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| [Yuki no Kuni] - Sans visage | |
| | Sujet: [Yuki no Kuni] - Sans visage Jeu 26 Aoû - 0:31 | |
| Chapitre 1 - Rencontre : Quand les ombres sont libres de corps - Entre Sho Nagoshi et Aishuu Satsubatsu -
[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image] Il y avait une sorte de féérie agressive qui régnait en harmonie avec la sérénité cérémoniale du silence mêlée à la prestance du froid. C'était une relation malsaine qu'entretenait la beauté et le danger, sur un fond blanc de pureté ironique. Le paysage, baigné de lumière, cachait pourtant de sombres vérités dans sa poudreuse. Dans la perfection rectiligne de la neige déposée tendrement sur le sol à épaisseur égale à chaque endroit et les verticales de glace qui formaient des colonnes translucides, se dessinaient des traces de pas, sans prévenir de l'endroit où serait la prochaine. L'avancée se lisait en travers la page blanche qui se laissait salir sans se questionner sur l'origine même de la tache... Il n'y avait pas grand chose de visible, si ce n'est une silhouette noire, allongée sur le sol, qui s'écrasait lourdement dans le sucre glace. Irréellement, l'immatériel marquait son passage dans le sol frêle... C'était comme si un soupir venait se graver dans la roche...
Et il y avait ce silence, parfois explosé par les cris déchirants du vent, et les sons cristallins des stalactites qui s'extasiaient de plaisir lorsque les sylphes soufflaient sur leurs flancs. Le décor était aussi simpliste qu'une feuille encore vierge, qui n'aurait pu que jouir du plaisir d'être ajouré par endroit afin de découvrir la sensation de n'être qu'un avec la lumière. Il n'y avait pas à s'extasier devant une telle masse concentrée, tant la vue de cette blancheur était douloureuse pour la rétine. Aishuu plissait les yeux pour les préserver de l'agression lumineux dont ils étaient là proie... Elle prenait soin de poser ses pieds aux bons endroits, et elle surveillait tout autour d'elle... Au-delà de ce tapis de pureté illusoire se cachait les risques plus périlleux, les tempêtes et les avalanches étaient sans doute ce dont la jeune femme craignait le plus de constater de ses propres yeux. Cependant, alors que la saltimbanque s'était approchée du pays hivernal, elle avait plusieurs fois succombée au délice visuel plus qu'à celle de se maintenir en vie, et avait souvent eut le malheur de prendre appuie sur une couche fine de glace, sous la neige, qui avait rompu sous son poids. Jusqu'à présent, elle avait évité les trop grosses mauvaises surprises, mais elle touchait du bois...
Le vent semblait se fâcher avec la montagne sur qui il se heurtait avec violence. La lumière se reflétant sur le manteau poudreux, cela embellissait la scène de traits célestes et d'écart de poussière pailletées, cependant Aishuu commençait à sentir la menace poindre son nez dans son périple. Le combat se corsait, comme si l'invisible cherchait à prouver sa présence en écrasant le symbole le plus connu de force et de longévité. C'était une atteinte même aux croyances humaines, prouver qu'il n'y avait pas à voir que dans le perceptible, mais qu'au delà de l'incolore, de l'inodore, il y avaient une couleur et une senteur encore plus fortes et encore plus prenantes au cœur que tout ce que les yeux pouvaient faire croire. Mais la femme de givre pouvait sentir la caresse fraiche d'un frisson la parcourir, la chair de poule s'installa par petits soupçons pincés... Un mauvais pressentiment l'envahit... Et il n'y avait pas de bois à portée.
Elle ne savait absolument pas pourquoi elle avait décidé de venir jusque dans cette contrée où la moindre exclamation trop aiguë devenait une menace d'ensevelissement, ou avait la possibilité de décrocher des pieux pointus accrochés à la voute que la surplomberait... Aishuu soupira, ce qui s'illustra par un petit nuage de buée fine qui s'évaporait comme les vapeurs d'une envie charnelle... Au dessus d'elle continuait de se heurter les épées des deux camps. Cette fois, elle savait qu'il allait se passer quelque chose : il ne lui restait plus qu'à parier sur un camp ou l'autre... Serait-ce l'irrévocable avalanche, ou aurait-elle droit à la tempête de neige ? Et elle restait optimiste, car l'idée que les deux phénomènes se produisent n'osa pas lui traverser l'esprit. La fantôme s'approchait de la montagne, et avait repéré une magnifique arcade créée par la glace, et dont les couleurs semblaient variées dans des camaïeux très tendres. Pour elle, la fascination était mariée à la mort, et ce couloir, aussi somptueux était-elle, était pour elle une chambre funéraire... Mais où allait-elle ?
Un craquement brut et sourd retentit, et de cause à effet, ce son si fort se répercuta sur chaque parcelle neigeuse de la montagne. Aishuu tourna la tête, paniquée, vers le sommet et pu malheureusement apercevoir des projections de neige et de roche... Un soupir, bref, mais plein de désespoir s'immisça entre ses lèvres légèrement violacées par le froid... Il ne suffirait que de quelques minutes pour que la vallée soit étouffée sous le volume qui se lançait à toute hâte sur ses courbes. La Satsubatsu relança son attention sur le couloir creusé dans la montagne-même. Il n'y avait qu'ici qu'elle échapperait au ravage des éléments, et à la victoire du vent. Elle ne se posa pas plus de question, car le temps lui était compté, et avec la neige qui était un frein à la vitesse, c'était tenté ou se laisser recouvrir. La jeune femme se précipita dans le palais de glace aux allures de cercueil.
A peine eut-elle le temps de se rendre compte qu'elle était arrivée à bon port, que le peu de joie qu'elle aurait pu avoir s'estompa avant même d'éclore... L'arche avait été totalement recouverte de neige, laisse Aishuu seule au milieu d'une galerie sous la couche de neige tombée et le glacier. Les parois autour d'elle reflétaient le peu de couleur qu'elle portait sur elle. Les murs et les colonnes déformaient sa silhouette féminine, l'élargissant, la tassant, selon le gabarit de ce qu'elle prenait pour miroir. Ce milieu aqueux lui paraissait bien plus hostile qu'une mer agitée. Elle se sentait aussi libre que l'eau dans un verre. Heureusement qu'elle n'était pas claustrophobe...
Néanmoins, personne ne pouvait renier la subtilité du décor, mêlant une poésie certaine à une vision d'ailleurs magique. C'était un autre univers que celui de la glace, un univers qui rappelle vite les plaisirs de la rose cueillie... Les reflets créaient une multitude de fil de lumière, dont la source attisait la curiosité de la jeune femme. C'était comme dans un moucharabieh. Un univers qu'elle ne pouvait pas partager, et qui aurait sans doute le dernier mot sur elle.
Toujours soupirante, Aishuu était bien décidée à s'exploser les yeux sur les milles beautés avant de mourir, plutôt que d'attendre statiquement que le froid l'immortalise. Ce qui était tout aussi magique que ce lieu et cette malchance dont seule une Satsubatsu pouvait prétendre, c'était que son visage ne traduisait pas la moindre angoisse, pas la moindre réticence. Assez sage, bien qu'elle ne le paraisse pas tout le temps, elle était résignée et acceptée l'inacceptable. Cela lui donnait un aspect encore plus fantomatique. Ce voile d'indifférence lui donnait vraiment l'air de quelqu'un de mort, quelqu'un qui n'avait rien à perdre.
Parcourant le couloir, elle remarqua qu'un tunnel s'étendait au milieu même du glacier. Une lumière presque divine éclairait la glace, sans qu'il n'y ait d'explication à cette présence. Aishuu s'enfonça alors, sans prendre de repère, dans ce qui s'avérait être un véritable labyrinthe d'eau et de froid, creusé à même les forces de la nature.
[Aishuu] : "Parcourir les déserts, les mers, pour disparaître congelée... Mon Destin est d'un humour noir..."
Seule, elle déambulait dans les allées, sans réfléchir, puisqu'à ses yeux, il n'y avait plus de raison à se faire. La jeune femme avançait, les doigts glissant sur la glace ruisselante de gouttelettes. Et elle souriait...
[Aishuu] : "Même la maladie n'aura pas eu foi de moi !"
Un rire ne pu se laisser étouffer, sûrement parce qu'il était plus nerveux que du à l'effervescence de la joie en ce moment. Aishuu pensait qu'il s'agissait vraiment d'un humour noir attristant dont elle ne pouvait jugé puisque c'était au delà du divin. Elle le prenait alors comme tel... Toutes les portes qu'elle empruntait étaient similaires à la voisine, et comme tout dédale, elle ne savait même pas s'il y avait une sortie autre que l'entrée qu'elle avait parcouru.
[Aishuu] : "Au point où j'en suis..."
La jeune femme s'arrêta net au pieds d'une immense colonnade givrée derrière laquelle elle se cacha des regards fictifs. Dans un ultime geste de désarroi camouflé, elle plongea sa main rechercher un instrument tout particulier. La flûte qu'elle attrapa avec délicatesse du bout des doigts était sculptée comme une véritable oeuvre d'art, et elle jouait d'un son unique qui devait résider dans le secret de son bois vernis.
Elle apporta le bec à l'orée de ses lèvres légèrement givrées et se laissa vaquer à la tentation perfide de jouer dans cette immense caisse de résonnance. Qui cela allait-il encombrer ?
L'objet vaquant à la bordure de ses lèvres frissonna de tendresse dès lors où elle souffla ses premières notes. Il y avait une sonorité étrange qui s'échappait du tube de bois. Les pendentifs de glace vibraient le temps que la note mourait pour changer à la suivante. De cette manière, le décor lui-même s'afférait à la mélopée, amenant une certaine vie dans cette immobilité pantomime. Les yeux fermaient, on ne voyait plus de la jeune musicienne que son ombre noire au milieu du couloir, tant sa blancheur se mêlait au fond. La mélodie trahissait une mélancolie et un regret certain pour tout ce qui avait bien pu se produire. C'était à la fois doux et attrayant, mais quelque chose ne permettait pas de se projeter dans la musique. Cette sorte d'ode funéraire coupait l'envie de vaquer au plaisir de la musique.
Aishuu cherchait simplement le dernier réconfort de l'art qui l'avait rendu vivante...
Dernière édition par Shiro Kage le Ven 22 Oct - 14:48, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: [Yuki no Kuni] - Sans visage Jeu 26 Aoû - 15:32 | |
| ║ Chapitre 55 - Sans visage ║ Une étincelle au milieu de la neige c'est tout ce qu'il avait fallu à Sho pour trouver un peu de chaleur.
Sa pipe crachait une fumée grisâtre qui se tortillait sur peut-être deux ou trois centimètres de hauteur avant de se dissiper, happée par le vent. Les conditions étaient épouvantables. Le vent soufflait avec force, entraînant avec lui les grappes de neige jugées trop fragiles. L'humidité des lieux combinée aux températures négatives ne laissaient que peu d'hypothèses à une peau trop exposée. Et quant à la visibilité, elle était quasi nulle.
Il n'y avait aucun espoir dans ces montagnes, voir aucune échappatoire pour qui ne les connaissaient pas.
Sho les connaissait par cœur depuis qu'une mission de sauvetage l'avait amené à les arpenter. Elles ressemblaient en bien des aspects aux grandes montagnes du pays de la foudre – en plus enneigées. Imposantes, elles se distinguaient notamment par le peu de prises que pouvaient offrir leurs versants et le manque de chemins praticables pour les traverser. Yuki disposait d'un nombre important de chaînes montagneuses de ce type pour prévenir toutes les attaques dirigées contre le pays ou son village caché. Il n'était d'ailleurs pas rare d'y croiser une patrouille ou des éclaireurs isolés portant le bandeau aux quatre points.
L'eisei avait pris place sur une toute petite crête nichée au contact de deux versants. Le voile blanc qui soufflait dans toutes les directions l'empêchait de voir au-delà de sept ou huit mètres mais il savait qu'à sa gauche s'élevait un pic et légèrement en retrait sur sa droite, le second plus haut sommet de la chaîne. Assis sur une protubérance rocheuse, emmitouflé dans un lourd manteau laineux, il ne s'importait pas le moins du monde des conditions auxquels il était confronté. Il savait par expérience que la tempête passerait sans le menacer directement. La seule réaction que le froid réussissait à engendrer chez lui se résumait à l'apparition de petites rougeurs sur le bout de son nez et le haut de ses pommettes. En somme, rien de bien dangereux.
Un grondement s'éleva depuis les hauteurs qui ensuite se mêla aux chuchotements du vent. Instinctivement, Sho tourna son regard dans la direction du bruit. Pendant une minute, il décolla le bec en bois de ses lèvres. Il fit le silence en lui et il écouta. Le grondement avait fait place à un long soupire qui allait en s'éloignant. Une avalanche. D'après ce qu'il pouvait en déduire en analysant simplement l'origine du bruit, sa portée, et la direction du vent, une avalanche venait d'éclater de l'autre côté du sommet située sur sa droite. Une avalanche particulièrement importante vu le temps que le grondement avait pris à se dissiper.
Ce genre de phénomènes était plutôt habituel à cette époque de l'année. Les montagnes abruptes se défaisaient très souvent de leurs écailles blanches lorsqu'un vent trop important venait les chatouiller. L'humidité jouait également, mais à moindre échelle.
Sho ramena son attention sur la tête de cuivre. Le fourneau de sa pipe continuait de rougeoyer et d'émettre cette fumée légère, presque invisible, caractéristique des meilleures feuilles du pays du thé. Il repoussa le bec en bois vers ses lèvres et il inspira profondément en fermant ses yeux. La touffeur se répandit dans tout son organisme.
Apaisé, il rouvrit ses yeux. Son répit fut de courte durée. Un murmure dissimulé au milieu des tourbillons venteux le poussa à repousser sa capuche en arrière et à tendre l'oreille. A un moment où le vent soufflait avec moins d'insistance, il distingua comme une mélodie. Il crut d'abord rêvé – entendre de la musique dans cet endroit perdu du bout du monde relevait plus du traumatisme pathologique que de la réalité – mais après coup il réalisa qu'il n'y avait aucune erreur d'interprétation sur ce qu'il entendait. Une pulsion de curiosité le poussa à se lever et à tendre de nouveau l'oreille.
Le son était lointain. Il se confondait avec le bruit du vent, s'y perdait même parfois. Impossible de deviner de quoi il était fait exactement. La mélodie était déformée par l'environnement.
La curiosité de Sho se transforma très vite en intrigue. Il ramena la capuche sur sa tête, éteignit sa pipe, bascula le fourreau de son nodachi contre son épaule droite, et se mit en marche. Bravant les intempéries, il finit par mettre la main sur une ouverture creusée en triangle dans la montagne. La mélodie y résonnait avec force malgré les cris du vent à l'entrée. Ce qu'il prit au début pour une simple cavité se révéla être une grotte profonde avec une seconde ouverture dans le fond. Sho n'hésita pas un seul instant. Il s'y engouffra, porté par la mélodie. Il alluma, les unes à la suite des autres, les allumettes dont il se servait habituellement pour allumer sa pipe, apportant un peu de lumière sur sa route. Il lui sembla descendre sur peut-être deux cent mètres à travers une galerie naturelle avant d'atteindre une grande salle où la roche devenait glace.
Le reflet des flammes dessina une myriade de couleurs sur les parois glacés. L'eisei sourit à pareil spectacle mais la mélodie grandissait à mesure qu'il s'enfonçait et son cœur le poussait à continuer. La galerie des glaces s'agrandit, rendant plus complexe son avancé. Plus d'une fois il s'arrêta et rebroussa chemin, croyant tourné en rond. Coup de chance ou pas, il trouva la sortie sous forme d'un long couloir où la glace semblait beaucoup moins épaisse à voir le bleu turquoise de certains pans de murs. Il suivit son chemin sur une centaine de mètres et s'arrêta brusquement.
La musique était là. Devant ses yeux. Réincarnée en femme.
L'eisei la détailla de la tête au pied. Il arrêta ses yeux sur la flûte et resta immobile. Il écouta. Captivé par ce qu'il entendait, il posa son nodachi par terre, ramena sa capuche en arrière, s'ébouriffa les cheveux pour les débarrasser de la neige qui avait malgré tout réussi à s'y accrocher.
L'usage voulait qu'on se présente à une inconnue. Mais un instant il oublia les règles. Il resta planté à quelques mètres de la jeune femme à l'écouter jouer. Rapidement, il fut envahi par une sensation de tristesse inexpliquée. Son visage ne laissa rien transparaître de cette affaire. Au lieu de ça, il abaissa la nuque et fouilla dans ses poches. Il en sortit son avant-dernière allumette, quelques feuilles, et sa pipe qu'il bourra et alluma. Quand la fumée remonta jusqu'à ses narines, il releva la tête et porta un regard neuf sur la femme qui lui faisait face.
Dernière édition par Sho Nagoshi le Ven 3 Sep - 22:51, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: [Yuki no Kuni] - Sans visage Jeu 26 Aoû - 23:42 | |
| Le lieu de silence s'animait paradoxalement de la mélodie funèbre. Il vibrait d'une vie fausse, mais de toute façon, il risquait de bientôt s'en approprier une. C'était assez malsain d'entendre l'agonie musicale d'une inconnue anonyme. Dans la beauté macabre de la glace centenaire, le reflet de la saltimbanque se reflétait dans toute la grotte. Malgré tout, l'air se réchauffait presque : que cela vienne de la mélodie ou du souffle de la jeune femme, cela changeait-il vraiment la poésie ?
Bien qu'Aishuu ne craignait pas le froid, pour la première fois, elle put voir sa peau se colorer. Ses joues furent rehausser d'une tache rouge, et ses lèvres étaient aussi violettes que ses yeux. Son kimono radin en tissus améthyste créer une harmonie totale entre la jeune femme et le dôme glacée. Son visage était serein malgré la gravité de sa situation, car elle cherchait un ultime refuge plutôt que de noyer son visage de larmes... Il y avait bien une quinzaine d'années qu'elle n'avait plus pleuré. Jusqu'à présent, elle avait toujours trouvé un réconfort, et un soutient constant dans les notes de sa petite flûte. Poupée de porcelaine au masque peint, il était difficile de trouver quel était le visage qui se trouvait sous ce masque déjà façonné dès la naissance.
Sa main glissa lentement des embouchures de la flûte, tandis que le bec de l'objet quitté sa fine bouche. Peu à peu, le calme et le mutisme reprirent leurs quartiers désertés. Son regard restait clos, comme pour savourer cet instant solennel. Elle laissa sa langue parcourir ses lèvres avec sensualité, car le froid les attaquait. Glissant sa main dans ses cheveux d'argent, elle soupira lentement, penchant ensuite la tête vers l'arrière.
[Aishuu] : "Et le papillon s'est rompu les ailes..."
Les effluves d'un parfum qui lui semblaient connu vint caresser ses narines. Du moins, elle en reconnaissait une partie, mais ce mélange lui était tout nouveau. Les sens en alerte, elle savourait cette senteur qui lui était familière...
[Aishuu] : "Tiens, les arômes de Cha no Kuni, lors de la cérémonie du thé..."- Pensa-t-elle tout fort, puisque dans une telle situation, elle ne s'attendait pas à être écouter de quelqu'un d'autre qu'elle.
Un sourire neuf se dessina sur son ovale, apportant une lumière supplémentaire à cette mystérieuse embouchure glacée. C'était pour elle une véritable réminiscence, comme un lointain souvenir qui venait dire au revoir à sa demoiselle. Aishuu se revoyait lors de la célébration spirituelle du thé, à laquelle elle assistait chaque année. Même s'il lui fallait traverser le monde, elle le faisait, rien que pour le plaisir de se délecter de ce parfum si rare.
La saltimbanque s'évadait, pensant que son passé cherchait à lui rendre la chose moins difficile. Elle prenait même beaucoup de plaisir à revivre de tels instants. Il y avait une sorte de douceur aigre qui devint plus piquante, lorsqu'elle avala une grande bouffée d'air. Son sourire s'estompa momentanément, car la curiosité l'appela à la raison... Avait-elle si bonne mémoire pour retranscrire jusqu'à la moindre parcelle de ce témoin olfactif ? Son rictus de plaisir s'estompa un instant sur son visage de craie, et elle ouvrit les yeux.
Elle n'était pas seule.
Il se tenait là une personne, la pipe à la bordure des lèvres, qui la regardait avec une sorte d'intrigue non voilée. Sans dire un mot, elle balaya le corps de l'homme de haut en bas, observant les petits détails pouvant la renseigner. La vue du nodachi lui était ambiguë : devait-elle être rassurée ou apeurée ? Jusqu'à présent, bien qu'elle eut énormément voyagée, elle avait toujours pris soin de ne pas se retrouver nez-à-nez, et en tête-tête, avec un militaire. D'autant plus qu'il lui semblait que Yuki se faisait discret ces temps-ci. Aishuu ne disait rien. Elle inclina simplement la tête sur le côté, et cessa cette attitude mélancolique résignée, d'un coup, comme si pour elle tout n'était que masque. Ses yeux d'améthystes s'étaient posés sur ses yeux captivés, échangeant un long discours muet. Les regards ont toujours été connu pour leur capacité à se faire comprendre.
[Aishuu] : "C'était une pointe trop tragique, je trouve, ce genre de scène !"
Elle posa sa main sur le sol claire pour se relever, ce qui engourdit le bout de ses doigts. La femme des neiges se présentant, à taille égale, s'inclina poliment face à l'inconnu resté effacé. Son corps pâle n'était pas très vêtue, ni très chaudement, elle aurait même pu trouver à s'habiller ainsi dans le village de Suna. Cependant, mis appart sa peau qui s'était colorée sans lui demander la permission, elle ne semblait pas avoir froid. Son épiderme restait lisse, sans être parasité par les textures irrégulières de la chair de poule. Son enveloppe restait droite, sans une vibration, sans un soupçon de mouvement, elle ne grelotait pas. Plus étonnant, l'air qu'elle expirait restait incolore, ne laissant pas apparaitre la fine buée qui ne s'abandonnait souplement. Comme si elle était froide à l'intérieur et que l'écart de température n'était pas si élevé. Pourtant, en aucun cas elle ne vivait dans ce pays, sans quoi, elle aurait su éviter ce genre de situation désagréable.
La vagabonde se fondait plus ou moins dans le décor, certes, pas autant que dans la neige, mais il y avait quelque chose qui la rendait différent dans les milieux où l'eau régnait, sous une forme ou une autre. La jeune femme ne semblait pas matériel... Comme une statue de glace, tout ce qui la rendait vivante, c'était l'expression de son visage, et la constance de ses yeux améthystes qui cherchaient à lire entre les lignes. Elle se mordit subtilement la lèvre inférieure, la pinçant, en songeant au dénouement possible.
Son index glissa sur cette partie de sa bouche, qui s'illumina lentement d'un sourire... Aishuu écoutait ce silence avec autant de goût que la musique. Le vent soufflait de plus belle, puisqu'il devenait audible depuis l'intérieur du glacier. Les éléments se déchiraient avec un rage et une ferveur hors du commun. C'était une guerre violente dont elle ne comprenait ni le fondement, ni l'intérêt.
[Aishuu] : "C'est rare que je donne de si piètre représentation. Il faudra que je me fasse pardonner."
La jeune femme s'avança sur la pointe des pieds dans une démarche digne d'un bouffon de la Cour royale, agitant ses cheveux d'argent dans tous les sens. Faisant sa plus belle révérence, tout droit sortie de l'antre du spectacle, elle se plaça à proximité de celui qui semblait rester de marbre.
[Aishuu] : " Je me présente, puisque chaque numéro doit s'annoncer humblement mais de manière triomphante. Je suis l'Ombre Blanche de la scène, Shiro Kage, saltimbanque isolée qui vit du peu qu'elle gagne." Le Rayon de Lune tourna ensuite autour de l'homme qui se tenait là, armé mais sans tenir sa garde. Curieuse, elle cherchait quelques réponses. Elle en oubliait presque ce qui s'était passé plus tôt, l'avalanche et l'emprisonnement dans le marbre aqueux. Son regard s'illumina soudainement d'un éclat vivant qui fit naître des centaines de reflets dans ses joyaux. Après un rapidement pas de danse sensuel et totalement improvisé, la saltimbanque se plaça à quelques centimètres de l'eisei.
[Aishuu] : "Puis-je avoir le toupet de vous demander ce que vous faites ici ? L'avalanche m'ayant surprise, je me suis engouffrée ici sans chercher à comprendre. C'était ça ou le nappage glacé. Cependant, j'ai l'impression d'être enfermée."
Franche et confiante, elle n'était pas sur ses gardes, bien que la méfiance aurait été de mise. La jeune femme était d'un naturel déconcertant : en tant que vagabonde, elle ne connaissait pas les dangers que pouvaient vivre les ninja qui erraient. De même qu'elle ne savait pas les risques de rencontrer un shinobi dans un lieu pareil. Que ce soient les chasseurs de prime ou les ninja d'élite, les rencontres imprévues n'étaient pas très réclamées. Si la possibilité de les éviter était de mise, tous le feraient. Mais Aishuu ne connaissait de cet univers que le peu que son père lui rapportait, et d'ailleurs, il n'était même pas rattaché à un village caché : il faisait parti des minorités entrainées qui servaient à la protection des bourgades de certains pays dont la population devait s'autosuffir.
Il n'était même pas envisageable de penser à l'éventualité où son identité serait connue. Sans le savoir, sa profession la maintenait en vie, grâce à ce pseudonyme qui lui servait de carte de visite.
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| Sujet: Re: [Yuki no Kuni] - Sans visage Ven 3 Sep - 22:47 | |
| 二 La fumée de sa pipe remontait devant ses yeux, masquant partiellement le visage qui s'était tourné vers lui. D'un geste précis, presque brusque, il retira le bec de bois de sa bouche et laissa sa vue s'habituer au regard troublant de la musicienne. S'il n'avait pas été lui-même fou de cheminer dans ces montagnes, il aurait probablement considéré cette femme comme une folle furieuse. Mais à bien y regarder, ils étaient tous deux perdus, chacun à sa façon, mais perdus. Aussi ne fit-il pas l'erreur de la juger. Il se contenta de passer une main sur sa nuque en réponse à sa première réplique. Tragique n'était pas le mot qu'il aurait choisi mais il ne le contesta pas. Après tout, il avait omis la première règle de politesse élémentaire, il n'allait pas en sauter une seconde en la contredisant alors qu'elle n'avait manifesté aucune forme d'hostilité à son égard. Courbant l'échine un cran plus bas qu'elle, comme pour s'excuser en plus de la saluer, Sho se demanda ce qui avait bien pu la " cloîtrer " dans cet endroit pour le moins somptueux mais tout aussi morbide.
En se redressant, il tenta de mettre la main sur quelques éléments de réponse mais ne trouva rien qui le renseigna directement sur sa situation. Les seules conclusions qu'il pouvait tirer étaient qu'elle n'avait probablement jamais mis un seul pied dans ces montagnes, sinon pourquoi se serait-elle vêtue d'habis si légers ? Et qu'elle avait quelques prédispositions biologiques à voir le peu de réactions que son corps opposait au froid environnant. Par pur réflexe plus que par méfiance, l'eisei jeta un coup d'oeil fugace vers la toile de fond cherchant la trace d'un quelconque art shinobi, fut-il une arme, un rouleau de parchemin, ou même un manteau de voyage comme tous les grands villages en donnaient à leurs guerriers. Mais rien. Absolument rien. Cette femme était une parfaite énigme et pourtant rien ne lui dictait clairement de la craindre.
Il la laissa donc s'approcher et s'incliner une nouvelle fois – d'une façon plus théâtrale certes mais pas préoccupante pour autant. A son tour, il inclina la tête en entendant son nom de scène et ce qui semblait être son vrai nom. Shiro Kage.. il était persuadé de ne l'avoir jamais entendu auparavant. L'Ombre Blanche.. il ne se souvenait même plus de la dernière fois qu'il avait assisté à un spectacle ou à une représentation en place public. Naturellement, ce nom ne lui disait rien non plus. Il tourna de quelques degrés sur son pied d'appuis pendant qu'elle le contournait et lui servit son nom sur un plateau d'argent. Sa voix ne trembla pas. Elle résonna comme une mélodie sur le point de s'éteindre, un son à la fois doux et puissant, neutre et subtile.
Sho – Sho Nagoshi, shinobi de passage dans ces montagnes du bout du monde. Mes sincères excuses pour avoir interrompu votre musique.
Il plongea son regard dans le sien, analysa son sourire, puis le rougeoiement au centre du fourneau de sa pipe. S'il continuait à être aussi négligeant avec les feuilles du Pays du Thé elles finiraient par ne plus alimenter le brasier. Il ramena ses yeux sur la jeune femme au moment où elle lui demandait ce qu'il faisait dans cet endroit et pour la première fois lui sourit. Il ne lui servit pas un de ces sourires qui avait tout de suite l'air malsain mais un de ceux sur lesquels on lisait quelque chose comme de l'honnêteté.
Sho – J'ai entendu votre musique alors je suis entré.
Il tourna sur lui-même et pointa l'entrée par laquelle il était arrivée.
Sho – Si vous cherchez à sortir de ce piège de glace, vous trouverez une sortie dans cette direction. Il faut marcher sur deux cent mètres environ, ça monte un peu.
Il dirigea son regard sur la jeune femme.
Sho – Mais si j'étais vous, j'attendrai encore un peu avant d'essayer.
Au-dessus de leur tête, on pouvait entendre le vent souffler avec force contre la montagne. La tempête de neige faisait rage au dehors et Sho savait par expérience qu'une tempête de cette importance mettrait plusieurs heures à se calmer. Sortir et tenter de la braver releverait sans aucun doute de la folie pure.
Sho – Une tempête fait rage dehors. Je ne doute pas de votre résistance mais il vous sera impossible de vous repérer dans ces conditions. On n'y voit pas à plus de trois ou quatre mètres grand maximum.
Sho fit le tour de l'alcôve. Il observa le sol, les parois, et finalement le plafond à la recherche de la moindre fissure. Rien. Ils n'étaient pas en danger. Rien de visible ne les menaçait directement. Rassuré, il regarda la saltimbanque et raviva le fourneau de sa pipe en la pinçant entre ses lèvres. La situation était plutôt cocasse. Jamais il n'aurait cru rencontrer quelqu'un dans ces montagnes, encore moins une artiste. Il pouffa un peu de fumée par-dessus son épaule et étouffa le brasier. Fumer dans un espace confiné n'était pas spécialement une bonne idée. Il fallait également tenir compte du fait qu'il n'était pas seul. Bref, ce n'était vraiment pas une bonne idée.
Après avoir posé son sac de voyage au pied de son nodachi, Sho prit place contre une paroi. Il dégraffa son manteau de voyage et le plia sur le sol. Son regard d'une intense profondeur se perdit un instant en réflexion. Avait-elle froid ? Il leva timidement les yeux. Et bien qu'il ne releva aucune parcelle de peau bombée par le froid, il lui tendit le manteau soigneusement plié. Lui avait bien assez chaud avec ses manches longues, son col roulé, son veston rembourré, et la longue veste sans manches qu'il s'était habitué à porter avec les deux autres membres de l'Aube Blanche. Elle, en revanche, était beaucoup plus exposée.
Sho – ...
Ses yeux croisèrent les siens. Malgré les cheveux qui lui tombaient sur le front, il n'eut aucune peine à voir scintiller le pourpre de ses pupilles et à vaguement s'y aventurer. Il avait croisé nombre de regards au cours de son histoire et celui-ci comptait parmi les plus énigmatiques. Shiro Kage ou l'Ombre Blanche était plus qu'une saltimbanque, il en avait l'intime conviction. Devait-il la craindre pour autant ? Quelque chose lui disait que non, sans quoi il aurait déjà eu à faire à elle en entrant. Mais s'il n'avait aucune raison de la craindre, pourquoi l'intriguait-elle autant ? |
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| Sujet: Re: [Yuki no Kuni] - Sans visage Mar 7 Sep - 23:50 | |
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Enigmatique problème sans solution, l’âme incompréhensible de la porcelaine se ressentait jusqu’à la prunelle de ses yeux tourmentés. Ses yeux prune luisaient de lueurs aussi simples que complexes, tournant de la thèse à l’antithèse aussi vivement que changeait la mer. C’était à la fois une marée d’écume et une tempête pluvieuse. Cependant, l’alchimie paradoxale était conjuguée à un sourire radieux qui brouillait toutes pistes imaginables. Aishuu se perdait peu à peu, entre pensées et intensité de regards. Noyant le tout par l’illusion de sérénité posé sur son visage comme un masque d’expression.
Un silence, comme un soupir, s’éternisa au creux des corps, les alliant intimement dans le mutisme. Pas un geste, pas un mot, seulement des regards intrigués et intriguant qui jouaient à se chercher et à se fuir.
Ses paupières se fermèrent, une seconde qui donnait l’impression de durer une éternité indiscrète et douloureuse. Il y avait un échange plus intense qui se déroulait juste avant que sa vue sombra dans l’obscurité. Ce battement de cils était déstabilisant tant il coupait court au dialogue spirituel. Les aveugles étaient bien plus désavantagés que les muets pour pouvoir communiquer.
La jeune femme se recula timidement d’un pas, comme s’il l’avait surprise d’un coup. Elle se retrouva le dos contre le mur de glace qui vint soulager ses douleurs d’un froid anesthésiant. Ce théâtre pantomime l’amusait beaucoup. Elle éleva sa main blanche pour poser son index sur sa lèvre, avant de le laisser glisser tout le long de son sourire injustifié. Mais elle ne dit aucune syllabe. Un fin nuage de brume se créa à la sortie de sa bouche légèrement bleuie lors d’un souffle discret à l’ouïe…
Au dehors, criaient le vent et son désarroi, violent de désespoir, il arrachait à nouveau de la chair du glacier, et hurlait dans les couloirs de la galerie. Les stalactites laissèrent fuir une doucereuse symphonie de leurs dents qui se claquaient l’une à l’autre. Trop peureux et tremblant comme une feuille, l’un vint se laisser choir à la place même où se trouvait quelques instants auparavant la femme de glace.
Ce fut à peine si elle tressaillit de surprise. Au-delà du reste, l’homme face à elle retenait énormément son attention, éclipsant peu à peu le reste. Sa curiosité prenait le dessus au détriment de son attention. Elle le fixait toujours avec la même intensité… Sans prévenir, elle s’avança, se détournant naturellement du cadavre de glaçon qui le séparait de l’homme. Aishuu vint se présenter devant Sho, en lui souriant toujours aussi agréablement. Sa main se posa sur le vêtement, tandis que la seconde vint le prendre en pince par en dessous. Ce geste fit rencontrer ses doigts sur le dos de la main du ninja, qui pu sentir une nouvelle source de fraîcheur sur sa peau plutôt chaude. Cependant, ce contact ne la gêna pas de par le fait que les hommes ne lui étaient plus inconnus.
Néanmoins, elle tourna la tête, esquivant du regard les yeux de l’Eisei qu’elle sentait approcher. S’inclinant poliment, elle reprit enfin le contrôle du sommeil de bruit.
[Aishuu] : « Merci, Sho. »
Sa voix était pleine de respect, ce qui rehaussait un peu le niveau de ses paroles. La saltimbanque était une personne des plus respectueuse, cependant, son mode de vie la rendait un peu ignare, dépourvue de la tenue des conversations soutenues et de la compagnie. Elle ne connaissait que le discours à tenir avec quelqu’un du même monde.
La jeune femme releva la tête, balayant en arrière ses cheveux blancs qui valsaient au vent. Encore une fois le même bruit des glaces qui se laissaient agoniser… Cependant, cette fois l’Améthyste était prévenue, et ne se laissa pas surprendre. Après avoir effectué un saut agile en arrière, elle ne pu que constater la nouvelle chute.
[Aishuu] : « Cependant il va falloir faire attention ici aussi. La glace est fragile, sans doute suite à notre chaleur respective. »
Elle lui envoya un sourire plein de douceur, descendu par le bruit du tissu qui se déroulait. Ce fut d’un geste ample et circulaire qu’elle posa le manteau sur ses épaules claires. Aishuu conservait une oreille attentive quant aux pleures en pic.
Revêtue de ce nouvel apparat, elle avait l’air une once plus belliqueuse. Bien que l’habit ne fasse pas le moine, les déguisements faussaient parfois l’appréhension des vérités. Sans le montrer, la jeune femme se plaisait bien dans l’ampleur des drapés. La douceur de cette sensation chaleureuse redonna un peu d’éclat à sa peau blanche.
Sho… Une syllabe, un nom qui, à lui seul, désignait ce la vagabonde n’avait jamais connu. Ce contact embaumant qui parvenait à faire fondre la glace. Aishuu aurait-elle fondu ? Pourtant loin d’être inexpressive, la blancheur était reconnue comme une femme de glace éternelle, dont les nuages de givre laissaient transpirer le soleil lui-même. Mais qu’en était-il de la chaleur elle ? L’illusion de la connaître était tout ce dont elle pouvait prétendre.
Elle était cependant une femme empoisonnée qui s’éprenait d’affection pour les jeux où elle infligeait la douleur. Pas la douleur physique connue des militaires, une toute autre propre aux femmes et à leur fourberie. La loi des sentiments et du cœur, que le sexe opposé leur avait toujours attribué comme étant dans leur donne, avait peu à peu été transformé en atout de torture. Etant la dame de cœur, elle s’amusait à tourner le pique à l’atout, et à jeter sa quinte… Ai.
Reine incertaine, elle bluffait à merveille…
Il fallait relancer le jeu, car la distribution des pouvoirs avait été faussée par l’appréhension des réalités fictives. Aishuu traînait encore le poids de cette injustice, au grand malheur des hommes. Toujours souriante, elle semblait glisser entre les dangers sans s’en soucier, comme si elle suivait une musique et ne voulait troubler sa valse. Sa grâce et sa souplesse se lisaient jusque sur ses mains qui se courbaient avec légèreté dès qu’elle esquissait quelques pas. Sauf que face au ninja, elle était étrangement calme.
D’habitude, elle était imprévisible comme la mer et ses caprices. Tantôt douce, tantôt brute, tantôt si belle qu’elle en effaçait ses dangers. Aishuu était un peu comme une actrice qui changeait de rôle au fil des masques, passant de la naïade à la méduse, pour finir en un crachin d’écume. Mais qui était-elle à cet instant précis ?
Au-delà de l’artiste, plus que la saltimbanque, elle était là, l’inconnue. L’anonyme, dont l’évocation de son simple nom servait à changer son statut aux yeux du monde. Et elle souriait encore, silencieuse et statique.
Dehors, c’était la rage et la débâcle qui dominait…
Emmitouflée dans le bien du médecin, Aishuu tourna lentement son visage sur le côté, pointant son nez sur le col un peu haut. A la recherche des effluves, elle s’abandonnait une fois de plus, paupières closes. Le bout de ses doigts glissaient sur l’étoffe, débusquant les traces du passé et les signes de vie qui étaient gravés comme dans les cernes des arbres. Les objets en disaient toujours plus loin sur les gens qu’eux-mêmes… D’ailleurs, le silence était souvent plus utile que les mots pour se présenter. C’était peut-être pour cela que le Rayon de Lune restait muette.
Les textures étaient si riches… De la douceur fraîche et neuve à la sensation rêche de l’usure au niveau des poches qui devaient probablement offrir le gîte et le couvert régulièrement aux mains timides de l’homme, elle se laissait guider. Son mode de vie la rendait très proche du peu de chose dont elle se contentait, et c’était cette suffisance qui lui servait de moteur à ses analyses. Aishuu pouvait lire la vie qui laissait sa griffe en témoin de son passage.
Alors qu’elle humait avec curiosité et tendresse le parfum du vêtement, la jeune femme fut prise d’un langoureux frisson passionnément soufflé par la bouche du vent dans son dos. Cette sensation joueuse lui décrocha un petit rire discret et féminin. Son sourire trouva une nouvelle dimension plus attendrissante.
Ayant un court moment délaissé l’inconnu du regard, elle releva ses améthystes sur son corps, le caressant de tout son long… Le cristal continuait de suinter des ses larmes qui s’abattaient de plus en plus sur la chevelure de neige de la vagabonde.
[Aishuu] : « J’ai de plus en plus de doute quant à la possible sécurité que va nous consacrer cet alcôve dans un avenir proche… »
Elle tendit l’oreille vers l’extérieur, pour entendre mugir la rage sylphide.
[Aishuu] : « C’est maintenant que ça va devenir drôle ! »
La jeune femme inclina la tête sur le côté, scellant ses paupières un instant pour intensifier son sourire. Elle était si insouciante… Le danger appelait son rire.
Au fond d’elle, la saltimbanque avait totalement connaissance de tous les risques dont elle prenait la responsabilité de braver. C’était pour elle un moyen de se témoigner d’une idiote… Du prix qu’elle donnait à la vie. Aishuu imaginait la mort comme un enfant qui jouait aux osselets…
Reprenant par la suite une mine plus sérieuse, elle dressa un regard plus interrogateur à l’encontre de celui qui était le spectateur de son théâtre d’ombre depuis déjà un petit temps.
[Aishuu] : « Je ne connais rien sur la folie, et celle des autres… Juste la mienne… »
Ses phrases sortirent comme une boule de neige sur le tapis, tellement leur incohérence avec le reste tâchait le tableau. Sa voix était d’un calme olympien et d’une musicalité artistique, cependant, il y résonnait en parallèle une sorte d’humour et de sérieux qui se côtoyaient avec peine. Pour clore définitivement la confusion, elle lui adressa un clin d’œil, et retira le manteau avec délicatesse. Avec une souplesse caractéristique, elle se retourna près du flanc du jeune homme, et déposa somptueusement l’habit sur ses épaules.
[Aishuu] : « Merci. Je ne voudrais pas vous forcer à me suivre pour le chercher. »
Ses mots coururent comme un lièvre aux oreilles du ninja. C’était comme si la bêtise se lisait d’avance. Lui lançant un dernier sourire, elle sembla disparaître tant son geste fut léger et rapide. La jeune femme s’empressait, quittant le lieu aussi magique que morbide, et aussi protecteur que cercueil.
En effet, « folie » c’était le mot. Les tempêtes étaient réputées pour être mortelle, déjà dans un désert, mais dans les méandres glacés, c’était un simple suicide, avec si peu de savoir et de moyens. A demie nue, elle s’apprêtait à prendre la poudre d’escampête dans l’averse de froid.
Elle tourna la tête un instant derrière elle, avant de s’enfoncer dans la poudreuse.
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| Sujet: Re: [Yuki no Kuni] - Sans visage Jeu 9 Sep - 17:20 | |
| 三 Pourquoi la peur ne coulait-elle pas dans ses veines ? Pourquoi était-il si sûr de lui ? L’alcôve avait beau tomber en miettes, il ne ressentait rien, pas la moindre appréhension ni la moindre peur. C’était comme si quelque chose au fin fond de son âme lui murmurait de rester tranquille. Comme s’il savait pertinemment que jamais rien ne lui arriverait. Fallait-il parler de prétention ou bien d’insouciance ? Il n’en avait aucune idée. Les fondations de l’alcôve étaient fragiles ; à l’image de son monde. Il était assis sous un véritable château de cartes qui menaçait de s’effondrer au moindre courant d’air mais cela ne lui arrachait aucun sentiment. L’apprentissage de l’eisei y était peut-être pour beaucoup dans ce manque de réactivité. Les eisei-nin étaient entraînés à combattre la douleur, à se l’approprier, et à forcerie à l’oublier. Peut-être cela jouait également sur leurs peurs ? Il ne se souvenait pas d’un seul cours où la peur avait été traité, probablement parce que la peur était un concept tabou dans le monde des shinobi. La peur faisait parti de leur quotidien mais personne ne se risquait à l’exprimer ouvertement. La peur était l’ennemie du shinobi, la porte qui séparait sa réalité de la folie pure. La peur pouvait faire déserter l’homme le plus honorable qui soit, corrompre la femme la plus honnête, la peur était une arme qu’il ne fallait pas essayer d’amorcer. En cela, peut-être était-il privilégié. Faillir, mourir, il l’avait accepté depuis qu’il avait quitté sa vallée natale pour rejoindre Kumo. Ici ou ailleurs, la finalité serait la même. Seules les conséquences changeraient. Ses yeux perçants tournés vers la saltimbanque, il se demandait s’il en était de même pour elle ou bien s’il était la seule bizarrerie présente en ces lieux. Shiro souriait à la manière de ces danseuses itinérantes qui cherchaient à communiquer joie et décontraction à leur public. Mais que se cachait-il derrière ce sourire ? Quels étaient ses sentiments ? Que ressentait-elle en cet instant ? Il ne pouvait le deviner. Beaucoup de questions pour si peu de réponses. Son visage était aussi impassible que le sien, même s’il revêtait un masque plus attrayant. L’énigme qu’il était faisait face à une autre énigme. De celle dont on cherche à percer le mystère sans savoir vraiment pourquoi. Une envie soudaine ou un désir plus profond sans doute ? Une volonté tenace ? Celle de se découvrir à travers la découverte de l’autre. Shiro jouait avec le hasard comme un cracheur de feu jouait avec les flammes les plus destructrices. Sho la suivait du regard, analysant aussi bien le déplacement de ses jambes que celui de son buste. Sa colonne vertébrale soutenait le tout avec brio. C’était à se demander de quoi elle était faite ? Les cartilages et les os semblaient remplacés par une matière souple et rigide à la fois, comme une sorte de caoutchouc amélioré. Sho connaissait cette impression pour l’avoir déjà ressenti dans le dojo privé de Masao Iwaki, Juunin et professeur de Taijutsu à ses heures perdues. Peut-être cette Shiro était-elle beaucoup plus qu’une saltimbanque ? Elle possédait en tout cas toutes les qualités pour faire une bonne spécialiste du Taijutsu. A savoir la rapidité, la souplesse, aussi bien que l’agilité et la précision. Ses mouvements étaient ceux d’une femme qui savait ce qu’elle faisait. Une femme qui ne craignait pas de se tromper. Si la peur de l’échec ne l’affectait pas alors il y avait fort à croire qu’elle ne craignait rien. Tout du moins était-ce le sentiment qui gagnait Sho à mesure que les secondes s’écoulaient et que son regard suivait le sien. La montagne gronda au-dessus de leur tête. Les craquelures s’étendirent à l’alcôve et de nouveau leur plafond de fortune s’effrita sous leurs yeux sereins. La roche se morcela et tomba en lambeaux à leurs pieds. Mais toujours aucune réaction. En tout cas aucune qui aurait été interprété comme saine d’esprit par un œil extérieur. Sho et Shiro se faisaient face dans un décor presque chaotique et rien ne les prédestinaient à se craindre ou à craindre l’effondrement qui avait progressivement cours autour d’eux. Se fut Shiro la première qui évoqua le manque de sécurité que leur offrait l’abri de fortune. Sho ne le contesta pas. Il était peut-être insouciant mais pas totalement fou. L’alcôve au début si rassurante se refermerait en piège mortelle en moins de temps qu’il lui en faudrait pour battre des cils. Quand cela se produirait ? Il ne pouvait pas le deviner ou même le déterminer de manière scientifique. Personne ne le pouvait. La nature était incontrôlable malgré ce que se plaisaient à penser certains spécialistes du Ninjutsu élémentaire. Aussi certainement que l’alcôve et la galerie qui la reliait à l’extérieure s’effondreraient, ni lui ni Shiro ne sauraient quand cela se produirait. Ceci expliqua probablement pourquoi Sho ne sembla pas surpris par la décision de la saltimbanque et pourquoi il ne chercha pas à la retenir. Après tout, tout autour d’eux était sujet à s’effondrer et rien ne l’autorisait clairement à la retenir. Elle était arrivée ici libre et elle en repartirait libre. Tout du moins espérait-il que la galerie ne s’effondrerait pas entre temps pour l’en priver. D’un œil qui en disait beaucoup plus long que n’importe quel mot qu’il aurait pu prononcer, Sho regarda Shiro ôter son manteau, s’approcher de lui pour le reposer sur ses épaules, et finalement s’éloigner. Elle lui avait parlé sagement de folie mais rien dans ce qu’elle venait de faire n’en était marqué. Elle avait simplement voulu suivre cet instinct. Un bon instinct. La folie de Sho lui dicta quelque chose de beaucoup plus étonnant et sans doute de plus contestable que le départ soudain de Shiro. Et le plus étonnant, c’est qu’il ne chercha même pas à comprendre comment cette pensée avait pu émerger dans son esprit. Alors que la saltimbanque approchait de la sortie taillée dans la roche, il glissa ses bras dans les manches longues de son manteau et rapprocha ses mains l’une de l’autre à hauteur de ses pectoraux. Ses doigts s’animèrent pour finalement se figer dans des positions si particulières qu’elles ne laissaient aucun doute quand aux intentions de l’eisei-nin. Sho – Yuwaeru Kunan Son chakra bouillonna et se déversa progressivement hors de son réservoir originel. Un filet de ce chakra serpenta dans l’air et se colla au dos de la saltimbanque, formant comme un long trait de lumière bleutée que seul Sho était capable de voir. Dès lors, il eut la drôle d’impression de se dédoubler. Son cœur martelait un rythme qui n’était pas le même que celui qui venait soudainement de s’éveiller dans ses entrailles. Le flux sanguin qui circulait dans ses veines n’était pas le même que celui qui entrait et partait du « nouveau » cœur. Lentement, il ferma les yeux et se concentra sur la nouvelle existence qui l’habitait. L’organisme de Shiro était désormais à sa portée. Concrètement, il la protégeait. Même si cela n’avait pas beaucoup de sens de la part d’un inconnu, il la protégeait. Fallait-il y voir de la charité ? Sho répondrait certainement qu’il s’agissait plus d’éthique. Il était un eisei-nin reconnu de Kumo. L’eisei-nin qu’il était pouvait-il se permettre de laisser une femme braver des intempéries qu’elle ne réussirait jamais à vaincre sans agir ? En une fraction de seconde, il avait conclu que non. Un autre craquement résonna dans l’alcôve. Sho se leva, fit deux pas vers l’avant, et s’arrêta pour épousseter son manteau. Là où il était assis un instant plus tôt, un éboulement de roche s’écrasa dans un grand fracas. Il y resta insensible comme si tout relevait de l’instinct et non de la chance ou du hasard. Il posa la main sur la garde de son nodachi, l’accrocha à la diagonale dans son dos, attrapa son sac de voyage, et le passa en bandoulière sur son épaule droite. Sans un regard pour les lieux, il se glissa à travers la sortie et suivit le chemin jusqu’à l’extérieur. Tout le long du chemin, il écouta les cris poussés par l’organisme de Shiro et les ramena à son propre corps. Ses veines se mirent alors à palpiter et son rythme cardiaque à s’accélérer pour apporter un peu de chaleur à un corps qui n’en manquait pourtant pas. Le corps de Shiro aurait du ressentir le froid et les conséquences d’une balade insensée comme celle qu’elle essayait d’attenter mais au lieu de ça, c’était lui qui les vivait. Arrivé dans la grotte sculptée à même le flanc de la montagne, il s’arrêta et jeta un regard indifférent vers le voile blanc qui commençait là où la grotte se terminait. Quelques flocons de neige terminaient leur vie à l’entrée de cette grotte quand une femme essayait de risquer la sienne en dehors. Sho soupira. Plus par fatigue que par dépit. Le froid extérieur se montrait de plus en plus virulent avec son corps. S’il continuait sans rien faire, le lien se romprait de lui-même, faute de conditions physiques pour le soutenir. Ne pouvant abandonner cette inconnue à un triste sort, il ôta son sac et s’assit au centre de la grotte, le regard tourné vers l’extérieur. De son sac, il sortit sa pipe qu’il bourra et alluma pour en déguster l’essence chaleureuse. Les mains de nouveau libres, il effectua quelques signes depuis longtemps maîtrisés et prit une profonde inspiration en voyant un tourbillon neigeux passer devant l’entrée à une vitesse inquiétante. Sho – In'Yu ShometsuIl expira longuement, la chaleur engendrée par sa pipe se mêlant à celle de la technique pour réchauffer son corps tremblotant. Peut-être qu’elle finirait par comprendre ? Peut-être qu’elle finirait par entendre son cœur si elle prêtait attention ? Peut-être qu’elle sentirait ce drôle de lien entre eux ? Peut-être… peut-être pas… mais dans tous les cas, elle devrait revenir sur ses pas. |
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| Sujet: Re: [Yuki no Kuni] - Sans visage Mar 21 Sep - 21:52 | |
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La beauté succombait au plaisir de dépérir.
Le paysage neigeux se laissait marteler par les poussières blanches qui volaient de tous les côtés. Il n’y avait ni brume, ni brouillard, cependant, la blancheur éblouissait les pauvres regards qui osaient la défier. La nature était splendide, faisant régner son joug, et sévir sa domination. Qu’était une femme frêle face à elle ?
La folie d’Aishuu s’était à nouveau immiscée dans sa petite caboche, lui ordonnant sur le champ de courir dans le terrain miné. Le temps était bien trop précieux pour ainsi le gâcher, alors pourquoi ne pas mourir à la seconde suivante ?
Quelque chose ne tournait pas rond dans sa tête, cependant, ni elle, ni un proche imaginaire ne s’en souciait. La vie est bien plus palpitante lorsqu’elle nargue la mort d’un pied de nez. Au-delà même d’une simple conception de la vie se cachait discrètement l’envie de découvrir la sensation d’être. Elle ne prétendait à ce bienfait que par la valse macabre qu’elle esquissait avec la faucheuse.
Blanche sur blanc, à semi dissimulée dans l’immensité camouflée, la jeune inconsciente fuyait quelque chose, en allant quelque part… Le savait-elle elle-même ? Rien n’est moins sûr…
Le vent soufflait avec rage, décrochant avec une violence non maîtrisée la poudreuse. La tempête de neige était d’une rare intensité, mêlant les cris du vent aux sanglots des poussières. La température chuta nettement. Bien que dans un immense couloir de glace, la saltimbanque était jusqu’à lors protégée du vent arctique qui trônait en roi sur le palais des glaces. Tout semblait plus agressif, et plus dangereux. C’était une sorte de conspiration qui avait pour but d’éliminer les intrus, comme la pauvre musicienne folle, lancée au milieu du débat.
Cependant, la Pâleur ne semblait pas s’en faire : il y avait encore toute l’adrénaline dans son corps, pour appuyer ses folies sombres et ses maux doux. Enfin, si seulement elle était seule dans ce déluge…
Tout était si calme et si beau qu’elle se laissait perturber par la troublante et éphémère capture de cette illusion.
Il y avait une sorte d’attention qui la happait. Le décor hivernal était d’une beauté empoisonnée qui avait réussi à enchanter toute l’âme de la Perle. Elle avait un but qui s’était vu mis sur pause suite à une mise en cage plutôt désagréable. Aishuu était censée partir dans une sorte d’exclusion spirituelle, et, elle s’était retrouvée entre quatre murs de glace coincée par la neige. Finalement, elle en avait vécu une avant l’heure, et elle appréhendait un peu la suite des évènements. Cependant, il y avait cette splendeur qui l’attirait vers la prochaine épopée…
Elle marchait dans le froid indolore, avec un pas à la fois sûr et hésitant. La vision brouillée l’empêchait de savoir si sa direction était bonne, néanmoins, elle savait qu’elle voulait atteindre le temple.
Elle s’égarait dans la douce harmonie de lumière…
[Aishuu] : « … »
Elle se tétanisa totalement.
Piquée à vif par la réalité, elle baissa la tête afin d’apercevoir l’extrémité de ses doigts. Sa main se leva lentement, se dévoilant à sa vue peureuse. Elle tressaillit. Ses doigts pâles avaient viré à un violet bleuté tellement le froid les rongeait. La saltimbanque articula ses membres, repliant et ouvrant ses phalanges, sans éprouver la moindre douleur. Ce n’était plus possible vu l’avancement du froid qui l’attaquait. Un frisson vint la parcourir, mais un frisson d’effrois, et non de fraîcheur. Instinctivement, la jeune femme se mordit la lèvre inférieure, comme elle le faisait si souvent, cependant, cette fois, ses lèvres semblaient si sèches, si glacées…
Dans la panique de cette nouvelle découverte, elle se pencha et empoigna la neige au creux de sa main. Ni l’humidité froide, ni la sensation brûlante de froid ne vint secouer d’un tiraillement sa peau devenue si sèche et fragile. Aishuu ne comprenait plus, elle paniquait totalement face à cette absence de sensation si inattendue.
Agitée par l’incompréhension d’une chose dont elle ne connaissait rien, Aishuu se questionnait sur cette soudaine insensibilité. Son corps autrefois tiraillé à la moindre occasion de manière violente, comme des lacérations dans son dos, dormait à présent dans une paisible tranquillité. Où était la douleur ? Et pourquoi s’estompait-elle ?
D’ordinaire si peu frileuse, la jeune femme connaissait malgré tous les risques et les vertus de telles températures. Elle lui connaissait un effet temporairement anesthésiant, mais aussi une brûlure sèche tant la chair subissait le gel. De plus, elle moins que les autres mais tout de même, avait conscience que pour les plaies ouvertes des Satsubatsu, un pauvre bandage ne bloquait pas cette nature, et que le froid allait jusqu’à congelé les tissus internes provoquant de sévères douleurs, qui généralement, amplifiaient les synapses en élargissant les ouvertures. Elle avait la chance d’être peu affectée jusqu’à ce jour par ce fléau inconnu qui lui posait un bon nombre d’interrogation sans vouloir lui offrir une réponse. Néanmoins, ne plus rien sentir, aussi vite et d’une manière aussi inattendue ne lui semblait pas naturel.
Son silence fut rapidement couvert par le fort bruit du vent qui se relevait de sa sieste. Aishuu tressaillit voyant la neige aller de plus en plus vers de longs fils horizontaux, tant les bourrasques cherchaient à s’étirer, les membres engourdis par le sommeil. La neige se collait à elle, formant une sorte d’armure, et de masque, sur sa peau blanche. Elle n’en sentait même pas le poids sur son épiderme. Sans doute suite à la nervosité, elle laissa fuir un sourire, qui se transforma en rire, lorsqu’elle retira d’un revers de la main la poussière d’eau sur ses yeux.
Même sa seule amie avait fuit, cherchant à garder la vie sauve. Dans ce désert de blanc, Aishuu avait perdu son corps, engloutit goulûment par la lumière et la poudreuse. Mais elle souriait. C’était si rare de telle occasion, de tel moment, il fallait que la jeune femme les savoure jusqu’à l’essence même, la plus pure, celle qui ruisselait d’une inconscience nette.
[Aishuu] : « Il me serait idiot de mourir maintenant, et mieux encore, sans le sentir venir ! »
Ses lèvres se violaçaient de plus en plus, et, bien que tirées en un sourire radieux, la saltimbanque ne sentait même pas la déchirure de sa peau dans le froid.
[Aishuu] : « A quoi bon… »
Riant de bon cœur, elle se mit à tourner sur elle-même, les bras ouverts, entre pas de danse esquissé et recherche de son chemin. Tout était si lumineux que ses améthystes souffraient d’une telle violence visuelle. Mais la jeune femme riait, comme d’un rire amusé par la situation…
[Aishuu] : « Imagine un peu, ma grande, mourir sans douleur, après avoir vécu dans les maux, n’est-ce pas l’antithèse de la vie ? »
Seule au milieu de nulle part, elle jouait, avec sa vie, celle des autres, et son inconsciente façon de tout tourner d’une manière légère. Pourtant, Aishuu était loin d’être simplette, mais elle avait compris que pour elle, mieux valait rire de tout, cela éviter de pleurer pour un rien. Cette situation, finalement, était vraiment étrange, mais drôle par son illogisme et sa fatalité désarmante.
Après avoir cessé de gigoter dans tous les sens, elle s’arrêta au beau hasard, pour se retrouver face à une immense ombre d’un gris clair à peine visible dans la tempête. Le Rayon de Lune comprit facilement qu’il s’agissait du dédale sombre de glace, dans lequel se cachait un inconnu bien poli.
La musicienne chercha rapidement à se l’illustrer dans sa tête, mais aucune image ne vint, comme si elle ne l’avait jamais vu. Cependant, elle se souvenait très bien des moments défilés en sa compagnie. Elle s’était montrée si immature face à quelqu’un de si droit… A moitié honteuse malgré tout, elle se demanda ce qu’il avait bien pu imaginer d’elle…
Le froid continuait de faire rage, comme s’il n’avait absolument pas l’intention de s’arrêter un jour. Un déluge était-il prévu ? Il aurait au moins pu prévenir la femme de glace, pour qu’elle s’aventure par ici un peu plus tard ! Mais…
Aishuu frissonna un moment, dès lors où l’ambiguë pensée vint se placer dans un petit coin de on esprit. Il est vrai que cet évènement pour le moins étrange et imprévu collait avec cette rencontre fortuite, tout comme cette insensibilité. La jeune femme se mordit alors la lèvre inférieure gercée, effaçant son sourire fin. Et si il y était pour quelque chose ? Avait-il cherché à bloquer les sens de la voyageuse ? Il n’avait pas intérêt, car cela risquait de chauffer tant ils lui sont utiles. Etait-ce une sorte de drogue ? Elle n’avait pourtant rien pris. Mis appart la fumée, elle ne voyait pas d’où cela aurait pu venir… Et là, l’image de son soudain bien être lorsque la fumée grise vint danser près de ses narines la fit bouillir… après tout, pourquoi pas ?
Elle serra le poing, sur un instant de colère nerveuse, mais quelque chose la frappa de plein fouet, quelque chose de bien plus important que le reste. Et si son secret venait d’une quelconque manière à être découvert suite à cette insensibilité soudaine ? Aishuu fronça les sourcils et s’élança tête baissée de la où elle venait, espérant que l’homme n’avait pas bougé, afin d’éclaircir ce brouillard, en espérant qu’il ne soit pas trop tard.
Bien que la jeune femme eut la totale connaissance que dès lors où sa sensibilité serait revenue, elle allait se voir remuer par la douleur de ses plaies, elle voulait la retrouver. La nomade était persuadée que rien n’arrivait par hasard, et, encore moins la maladie, pour elle, c’était quelque chose qui se méritait, suite à une infidélité à une quelconque croyance… C’était le pourquoi elle voulait retrouvé ce mal qui la tourmentait, et qui aurait, très probablement, raison d’elle un jour où l’autre.
La jeune femme décolla son talon, et entama la marche contre les éléments déchaînés, espérant bien rejoindre au plus vite le glacier. Elle espérait qu’une nouvelle confrontation avec l’inconnu serait possible, ne serait-ce que pour savoir ce qui se passait. Le froid giflait son visage sans laisser la moindre trace, la moindre douleur. Comme un colosse, elle avançait, les épaules tournées vers le sol, dans une posture humble mais courageuse. A peine ses foulées chassaient la neige, que ses pas derrière elle n’existaient déjà plus. Heureusement que dans son inconscience, Aishuu n’était pas partie trop loin, au bénéfice de l’illusion de beauté. En effet, le retour lui parut durer une éternité…
Alors que l’entrée du labyrinthe s’ouvrait timidement devant elle, aucun bruit ne faisait mouche. Se terrant dans un calme absolu, la saltimbanque rechercha rapidement une trace de l’homme avec qui elle avait échangé quelques précieuses minutes de sa vie. Durant cet échange, Aishuu était persuadé qu’il y avait eu un gain, ou un don, autre que du temps qui s’était tissé de lui-même, seulement, elle avait peur qu’il soit malsain, ou désobligeant pour elle.
Ne l’apercevant nullement, elle s’enfonça un peu plus sous la voûte givrée à sa recherche, s’enfonçant dans les allées sombres. Sans la moindre lumière, la jeune femme était obligée de s’y prendre à l’instinct, un instinct peut-être plus fin au vue de sa vie nomade, mais qui ne s’avère pas infaillible pour autant. Cependant, il faut le reconnaître, elle fut aidée par un élément extérieur.
Une fine fumée grisâtre, aux senteurs de Cha no Kuni valsait dans l’allée centrale, embrasant à nouveau le sens olfactif de la nomade. Ce fut en suivant cette dernière qu’elle parvint à se rapprocher lentement de sa cible. Alors qu’elle s’approchait de lui, elle remarqua que l’odeur tirait de plus en plus vers le sol de glace.
Sa vue s’habituait lentement à cette pénombre factice, et l’attente qu’elle lui consacrait pour s’ajuster n’était pas inutile. Dès lors où Aishuu parvint à se repérer dans ce lieu peu lumineux, elle remarqua une personne en tailleur sur le sol, la pipe au bord des lèvres.
Sa colère et son incompréhension s’estompèrent dès lors.
L’Améthyste se précipita alors vers l’homme confortablement installé sur le sol gelé. Arrivée à son niveau, elle se baissa sur lui et l’enlaça tout en laissant glisser ses mains sur ses membres pour réchauffer sa peau si froide. Elle ne se rendait pas compte à quel point son contact, au naturel, pouvait être frais, et pour elle, ce geste lui parut normal et nécessaire.
[Aishuu] : « Il ne faut jamais être statique dans le froid, jamais ! »
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| Sujet: Re: [Yuki no Kuni] - Sans visage Ven 1 Oct - 20:19 | |
| 四 Sho remua le bout de ses doigts.
Il commençait à sentir les conséquences du froid sur ses articulations. La chaleur de la fumée réchauffait ses entrailles mais peinait à atteindre les extrémités de son corps. L'utilisation même d'une technique de régénération aussi poussée que l'In'Yu Shometsu ne pouvait lui permettre de combattre cet ennemi invisible.
Une perle de sueur coula le long de son front avant d'éclater au contact d'une de ses mèches pourpres. Il ferma les yeux et prit une profonde inspiration. Un frisson remonta le long de sa colonne vertébrale et l'obligea à serrer les dents. Combien de temps tiendrait-il comme ça ? Arriverait-il sincèrement à préserver cette vie de la tempête ?
Un pan de sa mémoire vola subitement en éclats. Les murs de la grotte firent place à une forêt de conifères à travers laquelle le jour dessinait autant d'ombres que de mirages.
Le buste bien droit, la nuque abaissée, les deux genoux enracinés dans le sol, il était défait. Ses yeux étaient grands ouverts et pourtant il ne distinguait rien à part le vide de son propre échec. Son nodachi était allongé à deux pas de lui, sa lame couverte de sang. Un cadavre se tenait un peu plus loin, enroulé au pied d'un tronc d'arbre. Quelque part sur sa droite, la silhouette de son coéquipier se balançait d'avant en arrière au bord d'un précipice.
Le lien venait d'être rompu et on l'avait cloué au sol. Les silhouettes blanches venaient de se téléporter et les avaient laissés orphelins lui et son coéquipier. Il avait été lié à la souffrance de Sawako ─ le troisième membre de leur équipe ─ pendant quelques minutes et au terme de ce laps de temps il l'avait senti mourir. Son coeur s'était arrêté de battre brusquement et son corps avait disparu dans le vide. Sawako était morte parce qu'il n'avait pas réussi à la maintenir en vie. Elle était morte parce qu'il n'avait pas su s'approprier sa souffrance..
L'ambre de ses yeux s'illumina de nouveau.
Les murs de la grotte n'avaient pas bougés. Il était toujours assis en tailleur et des volutes de fumée continuaient de s'échapper de sa pipe. Les quelques mèches qui tombaient sur son visage s'étaient collées à son front à cause de la sueur et ses mains tremblaient.
Il ne pouvait pas céder. C’était presque une question d’honneur. Il avait beaucoup trop donné, beaucoup trop appris, pour échouer une fois encore. L’apprentissage de la médecine lui avait permis de devenir quelqu’un ; de se faire un nom dans son village. Plus qu’une philosophie, la médecine imprégnait chaque minute de sa vie. La nature même de son chakra se nourrissait de cet apprentissage et lui permettait d’accomplir l’inimaginable. Il n’avait rien d’un grand combattant ; en tout cas pas de ceux qui pouvaient faire s’effondrer des montagnes ou provoquer la folie. Mais il pouvait préserver n’importe qui de la douleur, le soigner, et même l'éloigner de la mort.
Il prit une profonde inspiration et soupira dans la foulée.
Les villages cachés du monde entier développaient des méthodes d’assassinat toujours plus rapides et toujours plus efficaces. Kumo avait été le premier d’entre eux à attacher de l’importance à la vie. De cet attachement était né la médecine telle qu’il était capable de l’utiliser. Préserver la vie, parfois au prix de la sienne… voilà ce qu'on lui avait appris. Si d’extérieur préserver la vie d’une inconnue avait tout d’une bêtise, Sho croyait que cela pouvait lui permettre d’obtenir le pardon pour toutes les vies qu’il avait regardé s’éteindre sans agir.
Ses muscles pourraient continuer à crier, la douleur le transpercer, il préserverait la vie de cette inconnue. Elle avait pris trop d'importance pour qu'il la laisse s'éteindre.
Sur un coup de tête, il abandonna son manteau de voyage et son veston rembourré sur le sol. Le froid pouvait le gagner, il avait néanmoins besoin de se sentir en pleine possession de ses mouvements et non accablé d’un surpoids indésirable.
Tout autour de lui, le sol commença à se craqueler à mesure que son chakra grimpait en intensité. Des fissures presque microscopiques se dessinèrent un peu partout selon une série de cercles plus ou moins réguliers tandis qu’une aura verte émeraude venait le recouvrir. Son épaisse chevelure de feu se souleva et se mit à danser comme une bannière abandonnée aux forts vents d’automne. Il sentit toute la fureur de son chakra brûler ardemment dans son corps et le deuxième cœur, celui qui ne lui appartenait pas, battre la mesure plus rapidement qu’il ne l’avait jamais fait.
Était-ce de la panique, de la peur, qui faisait battre son cœur aussi vite au milieu de la tempête ?
Cloisonnant ses yeux derrière ses paupières, Sho fit le vide dans sa tête. Il accorda toute son attention au cœur de la jeune femme. Il l’écouta comme on écoute un messager affolé: sans concessions, sans distinctions de rang ou de puissance. En reformant le dernier signe de sa technique suprême, il renforça le lien qui l’unissait à cette messagère perdue dans le blanc tranchant du Pays de la Neige. Il perçut alors l’afflux de sang dans ses veines aussi bien que les stimulus électriques qui animaient ses nerfs.
Son corps était en mouvement. La netteté avec laquelle il percevait cette information ─ notamment à travers l’afflux de sang dans les muscles de ses jambes ─ lui laissait entendre qu’elle se rapprochait au lieu de s’éloigner. S’était-elle finalement rendu compte du lien ?
Un craquement sec résonna sur sa droite puis un autre derrière lui. Malgré tout, Sho conserva sa concentration intacte. Il lui restait encore assez de réserves pour tenir une bonne heure.
Fort heureusement, il ne lui fallut attendre qu’une poignée de minutes avant de voir se dessiner la silhouette de la saltimbanque dans le manteau neigeux. Dès lors, il rompit le lien et tout ce qu’il avait perçu à l’intérieur d’elle retourna en elle. Il n’entendit plus que son cœur battre à un rythme nettement plus élevé que d’habituel. L’aura de son chakra se dissipa et ses cheveux retombèrent sur son visage comme si plus aucune force ne les retenait. Il entrouvrit sa bouche et apaisa son rythme cardiaque à grands coups d’inspirations et d’expirations, le bec de sa pipe toujours pincé aux coins de ses lèvres.
Dans ses yeux, le corps svelte de la saltimbanque eut à peine le temps de se dessiner qu'en une fraction de seconde son épaisse chevelure blanche obstrua son champ de vision. Tout se déroula si vite qu'il n'eut clairement pas le temps de réagir. Il sentit toute la froideur de sa peau entrer en contact avec la sienne, ses yeux s'écarquiller de surprise et sa mâchoire se desserrer. La tête en cuivre de sa pipe tinta en tombant sur le sol. Sa gorge happa le nuage de fumée qui stagnait dans sa bouche et une terrible sensation de brûlure l'envahit. Les larmes lui montèrent aux yeux et il toussa violemment en essayant de trouver des interstices pour inspirer de grandes bouchées d'air.
Est-ce que c'était une plaisanterie ?
Un frisson descendit le long de ses bras et lui confirma que non. Elle avait bien resserré son étreinte autour de lui.
Pour le protéger ? Mais de quoi ?
Sho resta parfaitement immobile. Ses paupières clignèrent frénétiquement pendant un temps puis elles s'arrêtèrent tout simplement de bouger. La flamme qui brûlait dans ses yeux sembla faiblir et un trait se dessina sur son front.
Lui qui était si peu coutumier des rapprochements physiques venait de tomber droit dans le piège qu'il s'efforçait habituellement d'éviter. Dire qu'il n'avait rien vu venir. C'était ridicule. Il était ridicule..
Avoir peur du contact des autres, redouter qu'ils s'approchent pour lui signifier des sentiments qui ne s'exprimaient pas par la parole. Y avait-il seulement quelque chose de plus ridicule en ce bas monde que cette peur insensée ? Probablement pas s'il se référait au peu de bon sens qui lui restait. Alors pourquoi n'arrivait-il pas à s'en défaire ? Pourquoi ne pouvait-il pas bouger ou tout simplement rendre le geste qui lui était donné ? Il était tétanisé.
Arriva pourtant un moment où ses yeux roulèrent dans ses orbites et où sa tête se tourna lentement vers la jeune femme. Ses yeux croisèrent les siens à travers ses mèches de cheveux. Il voulut lui dire quelque chose mais la sensation de brûlure qui enflammait sa gorge lui fit baisser la tête. Il toussa longuement en sentant comme un étau se refermer autour de son crâne.
Ridicule... indéniablement.
Sho – Vous savez... je ne plaisantais pas quand je vous conseillais de ne pas sortir par ce temps.
Il sourit tant bien que mal et ramena sa main droite sous son cou, effleurant au passage la taille de la jeune femme.
Sho – ... mais je suis soulagé de vous savoir saine et sauve.
Ses doigts tremblaient encore. Il essaya de le dissimuler en massant vigoureusement sa gorge pour se défaire de l'horrible sensation d'étouffement quand la réalité s'imposa encore plus clairement à lui. A croire qu'il venait de surgir d'une autre dimension dans laquelle il avait seulement reçu une étreinte. Ses yeux s'arrêtèrent sur l'épaule de Shiro et suivirent centimètre par centimètre la courbe de sa clavicule jusqu'à son cou. Ses pensées se figèrent une fois de plus quand il réalisa combien ils étaient proches l'un de l'autre. Une gêne sans nom l'envahit et lui fit détourner le regard vers le sol.
Il lui semblait sentir les pulsassions de son coeur battre à quelques centimètres du sien. Mais aussi son ventre se gonfler et se dégonfler au rythme de sa respiration. En revanche, sa peau avait perdu de sa froideur au profit d'une tiédeur qu'il lui aurait été difficile d'attribuer à autre chose que leur rapprochement soudain.
Toutes ces sensations se volatilisèrent avec l'éloignement. Shiro défit progressivement son étreinte et le laissa seul avec lui-même. Pendant quelques minutes, il ne fit ni ne dit plus rien. Son regard se contenta de suivre la saltimbanque quand ses mains retombaient, pour l'une, sur sa cuisse, pour l'autre, sur le sol. Elle tâtonna aveuglement le gel puis se referma sur l'objet convoité.
Le fourneau de sa pipe laissait encore échapper un mince trait de fumée quand il la ramena à ses lèvres.
Le parfum des feuilles consumées réanima progressivement son cerveau. Ses neurones se remirent progressivement en marche et ses pensées à circuler librement entre ses hémisphères.
Il avait réussi. Contre toute attente, il l'avait maintenu en vie. Était-ce de la fierté qui nouait son estomac ? Un simple soulagement ? Ou pire, autre chose ? Il était bien incapable de le dire. La tiédeur qui collait à sa peau l'empêchait encore de coller des mots sur certains de ses sentiments. Mais tout compte fait ça n'avait pas une si grande importance. Elle était en vie et c'était là le principal. Il avait accompli la mission qu'il s'était fixée. Il s'était prouvé qu'il en était capable.
Un franc sourire, léger mais franc, entailla son visage. Il s'épongea le front et dégagea les mèches qui obstruaient son regard pour mieux fixer la jeune femme.
Sho – Ce n'était pas simple de vous garder en vie.
Une pensée fugace traversa son esprit et lui fit froncer légèrement les sourcils.
Sho – Enfin... ce n'est pas ce que je voulais dire... si... mais enfin pas comme ça..
Il serra les dents sur le bec de sa pipe pour s'éviter de se coller une baffe.
Sho – Vous aimez les yakitoris ? Dédié à une personne chère sans qui ce post n'aurait jamais vu le jour de cette manière |
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| Sujet: Re: [Yuki no Kuni] - Sans visage Mer 6 Oct - 22:08 | |
| Un peu de chaleur, une fois, seulement une unique fois dans ce blizzard sans pitié, Aishuu ressentit un peu de chaleur embaumer son cœur.
Ce fut si bref, mais si inoubliable. Gravé dans sa mémoire, elle savait à présent l’effet d’une telle sensation. C’était doux, incroyablement doux, d’une douceur troublante. Troublée.
La jeune femme ne se rendait pas compte, à la naissance de ce geste, du rapprochement qu’il entraînait. Ses bras pâles avaient encerclé le buste fort du ninja, resté droit comme un i. Sa peau si fraîche était entrée en contact avec le corps du médecin. Il n’y avait eut rien de plus qu’un contact, un enlacement.
C’était à n’y rien comprendre. La Satsubatsu était une femme à homme, de plus, le genre de femme à homme fatale pour quiconque tomberait dans son filet. Cependant, ce geste-là n’avait rien d’intéressé. Sa réaction n’avait même rien de prévisible, pour l’autre, comme pour elle. Elle ne se rendait pas compte, pas à ce moment. Cette sensation de gêne qui lui était inconnue, elle ne se rendait pas compte qu’elle la découvrirait…
Elle ne vint en effet pas sur le moment, situé entre spontanéité et hâte, mais dès lors où sa peau d’ordinaire si froide se réchauffa.
Il se mit en place un silence lourd et faux, uniquement dans le but d’écraser un peu plus la tension sur leur épaule. Le rouge lui monta aux joues, mais elle pouvait prétendre à la chance d’être dans un lieu dans lequel la lumière se voulait timide. Une sorte d’espace tamisé…
Elle lâcha son emprise, se relevant dans la précipitation. Ses mouvements semblaient quelque peu désordonnés, et son agilité légendaire ne sembla n’être que l’ombre d’une farce. Dans la gêne et l’empressement, la saltimbanque manqua de glisser sur le sol givré. Elle tourna le dos un moment au kuméen, cachant sa tête entre ses mains, et laissant s’extirper un soupir d’affolement. La fine buée qui se dégagea de ses lèvres et qui fila entre ses doigts fit une mauvaise alliée pour la discrétion…
La Satsubatsu se sentait diminuée par le regard d’un inconnu, et transportée par sa surprise. Ce n’était pas une chose commune, surtout pour une femme si remarquable et qui aimait jouer de son physique si différent, qui choquait, pour aller là où elle le voulait. Ici, c’était différent.
L’intimité du lieu, plutôt que de lui apportait de l’assurance, la rendait de plus en plus petite, comme si, malgré elle, elle jouait constamment un rôle.
Aishuu fut prit d’un certain malaise et fit une petite moue dubitative. Elle regardait cette personne sans vraiment pouvoir n’en dissocié que des formes, car dans la luminosité si faible, même les couleurs semblaient devenir des détails. Il n’y avait à priori rien d’anormal, du moins, rien qui pouvait créer cet état de gêne. Elle joignit alors son majeur et son pousse, et porta sa main devant son visage. Soudainement, comme si elle arrachait un voile de question de sa tête, elle releva la main au dessus de sa tête, ce qui eut pour effet de faire apparaître son sourire. Inclinant alors la tête sur le côté, avec sa mine radieuse, la jeune femme glissa quelques mots en pagaille.
[Aishuu] : « Que fais-tu dans un tel cadre ? Yuki est un fabuleux village plein de ressources, mais en tant que ninja, ça ne doit pas être pour le pâturage… »
Aishuu se retourna sautillant vers l’embouchure du glacier, celle qui n’était pas obstruée. Elle se mit presque à marmonner.
[Aishuu] : « Entre l’obscurité et le bain de lumière, n’y aurait-il pas un compromis ? »
Elle cherchait à tâtons quelque filet solaire. La saltimbanque glissa un regard fugitif vers Sho, et lui ajouta d’une voix claire.
[Aishuu] : « Je dirais même ; j’adore les yakitori ! Et j’ajouterai… Viens compter avec moi les flocons ! Ca nous occupera un petit temps ! »
Prenant de l’avance sur le cheminement, Aishuu s’en alla pour venir s’asseoir devant l’entrée de la grotte, à l’abri, les genoux sous le menton. Elle souriait, bêtement, devant les neiges célestes… Elle l’attendait…
[Aishuu] : « Cette pluie est comme des larmes de coton nuageux des yeux du ciel… »
La jeune femme glissa sa main dans ses cheveux, dénouant ses fils d’une douceur brute. C’était comme si elle retombait dans une enfance incertaine. Ses yeux émerveillés suivaient les pluies avec une lueur de joie. Son sourire s’étendait un peu plus sur son visage, éventrant sa peau dans une pâleur heureuse. Elle était si bien là…
Elle sentait la présence de l’homme s’approcher.
[Aishuu] : « Tu sais où peut y avoir un temple dans les parages ? Je ne vois rien, et je n’ai rien vu en venant… Pourtant, je suis certaine qu’il est ici. »
Son regard balayait l’horizon à la recherche d’une architecture qui n’était visiblement pas là. Il avait beau chercher, creuser, gratter partout dans les couches de lumière, rien ne lui paraissait avoir cette allure de prestance. La musicienne cherchait impatiemment ce lieu de recueil où seul l’âme prônait sur l’être. Elle ne disait rien, souriant sans éclat, vers ses chutes d’argent.
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| Sujet: Re: [Yuki no Kuni] - Sans visage Ven 15 Oct - 23:42 | |
| 五 Yakitori... il n'avait vraiment rien trouvé de mieux à dire...
Sho se passa une main sur le visage et à travers ses doigts se mit à observer l'étrange réaction de la saltimbanque. Il remarqua le nuage de vapeur à la sortie de ses lèvres et se demanda une fois encore s'il n'avait pas rêvé depuis le début.
Son esprit lui assura que non.
Il ne pouvait encore clairement s'expliquer ce qu'il s'était passé. Tout était arrivé si soudainement que son esprit peinait encore à analyser l'affaire dans son ensemble. Ce qu'il savait en revanche, c'est qu'il avait perdu pieds pendant de si longues minutes qu'il en avait fini par parler de nourriture pour s'en sortir. Si le regard de la jeune femme n'avait pas pesé sur lui par moment, il se serait probablement infligé une claque pour se punir de sa propre bêtise.
Mais cela ne lui ressemblait pas. En tout cas essayait-il de s'en persuader.
En découvrant le sourire de la jeune femme, Sho se détendit. Ses muscles se décrispèrent et lentement mais sûrement il recommença à saisir tout le parfum des feuilles du Pays du thé dans sa bouche. Elle lui demanda ce qu’il faisait en ces lieux et lui ne trouva rien de mieux que la vérité à lui répondre.
Sho – Kumo et Yuki entretiennent d’assez bonnes relations par les temps qui courent. J’étais simplement venu les raviver.
Tout le monde, ou presque, savait qu’une très vieille amitié liait les deux villages. Et ceci pour une raison assez simple à comprendre. Quiconque possédait une carte du monde pouvait voir que le Pays de la Neige était un passage obligatoire pour le Pays de la Foudre. Les villages cachés de ces deux nations avaient donc tout intérêt à entretenir une coopération à grande échelle. En s’assurant le soutien d’Yuki, Kumo gagnait un poste avancé en dehors de ses frontières. Yuki, lui, y gagnait l’appui d’une grande puissance.
Tirant un peu plus sur son kiseru, Sho regarda Shiro s’éloigner sans bouger. Il écouta longuement ses mots résonner dans l’alcôve puis dans sa tête. Pendant un moment, il s’amusa même d’être tombé sur une femme qui était capable de changer de conversations aussi simplement qu’il pouvait y introduire les yakitori comme si de rien n’était.
Elle l’intriguait de plus en plus aussi bien par ses manières que par le sens caché qu’elle s’amusait à donner à toutes ses phrases.
Il avait entendu parler de ces saltimbanques qui voyageaient de pays en pays sans foi ni loi, si ce n’était la foi en l’art avec un grand “ a ”. Il avait bien sûr eu vent de la Compagnie des Renards, la célèbre école de Taijutsu qui allait et venait au gré des déplacements de ses membres. Et pourtant, ce monde lui restait profondément méconnu. Le spectacle était un art qu’on donnait que trop peu à pratiquer aux ninjas.
Son étonnement se mua progressivement en curiosité.
Elle aimait les yakitori et elle souhaitait compter les flocons de neige... S’il n’avait pas pris en compte le cadre dans lequel ils avaient échoués, il aurait probablement eu quelques doutes sur sa santé mentale et se serait empressé de s’interroger sur la sienne.
Au lieu de ça, l’eisei-nin décida de rompre son immobilisme pour se dresser sur ses deux jambes. Il saisit son manteau qu’il déposa dans la foulée près de son sac et de son nodachi. Penché sur son sac de voyage, il en sortit une boite rectangulaire de la largeur de sa main et deux jeux de baguettes.
Après tout, il n’y avait rien de mal à compter les flocons avec une parfaite inconnue et l’inviter à partager son repas quand on se retrouvait coincé dans une grotte par une violente tempête de neige ?
Aucun mal, se murmura-t-il à lui-même.
Guidé par la faible lumière qui lui parvenait de l’extérieur, il rejoignit la jeune femme à l’entrée de la grotte. Il s’arrêta à côté d’elle et porta ses yeux dorés vers le voile blanc qui tombait en continue dehors. Pendant quelques secondes, il resta contemplatif devant les prouesses de cette nature imprévisible. Après quoi, il tourna la tête et abaissa ses yeux sur sa partenaire d’infortune. La pâleur de sa peau lui sauta d’autant plus aux yeux que son visage était éclairé par la lumière du jour. Il jura d’ailleurs n’en avoir jamais vu de plus blanche.
Qui était-elle ?
La question revint marteler les portes de son esprit mais il décida de la laisser sur le palier. Il y apporterait une réponse en temps voulu et si le temps le voulait bien.
Intrigué mais pas au point d’en oublier ce pourquoi il l’avait rejoins, Sho s’assit en tailleur à sa gauche et se pencha en avant pour poser, entre eux, la boîte qu’il avait sortis de son sac de voyage. Il en fit coulisser lentement le couvercle et laissa la vue de la saltimbanque se délecter ou non des quelques volutes de fumée qui se dégageaient des reluisantes brochettes de blanc de poulet.
Sho – Permets-moi de t’inviter.
Il lui tendit un jeu de baguettes en croisant son regard.
Son léger sourire pendu aux lèvres, Sho en approcha une portion de viande. Il souffla légèrement dessus et la fit disparaître dans sa bouche, y provoquant l'explosion d'une myriade de saveurs. Ses yeux suivirent un moment le mouvement des flocons avant de glisser vers le sol de l'entrée. Sa mémoire se déverrouilla et les mécanismes gardés secrets de son esprit se mirent en marche pour retrouver la trace du temple que Shiro semblait être venu chercher au Pays de la Neige.
Ce pays comptait très peu de secrets. Tellement peu qu'il n'était pas compliqué pour lui d'en énumérer les places fortes. Yuki en était bien évidemment une, la plus grande qui soit. Derrière venait le village frontière avec le Pays de la Foudre, Okore, qui accueillait la deuxième plus grosse partie des troupes militaires du pays. Encore derrière suivait les deux temples blottis dans les montagnes. Le premier se trouvait à quelques kilomètres au sud de leur position. Sho l'avait repéré une année plus tôt au cours d'un voyage. Il n'avait pas la moindre idée de ce que le temple pouvait cacher en son sein au vu du nombre de personnes qu'il avait vu en entrer et en sortir mais il savait qu'ils ne leur faudraient que deux petites heures pour le rejoindre d'ici. L'autre temple ─ qui relevait définitivement plus du mythe que d'un temple conventionnel ─ était, disait-on, caché quelque part dans le nord du pays et qu'il accueillait une sorte de secte nourris du sang des dernières générations de samouraï.
Une pure folie, du point de vu de Sho. Mais le monde n'en était-il pas fait ?
La courbe de son sourire s'accentua sensiblement en avalant la portion de blanc de poulet grillé. Si Shiro cherchait un temple dans les parages alors il savait où et comment l'y amener...
Il leva ses yeux vers l'extérieure. Il savait comment l'y amener... mais pas avant que la tempête ne se soit calmée...
Sho – Je connais un temple plus au sud de notre position. Je ne sais pas si c'est le temple que tu recherches mais nous pourrions y être en un peu moins de deux heures.
Il saisit une autre portion de viande entre ses baguettes et leva encore un peu plus son regard pour saisir toute l'ampleur de l'interminable chute de neige.
Que cherchait-elle exactement à trouver dans ce temple ? Il n'en avait pas la moindre idée. Il n'avait déjà pas idée de ce qu'il pourrait lui-même y trouver. Tout ce qu'il lui avait été donné de comprendre, c'est qu'il s'agissait d'un lieu vraisemblablement très fréquenté. Hasard du jour où il l'avait découvert ou non, quelque chose de valeur devait être conservé entre ses murs.
Soudainement, il réalisa que sa curiosité l'avait poussé à s'inviter malgré lui. Il se passa une main sur la nuque et serra un peu les dents.
Qu'est-ce qu'il lui arrivait ? Ce n'était pourtant pas dans ses habitudes de se comporter de manière aussi étrange. En tout cas pas de son propre point de vue. C'était comme s'il ne trouvait rien d'autres que des idioties à répondre à l'illogisme de son interlocutrice. Avait-il pris un coup sur la tête ? Il lui semblait pourtant que non.
Sho – Enfin... si tu as besoin d'un compagnon de route bien sûr...
Sortis de leur contexte ces mots avaient encore moins de logiques que les revirements de conversation de la saltimbanque. Sho se résigna donc à ne plus rien dire faute de pouvoir dire quelque chose d'intéressant. Au bord de la crise de nerfs contre lui-même, il puisa deux portions d'un coup et les mastiqua longuement en fixant le voile blanc.
Par chance, il se disait que son visage n'exprimait pas grand chose. Pas même sa honte.
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| Sujet: Re: [Yuki no Kuni] - Sans visage Lun 18 Oct - 23:12 | |
| Les perles des neiges tombaient comme un rideau de fil sur un monde silencieux. Le ciel était totalement plein de nuage, semblables à des cumulus de coton. Non, il y avait quelque chose de plus doux dans leur image, ils semblaient si lisses, si satinés, qu’ils paraissaient de soie d’une blancheur pareil au linceul fantomatique. La douceur de la mort chantait dans cette hymne silencieuse qui baignait le paysage dans une atmosphère à la fois paradisiaque et morbide. La saturation de la teinte rappelait la forte lumière au bout du couloir… Sho et Aishuu se trouvaient là, confortablement installé, dans les limbes comatiques de l’esprit. Tout était si serein : personne ne craignait les ardeurs du jugement dernier, les yeux dans la tempête, à contempler la pluie d’étoiles cristallisées. La force tranquille régnait, caressant l’âme fraîche de la Fantôme.
Aishuu s’émerveillait devant l’apogée de la beauté violente. La neige, si douce, qu’elle semblait être un morceau de nuage décédé, si froide, elle en témoignait la mort, était aussi brute qu’une armée. En tempête ou en avalanche, elle avait toujours su se faire respecter dans le crime et l’effroi, elle qui était pourtant si douce. La jeune femme n’avait tué personne, mais l’idée était très fortement ancrée dans sa tête depuis un petit moment… Un jour prochain, elle pourra établir sa légitimité avec celle qui tombait par flocon. Son regard était d’une douceur enjôleuse, telle une enfant devant un papillon, la jeune femme aimait s’émerveiller devant les beautés empoisonnées de la mère Nature. Elle la jugeait responsable de temps d’horreur, et de tant d’injuste qu’elle en avait peur, c’est pourquoi elle préférait ne profiter que du meilleur, en délaissant le fléau qui rongeait son âme, mais surtout sa chair, fluide, navigant dans ses veines. La Satsubatsu, condamnée à n’être que de passage comme tous les autres, pouvait prétendre à un parcours plus court. Rien ne la rendait pourtant amère, pas même le fait qu’elle perde du temps sur le programme de sa vie déjà abrégée à cause de la nature qui se rebiffe. Il ne fallait pas qu’elle réfléchisse de cette manière si elle voulait conserver sa candeur en fleur.
Sho lui semblait réticent à l’idée de partager un parfait moment de naïveté avec elle, du moins, c’était ce que la saltimbanque se disait après avoir constaté qu’il ne la rejoignait pas. Ce n’était finalement qu’un moyen de se laisser désirer, puisqu’il s’approcha sans faire le moindre bruit sur le sol translucide et se pencha pour déposer une étrange boite sur le sol. Cette dernière attira toute l’attention de la voyageuse, totalement intriguée par cet objet qui, en somme toute, était des plus banals. Le jeune homme retira le couvercle du bout des doigts, sous le regard admiratif de sa compagne du moment. Des arabesques de fumées vinrent lancer un spectacle d’ombre en entrelaçant leur corps dont seule la vue pouvait jouir de les palper. Aishuu était immobile, inspirée par ce spectacle improvisé : elle voyait naître toute une mise en scène autour de cette simple matérialisation de la chaleur au milieu du froid. C’était à ses yeux magiques. Son regard se figea, alors que l’homme prenait place à ses côtés. D’ailleurs, sa main vint perturber la représentation lorsqu’il lui proposa une paire de baguettes. Le Rayon de lune continuait d’admirer tout ce qui se trouvait devant elle, comme si rien ne pouvait exister.
[Sho] : « Permets-moi de t’inviter. »
Au théâtre de vapeur ? Ce dernier perdait en intensité, laissant Aishuu sur sa fin.
La Blanche tourna la tête vers le ninja afin de lui répondre en un sourire, et aussi afin de voir comment il s’y prenait. Cependant, elle ne remplit pas sa mission immédiatement, totalement arrêtée par ce qui s’avérait être bien plus qu’un détail. Elle laissa d’ailleurs glisser une baguette d’entre ses doigts, tombant dans un cliquetis frais. Les yeux de la jeune femme parcouraient le visage, les cheveux, le corps du médecin, avec une fascination qui se mêla à la crainte par instant. Son regard était d’ambre, et sa chevelure de feu. Aishuu se mit à fermer les yeux pour pivoter devant la boite, la tête vers le bas. Dans sa petite caboche, tout se mélangeait, à mesure où l’image du kuméen venait se dessinait dans sa mémoire. A croire que ce profil était d’une banalité écrasante et que l’on en rencontrait à chaque coin d’avalanche. Entre ses lèvres fila un soupir brumeux qui vint danser autour de ses cheveux.
Depuis Kaishin, elle avait eu la chance de ne jamais rencontrer d’hommes répondant à ces critères peu communs. Elle était habituée à tout, pourtant-là, elle ne s’y faisait pas. Déjà précédemment, elle avait eu une altercation avec l’Ambre, lui expliquant qu’elle ne désirait plus sa compagnie, préférant mener une vie épicurienne. Le Destin avait vraiment envie de jouer avec elle. La musicienne n’osait plus le regarder, de peur qu’il remarque quelque chose, cependant, sa rigidité soudaine était bien plus alarmante quant au fait d’un éventuel problème. Elle voulait juste éviter de croiser les pupilles d’or et de miel de celui qui se trouvait à quelques centimètres de lui. Si naturelle et si imperturbable, cet homme avait décidé de lui présenter le goût de la gêne. Elle ne savait plus où se mettre.
L’attention du jeune homme se tourna vers elle, interrogateur, Aishuu le sentait. Soudainement prise de timidité, elle ramassa sa baguette, et la prit en main, testant voir si en les étreignant toutes deux, elles ne se croisaient pas. Sa main était un peu tremblante, et peu assurée, lorsqu’elle l’avançait afin d’attraper une bouchée, elle qui n’avait loisir de manger que lorsque le ciel était de grâce. Elle immisça timidement un morceau de viande entre ses lèvres, sentant son estomac se tordre, comme dès qu’un aliment se trouve près d’elle, elle qui ne mange généralement que tous les trois jours en période creuse. C’était un met succulent, auquel elle n’avait jamais pu prétendre. Des effluves de son parfum, jusqu’à la saveur délicate, les sens d’Aishuu étaient aux cieux.
Elle glissa son regard sur le côté pour voir Sho manger de bon appétit, ce qui la fit sourire tendrement. Le doute quitta son esprit : ils étaient bien trop différents. La saltimbanque se mit à s’illuminer à nouveau d’une étincelle de vie, son organisme reprenant vie au gré des quelques petites bouchées. Le visage radieux, elle se tourna vers le médecin pour lui souffler avec toute la joie possible.
[Aishuu] : « Merci ! C’est succulent ! »
L’entrain pétillait à nouveau dans sa pâleur cadavérique. La mort commençait lentement sa désertion, puisque le rideau de fer et de neige commençait à faiblir, alors que leurs attentions étaient tournées ailleurs.
Cependant, une nouvelle plus qu’une autre souleva son cœur.
Sho, tout en continuant de se requinquer à l’aide de ce fabuleux repas, lui annonça qu’il connaissait parfaitement le pays, et qu’il voyait bien où se situait l’achèvement du périple de la jeune femme. Mais encore plus qu’une simple indication, il lui proposa de la compagnie. Aishuu bondit de joie dès lors où il se proposa de l’amener à bon port, si bien qu’elle le gêna presque. La saltimbanque, joyeuse et enjouée, lâcha par mégarde.
[Aishuu] : « Je me sentais seule depuis la dispersion des Renards. »
Son visage semblait exprimer une émotion qui n’était pas forcément descriptible. La rencontre d’une nomade seule, qui craignait la solitude était une image toute aussi étrange. Sa main glissa dans ses cheveux pour les envoyer en l’air, tandis que la seconde venait chercher l’instrument dans sa sacoche. Dégourdissant ses muscles quelques secondes, elle porta le prolongement de sa main comme s’il s’agissait du morceau de viande qui le précédait, pour venir déposer le bec à l’embouchure de ses lèvres. Il régnait un calme cérémonial lorsque la musicienne se laissa aller au gré de quelques notes enivrantes. La musique vint s’immiscer un moment entre les deux vagabonds, qui se trouvaient ensemble. C’était devenu un réflexe presque naturel dès qu’elle était heureuse… Le regard clos, elle voguait sur les flots de sonorités aigues, dans une mélodie qui n’avait rien de l’Ode funeste qui avait permit la rencontre. La Kitsune voyageait selon les rythmes et les pulsations… Lorsqu’elle percuta sur ses paroles. Du fait de ce qu’elle avait appris chez les Renards, elle savait qu’elle pouvait être considérée comme dangereuse selon les personnes face à qui elle tombait. Bien que Sho n’eut rien de suspect à son égard, elle était consciente d’être parfois un peu trop naïve dès lors où on la mettait à l’aise. Elle cessa la musique sur le champ.
Elle ressentait encore le poids des interrogations du shinobi, alors qu’il avait laissé s’envoler ces dernières dès la première note. Alors que le silence avait repris sa place, Sho se mit à applaudir. Etonnée, Aishuu se tourna vers lui et fixa son regard d’améthyste, en cherchant à ne pas croiser l’ambre qui luisait en deux points sur son visage. Il avait l’air content, mais elle ne comprenait pas, surtout lorsque qu’il inclina la tête, comme pour lui faire passer un merci. Elle n’était pas une habituée aux gestes panégyriques à son égard. Bien qu’exubérante, elle se montrait très humble et fragile dès qu’il en venait aux compliments. L’ombre blanche lui répondit d’un sourire chaleureux, lorsque les lèvres du ninja se dessoudèrent pour laisser vaquer une remarque.
[Sho] : « Je ne connais pas vraiment le monde des saltimbanques mais ils ont quelque chose de surprenant. »
La musicienne se mit à rire en rangeant son instrument, puis vint le fixer droit dans les yeux sans le vouloir.
[Aishuu] : « On côtoie le bonheur dans la simplicité. Pour ma part, je ne comprends rien des ninja, des samouraïs, et des militaires. Vous avez tous une manie certaine pour les goûts de la complication. »
La jeune femme se pencha pour fermer la petite boite à senteurs, et chercha dans son sac un morceau d’étoffe pour essuyer les baguettes. Son sourire semblait encore plus éclatant : elle avait résister à ses yeux. Nettoyant avec application, elle lui tendit alors le tout et se releva, étirant ses muscles crispés par le froid de la glace qui lui servait de siège. Elle se sentait incroyablement bien, et partageait au possible cette douce sensation.
Le vent s’était calmé au dehors, et les quelques flocons peureux qui entamaient leur dernière mission n’étaient pas plus dangereux que les quelques goûtes de pluies à Ame. Le paysage s’était un peu dégagé, il était un peu plus permissible de regarder devant soi avant d’avancer.
Amicalement, elle se pencha vers Sho, lui tendant la main pour l’aider à se relever, avant de s’incliner devant lui.
[Aishuu] : « Merci pour tout, compagnon de route ! »
Elle se décala pour laisser la vue du ninja sur l’immensité blanche et déclara.
[Aishuu] : « Après la pluie vient le beau temps. »
C’était magique de pouvoir enfin se considérer sur terre, et non sur une alcôve flottante d’un monde suspendu. Imprévisible, la nature avait cessé de mener une guerre acharnée contre un ennemi invisible. Aishuu imaginait Nature funambule, suspendue à son fil invisible, heurtant l’adversité avec autant de grâce et de rage digne de Kazuhide. Cette pensée eut don de la faire sourire. Elle fit quelques pas, s’avançant vers l’extérieur de la tavernière de verre, ce lieu encore il y a peu interdit, enfonçant ses pieds dans la poudreuse pour admirer le paysage, tournoyant sur elle-même. C’était fantastique. Elle était folle, s’amusant à rire dans ce décor qui semblait gommé. La jeune femme se tourna vers Sho, et lui demanda d’une voix claire.
[Aishuu] : « Et si nous prenions la route ? Le temple sera sûrement un endroit plus chaleureux, et je suis si pressée. »
Le médecin acquiesça d’un hochement de tête accompagné d’un sourire, lui faisant signe de l’attendre. Il se retourna, et s’enfonça à nouveau dans la grotte, la petite boite et les baguettes en main, afin de ranger le tout dans son sac de voyage, et de reprendre son manteau. Dès lors où ses fournitures furent enfilées, il se retourna, et se pointa à l’extérieur. Il chercha Aishuu un peu partout.
Malicieuse, la saltimbanque s’était cachée, et lui annonça, tendrement…
[Aishuu] : « Par ici ! »
Sho se retourna, lorsqu’il reçut une boule de neige en plein visage. La musicienne était aussi réputée pour être plutôt douée dans l’art de viser, et une fois de plus, elle l’avait prouvé. Elle riait de bon cœur…
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Dernière édition par Shiro Kage le Ven 22 Oct - 14:55, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: [Yuki no Kuni] - Sans visage Mar 19 Oct - 16:07 | |
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: Vers l'infini et au-delààààààààà ^^
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