Il y avait des fleurs blanches cette année. Elles ne pouvaient éclore que rarement, bien souvent l’hiver avait été trop rigoureux et elles avaient gelé quelques jours de trop. Mais cette année elles étaient bien présentes. Elles saluaient leur passage.
Ils étaient vingt-deux. Akogare comptait une amie à lui, la seule qui puisse lui venir en aide dans une telle situation. Celle qui les sauverait. Si elle arrivait à temps. Ils prenaient leur temps. Marchaient le long du sinueux chemin qui les menait aux abords du Pays de l’Herbe. Kanda… il avait vu sa photo. Affichée sur le Bingo Book de Konoha. Prime record. Elle dépassait les cent milles. Kanda n’était pas responsable de milliers de morts. Oh, il en avait tué quelques uns bien sûr, mais ce n’était pas la raison de cette somme monstrueuse.
Kanda était juste trop puissant pour avoir le droit de vivre.
Ils s’étaient arrêtés pour la nuit. Une équipe montait toute sorte de pièges autour du campement. Akogare se sentait de plus en plus seul. Si loin, si loin ! Il chutait dans un puits sans fond connu, les yeux bandés et les bras attachés. Le saut de l’ange, mais privé d’ailes. Ten était assise à ses côtes, le menton sur les genoux. Akogare lui passa le bras autour des épaules et la serra contre lui. C’était un geste commun, ils avaient l’habitude de se toucher, mais aujourd’hui la signification était différente.
Akogare observait les visages autour de lui. Il les connaissait presque tous. Jineryo était assis à l’écart, contre un arbre, les paupières closes. Kisuke montait la garde. Kisuke était un être assez extraordinaire, un Oi-Nin également. Très puissant, il avait obtenu une affectation spéciale pour cette mission. Il ferait partie de l’équipe d’Akogare avec Ten, et à eux trois ils devaient vaincre Kanda.
La blague.
[Ten] –
Tu penses que Konoha essaye de faire d’une pierre deux coups. Éliminer Kanda et… t’éliminer toi ?[Akogare] –
J’y ai songé, oui. C’est une possibilité.***
Kanda ne fut pas même surpris. Il s’attendait à cette attaque. C’était un classique des Hyuuga. Mais il n’avait pas même pris la peine de se préserver de l’attaque. Avec son katana, il avait arrêté une bonne partie des coups, et les quelques uns qui l’avaient touché ne suffiraient pas à le gêner.
[Kanda] –
Pourquoi toi ?C’était la question à quelque centaine de milliers de ryos.
***
Akogare était à terre. Il saignait abondamment, son torse était lacéré, sa cuisse transpercée et son œil aveugle à cause du sang qui ruisselait dessus. Le vacarme alentour était toujours plus assourdissant. Akogare percevait chaque voix autour de lui. Les grognements de Jineryo, les sons plaintifs de Ten, l’agonie d’Anabi.
Kanda avait sa lame contre la gorge du Hyuuga. Il le fixait de haut, fier, mais sans aucune lueur dans les yeux. Deux reflets. Il faisait nuit, et le monde se résumait à une lame sur la gorge et des morts chéris.
Au moment où le shinobi ennemi allait frapper, Akogare contrattaqua. Genou droit, puis un bond fulgurant. Il heurta la tête de l’ennemi, et heurta de toutes ses forces sa poitrine. Kanda recule de six pas, la main posée sur l’abdomen. Avant qu’il ne puisse reprendre son souffle, Akogare l’enchaîna. Il réunissait ses dernières forces, il y mettait toute la rage qu’il pouvait encore rassembler. Ten était à terre. Il absorbait la mort de ses camarades, et y mettait tout ce qu’il aimait dans ses coups. Kanda peinait, Kanda reculait. Du chakra bleu quittait les paumes d’Akogare a chacun des mouvements qu’il entreprenait, son Byakugan grand ouvert surveillait les alentours. Tenshi murmurait les coups à son oreille ; il obéissait.
La lame de Kanda lui traversa le ventre.
L’ennemi la retira d’un geste sec, puis envoya une dernière fois son arme contre la gorge du Hyuuga. Le coup de grâce pour un homme vacillant. Un éclat, et encore un peu de sang. Akogare sourit en tombant à genoux.
Hasu était arrivée, son katana contre celui de Kanda.
***
[Akogare] –
Cela me paraît toujours si étrange que Tael soit morte...Hasu était confortablement assise sur son lit. Elle ne portait pas son arme. Ses yeux bleus posés par terre, elle demeurait parfaitement immobile.
[Hasu] –
Tael t’aimait beaucoup.Akogare ne répondit rien. Il se servit un nouveau verre et le descendit d’une traite. Il se souvenait de la lettre qu’elle lui avait écrite. De chacun des mots qui la composait.
[Hasu] –
Parfois, je me demande si elle n’est pas vivante, quelque part. Mais c’est idiot.Elle sourit, et dégagea son front des mèches blondes qui l’assaillaient. Elle se redressa et se dégourdit les bras. Elle tendit à Akogare un bout de papier.
[Hasu] –
Si un jour tu as besoin de moi, écris-moi à cette adresse. Je ne te garanti pas de pouvoir répondre rapidement, alors soit le plus spécifique possible. Tu peux me demander n’importe quoi.***
[Kanda] –
La Sœur ?[Hasu] –
Ne lève pas la main sur cet enfant, Kanda. C'est mon protégé.Kanda recula d’un pas. Le combat recommençait pour lui. Hasu se mit également en position, une garde complètement nue, comme un piège béant qui invitait l’ennemi à approcher. Kanda releva l’invitation.
Akogare tourna la tête sur le côté. Les silhouettes grises, leurs ennemis, étaient en nombre réduit. Elles avaient subi de lourdes pertes. Le Hyuuga avait des vertiges, mais il se redressa et tituba jusqu’à Ten. D’un revers de la manche, il épongea le sang qui maculait son visage. Il ferma les yeux sur les trop nombreux visages figés par la douleur, les masques fracassés et les lames tachées. Akogare s’effondra aux côtés de la jeune femme, et porta sa main à son cou. Elle respirait. Sa peau était si fraiche, malgré la sueur !
[Ten] –
Tu… as… ga.. gné ?Elle sourit puis sombra dans l’inconscience.
[Akogare] –
J’ai échoué Ten. Nous sommes tous morts.Hasu était d’un niveau équivalent à Kanda. Celui-ci usait de tout l’art ninja qu’il connaissait, il enchaînait les techniques dévastatrices, mais son adversaire était toujours dressé face à lui, la pointe de son arme pointée vers lui. Il était blessé.
Elle était supérieure.
Hasu avait gagné. Le passé d’Akogare aussi.
***
Konoha avait bien été attaqué. Mais à peine. La plupart des habitants ne s’en rendirent même pas compte, et le bruit fut étouffé. Celui-là, du moins. Car de l’expédition menée par Akogare, il était impossible de dissimuler la vérité. La mort d’un shinobi était tragique. La mort de quatorze d’entre eux davantage encore.
Hasu avait très grièvement blessé Kanda. Pour une raison quelconque, elle ne l’avait pas achevé. Il était reparti quand Akogare s’était réveillé. La femme, sa sauveuse, était près de lui à le veiller. Elle était allée chercher du secours dans le Village Caché de l’Herbe, une équipe de médecin avait organisé toute une série de rituels pour sauver les cas les plus désespérés. Ils avaient fait des miracles. Sans eux, les survivants auraient été divisés par deux ou trois.
Jineryo était mort. Kisuke aussi. Et Anabi, et Uraga, et Heriberu.
Ils avaient lentement repris le chemin vers Konoha. Akogare se tenait sur une béquille de bois, et Ten s’appuyait contre lui. Elle avait plusieurs muscles qui ne répondaient plus. Hasu les accompagna jusqu’à ce qu’ils tombent sur une escouade de Konoha envoyée à leur secours. Elle repartit ensuite, sans faire de bruit, et ils savaient tous qu’ils devaient leur vie à cette femme au katana violet.
***
La cérémonie allait commencer. Akogare était confiné à sa chambre d’hôpital. Il avait subi des dommages plus importants qu’il ne l’aurait pensé. Une aile entière de l’hôpital était dédiée aux « héros de Konoha », comme on les avait bien hâtivement nommés.
Akogare avait fait son rapport à Keira. Il lui avait dit qu’ils avaient échoué. Que c’était Hasu, son amie (dont il tût le nom), qui les avait sauvé. Quelques uns des membres de l’expédition avaient reconnu Hasu. Elle était célèbre. Les Trois Sœurs étaient des criminelles reconnues, que Tael avait éliminé. Mais ils turent tous son nom.
Hasu était recherchée par Konoha. Pour les mêmes raisons que Kanda, sans doute.
[Keira] –
Konoha a besoin de héros. Désolée que ce soit tombé sur vous. Venez à la cérémonie.[Akogare] –
Je ne suis pas une pancarte, Keira.Au cimetière, les gens les regardaient. Ils n'étaient pas tous là. Certains, trop blessés, voire inconscients, reposaient à l'hôpital. Akogare se tenait bien droit, les yeux baissés. Ten était à ses côtés. Il se sentait bien. Il savait que cela n'avait servi à rien, cette bataille. Il savait les buts de Kakumei - l'intimidation, ils passaient désormais à un autre cran. Plus de retour en arrière, même pour Akogare. Parce que désormais, il était l'animal blessé dont les griffes s'étaient prises dans les chairs de l'ennemi.