village que nous défendons. Mais bien sûr, ne vous sentez pas obligé de faire votre devoir. [/i]Nous[/i] vous comprenons. » L’homme avait décrit une moue affligée et s’était égaré dans les couloirs de la Mairie.

Voilà à quoi ressemblait cette nouvelle vie. Partagé entre la déception de ne plus servir un idéal dont il avait toujours vanté les mérites et les besoins paternel de son enfant, Nade avait plongé dans une dépression qu’il ne voulait pas admettre. Nui n’avait jamais cessé son travail d’institutrice dans une petite école des quartiers populaires de Konoha mais sentait cette tension palpable qui montait, lorsqu’elle revenait chez elle, une fois les classes terminées. Elle n’avait jamais imaginé cela ainsi. Tous deux avaient passé cet accord que l’on nomme mariage et durant de nombreuses années elle en avait fait les frais. Son amour pour lui n’avait jamais dépéri. Mais ses absences, parfois très longues - trop, à son gout - avaient maintes et maintes fois remis en question leur alliance. Mais Nui avait tenu bon et son amour pour Nade avait fait le reste. Aujourd’hui elle voyait les rôles s’inverser et elle doutait. Elle doutait que son mari ne puisse supporter ces absences, son inactivité. Ils savaient tous deux qu’ils auraient à faire des choix qui impliqueraient des compromis, voire des sacrifices. Mais Nade Nagashi n’avait jamais pu imaginer qu’un jour ce serait à lui de faire tout cela. Non, jamais.

Trois ans plus tard, le scénario se répéta : Nui tomba enceinte. Les sensations furent différentes. Nade ne put résister à cette pression qui l’assiégeait à chaque fois qu’il dévisageait le médecin dans son éternelle blouse blanche, ausculter l’entre-jambe de sa propre femme, de la mère de son fils. Il avait pris la fuite et s’était refugié sur un banc, à l’extérieur de l’hôpital. Puis, il avait allumé une cigarette et n’avait cesse de jeter son dévolu sur ce ciel. Toujours bleu.


¤¤¤



Nade Nagashi était un homme de conviction. De tout son cœur, il espérait avoir partagé cet héritage avec son fils. C’était peut-être le plus beau cadeau qu’il lui ferait de toute sa vie, qu’il espérait longue et heureuse. L’ancien juunin n’était pas fier de tout ce qu’il avait fait durant son existence, ni de ce qu’il avait fait subir à son entourage. Notamment à sa femme et à son premier fils. Alors que naquit Yumi, Nade décida de changer. Il fallait qu’à chaque naissance il prenne ce genre de décision, tout à fait honorable. La première lui avait valu une démission dans les règles de l’Administration ninja et une dépression lente et dévoreuse durant de longs mois. La seconde lui ouvrit les yeux. Nade n’était pas faible. Ces convictions l’avaient régulièrement poussé au bout de soi-même, quelles qu’en soient les conséquences, quels qu’en soit les sacrifices. Sa vie était remplie de mission ; élever ses enfants était certainement la plus compliquée qui soit. Mais c’était aussi la plus belle et ça, il fallut bien trois ans pour trois longues années pour se l’avouer. Et l’assumer.

Lorsqu’on lui proposa un poste de fonctionnaire à la Mairie, Nade ne réfléchit pas. Il accepta et dans une nouvelle poignée de main, bien plus sincère cette fois, il retrouva la Mairie. Elle le sauvait, mais il ne fut pas surpris. Son amour pour ce village, s’il ne devait pas prendre le pas sur celui de sa femme et de ses deux enfants, ne s’était jamais éteint. Elle était restée intacte.

Très vite, Nade comprit ce que cela impliquait. Et aussi étrange que cela pouvait paraître, peu l’avaient véritablement oublié là-bas non plus…

Un homme d’une trentaine d’années à tout casser avait toqué à la porte et sur un « oui » salutaire l’avait ouverte pour y passer nonchalamment le pas. La tignasse blonde complètement défaite de l’homme fut équivoque.

Nade - Bonjour, Kaburo.

Le Kaburo en question leva les mains vers le plafond et imposa un sourire un peu trop poussé pour être naturel.

Kaburo - Salut, très cher. Quelle… surprise, de te revoir en ces lieux.

Nade reconnaitrait parmi toutes, la langue fourchue de cette vipère. Elle sonnait fausse, une manipulation parmi tant d’autres. Kaburo n’avait jamais été un homme bon. C’était une véritable coquille vide qui se remplissait des relations qu’il créait grâce à son esprit envouteur et charmeur. Nade ne le connaissait que trop bien et à bien y repenser, sa venue dans son bureau n’était peut-être pas une surprise, finalement. Ces gens-là, comme Kaburo, guettent les moindres allées et venues. Le retour de Nade à la mairie de Konoha impliquait beaucoup de choses.

Et énormément de monde.

Nade - C’est réciproque.

Kaburo - Tu ne semble pas… heureux de me voir. Je me trompe ?

Nade - Tu ne l’es pas plus que moi, Kaburo. Tu ne l’es pas, non.

La méfiance. Voila ce qui animait Nade. Kaburo posait des questions dont il savait pertinemment la réponse. Il l’imaginait par avance, se décomposer dans la tête de son opposant. Il essayait de caler sa position sur la sienne, de réfléchir à sa place et de le surprendre. Affirmer puis remettre en question tout en sachant que c’était pertinemment inutile. Non, même s’il le demandait souvent, Kaburo ne se trompait jamais. Jamais.

Kaburo - Comprend mon… appréhension, Nade. Toutes ces années… Toutes ces missions… Tous ces succès couronnés d’une petite pointe de secret…

Nade - Si c’est de cela dont tu veux parler, Kaburo ce n’est pas le mom…

Le poing du juunin frappa le bois de la table dans un bruit sourd qui eut tout de même l’effet escompté : impressionner Nade. Le blondinet prit un air bien plus sérieux, plus terrifiant. Le Nagashi se souvenait parfaitement des caprices de Kaburo. Il se souvenait encore de ses coups de colère contre son propre frère, de ses cris terrifiants et de ses mensonges, de ses insultes. Et de ses trahisons ; bien assez pour toujours prendre cet homme au sérieux.

Kaburo - Je me fiche du moment, Nade. Ton retour ici n’était pas prévu. Il n’apportera rien de bon.

Nade - Je n’ai jamais accepté que l’on me menace, tu le sais bien.

Les deux mains, fermées, sur la table, le visage avancé comme s’il voulait décrire jusqu’à la moindre imperfection, la figure de Nade, Kaburo se releva brusquement et gloussa d’un rire sournois.

Kaburo - Je ne te menace pas l’ami. Je te mets en garde. Porte-toi bien, Nade.

Toi aussi, imbécile, faillit-il lui répondre. La porte claqua et Nade se retrouva enfin seul. Seul, avec ses pensées, ses craintes et ses espérances. Longtemps il pensa que son passé resterait derrière lui. Longtemps, très longtemps. Pas assez apparemment. Il ne comptait plus le nombre de personnes qui lui en voulaient, ou ceux que sa parole impliquerait.

Dans le chaos du passé, trop de choses se bousculaient. Il prit sa tête entre ses mains et pleura, quelques larmes seulement. Décidemment, ce chaos l’encombrait et la liste de ses regrets ne faisait que s’allonger. Lorsqu’il devint père pour la première fois, le bonheur qu’il attendait ne vint pas. Pas immédiatement dans tous les cas. A la naissance de sa deuxième fille, Nade trouva le bonheur par deux. Dans ses bras son garçon de trois ans, sa fille, quelques jours et un père pour deux : c’était déjà trop. Et comme tout avait une fin, Nade décida de ne jamais commencer à espérer d’eux la moindre chose. Il les aimerait quoi qu’il lui en coute. Il n’était pas question de mettre cela en cause. Mais Kaburo apportait de bien tristes nouvelles. Non, pas lui en particulier. Il n’était qu’un équipier un peu gênant. Mais il connaissait du monde, il suivait les flux d’informations et se les appropriaient. Et comme un insecte, il les répandait. Kaburo est un bel enfoiré, pensa Nade. C’est un bel enfoiré mais ce n’est pas un idiot.

Il ferma le classeur qu’il avait ouvert et, d’un pas irrégulier, sortit de la Maire.


Dernière édition par Isei Nagashi le Ven 12 Juin - 0:03, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Dans le Chaos des Choses   Dans le Chaos des Choses EmptyMer 10 Juin - 0:42

La première fois qu’il avait plongé dans ses yeux, il n’y avait vu rien d’autre qu’un avenir lumineux. Un avenir incandescent dont les cendres brûleraient les problèmes, irradieraient ses ennemis et donneraient à ses espérance un peu plus de force, de violence. Nade était tombé amoureux dès sa première rencontre avec Nui, lui qui n’avait guère connu que d’hasardeuses relations qui se terminaient, la majeure partie du temps, là où elles s’étaient commencées : dans un lit. Le juunin n’avait jamais vraiment su si son amour était véritable, ou s’il n’était qu’une fantasque illusion qui le pousserait à se battre un peu plus fort encore. L’illusion de posséder, au fond de soi, quelque chose à laquelle on tient plus que toutes les autres et que, pour ce chaos innommable, pour cette illusion, Nade se battrait jusqu’à la victoire. L’illusion d’avoir une ancre sur cette terre, une ancre qu’on tient et que jamais on ne veut lâcher.

Nade s’était fait la promesse de toujours la protéger, mais elle avait désiré plus. Nui lui avait fait promettre de ne jamais l’abandonner. Pour une tierce personne, cela aurait été ridicule, honteusement comique. On lui aurait rétorqué les films d’amour n’existe pas et que, le romantisme, dans ce monde de violence, de haine et de colère, avait perdu sa place - si tant y est qu’un jour il en eut une. Mais Nui n’était pas une idiote. Non elle n’en était pas une, c’était certain. Si elle ne connaissait pas la vie des ninja, elle pouvait facilement combien il était aisé de mettre un genou sur le sol et de courber l’échine pour que l’ennemi vise mieux la nuque. Et que cela ne fasse pas mal. Alors Nade avait promis de tout faire pour rester en vie. Ce quel qu’en soit le prix.

C’était dans un petit village au sud du Pays du Feu, qu’ils firent l’amour la première fois. Dans cette même auberge où ils s’étaient rencontrés. Kaburo avait sourit mais Nade savait qu’il voyait cette relation du mauvais œil. Kaburo voyait tout, du mauvais œil, qu’importe la qualité de cette relation. A leur mariage, le Nagashi lui rappela leur guelante où, ce soir-là, il était sorti torse nu de la chambre de Nui et où Kaburo l’avait intercepté et plaqué contre le bois du mur. Il le lui avait rappelé et avec une certaine fierté il lui avait montré l’éclat de leur alliance. Et l’éclat de leur amour aussi. Un peu.

Le lendemain, ils devaient tous partir. Et Kaburo avait attendu fièrement, un sourire mesquin aux lèvres, le Nagashi qui descendait de sa chambre. Il le lui avait dit, qu’il ne pourrait jamais se plier aux ordres d’une autre entité que Konoha. L’amour, c’était beau, mais cela ne faisait de lui, un ninja un peu plus humain que les autres. Et puis il avait crié un peu plus fort que jamais il ne pourrait faire équipe avec un homme amoureux. Jamais il ne donnerait sa confiance à un être qui avait en tête le corps suave d’une femme et pas l’objectif d’une mission. D’une mission dans laquelle ils risquaient tous leur vie. Il insista bien : nos vies, Nade ! Le Nagashi avait baissé la tête et n’avait répondu que par un bref hochement de la tête. Kaboru sourit puis passa un bras sur l’épaule de son coéquipier et Nade retrouva le serpent qui sommeillait, à demi-comateux, dans l’âme de Kaburo. Il lui susurrait de douces paroles, expliquant clairement que Nade était le meilleur coéquipier que jamais il n’avait eu et qu’il tenait énormément à lui. Il lui imprima dans la tête qu’il était question de bien plus que de la sécurité de leur équipe et de leur entreprise : mais bien de lui, de Nade. Comme si Kaburo pouvait estimer quelqu’un d’autre que lui-même ! Mais Nade n’avait d’yeux que pour cet amour qu’il voyait vain et qu’il espérait éternel. Alors il écouta son ami, il l’écouta jusqu’au bout et lorsque Kaburo lui demanda s’il avait compris, s’il savait qu’il ne faisait cela que pour son propre bien et que l’amour d’une femme, que l’excentricité des ébats corporels pouvaient détourner le Nagashi de son but. Et que cela lui nuirait, inévitablement. Il avait répéter, béat, qu’il avait compris. Kaburo avait insisté mais Nade avait affirmé qu’il en était certain, qu’il ne mettrait pas leur vie en jeu, à tous, et notamment la sienne. Kaburo sourit, d’un sourire malin, et leur affirma, à Nade et à son autre coéquipier, qu’il était heureux d’être ici, avec eux.

Nade vivrait. Il avait persuadé Kaburo ; il vivrait. Le juunin dans son immense égocentricité avait naïvement cru qu’il y était pour quelque chose. Et que s’il n’avait pas fait tout le travail, il y avait apporté sa petite pierre. Pour monter l’édifice Nade Nagashi. Le jeune homme avait fait une promesse. Une promesse qu’il devait tenir et qu’il tiendrait.

Lorsque l’auberge ne fut plus qu’un simple souvenir, Nade détacha son regard de la fenêtre de la chambre où il espérait retrouver, une dernière fois, la muse qui l’avait accueilli dans ses bras, estimant sa confiance et sa générosité. Ses yeux devinrent profonds et son attitude évolua. L’homme ouvert et généreux que les deux autres hommes côtoyaient depuis le début de leur voyage venait de disparaître. Non, il ne leur en voulait pas, pas personnellement - même si l’attitude de Kaburo était déplorable mais Nade avait très vite abandonné l’idée de changer cet homme-ci -, mais il ne pouvait l’oublier. Et elle ne pouvait que lui manquer.


¤¤¤



Nade avait effectué de nombreuses missions pour le village. La plupart avait été couronnées de succès. D’autres avaient été cachées, relayées dans des dossiers qu’on évitait discrètement d’ébruiter. Nade ne s’était jamais vraiment attaché à connaître les dessous. Il remplissait - ou non - sa mission et en assumait toujours les conséquences. Le juunin avait souvent imaginé Kaburo dans ces magouilles plus ou moins légales, mais vraiment, il s’en fichait. Si son coéquipier pouvait se rendre plus utile qu’il ne l’était déjà, pourquoi s’en priverait-il ? Jamais il ne lui donna plus d’informations, jamais Nade n’en chercha. Il n’aurait qu’à nier. On ne torture pas un homme qui respire la vérité. Le Nagashi avait bravé des dangers dont il ignorait jusqu’à l’existence avant qu’il ne les tue ou qu’il ne les mette hors d’Etat de nuire. Il avait rencontré des gens ignobles, des gens bons et d’autres dans une situation mitigée, pris entre deux feux. Entre le feu de la justice. Et le feu de la souffrance.

Et, aussi curieux que cela puisse paraître, Nade avait toujours tenu sa promesse. Il avait toujours survécu même s’il ne revenait pas, à chaque fois, indemne. Il lui était arrivé de ne plus pouvoir marcher, ou de ne plus être en état de se battre. Oui, c’était souvent arrivé, et Kaburo prenait un malin plaisir à porter sereinement son acolyte. D’une manière ou d’une autre, Nade revenait toujours vivant et son amour, lui, restait intact.

Cela faisait trois ans que le Nagashi avait mis sa carrière militaire de côté. C’était un acte plutôt original, mais Nade n’avait cure de ce que pensaient les autres. Il avait vu son fils entre les bras de sa femme, juste après sa naissance. Et il n’avait jamais manqué le premier regard que Nui lui porta : il ressemblait en tout point à celui qu’elle avait posé sur le juunin qu’il était, il y a plus de douze ans. C’était exactement le même. Cet amour-là, il se méritait, n’arrêtait-il pas de penser. Ce mérite l’avait honoré toute sa vie, et si parfois les obstacles en travers de sa route le rendaient fragile, il n’avait jamais dépéri. Isei n’avait sans nul doute guère moins de raisons d’être aimé de sa mère. C’était son premier cadeau. Et sûrement le plus beau.

Cela faisait trois ans que Nade ne risquait plus sa vie ; trois ans durant lesquels il pouvait se consacrer à autre chose que de faire en sorte de survivre. Il ne se l’était pas avouer jusque là, mais, survivre n’était pas complètement vivre. Et peut-être que vivre, simplement, ne demandait pas une telle promesse. C’était une nécessité dont Nade pouvait se passer. Il oublia donc très vite la visite peu attendue de Kaboru et sortit par l’accès du personnel de la Mairie, dans une petite rue assez sombre, assez étroite ; assez glauque. Avec un sourire plutôt décontracté, il accéléra le pas. Cette petite rue donnait était un couloir sur plusieurs impasses où des fenêtres intérieures d’appartement arpentaient les murs. Tout au bout, l’artère nord menait les passants aux quartiers populaires, juste après les commerces.

??? - Tu n’aurais pas du revenir.

Surpris, Nade s’arrêta sur le vif. Son sourire disparut. Il n’aimait pas l’ambiance qui régnait ici. Il se retourna et dévisagea l’homme qui lui faisait face, un bandeau de shinobi couvrant son œil gauche, une tenue de ninja sur les épaules et un kunai roulant autour de son doigt, à même l’anse.

Nade - Yamato. Quelle surprise.

Devant la mine ferme et froide du Yamato en question, Nade se remémora la phrase qui était la cause de son arrêt. Yamato était ce troisième homme, qui durant trois ans parcouru la surface de cette terre avec Nade et Kaburo. Il était toujours resté quelqu’un de discret, ne parlant que pour l’utilité de la nécessité mais était un formidable soutien. Comme une montagne dont les géants ont besoin pour se relever lorsqu’ils tombent. Oui, les géants tombent.

Nade - Il y a un problème ? C’est à propos de Kaburo que tu es là ? Ecoute, je ne sais pas ce qu’il t’a raconté, mais je n’ai plus aucune relation avec les forces militaire. Je suis un civil. Un civil qui exécute correctement son boulot de civil. Mais je suis content de te savoir en bonne santé, Yamato.

Homme - Qu’est-ce qu’on fait de lui, alors ?

Un homme déboula d’une impasse et s’arrêta à quelques mètres du Nagashi, dans son dos. Il était suivi de deux autres alors qu’un quatrième gus rejoint Yamato et resta en retrait, impressionné par l’imposante carrure du juunin.

Yamato - Taisez-vous.

Homme - Mais, et le…

Il cria.

Yamato - Taisez-vous !

Ils sursautèrent. Mais se turent.

Nade - Qu’est-ce que tu me fais, là ? Si tu me menaces, c’est très mal venu. Tu me connais merde ! Tu sais ce que je suis, ce que je représente ! Pour toi, pour Kaburo, pour ce village bordel !

Il sentait sa respiration, poussive et rauque. Ses deux nasaux laissaient l’air chaud sortir de ses poumons comme deux tornades. Puis ils se remplissaient ensuite, lentement, aspirant tout l’oxygène autour. Nade n’avait pas réellement peur. Il ne comprenait pas, tout semblait flou. Et puis il y avait ce silence et cette incessante pression. Lui qui ne s’était jamais plus défendu que contre lui-même, ces cinq dernières années, Yamato, homme qu’il croyait d’honneur et les quatre hommes, des amateurs à coups sûrs. Des amateurs qui craqueraient si cette tension ne disparaissait pas. Quelques soient les ordres de Yamato. Puisque c’est lui qui les donnait. Nade soupira brièvement.

Nade - Dit quelque chose Yamato. Je t’en prie, parle, lui insuffla-t-il, presque comme une prière.

Le colosse remua ses épaules, puis sa tête qui roulait sur son cou comme une balle sur un pieu. En un instant, tout son corps gesticulait et rendait le bonhomme un peu plus imposant qu’il ne l’était déjà.

Yamato - Je sais que tu es quelqu’un de bien, Nade-san. Mais tu n’aurais pas du revenir. Pas maintenant.

Nade - Pourquoi ?!

Yamato - Garde ton calme. Je vais t’expliquer.

Nade sentit les trois hommes derrière bouger. Il sentait leur parfum acariâtre pénétrer ses vêtements, ses narines, s’insinuer partout. Surtout là où ça faisait mal. Il sentait la transpiration qui dégoulinait de leurs fronts. Pauvres amateurs. Pauvres, pauvres amateurs. Un coup de pied plia ses genoux et un poing mal assuré frappa son crâne, derrière, juste au dessus de la nuque. D’en bas, Yamato paraissait encore plus… Mon Dieu, qu’il était grand. Grand, imposant et stable. On aurait vraiment dit une montagne. Nade l’aurait avoué si on le lui avait ordonné : il l’avait oublié. Parfois il regrettait comment Yamato n’était pas sur le devant de la scène, comme Kaburo et lui. Comment il était écarté. Pas par eux, pas involontairement en tout cas. Konoha avait besoin de vedettes, d’hommes forts, décisifs dans les moments cruciaux. Des hommes qui, en plus de leurs aptitudes au combat, sauraient manier la langue et les groupes. De véritables héros dont le village avait besoin. Konoha voulait des héros. Yamato, aux yeux de tous n’en était pas un. Mais il restait un excellent bonhomme.

On tenait Nade sans qu’il ne puisse bouger. Yamato s’accroupit et laissa sa respiration chaude et bruyante accentuer la tension qui régnait. Non, ce n’était pas un homme mauvais…

Yamato - Tu es un homme bien, et je te respecte pour tout ce que tu as fait. Mais pour moi, pour eux, pour ce village, tu ne représentes plus rien, Nade. Tu n’es qu’une cuillère dans un étang de soupe, à chercher quel crouton s’attachera à toi. Tu as cette petite famille qui te convient et que tu aimes. Mais il y a trois ans, tu as tout perdu. Mon estime, leur estime. Konoha n’aime pas perdre ses héros, Nade. Konoha n’aime pas perdre en général. Quel qu’en soit le prix.

Il s’arrêta, quelques secondes et inspira. Il parlait avec la même tonalité, toujours, preuve qu’il maîtrisait tout. Son discours, les hommes autour, lui, Nade… Yamato l’étonnait. Il aurait tant aimé découvrir cette face de son coéquipier il y a dix ans. Nade se trouva subitement stupide.

Cela n’aurait pas amélioré sa situation actuelle. Elle était indépendante du caractère des hommes. Elle ne découlait que d’une seule chose : sa femme, ses enfants, son mariage. Et son passé.

Yamato - Tu es le prix, Nade. Aujourd’hui, Konoha perd officieusement son héros. Part la petite porte, la porte de sortie encas d’urgence. De ton rôle de père, tu vas devoir démissionner aussi. Je suis désolé.

Il n’avait guère besoin de s’excuser. Nade intercepta le coup d’œil assuré de son ancien coéquipier. A l’égard d’un homme derrière lui, en toute logique.

Tu es le prix, Nade.


Dernière édition par Isei Nagashi le Ven 12 Juin - 0:09, édité 1 fois
Isei Nagashi

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MessageSujet: Re: Dans le Chaos des Choses   Dans le Chaos des Choses EmptyMer 10 Juin - 22:41

Yamato avait fait, ce jour-là, une grave erreur. Une faute qu’on aurait pu classer, à l’époque du moins, de professionnel. Il s’était retourné. Il avait jugé la confiance des hommes qu’il embauchait avec négligence et cela ne lui ressemblait pas. A vrai dire, rien ne correspondait vraiment au Yamato Hosaka que Nade avait connu autrefois. Il restait bien en lui cette franchise, cette sincérité morale qui faisait de Yamato un exemple parmi tous les shinobis. Mais lorsqu’il l’avait laissé, il y a quelques années, il ne se souvenait pas l’avoir mis entre les mains d’hommes mauvais. Parce qu’il y avait des hommes mauvais, c’était certain. Des hommes avec qui Nade était en relation, autrefois, et pour qui il travaillait. Et qui aujourd’hui ne voulait pas voir revenir à la surface des secrets, des informations que le Nagashi aurait cachés pour eux. Pour son village, en fait. Mais il s’avérait que sous naïve excuse du patriotisme, on avait profité de lui, à des fins personnelles. Et pour cette même raison, Yamato s’était engouffré dans une vallée un peu trop dense.

Seulement le monde avait bien changé, en trois ans. Et les mécènes d’hier, n’étaient plus les mêmes aujourd’hui. Ou leurs envies avaient-elles changé. Toute sa vie on avait demandé plus, à Nade et à son équipe. Et toute sa vie, il leur avait obtenus plus. Des cadeaux inestimables que l’on cachait sous le seul nom du village. « Konoha tient à vous, les gars. Allez’y, nous ne serons jamais assez reconnaissant de ce que vous lui rendez ! ». Et Nade le leur avait toujours très bien rendu. Cet amour propre n’était pas inné : Konoha n’aimait qui voulait. Il fallait mériter l’honneur comme il fallait mériter la puissance. Le village offrait l’un comme l’autre. Les deux assemblés avaient fait de Nade et de son équipe des héros, simplement. Aujourd’hui que le Nagashi ne payait plus de sa personne - sinon dans une paperasse complexe mais peu attractive - qu’il n’apportait ni morts, ni récompenses, on ne lui devait plus rien. Et ce bandeau qu’il avait rendu, on ne l’avait pas encadré sur un mur de la Mairie ; on l’avait jeté. Simplement. Dans le chaos du monde, Konoha choisissait ceux qui le servaient et ceux dont elle n’avait cure. Les choses étaient ainsi, mais Nade ne l’avait jamais renié.

Yamato avait fait cette erreur stupide, qu’était de penser que sans bandeau, le ninja perdait sa flemme. Il était parti ainsi, avec la sombre espérance que de Nade, il ne restait qu’une fleur dans un champ. Une fleur fanée, dans un champ de ronce.


¤¤¤



Le colosse s’avança jusqu’au bureau de bois. Il n’était pas fier de lui. Au plus profond de son être, il se haïssait pour ce qu’il venait de faire. Il haïssait plus que tout l’homme qui lui faisait face pour ce qu’il avait ordonné de faire. Contrairement à Nade et Kaburo, le Hosaka n’avait jamais rencontré une once de complicité avec la politique mise en œuvre par le village. Mais il restait un pion parmi tant d’autres. Il n’avait pas de famille à nourrir, lui, et quelque part il aurait aimé. Il aurait aimé. Yamato avait une épaisse carapace de chaire et de muscles mais si une femme avait voulu creusé, il l’aurait laissé faire. Elle l’aurait dépecé, retirant une à une les limbes de sa peau et il l’aurait regardé avec passion croquer son cœur de pierre. Il enviait Nade pour tout cela. Oui ! Il en fallait du courage pour défier la nature et aimait une brebis lorsqu’on est loup pour toujours ! Ce courage-là n’avait rien de comparable avec celui qui était nécessaire pour tuer un homme. La différence ?

Donner ou retirer la vie. Etait-ce si peu important pour eux ?

Homme - Yamato. Tu doutes ?

Le Hosaka fut surpris. Il adressa à l’homme un sourire peu confiant et rauqua violemment sa gorge.

Yamato - Non. Non, jamais.

Homme - Héhé, je t’apprécie pour ton égo, Yamato.

Le géant fit mine de ne pas comprendre et passa une main dans ses cheveux poisseux de sa dernière mission. A peine était-il rentré qu’on lui ordonnait la chose que jamais il ne pensait pouvoir faire. L’homme, lui, était fin. Trop fin pour se battre. C’était évident, un bureaucrate parmi tant d’autres. Un bureaucrate riche, ça allait de paire. Un mécène, au final. Très riche, très influent et très bien placé pour qu’il puisse agir directement sur les ninja du village. Il arborait une grande robe mauve et des chausses dorées. Sur sa tête, une capuche cachait en partie ses cheveux, mais son visage restait clairement visible. A sa main droite une bague contournait chacun de ses cinq doigts et narguaient aux restes - oui, aux restes… - du monde son égocentrique puissance. Et puis il avait ce sourire formidable. Manipulateur à souhait. Un sourire de tueur, tant réconfortant qu’agressif. C’était une poire empoisonnée mais dont la chaire paraissait si tendre qu’on ne pouvait s’empêcher de la croquer.

Homme - C’est fait ? Est-ce que tu l’as tué ?

Yamato resta de marbre, perdu dans ses pensées. L’homme se crispa et son visage ouvert et agréable se métamorphose en un rictus immonde rempli de colère. Sa voix, alors sourde et lente devint agressive, piquante. Le venin coulait le long des pépins du fruit. Alors, tu croques, oui ou merde ?

Homme - YAMATO ! Tu l’as tué ?!

Yamato - Oui. Oui bien sûr, il est mort. On ne peut plus mort.

L’homme se rassit et son visage reprit son allure précédente. Un calme plat dans une tempête, n’était-ce pas aussi étrange qu’une lame haute et dense dans un océan de tranquillité ? Yamato transpirait. Dire qu’il aurait pu casser l’homme en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire, avec simplement deux doigts. Crac. Ce serait le bruit de sa colonne vertébrale entre ses mains. Une petite allumette, voilà ce qu’il était. Une petite allumette d’or.

Homme - Bien. Bien, très bien. Qu’as-tu fait de son corps ?

Yamato - Il est en lieu sûr, monsieur.

L’homme haussa un sourcil inquiet.

Homme - En lieu sûr ?

Yamato - Il n’existe plus.

Homme - Simplement ?

Le juunin déglutit.

Yamato - On ne peut plus, oui.

L’homme, rassuré, s’enfonça dans son grand siège.

Homme - Voilà une bonne chose de faite. Oui, une très bonne chose en réalité. Je suis fier de toi Yamato. Tu devrais prendre quelques jours pour te reposer, tu as beaucoup voyagé ces derniers temps. Je saurais te retrouver si l’envie m’en prend, n’est-il pas ?

D’un hochement de tête, il ne le contredit pas. Bien sûr, maître, pensa-t-il si fort qu’il passa une main sur son front de peur que ses pensées ne s’affichent. Il prendrait bien des vacances, oui. De longues, longues vacances.

Yamato avait peur de ne pas travailler. Que ses vacances ne s’arrêtent… pour ainsi dire jamais. Dans un sommeil profond…


¤¤¤



Un des quatre gus se gratta l’entrejambe avec une affligeante délicatesse. D’un sermon dont il était inutile de rapporter l’exacte traduction, il cracha à même le sol et sourit vainement. Dévoilant par la même occasion une série de dents jaunes, l’homme fit coulisser le fourreau de son katana sur son côté gauche et avec le même air narquois, il raillait de plaisir à l’idée de trancher cette si jolie nuque. Nade était toujours les deux genoux au sol et, caché par les murs de la Mairie et la puissante ombre qui en émanait, il aurait pu crier, gesticuler, rien ni personne n’aurait entendu les cris du pauvre homme sans tête. Deux des bonshommes s’emparèrent chacun d’une épaule et comme un seul homme, ils appuyèrent. Cette sensation était nouvelle : traverser le sol, traverser le pavé et… Et mourir. La main du premier agrippa sa tignasse de cheveux bruns et l’obligea à baisser la tête. Oh, oui, quelle belle nuque.

Homme - Un dernier, mot avant de mourir ?

Nade sourit et eut un haut le cœur amusant.

Nade - Tu me laisserais ça, toi ?

Homme - Fils de chien, oui. Tu vas crever comme une vieille merde. Tu vas voir ton corps sans tête gesticuler un peu partout par-là, cherchant ses cinq sens. Putain ouais, je peux t’accorder ça.

Nade - Tue-moi en silence, alors.

L’homme entra dans un rire fou.

Homme - C’est ça ? CA ! Hahaha, t’es vraiment qu’un pauvre con, tient. J’ai même plus besoin de savoir pourquoi on veut ta peau.

Nade - On ? C’est qui, on ?

Il cracha à nouveau au sol et ne répondit pas. L’interrogatoire venait de prendre fin. Il allait retirer sa lame de son fourreau, il allait la lever haut dans les airs et il illuminerait l’ombre de son éclat. Puis d’un coup, d’un seul et unique coup, il trancherait sa tête, net. On aurait dit l’heure de gloire d’un imbécile. On aurait une pathétique pièce de théâtre dans lequel le protagoniste pensait jouer un héros alors qu’en réalité il n’incarnait qu’un semblant d’honneur et de fierté. Souvent, très souvent, Nade chérissait son enfant de quelques années en lui radotant qu’il était le meilleur et qu’aucun autre avant lui n’avait fait une phrase si merveilleuse. Une phrase sans déterminant, sans ponctuation, à l’intonation si affreuse qu’il dut l’écouter deux fois pour en comprendre le sens réel. C’était l’apogée d’un crétin, c’était le sommet d’un enfant.

Un gamin qui bandait devant un jouet un peu trop dangereux pour son jeune âge.

Les deux mains du Nagashi se refermèrent sur les poignets des hommes qui le tenaient, d’un côté et de l’autre. Il serra, de toutes ses forces et ils crièrent de douleur. D’un geste brusque, il remonta ses deux poignes et un net craquement se fit entendre. Ils hurlèrent de douleur. Celui qui s’avançait chef de cette petite troupe bien sympathique fut surpris. Il avait son arme juste au dessus de sa tête et il ne la lâchait pas du regard. On aurait dit un adolescent avec son sexe entre les mains, pris en flagrant délit de masturbation. Oui, c’était cela. Un bien trop gros jouet pour un gamin comme lui. Que se soit pour baiser, ou pour tuer. Alors que ses deux comparses tremblaient de souffrance, le quatrième gus qui n’avait pas dit mot depuis le début de la cérémonie s’activa. Tournant sur lui-même, Nade le faucha d’une rapide balayette. Son poing finit sa course dans l’abdomen du premier, toujours les bras haut levés. Il lâcha son arme, mais elle n’eut pas le temps de toucher le sol. Dans la main de Nade, le katana de Nade retrouvait un semblant de superbe. Il ne fuyait plus face aux bourrasques du vent, il ne penchait plus, un peu trop dangereusement, vers l’avant. Il ne tremblait plus, et la main qui le retenait non plus. Sans qu’il ne lui demande rien, il le fit siffler.

Nade prit son temps. Il le saigna, comme le vulgaire porc qu’il était. Bras, jambes, torse, jamais il n’appuyait ses coups, mais il les ralentissait, il les faisait longs et fins. De sorte que l’homme sente la lame pénétrer, quelques millimètres à peine, sa peau, puis en ressortir, quelques secondes plus tard. Nade ne souriait pas. Il ne prenait aucun plaisir à cela, mais dans une étrange sensation il ne se sentait pas d’arrêter là son attaque. Si l’on pouvait décrire cela comme une attaque. Acculer contre le mur, l’homme criait. Il le supplia, d’abord. Pitié. Il cria, ensuite, au cas où un passant ou un fonctionnaire passerait par là. Terreur. Puis il se tût. Désespoir. Résignation.

Nade - Je t’ai posé une question.

Son visage était toujours baissé. Aucun mot ne sortit de sa bouche.

Nade - Qui a souhaité ma mort ?... Réponds !

Homme - C’est Yamato Hosaka, répondit-il sans entrain.

Nade haussa son katana et trancha la joue de son adversaire.

Nade - Ne te fous pas de moi. Yamato n’est qu’un exécuteur, ce n’est pas un commanditaire. Yamato n’a jamais été qu’un… qu’un homme d’action. Alors ! Qui !

Homme - Kyoru. Kyoru Nakashima.

Le katana transperça son cœur et l’homme se perdit dans le chaos de l’humanité. Pour ne jamais y revenir.
Isei Nagashi

Isei Nagashi


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MessageSujet: Re: Dans le Chaos des Choses   Dans le Chaos des Choses EmptySam 13 Juin - 17:08

D’idéal, Nade n’avait jamais vraiment pris le temps d’en trouver un.

Kaburo le lui rappelait souvent, du temps perdu en philosophie, c’est de temps perdu à ne pas le réaliser. Sur le coup, il avait trouvé cela très bête. Oui, comment réaliser un idéal dont on n’avait pas encore compris la substance ? Ce serait agir pour agir, réaliser pour le principe, qui en lui-même ne valait pas grand-chose.

Et puis Nade avait été nommé Juunin. On l’avait haussé sur l’un des trois grandes marches du village, comme un enfant vedette dont on doutait du talent, mais pas de la bouille. Ainsi propulsé, Konoha ne réfléchissait plus : Nade serait un puissant ninja, quel qu’en soit son talent.

On l’avait poussé d’une petite tape amicale, sur le devant de la scène. Il avait sourit, puis il s’était senti confiant et là il avait les bras. Il était jeune pourtant mais le charisme, ça ne s’apprend pas ; c’est inné. Konoha l’avait applaudi et accepté. Les gens le respectaient mais de lui on ne savait rien d’autre que ce que ses supérieurs voulaient bien partager. Aujourd’hui Nade Nagashi a accompli un fait incroyable. Grâce à lui, Konoha pourra dormir sereine et reine, ce soir. Et on l’acclamait.

Aujourd’hui, Nade se rendait compte qu’il n’avait fait que donner la mort. Et que de cette mort on profitait. Sur ses victimes on mettait des noms, qu’il ne connaissait même pas, on leur écrivait une histoire, leur passé, et les immondices que de telles personnes avaient pu commettre dans cette vie virtuelle.

Bien sûr, cela n’avait aucune valeur. Nade s’était longtemps éloigné de ces idées-là. Il n’ouvrait les yeux, préférant rester aveugle. On l’envoyait loin, très loin, pour qu’il ne s’occupe pas de ce qui passait au village. Oh non, ils n’avaient jamais eu à s’en faire, le Nagashi était fier de ce qu’il faisait. Et qu’importe les ragots, les vies qu’il ôtait, elles, étaient bien réelles.

Nade avait toujours fait en sorte de se rendre assez intelligent pour que personne ne pense à le berner, lui non plus. Il savait parfaitement ce qu’il faisait, quelle serait les portées de ses gestes. La portée d’une vie prise entre ses deux mains tendues.

La portée d’une vie écrasée.

Mais aujourd’hui tout cela n’apparaissait plus comme un linge blanc. Blanc, de tout reproche, de toute sagesse. Nade avait caché nombre d’éléments à ceux qui l’entouraient parce que ses missions n’étaient pas intéressantes. Mais elles intéressaient beaucoup. Seulement il ne pouvait pas imaginer que, trois ans plus tard, les secrets qu’il couvait, iraient jusqu’à le mettre en danger. Lui. Lui qu’on envoyait partout dans le monde. A qui on demandait de ne pas poser de question et d’obéir, simplement. Lui à qui on ordonnait de tenir tout ça à l’écart. A l’écart de ce qu’il était en train de construire. Et qui prenait forme, aujourd’hui.

Qui prenait forme, mais qui était voué à mourir.

Il n’avait pas cru Kaburo. Nade ne l’avait pas cru capable de faire une telle chose. Corrompre ainsi son ancien coéquipier, qui plus est son ami, non c’était impensable pour lui. Il savait que l’homme n’était pas un honnête personnage. Il l’avait toujours imaginé un peu plus impliqué que lui dans les affaires du village même s’il avait compté maintes et maintes fois sur l’équipe à laquelle il appartenait. Et dont Nade était le chef.

Il ne l’avait pas cru non plus lorsque ce dernier avait affirmé qu’il le mettait en garde. Et non qu’il le menaçait. Menace qui s’était produite, quelques minutes plus tard.

Yamato avait sûrement d’autres hommes, cachés, ça et là. Peut-être, ou peut-être pas, là n’était pas la question. Le Hosaka avait douté de Nade. Il avait douté de sa capacité à retrouver ses talents passés.

Mais Nade n’avait ni à chercher ni à trouver. Il n’avait rien perdu des enseignements perdus, il n’avait pas voulu perdre ce qu’il avait mis des années à bâtir. Un peu comme sa famille, sauf qu’il n’était plus seul ici, dans cette aventure. C’était une relation qui était voué à établir des liens entre deux personnes. Il suffisait d’un couac de l’une d’elles pour que… pour que tout flanche.

Quelque part, le Nagashi n’avait rien perdu de sa nostalgie. Il aimait ce qu’il avait été. Il l’aimait plus que tout. Sauf de sa femme, peut-être bien. Et de ses deux enfants. Ninja à la retraite. Hé. On perd son bandeau.

On ne perd jamais son chakra.


¤¤¤



Nade dépoussiéra ses épaules, sur lesquelles il restait ces monticules de terre que le combat avait soulevées. Un combat bref, mais un combat intense. Certes, les quatre ninja n’étaient que de piètres bêtes de combat, mais il n’en restait pas moins des shinobis. Et il venait d’en tuer un.

Les conséquences d’un tel acte ne lui vinrent pas à l’esprit. On avait essayé de tuer, secrètement, un agent de Konoha. Un agent civil, certes, mais un agent tout de même. Personne ne revendiquerait cela. Personne ne chercherait à savoir comme un chuunin du village fut tué.

Peut-être bien par les trois autres, évanouis à ses côtés. Oui, cela serait un excellent plan.

Il rentra dans la mairie. L’option qui était de revenir chez lui, de plonger face la première sur son lit était alléchante mais il ne pouvait mettre ni sa femme, ni ses deux enfants, dans le danger que sa personne représentait. Ni dans le secret d’ailleurs.

En fait ça serait signer leur arrêt de mort. Ou arrêt de vie, cela semblait plus cohérent. Alors il passa par la même porte, celle où il était sorti et souffla. Comme si cette situation le gênait. Il avait quitté son poste pour ne plus avoir cette pointe d’adrénaline dans les doigts. Qui fait tant de bien, mais qui rend la vie tant attractive qu’elle donne envie de vomir. Il quittait tout cela pour le retrouver, trois ans après.

Mine de rien, il longea les grands murs de pierre puis poussa une porte. Kaburo était là, assis derrière son bureau. Un stylo en main, une feuille blanche sous la plume.

Nade - Qui est Kyoru Nakashima ?

Etonné, Kaburo ne réagit pas. Devant le regard insistant et colérique de son ancien coéquipier, le juunin reprit ses esprits.

Kaburo - Qu’est-ce que… Mince, qu’est-ce que tu fous dans mon bureau ? Tu m’as fichu à la porte il y a dix minutes.

Furieux, Nade s’avança d’un grand pas jusqu’à son bureau, posa ses deux mains sur le bois et se pencha en avant, menaçant. Il paraissait grand, très grand vu ainsi. Et pas très amicale.

Nade - Ne joue pas à ça avec moi. Tu sais bien que je gagnerais. Comme j’ai toujours gagné. Les entraînements passionnés qu’ils avaient faits tous les deux, dans le temps, lui revinrent à la mémoire. Effectivement, il l’avait toujours terrassé. Tu viens dans mon bureau, tu me menaces, je sors et on manque de m’assassiner ? Qu’est-ce que tu caches ? Qu’est-ce que cache ce Kyoru ?

Kaburo écarquilla les yeux. Comme il le faisait souvent, feignant une surprise qui n’en était rarement une.

Kaburo - On a essayé de te tuer ?

Nade - Ah, ça oui. On a fait plus qu’essayer.

Kaburo - Qui ?

Nade se releva, et sa calma comme si le seul nom qu’il allait prononcer le dérangeait.

Nade - Yamato.

Yamato… Yamato Hosaka ? Ce Yamato-là, demanda-t-il, d’un hochement de la tête. Le regard de Nade répondit pour lui, déçu.

Le juunin prit sa tête entre ses mains. Il semblait ne plus comprendre, comme si tout lui échappait. Et il détestait cela. Kaburo était toujours au courant de tout. Même quand la vérité descendait sous deux, voire trois étages de mensonges. Il avait les contacts, il avait les informations et le premier palier était submergé, il surprenait tout le monde. On le croyait, on lui faisait confiance même si le doute s’insinuait. Et puis, inévitablement le trois sautait lui aussi. Et pourtant Kaburo était toujours là, correctement positionné.

Nade découvrait ce regard brillant, vitreux, ce visage tiré et ce rictus crispé. Non, sur coup-ci on l’avait laissé sur la touche. Peut-être pas autant qu’il ne l’imaginait, parce que Kaburo n’était pas devin : il savait qu’on mettrait en danger la vie du Nagashi. Mais ce nom, Yamato, ce nom semblait l’étonner.

Peut-être que finalement, tout cela le dépassait réellement. Nade ne prit pas le risque de parier là-dessus.

Nade - Comment savais-tu qu’on essayerai de me nuire ?

Kaburo - Des… des informateurs, répondit-il, paniqué, transpirant. Mais ce n’est pas important. Il y a certaines choses que je ne … non, vraiment. Je ne comprends pas.

Nade - Merde, ce n’est pas un jeu ! Je me fiche que tu ne sois - pour une fois - pas informé de tout ce qu’il se passe ici. Ce Katana était pointé sur ma tête, pas sur la tienne. Comment veux-tu que je te fasse confiance ?

Il réussit à sourire. Bougre, qu’il était doué. Dans ce genre de moments-là, n’importe qui aurait envie de lui refaire le visage, à coups de poings, seulement à coups de poings.

Kaburo était vraiment un juunin d’exception. Plus que tout, c’était un homme étonnant. Un homme dont les sentiments et les émotions semblaient régis par des règles strictes, qu’il ne franchissait jamais. Sauf aujourd’hui.

Mais ce serait sûrement la première, et la dernière fois qu’il le verrait ainsi.

Kaburo - Peut-être parce que tu n’as pas le choix, lança-t-il fièrement. Et un peu aussi parce que ton bonhomme, je le connais.

Nade inspira, violemment. Il ramena un fauteuil, et ne s’y assit pas ; il s’y effondra. Il se répugnait, simplement pour être venu voir son partenaire.

Non, jamais plus il n’aurait confiance en lui. Et à vrai dire, dès qu’il aurait mis cette histoire au clair, peut-être irait-il simplement tout raconter aux instances du village, qu’il démissionnerait. Et qu’il se reconvertirait. Il ouvrirait bien un restaurant. Oui c’était peut-être la meilleure idée qu’il n’ait jamais eu.

Alors, parle.

Kaburo - Kyoru Nakashima est un membre plus ou moins éminent de la Racine de Konoha.

Nade - Pardon ?

Kaburo sourit à nouveau. Tu as très bien entendu, mon ami.

Nade - La Racine est censé former de futures élites du village. Pas tuer ses… ses…

Il n’arriva pas à le dire et il n’essaya pas. C’était trop dur. Kaburo s’en rendit compte et préféra couper court à l’étonnement et à la déception du Nagashi.

Nade - Pourquoi n’ai-je jamais entendu parler de lui ?

Kaburo - Arrête de pinailler et réfléchi. Kyoru est arrivé quelques mois après ta démission. Il a lu ton dossier, et il a lu tes succès. Et il sait ce que tu caches. Comme beaucoup de monde ici, il préfèrerait te savoir mort, plutôt que tes secrets vivants. Même… même moi, en fait.

Nade - Va te faire foutre, Kaburo.

Kaburo - Ca n’arrangera pas tes problèmes l’ami.

Il reprenait les cartes en mains et commença à les distribuer. Kaburo resserra ses griffes et le jeu se remit à tourner. De sa main moite et sournoise.

Nade - Si je trouve un seul indice - un seul, tu m’entends ? - te concernant, je viendrais t’écraser, Kaburo. Comme j’en ai écrasé beaucoup avant toi.

Kaburo - Arrête ce discours de dramaturge vengeur. Je t’avais déjà mis en garde, tu n’en as pas pris compte. Si tu trouves quelque chose sur moi, Nade, tu n’aurais pas le temps de m’arracher le cœur. Quelqu’un aura déjà le tient.

Nade ne comprenait plus. Sinon que l’homme qu’il avait en face de lui reprenait bien vite son allure perdue, quelques minutes auparavant.

Kaburo - Ecoute… Toi et moi, on sait beaucoup de choses. En ce qui me concerne, j’ai beaucoup à perdre. Toi ? Rien. Alors oui, il vaudrait mieux pour nous deux que tu partes loin. Très loin. Et qu’on ne te revoit jamais.

Nade - Tout ce que j’ai construit ces dix dernières années est en jeu. Ma femme, mes enfants. Ma famille.

Kaburo - Alors ne la détruit pas, imbécile.

IL hésita. En tant que père, qu’avait-il à faire ? Partir, loin ? Emmener tout sa famille, quelque part dans le Pays du Feu, ou dans un autre Pays ? Cette solution s’avèrerait être la meilleure. Mais Nade n’était pas encore prêt. Ni à quitter ce village.

Ni à devenir père.

Son regard devint perçant, ses yeux s’émincèrent, ses mains se fermèrent. Il grognait, intérieurement. Il rugissait.

Kaburo - Tu vas aller le voir, n’est-ce pas…

Nade - Oui.

Il se leva et passa une main dans ses cheveux pour les défaire de la transpiration qui les avait collés les uns aux autres. Puis, du revers de la manche il essuya les gouttes qui perlaient son front, et sa nuque. Sans dire un mot, il s’avança vers la porte et la passa.

Kaburo remit sa tête entre ses mains. Puis le visage du Nagashi réapparu, arborant un sourire mitiger.

Nade - Au fait, tu fais toujours parti de la Racine ?

Kaburo - Bien sûr que non, répondit-il, à la fois surpris et intrigué. Pourquoi ?

Le sourire de Nade s’accentua d’une petite touche de victoire. Une énième victoire.

Nade - Parce que je ne suis plus là pour protéger tes arrières.

Il ne claqua pas la porte. Il réalisait seulement maintenant qu’effectivement, son partenaire avait également du souci à se faire. Imaginer que la Racine en veuille à sa vie le dérangeait déjà. Il la connaissait, bien sûr. Il la connaissait comme beaucoup d’autres ici et si les idéaux politiques du groupuscule connu et reconnu dans Konoha n’étaient pas toujours éthiques et louables, ce qu’elle avait essayé de faire dépassait l’entendement.

Non, on n’avait jamais demandé à Nade d’éliminer un de ses membres. Aujourd’hui, pourtant, quelqu’un avait essayé de le tuer. De tuer un juunin propulsé par la Racine.
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MessageSujet: Re: Dans le Chaos des Choses   Dans le Chaos des Choses EmptySam 13 Juin - 23:03

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MessageSujet: Re: Dans le Chaos des Choses   Dans le Chaos des Choses EmptyMar 11 Aoû - 16:38

Parfois il est bon de distinguer des choses bonnes et des choses mauvaises, ce qui est, de droit, ou non, apte à prendre l’importance qui se doit dans une histoire. A mesure que l’on en trace les traits, on comprend vite que du grossier et du général, on perce dans le fin, le précis ; l’obsession de la vérité la plus vraie et proche possible du réel. La vérité actuelle, celle qui a véritablement eut lieu, et non celle que l’on demande d’exprimer. Hormis le jugement de la vérité vraie, il est parfois bon de contourner les règles de bienséances, et de remarquer avec une certaine pointe de cynisme, qu’il n’est pas toujours exact de considérer chaque chose bonne comme l’étant vraiment, et chaque chose mauvaise comme ne l’étant pas, bonne. Aussi face au contexte qui préside chaque situation, il en va d’explications, au passé, qui feront que d’un raisonnement des plus manichéens qui soient, l’ont passe à une philosophie de la vie et de son récit, un peu plus complexe mais bien plus intéressante. Nade Nagashi fait partie de ces hommes qui, dans leur vie, ne firent pas que de bonnes choses. Mais lorsque la conscience vint enfin à lui rappeler qu’il est toujours meilleur de vivre en tant qu’homme libre plutôt qu’en tant qu’homme dupé, il s’avéra que des pires comme des meilleures, les situations qui meublèrent son passé le rattrapèrent sans qu’il ne puisse rien y faire. Et comme on dit, l’homme n’est fait que d’une vie. Mais celle-ci reste une suite d’histoires. Afin de comprendre comment Nade Nagashi fut provoqué dans un tourment qu’il ne comprit tout d’abord pas, il parait raisonnable et réfléchi de narrer cette suite d’histoires. Et découvrir ainsi, ce qu’il sera bon de distinguer des choses bonnes et des choses mauvaises et ainsi, non d’excuser. Mais bien de pardonner.

Nade naquit dans une bourgade du sud de Konoha, dans de denses contrées du Pays du Feu. Elles étaient denses en bois, en feuilles ainsi qu’en sources. Cette partie reculée du monde jouissait en vérité, d’un sobre confort naturel, que ni les guerres, ni les technologies n’avaient su mettre à mal. Creusé entre les arbres abattus quelques siècles auparavant, quelques hectares de champs sillonnaient les hautes lisières, et permettaient à tous les villageois de vivre de leurs propres récoltes. Sans excès, ni insuffisance. Les femmes puisaient chaque jour l’eau fraiche et pure d’un ruisseau qui prenait sa source un peu plus à l’Ouest, dans un vallon peu peuplé, et circulait en zigzagant entre les maisons du village.

Lorsque sa mère accoucha, la première chose que Nade découvrit du monde fut son sourire. Et c’était un formidable spectacle que de découvrir la joie, cette sensation si heureuse, comme la toute première de toutes les sensations. Il découvrit très vite à quel point celui-ci contrastait avec tous les autres lorsqu’à l’âge de trois ans, celle qui le mit monde se retira de l’autre côté des puissants courants du Styx, laissant l’enfant seul dans les bras de son père et du reste - encore grand - de sa famille. La tristesse apparut alors à Nade comme un fardeau qui rongeait les hommes, et qui le prit rapidement dans ses tenailles. Il s’en débattit, à l’aide de son père, mais rien n’y fit - ni le travail, ni les plaisirs de la vie, ni aucun autre moyen que les Nagashi avaient mis en œuvre pour calmer les pleurs de l’enfant, et d’une bonne partie de la famille - il ne cessa de regarder le ciel comme une méchante cisaille qui coupait de la surface du monde ce qu’il y avait de plus chers aux yeux de tous. Et sa mère représentant ce que Nade avait de plus cher ici.

Un jour, alors que du haut de ses huit ans il soulevait quelques lames que son père avait travaillé toute la journée, un homme étrange pénétra dans sous le préau de bois qui accueillait la forge de la famille. Une chaleur étouffante y régnait, et même devant les vêtements raccourcis aux bras et aux jambes, usés par la température, par le souffle rauque et brûlant des flammes et par la fonte et l’acier des armes qu’ils travaillaient plusieurs heures chaque jour, même devant leur peau brunie et suante, l’étranger ne retira pas le lourd manteau qui recouvrait sa tête d’une capuche de tissu brun et qui tombait sur les épaules qu’il avait puissantes. Nade avait levé la tête et, comme à chaque fois qu’un homme nouveau pénétrait les frontières du village, il le regarda quelques minutes. Il ne fut pas étonné de ne pas le reconnaitre, il passait par chez eux de nombreux marchands qui remportaient dans leur caravane de nombreuses armes, et d’autres produits que les villageois produisaient toute l’année. Son attention se reporta sur son père, qui découvrit la figure cachée par l’ombre de la capuche de l’homme, et comme à son habitude, il épia sa réaction.

[Kogito] - Salut l’ami, je peux faire quelque chose pour toi ?

Nade aurait parié que l’homme sourit à ce moment-là, mais il ne put jamais en être certain.

[Homme] - Probable. J’ai quelque chose qui pourrait vous intéresser.

Sa voix lente et saccadée par une respiration lourde figea Nade, qui posa le marteau que sa main droite soulevait sur le plan de travail. Intéressé, il scruta les deux hommes, et avec curiosité, il imagina toute sorte de plans tordus, d’objets d’une rareté impossible ou d’une qualité extraordinaire. L’homme s’avança vers le forgeron musculeux, aux bras noueux et aux joues rougies par la chaleur, et plongea la main dans l’intérieur de son grand manteau brun. Il en ressorti un papier froissé et régulièrement déchiré. Brusquement, il l’ouvrit et le posa sur la table. Sa main se retira, laissant apparaitre un dessin grossier que l’humidité avait déformé.

[Kogito] - Je ne fais pas ces machins-là, lui avait-il rétorqué, soudainement froid et distant.

L’homme sourit sous sa grande capuche. D’ailleurs, seules ses deux lèvres étaient visibles, ainsi que le bout de son nez - qu’il portait aquilin. Le plissement de ses lèvres découvrit quelques dents jaunes et mal ordonnées, qui se battaient pour un brin de place dans la bouche tarie de l’homme. Son autre main posa une lourde sacoche qui, rien qu’au son qu’elle produisit lorsqu’elle toucha le bois, était remplie de pièces. Kogito recula toutefois d’un petit pas et regarda l’étranger avec cette même appréhension dans les yeux.

[Kogito] - Il me faudrait des semaines pour réaliser ça. Et je ne suis pas sûr d’en être capable…

[Homme] - Kogito Nagashi… Il marqua une pause solennelle. L’homme savait déjà son nom, et il l’appelait, comme on appelle un démon. Ou un héros. Je ne t’ai pas choisi par hasard. D’ailleurs, je ne choisis jamais personne par hasard. J’ai besoin que tu réalises ceci pour moi, quelque soit le prix que j’aurais à payer, quelque soit le temps que j’aurais à attendre - j’attendrais.

Nade interrogea Kogito du regard, mais celui-ci ne le regardait pas. Plongé dans ses pensées, le forgeron réfléchissait, sans qu’il ne trouve ce pourquoi il y avait matière à réfléchir. Quel que soit ce que le dessin représentait, l’enfant savait pertinemment qu’avec un bon métal, une bonne forge, et des mains concentrées et reposées, son père pouvait créer toute sorte d’arme, des plus simplistes aux plus complexes. Des plus bourrues, au plus belles. Toutefois Kogito resta sombre quelques minutes. Il savait lui aussi. Il avait menti, mais c’était pour leur bien. Il se tourna finalement vers son fils qui le scrutait de ses deux yeux ronds. Tu ne comprends pas, lui susurrait-il tout bas. Tu ne comprends pas ce que tout cela signifie, mais qu’importe.

Ses mains moites s’emparèrent des deux bourses et les déposèrent mollement sur son épaule.

[Homme] - Je t’en apporterais d’autres plus tard. Kogito s’arrêta soudainement. Tu en auras besoin, ajouta-t-il avec un faux sourire dénué d’émotions.

Sinon d’un peu d’inconscience.


¤¤¤



L’homme s’était retiré. Kogito ne l’avait pas lâché du regard, le poursuivant jusque dans les derniers recoins de la ruelle sur laquelle la forge et la maison de Kogito Nagashi s’était greffée. Lorsqu’il disparut, il resta toutefois là, debout, les deux bourses pleines de pièces sur l’épaules, comme préférant attendre encore un peu afin d’être certain qu’il soit bien parti. Il avait soupiré, puis il avait rangé l’argent dans un de ses vieux placards de bois dont Nade ne savait jamais vraiment s’il lui tomberait dessus ou non à chaque fois qu’il l’approchait d’un peu trop près.

Kogito n’avait pas chômé. Délaissant chacune de ses occupations habituelles, il s’était attelé à réaliser ce que l’étranger lui avait demandé. Ce qu’il lui avait déjà payé. Il avait également écarté son propre fils de la réalisation de l’arme en question, et logiquement, l’avait laissé combler les rares préoccupations d’aussi rares voyageurs. Nade profitait souvent de la nuit pour sortir discrètement de son lit et filer vers la forge aux pieds de leur maison. Là il épiait son père qui trempait le fer dans le liquide en fusion, et qui le frappait avec plus de vigueur chaque fois. Parfois il y passait toute une nuit. D’autre fois, il ne s’arrêtait pas le lendemain matin, et c’était seul que Nade se retrouva dans le village où il naquit. Aucun membre de la famille ne sut de quoi il fut question, mais personne ne posa vraiment de question. Dans les contrées refoulées du Pays du Feu, un pays en paix, certes, mais assez loin de Konoha pour faire l’objet de pression, si pression il était nécessaire de faire ; dans ces contrées-là on avait appris à se taire, à regarder du coin de l’œil sans en demander plus qu’il n’en fallait pour combler un brin de curiosité.

Avec une certaine forme de sagesse, le grand-père de Nade lui avait expliqué qu’on ne s’interroge jamais sur l’origine de l’argent, ni sur sa destination. On le prend, et on se tait. Mais Nade ne se fit jamais de raison, et à mesure qu’il épiait les mouvements réguliers de son père qui frappait la lame, sa curiosité grandissait. A l’égard de l’arme qu’il forgeait, tout comme à propos de cet homme qui sortait de nulle part et qui pouvait changer un an de la vie d’un homme. Un an, c’est énorme, pensa-t-il, reculé dans un coin de sa chambre.

Trois mois passèrent sans que rien ne dérange le village et ses habitants, autrement que par les coups répétés de Kogito. Des coups qui n’en finissaient plus de s’abattre. Trois mois passèrent sans que Nade ne prennent de décision, sinon celles de suivre le conseil de son ancien, et de se taire. Le premier matin du quatrième mois, il se leva avec l’envie pressante d’en savoir un peu plus. Une envie qui s’était rapidement transformée en un besoin qu’il ne pouvait contrôler. Il descendit donc de sa chambre et traversa silencieusement la maison. Puis sortit.

Comme partout dans le Pays du Feu - et dans le monde peut-être bien -, chaque village possédait son auberge. Hôtel pour les voyageurs tardifs ou retardés, simple restaurant pour les passants qui se retiraient vers les littoraux du sud, ou vers les terres forestières enclavées du nord. Nade fila droit, certain d’y trouver l’étranger. Lorsqu’il passa les portes du grand bâtiment de bois, le soleil était à peine levé et dans l’auberge il régnait encore cette ambiance austère qu’on s’attèle à apprécier simplement le soir, lorsque le feu est allumé et que l’alcool coule à flot. Il inclina poliment la tête à l’homme qui nettoyait frénétiquement son comptoir et qui lui répondit par un bref sourire amical, puis se releva. Droit devant les deux portes battantes de l’entrée, il pivota sur lui-même afin de chercher son homme.

[Homme] - Salut gamin. Assied-toi, je t’en prie.

Surpris, Isei se retourna et fit face à la même voix criarde qui avaient surpris son père et lui au beau milieu de l’après-midi. L’homme était assis au fond de l’auberge, deux bougies éclairant son grand manteau brun dans l’obscurité de la taverne. Doucement, Nade s’avança et sur son invitation, poussa le banc de bois massif et s’y assit.

[Nade] - Vous m’attendiez ?

Il parut sourire, mais peut-être grimaçait-il.

[Homme] - En quelque sorte, oui. Je me demandais combien de temps le petit Nade Nagashi mettrait-il avant de réagir devant tant de secrets et tant d’argent. Mais l’argent ne t’intéresse pas, pas vrai ?

Nade répondit d’un non de la tête. La surprise de voir son nom dans la bouche de l’homme l’effraya un peu plus. Le physique de l’étranger lui cédait déjà cette aura mystérieuse et sobrement sale qui ne le rendrait jamais charismatique. Mais soudainement, Nade eut envie de crier, de pleurer, et de partir en courant. Loin, très loin, là où aucun œil mauvais ne pourrait se poser sur lui, là où aucune bouche puante ne pourrait susurrer son nom sans qu’il ne l’ait jamais donné.

[Nade] - Comment connaissez-vous mon nom ?

[Homme] - Il y a beaucoup de choses que je n’ignore pas. Toutes ne sont pas utiles, mais comme à chaque fois que je traverse le monde, j’aime savoir où je mets les pieds. Je ne donne pas ma confiance à n’importe qui.

Nade se mordit la lèvre inférieur jusqu’au sang, mais avala rapidement le liquide rouge de sorte que personne ne s’en rende compte. L’homme sourit, comme s’il lisait son esprit comme un vulgaire livre pour enfant.

[Homme] - Je n’aurais pas donné ordre à ton père si je ne le savais pas capable de faire ainsi. Mais c’est un excellent forgeron, et j’ai besoin de son talent. Il s’arrêta quelques secondes et leva lentement la large tasse jusqu’à sa bouche. Lorsqu’il la redescendit, une mousse jaune s’était attachée à sa barbe noire. Il la retira du dos de la main, indélicat. Mais tout ceci est un secret entre lui et moi, et un garçon comme toi n’est pas en âge de porter un poids si lourd sur ses frêles épaules.

Nade soupira mielleusement, mais ne répondit pas sur le moment. Ses pensées le trompaient et son visage se morfondait à mesure que chacune des émotions qui peuplaient son âme se décomposaient lentement, comme un vieux film dont on noterait les chapitres en gros avant chaque scène. Le sourire décomposé qui dévoilait les dents jaunies et noircies par le temps de l’homme l’arrêta net. Une nouvelle fois, la sensation d’être lu, parcouru, transpercé par le regard de l’homme caché sous lourde capuche l’impressionna et l’effraya encore. L’étranger vida d’un trait sa pinte et se leva, tout en étirant son vieux corps tassé par l’âge.

[Homme] - Je dois te laisser Nagashi-kun. J’ai à faire.

[Nade] - Vous partez ?

[Homme] - Il se pourrait bien. Je reviendrais bien assez vite, il ne faudra pas t’inquiéter pour cela.

Son rire glacial traversa la pièce et même le tavernier se décida enfin à tourner la tête vers son client. La règle d’or de toute bonne auberge était de rester silencieuse, aveugle et sourde à tous les secrets et les potins qui circulaient en son sein. L’homme reposa la main sur son comptoir, et se remit à frotter frénétiquement. Nade resta assis, et l’observa, pris d’une étrange et soudaine sérénité.

[Nade] - Vous n’avais jamais dit votre nom. Vous n’en avez pas ?

Il rit, une autre fois. Puis avança jusqu’à la porte d’entrée encore close, et posa sa lourde main dessus. Toute sa tunique se déplia et bougea d’un même tenant, comme le corps engourdi d’un vulgaire ver de terre.

[Homme] - C’est peut-être bien ça, oui. Mais la prochaine fois que tu me verras, Nagashi-kun, appelle-moi Asaki, et je me retournerais.
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